52 Santé inc. novembre / décembre 2007
VOTRE QUALITÉ DE VIE
Après une matinée bien remplie de con-
sultations, vous entreprenez le reste de la
journée avec, autant que possible, le
même entrain qu’à l’habitude. Malgré tous
les patients rencontrés en avant-midi, la
salle d’attente demeure bondée. L’atmo-
sphère y est tendue. Un homme semble
particulièrement agité: il est rougeaud,
paraît à bout de souffle, les traits tirés,
d’apparence quelque peu négligée et sem-
ble agressif. Il se lève à plusieurs reprises
et interpelle impoliment le personnel à la
réception. Il se permet même d’injurier
votre secrétaire qui tente de le calmer, en
vain. Cela fera bientôt trois heures qu’il at-
tend pour rencontrer un médecin. Sa pe-
tite fille de 3 ans souffre énormément à
l’oreille: il exige qu’elle soit soignée dans
les plus brefs délais.
Avant même de les inviter dans votre bu-
reau, vous envisagez divers scénarios
d’une rencontre avec un individu aussi
irrité. Prévoir sa réaction est difficile. S’il
fallait que le cas ne soit pas grave et ne
requière pas de prescription? Après
plusieurs heures d’attente, cet homme
acceptera-t-il de quitter les lieux les
mains vides? S’emportera-t-il? Sera-t-il
violent? Malgré votre professionnalisme,
vous hésitez à le rencontrer. Comment se
comporter face à un patient hostile,
quand on entend quotidiennement dans
les médias des histoires d’horreur sur l’é-
tat du système de santé qui génère de
l’agressivité contre les médecins?
La relation médecin-patient est un espace
de souffrance. Les lieux de souffrance
sont des lieux d’émotions, plus particu-
lièrement des lieux d’expression des sen-
timents d’injustice et de colère, donc des
lieux propices aux conflits. Quand le pa-
tient vit un bouillonnement intérieur trop
fort, il peut lui arriver d’exploser, d’être
agressif et violent. Il peut être tendu émo-
tionnellement, réfractaire à toute inter-
vention professionnelle ou faire de
l’intimidation psychologique en ayant des
gestes et des paroles agressifs. Dans ces
situations, il peut être tentant de vouloir
éviter le patient, de le refiler à un collègue
ou même de réagir par la confrontation et
le ramener à l’ordre («Baissez le ton, je
n’accepterai pas que vous me parliez
ainsi»). Mais malheureusement, vous
n’échapperez pas à cette situation: il vous
faudra rencontrer le patient (retarder la
rencontre ne ferait qu’augmenter sa
colère), et le confronter ne ferait qu’em-
pirer les choses. Mettre le blâme sur les
conjonctures actuelles pour vous dégager
du conflit ne vous placerait qu’en position
de victime du système, en plus de vous
sentir victime de votre patient.
La seule manière de pouvoir gérer la vio-
lence de l’autre est de commencer par
constater l’effet qu’elle vous fait. Il faut
reconnaître son insécurité et sa propre
peur face à l’agressivité et la violence
d’autrui. Cela vous permet de vous at-
tendre un jour à être confronté à un pa-
tient agressif et de savoir comment y
réagir. On pensera d’ailleurs à l’avance à
l’aménagement du bureau de façon à fa-
ciliter l’accès à la porte de votre bureau
et à de l’aide extérieure si nécessaire:
évitez d’être coincé entre la porte et
votre patient si vous souhaitez quitter les
lieux rapidement.
Un patient en colère est en détresse
émotionnelle ne peut retenir que 7 %
de ce qu’on lui dit. Il y a fort à parier
que votre patient ne vous entendra
même pas s’il est agressif, 93 % de son
attention passant par la sensibilité que
vous aurez à son égard, votre attitude,
votre ton de voix et vos gestes. Bref, le
non-verbal. Soyez chaleureux et favorisez
le contact visuel, ayez un ton calme et
empathique avec de courtes phrases
simples et claires, qui l’amèneront à
s’exprimer sur ce qu’il vit intérieure-
ment. L’écoute empathique vous permet-
tra de faire sentir au patient qu’on
comprend les raisons qui l’ont amené à
réagir dans les circonstances présentes.
L’énergie agressive s’apaisera et il se
sentira compris et respecté sans être
jugé. Même si cela est difficile dans le
contexte de notre système médical, il est
important de prendre le temps néces-
saire et de ne pas brusquer la «pacifica-
tion». Ainsi, vous reprendrez le contrôle
de la situation et pourrez ensuite agir
avec maîtrise et proposer des solutions
appropriées au problème du patient.
Si, malgré tous vos efforts, il est impos-
sible de désamorcer l’agressivité de votre
patient, trouvez un prétexte pour sortir
de votre bureau, discuter avec un col-
lègue de la situation de crise ou pour
aller chercher l’aide appropriée.
FAIRE FACE À
LLAAGGRREESSSSIIVVIITTÉÉD’UN
PATIENT
UN PATIENT EN DÉTRESSE NE RETIENT QUE 7 % DU VERBAL
PAR SUSAN BERMINGHAM, M.PS.
PSYCHOLOGUE
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