la transformation de l`épistémologie et la notion du

Japon Review, 1995, 6: 127-130
LA TRANSFORMATION DE L'ÉPISTÉMOLOGIE ET
LA NOTION DU LIEU (BA, CHÔRA)*
ITO, Shuntaro
International Research Center for Japanese Studies, Kyoto, Japan
(Received 8 September 1994, accepted November 1994)
Il semble que notre temps se trouve à la veille d'une grande transformation
intellectuelle. Le temps moderne qui débute en le 17ème siècle a atteint à ses fins et
on cherche une nouvelle brèche maintenant.
Suivant ma division des périodes de l'histoire de la civilisation après que nous
avons traversé la révolution urbaine (naissance des civilisations originelles du pays
de Sumer, Égypte, Indus et Shang 3500-2000 avant J.-C.), la révolution spirituelle
(apparition de philosophie en Grèce, Chine et Inde 600-400 avant J.-C.) et la
révolution scientifique (formation de la science moderne en Europe au l7ème siècle),
nous entrons dans une autre révolution. L'épistémologie ne fait pas exception.
Le schème de l'épistémologie moderne, l'opposition sujet-objet se heurte à des
difficultés. Il en résulte que les discussions stériles entre matérialisme et idéalisme
ont été révélés. Afin de dépasser l'épistémologie habituelle de la structure sujet et
objet, je voudrais faire ici une rétrospective sur la manière de la relation entre le sujet
et l'objet.
Dans la pensée mythologique de la période de la révolution urbaine, il n'y a pas
de claire opposition entre le sujet et l'objet. Le sujet était couvert par les représenta-
tions collectives, terme de Lévy-Bruhl, et n'apparaissait pas encore indépendant de l'
objet. D'un autre côté, l'objet n'était pas non plus en opposition au sujet, mais il
était confondu avec le sujet.
Dans la pensée philosophique de l'époque de la révolution spirituelle qui com-
mence vers le sixième siècle avant J.-C., les individus sortent de la représentation
collective et le sujet se distingue de l'objet. La connaissance au cas d'Aristote, par
exemple, consiste à ce que le connaissant (sujet) reçoit la forme du connu (objet) sans
sa matière. Au cas de Démocrite, la connaissance a lieu, quand l'image (E'i 6COA0v)
de l'objet entre en contact avec l'âme (ïx~) à travers la réception de la forme ou
de l'image de l'objet par le sujet. Leur épistémologie relève de ce que les anglo-
américains appellent "copy theory". Ici, l'objet est prédominant et le sujet est
seulement réceptif.
En contraste avec celui-ci, dans la pensée moderne postérieure à la révolution
scientifique du 17ème siècle, le sujet est prédominant et l'objet est soumis. Dans
l'épistémologie de la philosophie moderne, l'objet est un construit par le sujet comme
* Conférence donnée au Centre de Recherches sur le Japon Contemporain
, École des Hautes Études en
Sciences Sociales, Paris, France, le 30 Mai en 1994.
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chez Kant, ou est un contenu de la conscience subjective comme chez Husserl (dans
ses premières aeuvres).
Nous allons développer, maintenant, notre critique de chacune de ces visions.
D'abord, il va sans dire que nous ne pourrons plus retourner au monde mythologi-
que (le monde d'unification indifférenciée entre le sujet et l'objet). En même temps,
le connaissance n'est pas la simple réception de l'objet dans le sujet. De plus, l'objet
de la connaissance n'est pas seulement le contenu de la conscience du sujet, comme
le prétend Husserl à sa pensée première.
La connaissance est à l'origine une relation entre le sujet et l'objet. Parce que
cette relation elle-même est connaissance, le sujet et l'objet doivent être considérés
comme un ensemble dès l'origine. Il n'y a ni le sujet ni l'objet avant cette relation.
Et le sujet et l'objet se forment dans cette relation elle-même. Il y a d'abord une
relation cognitive et le connaissant (sujet) et le connu (objet) se trouvent aux deux
termes de la relation.
De même qu'il n'est pas juste de séparer les deux et de réduire l'objet au sujet
(comme dans le conscientisme idéaliste), on ne peut faire du sujet le seul récepteur de
l'objet (comme dans le copisme matérialiste, par exemple, celui de Démocrite).
Aucune de ces deux thèses n'est juste.
On doit, donc, transformer le schème de l'épistémologie afin de dépasser la struc-
ture sujet-objet.
n n
J V
Une situation dans laquelle s (sujet, par exemple, je) et o (objet, par exemple, une
table) sont liés par une ligne est la connaissance elle-même. La connaissance est
dans cette relation-là. Par conséquent, la connaissance n'est pas uniterme, mais
biterme. Schématiquement on peut l'exprimer sous forme de fonction f (s, o).
Cependant, dans l'épistémologie telle qu'elle est envisagée jusqu'à présent, la cons-
cientisme idéaliste considère la connaissance comme f (s), et d'un autre côté le
copisme matérialiste la considère comme f (o). Toutefois, en effet, la réalité de la
connaissance n'existe ni dans le sujet ni dans l'objet, mais dans la situation totale qui
établit le rapport entre les deux. C'est cette situation totale qui établit une relation
f (s, o), que je voudrais l'appeler "ba" (le lieu) de la connaissance.
s o
\ ~ l
"ba" (le lieu)
Ici, je vous donne un exemple : Imaginez que j'ai ressenti la beauté inexprimable
du soleil rouge se couchant à l'horizon du désert sur le chemin de mon retour de
Babylone à Bagdad. En effet, je l'ai senti à ce moment-là.
Alors, est-ce que la beauté est dans moi-même ou dans le soleil? Il est clair qu'
elle n'est ni dans l'un ni dans l'autre, mais que la beauté se trouve exactement dans
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la situation totale qui lie moi au soleil. La connaissance n'est un attribut ni du sujet
ni de l'objet, mais elle est dans une relation des deux, f (s, o). Le mot connaissance
signifie co-naître. Donc, la connaissance naît avec les deux : s + o, c'est-à-dire, la
relation entre le sujet et l'objet.
Mais le lieu (ba) de la connaissance qui fait le rapport entre le sujet (s) et l'objet
(o) reste encore à l'état insuffisant.
D'abord, derrière (s1, je, moi) il y a le fond commun de la société, la culture et
l'histoire, grand S qui contient non seulement moi, mais aussi nous, sl, s2i s3 et cetera
ensemble.
sl_ ol
s2 02
S O
S3 p3
S4 Oq
i
i
"ba" (le lieu plus étendu de la connaissance)
C'est de s'abstraire de la réalité de la connaissance que s, (je) seulement connaît le
monde en séparation de S (société, culture, histoire). On connaît le monde néces-
sairement en étant formé historiquement et en appartenant à une société.
Ensuite, en correspondant à ce grand S, il y a du côté de l'objet connu, ol (une
table), 02 (un arbre), 03 (un chien) etc., un grand O, qui est ce qui est saisi comme
tel, en réfléchissant une certaine culture appartenant à une période donnée de l'
histoire.
La simple perception d'une table, d'un arbre, d'un chien, etc. n'est pas encore la
connaissance au sens suffisant. La connaissance humaine a lieu, quand on les
entend, interprète, explique comme quelque chose d'après une vision du monde. Par
exemple, la conception scientifique du monde les interprète comme une agrégation d'
atomes et de molécules. La philosophie grecque d'Aristote les entend comme
l'union de la forme et la matière. La vision mythologique antérieure à ces concep-
tions les comprend comme quelque chose dans laquelle de l'âme, du mana etc. est
caché.
Petit o, est l'objet de la perception immédiate, tandis que un grand O est un cadre
conceptuel du modèle plus intellectuel.
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Et le grand O est couplé au grand S, parce qu'une certaine vision du monde est
toujours produite par une certaine société ou culture.
Le relation dans laquelle ces quatre facteurs, c'est-à-dire, petit s, petit o, grand S,
grand O se rapportent l'un à l'autre n'est rien d'autre que "ba" (le lieu) de la
connaissance réelle.
Jadis, les hommes vivaient avec les dieux. Ensuite la philosophie grecque qui
commençait au sixième siècle avant J.-C. a dépassé ce monde mythologique et a
découvert rationnellement le monde de l'être ('ô v). On peut le nommer la transfor-
mation de la mythologie à l'ontologie. La philosophie moderne, depuis le dix-
septième siècle, a changé la tâche philosophique en l'investigation du moi qui
constitue le monde extérieur (par exemple, le cogito chez Descartes et le transzen-
dentales Subjekt chez Kant). On peut l'appeler la transformation de l'ontologie à
l'épistémologie.
Maintenant, nous avons besoin de rechercher ce qui existe au fond de le sujet et l'
objet. C'est exactement la recherche de "ba" (le lieu), que j'ai discuté ici.
Je voudrais l'appeler la transformation de l'épistémologie à la chôrologie (mot
inventé par moi). Le mot chôrologie dérive du mot grec chôra (xcopa) qui signifie
le lieu. C'est bien connu que Platon a traité en profondeur de la notion chôra dans
le Timée. Les similarités et les différences entre chôra de Platon et notre ba seront
la theme d'une autre discussion. Nishida Kitarô, un philosophe japonais moderne,
le premier penseur de notre temps à avoir pris conscience du concept du lieu, a
développé une philosophie de ba ou basho dans ses dernières oeuvres. La notion de
ftido (milieu) de Watsuji Tetsurô, un disciple célèbre de Nishida, est aussi un
développement du concept de ba à sa façon.
De plus, les notions de Lebenswelt (le monde de la vie) présesté dans les dernières
oruvres de la phénoménologie de Husserl et de monde vécu chez Merleau-Ponty, me
semble-t-il, se rapprochent de la notion ba, parce qu'elles expriment la réalité la plus
concrète du lieu où l'on vit dans le monde.
Ici, j'ai défini le schème de la chôrologie qui, je crois, deviendra de plus en plus
important dans la pensée post-moderne.
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