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Culture
“J’ai beaucoup de mal à distinguer l’aspect
esthétique des choses de leurs vérités”
L’auteur du roman le Sermon sur la chute de Rome, prix Goncourt 2012, a animé, dimanche,
une rencontre au Centre d’études diocésain, les Glycines. Une occasion pour l’écrivain de
revenir sur son rapport à l’écriture et sur l’élaboration de son précédent roman, Où j’ai laissé
mon âme.
Jérôme Ferrari était de retour, dimanche dernier, à Alger (entre 2003 et 2007, il a vécu en Algérie où il a
enseigné la philosophie au Lycée international d’Alger ; en 2011, il est venu présenter son roman Où j’ai laissé
mon âme) pour prendre part à une rencontre littéraire au Centre d’études diocésain, les Glycines, organisée en
partenariat avec le LIAD, l’AEFE et les éditions Barzakh. Cette rencontre a été une occasion pour l’auteur
d’aborder son œuvre littéraire et ses débuts dans l’écriture de fiction. “Je suis venu à l’écriture de la fiction
assez tard”, signale-t-il. Et d’expliquer que l’une de ses principales motivations a été d’écrire autrement sur la
Corse, car “le traitement qui était fait de la Corse était ridicule (clichés, honneur des femmes vengé dans une
sorte de vendetta, sacrifice d’une mère…” Pour lui, la fiction romanesque est une manière de “donner à voir le
réel dans une forme peut-être plus pure que les formes sous lesquelles il s’offre à nous dans la vie quotidienne”.
Et de souligner : “Pour moi, le travail de fiction c’est justement un travail d’épuration qui donne à voir la réalité
des choses. En quelque sorte, pour prendre une référence philosophique, je suis assez platonicien dans mon
esthétique, bien que Platon n’ait guère aimé les arts mimétiques, parce qu’un roman me semble dévoiler
quelque chose avec les outils qui sont ceux du roman et qu’on ne pourra pas trouver par exemple dans les
sciences humaines ou dans la philosophie”. Agrégé de philosophie et enseignant de cette discipline depuis
plusieurs années, Jérôme Ferrari a estimé que “la philosophie n’a jamais été ma manière de m’exprimer sur
cette saisie du réel. J’aime bien comprendre les choses et mon expression a toujours été le roman”. Selon lui, le
roman offre des “perspectives subjectives” qui rendent possible “un dévoilement du réel”. Pour étayer son
propos, il prendra l’exemple de son dernier roman, le Sermon sur la chute de Rome (éditions Actes Sud), en
révélant qu’il visait simplement à répondre à une question, qui a une tonalité métaphysique, selon laquelle
“Qu’est-ce qu’un monde?”. “J’ai essayé d’y répondre d’une manière qui n’est pas une manière philosophique et
métaphysique mais qui est proprement romanesque. Et je ne pense pas du tout au fond que la question
“Qu’est-ce qu’un monde?” soit plus philosophique que littéraire, c’est simplement les manières de répondre qui
changent (les outils, ce qu’on donne à voir, sous quel angle, quelle perspective, sous quelle lumière…)”, a-t-il
soutenu. Revenant sur son précédent roman Où j’ai laissé mon âme (éditions Actes Sud/éditions Barzakh), qui a
été “le plus rapide à écrire pour moi”, et celui qui a suscité de nombreuses questions chez l’auteur, relatives
notamment à la légitimité qu’il avait d’écrire un texte sur la guerre d’Algérie, Jérôme Ferrari éclairera
l’assistance sur les références qui existent dans ses livres aux grands textes sacrés de religions monothéistes et
sa tendance au mysticisme. “Dans Où j’ai laissé mon âme, j’ai trouvé la solution à ce qu’avait été un des
problèmes principaux. L’histoire du roman est manifestement inspirée de l’arrestation et l’exécution de Larbi
Ben M’hidi ; c’est le témoignage du colonel Allaire qui l’avait arrêté qui m’a donné envie d’écrire le roman. Cela
dit, je ne voulais pas faire un roman à clef et je ne voulais pas faire non plus un roman historique. Il fallait à la
fois ne pas nier l’inspiration historique du récit et de m’en éloigner d’une certaine manière pour ne pas faire de
redite romancée. J’avais donc besoin d’un décalage et je l’ai trouvé en concevant la structure du roman sur le
modèle de la Passion, et plus précisément sur le face-à-face entre Pilate et le Christ, c’est ça qui m’a sauvé du