VOTRE QUALITÉ DE VIE UN PATIENT EN DÉTRESSE NE RETIENT QUE 7 % DU VERBAL PAR SUSAN BERMINGHAM, M.PS. [email protected] PSYCHOLOGUE FAIRE FACE À L’AGRESSIVITÉ D’UN PATIENT Après une matinée bien remplie de consultations, vous entreprenez le reste de la journée avec, autant que possible, le même entrain qu’à l’habitude. Malgré tous les patients rencontrés en avant-midi, la salle d’attente demeure bondée. L’atmosphère y est tendue. Un homme semble particulièrement agité: il est rougeaud, paraît à bout de souffle, les traits tirés, d’apparence quelque peu négligée et semble agressif. Il se lève à plusieurs reprises et interpelle impoliment le personnel à la réception. Il se permet même d’injurier votre secrétaire qui tente de le calmer, en vain. Cela fera bientôt trois heures qu’il attend pour rencontrer un médecin. Sa petite fille de 3 ans souffre énormément à l’oreille: il exige qu’elle soit soignée dans les plus brefs délais. Avant même de les inviter dans votre bureau, vous envisagez divers scénarios d’une rencontre avec un individu aussi irrité. Prévoir sa réaction est difficile. S’il fallait que le cas ne soit pas grave et ne requière pas de prescription? Après plusieurs heures d’attente, cet homme acceptera-t-il de quitter les lieux les mains vides? S’emportera-t-il? Sera-t-il violent? Malgré votre professionnalisme, vous hésitez à le rencontrer. Comment se comporter face à un patient hostile, quand on entend quotidiennement dans les médias des histoires d’horreur sur l’état du système de santé qui génère de l’agressivité contre les médecins? La relation médecin-patient est un espace de souffrance. Les lieux de souffrance sont des lieux d’émotions, plus particulièrement des lieux d’expression des sen- 52 Santé inc. novembre / décembre 2007 timents d’injustice et de colère, donc des lieux propices aux conflits. Quand le patient vit un bouillonnement intérieur trop fort, il peut lui arriver d’exploser, d’être agressif et violent. Il peut être tendu émotionnellement, réfractaire à toute intervention professionnelle ou faire de l’intimidation psychologique en ayant des gestes et des paroles agressifs. Dans ces situations, il peut être tentant de vouloir éviter le patient, de le refiler à un collègue ou même de réagir par la confrontation et le ramener à l’ordre («Baissez le ton, je n’accepterai pas que vous me parliez ainsi»). Mais malheureusement, vous n’échapperez pas à cette situation: il vous faudra rencontrer le patient (retarder la rencontre ne ferait qu’augmenter sa colère), et le confronter ne ferait qu’empirer les choses. Mettre le blâme sur les conjonctures actuelles pour vous dégager du conflit ne vous placerait qu’en position de victime du système, en plus de vous sentir victime de votre patient. La seule manière de pouvoir gérer la violence de l’autre est de commencer par constater l’effet qu’elle vous fait. Il faut reconnaître son insécurité et sa propre peur face à l’agressivité et la violence d’autrui. Cela vous permet de vous attendre un jour à être confronté à un patient agressif et de savoir comment y réagir. On pensera d’ailleurs à l’avance à l’aménagement du bureau de façon à faciliter l’accès à la porte de votre bureau et à de l’aide extérieure si nécessaire: évitez d’être coincé entre la porte et votre patient si vous souhaitez quitter les lieux rapidement. Un patient en colère est en détresse émotionnelle ne peut retenir que 7 % de ce qu’on lui dit. Il y a fort à parier que votre patient ne vous entendra même pas s’il est agressif, 93 % de son attention passant par la sensibilité que vous aurez à son égard, votre attitude, votre ton de voix et vos gestes. Bref, le non-verbal. Soyez chaleureux et favorisez le contact visuel, ayez un ton calme et empathique avec de courtes phrases simples et claires, qui l’amèneront à s’exprimer sur ce qu’il vit intérieurement. L’écoute empathique vous permettra de faire sentir au patient qu’on comprend les raisons qui l’ont amené à réagir dans les circonstances présentes. L’énergie agressive s’apaisera et il se sentira compris et respecté sans être jugé. Même si cela est difficile dans le contexte de notre système médical, il est important de prendre le temps nécessaire et de ne pas brusquer la «pacification». Ainsi, vous reprendrez le contrôle de la situation et pourrez ensuite agir avec maîtrise et proposer des solutions appropriées au problème du patient. Si, malgré tous vos efforts, il est impossible de désamorcer l’agressivité de votre patient, trouvez un prétexte pour sortir de votre bureau, discuter avec un collègue de la situation de crise ou pour aller chercher l’aide appropriée. ⌧