PH02 : Science, Technique et Politique chez les

publicité
PH02 : Science, Technique et Politique chez les Grecs.
NOTES DE COURS : MELANIE DELONCA
Pour étudier la place qu’avaient ces trois notions dans l’antiquité, nous nous sommes appuyés
sur différents textes. Le premier de ceux-ci : Le mythe de Protagoras, de Platon.
Tout d’abord, replaçons-nous dans le contexte et tentons de comprendre qui était Platon et
quels étaient ses écrits.
Platon, qui signifie en grec « le gros » ou « le large », fut l’inventeur officiel de la philosophie
qui vient du grec philo (qui aime, qui désire) et de sophie (le savoir). Il opposera cette
philosophie à la simple « sophia » portée par les sophistes.
Les textes de Platon, quant à eux, racontent les tribulations de Socrate qui va voir des gens
importants armé de ses questions pour leur montrer qu’ils ne savent pas car ceux-ci répondent
à ces interrogations par des exemples et autres définitions foireuses. Il va voir ces personnes
en leur disant qu’il ne sait pas et veut apprendre et leur démontre que eux non plus ne savent
pas. En fait, Platon dit ce qu’il pense à travers le propos de Socrate lorsque celui-ci raconte ce
qu’il a dit et vécu.
Ces textes sont structurés sous forme de dialogues entres différents personnages sur les
différences entre philosophie et sophia. En effet, la philosophie représente l’absence de savoir,
revendique le non-savoir. Mais la question se pose : va-t-on toujours rester ignorant ? les
dialogues caractérisant la philo sont aporétiques donc purement négatifs. Ces dialogues
développent néanmoins la question du « qu’est ce que c’est que… », question sur l’essence
même des choses.
Voyons maintenant l’histoire de la vie de Platon :
Platon est né en 427 avant J.C à Athènes dans une grande famille aristocratique. Sa vie
correspond à un moment de crise intense car Athènes perd pendant la jeunesse de Platon la
guerre du Péloponnèse (en 404 avant J.C) ce qui a renversé la démocratie Athénienne. Les
grandes familles de la ville instaurent alors un gouvernement oligarchique, c’est le
gouvernement des Trente Tyrans dont le chef est Critias, cousin de la mère de Platon. Mais
en 403 avant J.C, les Trente Tyrans sont renversés et c’est le retour à la démocratie qui
condamne Socrate en 399 avant J.C. Pour toutes ces raisons, Platon est contre la démocratie
Athénienne et passera sa vie à tenter de la faire disparaitre.
Entre 390 et 388 av J.C, il part pour un premier voyage en Egypte puis en Sicile où il se lie
d’amitié avec Dion de Syracuse, neveu de Denys de Syracuse, tyran de Syracuse.
En 388 av J.C, il revient à Athènes et crée l’Académie où est inscrit sur le fronton : « nul
n'entre ici s’il n'est géomètre ».
En 366 av J.C, il retourna en Sicile dans le but d’occuper un poste de conseiller mais Dion est
tombé en disgrâce auprès du nouveau Tyran, Denys (encore un). Il est donc viré de Sicile.
Téméraire, il revient en 361 av J.C où il reçoit le même accueil.
En 357 av J.C, il soutient une conspiration de Dyon contre Denys qui échoue. En 353 av J.C,
Dion est mis à mort. Entre temps, Platon a été enlevé et vendu comme esclave. Il a été racheté
par ses élèves.
Il mourut en 348 av J.C.
Platon a vécu en plein dans une période de doute pour la ville d’Athènes quant à son avenir.
Les positions de Platon étaient en plein dans les débats politiques de l’époque : comment
sauver Athènes et bien ajuster Science, Technique et Politique pour avoir un modèle qui
marche ? Bien sur, Platon avait ses idées et chercha à les faire appliquer. Il écrivit dans ce
sens de nombreux programmes politiques qu’il ne réussi heureusement jamais à faire
appliquer.
Platon a néanmoins son idée sur le classement Science, Technique et Politique et il ne se priva
pas de le faire savoir. Pour lui, la science est au sommet de tout le reste, c’est à elle de tout
gouverner. Son classement serait celui-ci : Science > Politique > Technique.
Voyons donc maintenant l’étude du fameux texte du Protagoras :
Contexte : Hypocrate tambourine à la porte de Socrate de bon matin et le sort du lit pour lui
demander de l’accompagner pour aller suivre les leçons de Protagoras, grand savant en visite
à Athènes. En effet, il est trop jeune pour pouvoir y assister seul, c’est pourquoi il est allé
demander l’aide de Socrate.
C’est alors que commence le premier dialogue où Socrate demande à Hypocrate ce que va lui
apprendre Protagoras, qui vient enseigner le savoir (sophia). C’est donc un dialogue sur le
sophiste. Finalement, Socrate décide d’aller lui-même aller poser la question à Protagoras. Il
lui demande donc en quoi Protagoras est un savant puisque c’est la définition même d’un
sophiste (qui sait). Celui-ci lui répond qu’il enseigne la vertu politique pour former des bons
citoyens. Pour Socrate, la vertu ne peut s’enseigner car elle ne relève pas d’un apprentissage.
Pour appuyer ses dires, Socrate explique que si la vertu politique s’enseignaient, alors les
enfants des hommes politiques seraient moins bêtes ce qui n’est pas le cas. Protagoras lui
répond alors par un mythe. C’est le fameux mythe de Protagoras que nous avons étudié.
Dans ce mythe, la technique est définie comme une compensation. La technique ne suffit pas
à elle seule. Il y a besoin de quelque chose en plus, qui est défini comme la politique. Se pose
alors la question de savoir quel partage doit être fait de ce nouveau « savoir », la politique. Il a
été décidé de le partager de manière égale entre tous. La « vertu politique est une vertu dont
chacun est pourvu, il suffit de la développer chez chacun » pour Protagoras.
Mais, parce qu’il y a coupure entre Politique et Technique, faut-il exclure les techniciens de la
politique ?
Pour comprendre un peu mieux la théorie qui définit Science, Technique et Politique, nous
avons alors étudié un deuxième texte : Platon, République, la genèse de la Cité.
Ce texte raconte le dialogue qui a eu lieu entre différents penseurs Athéniens.
Une question introduit ce discours : faut-il vivre en étant juste ?
D’un coté, nous avons Thrasymaque qui défend l’idée que si on est « une enflure » assez
malin pour ne pas se faire prendre, il ne faut pas s’en priver. Pour lui, cette condition est bien
meilleure que celle « du pigeon qui se fait plumer ».
De l’autre coté, nous avons Socrate qui va être le porte parole de ses collègues pour défendre
la justice auprès de Thrasymaque. C’est un combat de la justice contre la loi du plus fort.
Socrate commence en disant qu’il vaut mieux étudier la justice en grand, au niveau d’une cité,
avant de l’appliquer à un individu. Il a donc appuyé sa démonstration sur la construction
d’une cité politique. Il s’est posé la question de savoir pourquoi il y a des communautés
politiques. Il y a une grande cohérence dans le texte de Platon. Son discours se développera en
cinq temps.
Dans un premier temps, il s’est demandé s’il était possible de vivre seul, en parfaite autarcie.
A cette question, il répond que non car c’est insuffisant pour survivre. En effets, nous avons
des besoins fondamentaux qui ne seraient pas préservés. Il manquerait des vêtements, des
logements, les techniques de survie mais il y aurait aussi le danger des bêtes et, bien que
Platon n’y fasse pas allusions dans son texte, l’homme pourrait souffrir de la solitude. On peut
cependant citer Rousseau qui lui, pense que vivre seul est possible et que nous nous sommes
regroupés en société que suite à de grandes catastrophes, que cela n’est pas naturel.
Dans un second temps, Platon a considéré le cas d’une petite cité constituée de quatre à cinq
personnes où chacun amènerait des compétences particulières, et où chacun deviendrait le
spécialiste d’un besoin particulier. Se pose alors quelques questions : est-ce suffisant ? Cette
société a-t-elle vraiment tout ?
Pour Platon, ce n’est pas suffisant car il faut aller au bout de la logique : faut-il diviser le
travail pour mieux le faire ou alors chacun doit-il faire ce dont il a besoin (polytechnicien =
chacun conserve l’ensemble des rôles) ?
Platon pense que c’est une question d’efficacité que de diviser le travail
Mais on peut considérer deux conceptions quant à la division du travail.
Soit, on s’améliore, on se spécialise dans la réalisation d’une tache (cf texte Eloge de la
division du travail, par Adam Smith). Ici, la division du travail génère, produit de l’habileté.
Les acteurs sont des ouvriers non qualifiés.
Soit, on considère qu’il y a des dons naturels et que l’habileté produit la division du travail de
façon naturelle (théorie de Platon).
Mais les dons naturels existent-ils ou est ce dû à l’apprentissage ?
Platon choisit de continuer sur sa théorie de dons naturels et arrive tout naturellement à une
nécessité d’étendre la division du travail et donc d’agrandir la société existante.
C’est alors qu’intervient le troisième temps de son argumentation.
Plus de spécialisation induit nécessairement une société plus grande comme nous venons de le
voir. Or, de nouveaux besoin apparaissent. Le commerce avec d’autres sociétés va être
nécessaire car il est impossible à ce stade de vivre en autarcie. Dans cette logique du
commerce, l’import-export apparait, ainsi que les marchés donc la monnaie apparait. Le
besoin en qualification augmente également (besoin de marins, négociants, nouveaux
ouvriers, …). Sur le plan technique, cette société marche bien. Ici, la cité = système technique.
Mais cela suffit-il ?
L’étape suivante intervient avec l’arrivée du luxe, du superflu et du désir. On va au-delà du
besoin. Cette logique du superflu n’est pas totalement illégitime mais elle amène des besoins
de nouvelles qualifications : de nouveaux métiers voient le jour.
Arrive alors le cinquième temps de son argumentation, avec un problème qui est posé. Celuici est simple est compréhensible : si l’on augmente la population, il faut augmenter la
superficie des terres. Fatalement, il va y avoir des guerres. Soit nous irons envahir les voisins
pour leur prendre des terres, soit ce sont eux qui viendront nous envahir si toutefois nous
avions choisi de dire non au luxe et au superflu. Un nouveau besoin se crée alors, celui d’une
armée que se soit sur le plan offensif ou défensif. Dans la même logique, l’armée devra être
constituée de professionnels, comme pour les autres métiers, ce sera un métier fait par des
gens qui ont une propension naturelle à faire la guerre. Ces personnes devront être à la fois
« doux envers les leurs et rudes envers les ennemis » au risque de les voir détruire la cité.
C’est à ce moment que la politique apparait avec les guerriers qui ne participent pas à la
production comme les autres artisans.
De plus, pour que la société survive, il va falloir retirer tout ce qui pourrait corrompre les
guerriers et les rendre agressif envers les leurs. On va supprimer tout ce qui est source de désir,
c’est un retour à la société de besoin pour les gardiens. Il va falloir exclure les fabulistes, les
poètes… tous ceux qui apportent une certaine forme de savoir.
A partir de là, Platon va formuler deux thèses scandaleuses qui ont marqué son époque.
Platon va expliquer comment devront vivre et être choisis les gardiens. Pour lui, les gardiens
vivront dans une communauté de partage, il n’y aura donc pas d’union, les enfants
n’appartiendront à personne, il n’y aura pas de fortune personnelle, tout est commun, tout cela
dans le but d’éviter les conflits qui pourraient subvenir par jalousie. C’est la première thèse
scandaleuse que formulera Platon.
La deuxième thèse qu’il formula partait d’un constat supplémentaire. Il considérait que le
besoin était limité mais que le désir était illimité, que l’on ne savait pas le borner et que donc
il fallait une classe pour s’en occuper, s’occuper de gérer la vie des gardiens. C’est de là que
naquit dans sa théorie une toute nouvelle classe, « le monde des métiers ne suffit pas à faire
une cité viable » selon Platon. Pour lui, si on laisse la cité aux producteurs et artisans, on court
à la catastrophe, le système technique à lui seul n’est pas suffisant.
Mais alors qui seront les chefs ?
Nouvelle thèse scandaleuse : la cité sera placée sous la gouverne de philosophes rois.
Il faut un expert politique, ici le philosophe. C’est lui qui se chargera donc de toute
l’organisation politique dans les cités, toujours dans cette idée que la technique ne suffit pas,
que les cités ont besoin d’autre chose : la politique. Cette thèse est totalement opposée à la
démocratie Athénienne.
Voyons maintenant la classification pour Platon qui doit exister au sein d’une cité.
Tout en haut, nous retrouvons les savants, experts scientifiques qui possèdent le savoir et sont
emplis de raison et d’objectivité, puis les gardiens, ceux qui constituent l’armée, qui sont prêt
pour l’action mais dociles et dotés de discernement. Ils seraient recrutés par les savants. Enfin,
au bas de l’échelle sociale, nous trouverons les producteurs et autres artisans qui eux sont
gouvernés par le désir et le besoin.
Cette classification peut être réappliquée à tout individu (n’oublions pas que c’est là où Platon
voulait en venir).
Tout d’abord, nous avons la raison qui modère l’individu. Cette raison a besoin de la
résolution, force d’action pour modérer les désirs qui sont au bas de l’échelle. Donc la raison
gouverne le désir en s’appuyant sur la résolution. C’est une analogie du système appliqué aux
cités.
Chacune des classes est ici spécialisée dans un domaine particulier donc ni les guerriers ni les
producteurs ne pourraient se gouverner eux même.
Chez Platon, on peut également trouver une typologie des gouvernements qu’il a érigé et qu’il
est intéressant d’étudier (du mieux au moins bien selon Platon).
On trouvera en premier la sciento-cratie, gouvernement par la raison, par la science. Puis,
sous pouvons trouver le gouvernement par l’honneur où les gardiens auraient le pouvoir.
Ensuite, il y aurait l’oligarchie, qui serait un gouvernement de riches dont les désirs seraient
modérés par l’avarice. Avant dernière possibilité de gouvernement : le gouvernement des
producteurs, des égaux, autrement dit la démocratie qui représente l’opposé parfait du
gouvernement que prône Platon. Pour lui, cette démocratie gouvernée par « liberté, égalité,
luxe et désir » dégénère nécessairement en la dernière forme de gouvernement : la tyrannie,
où le désir d’un seul prend le pas sur le reste.
Ainsi, pour Protagoras et Platon, la technique ne se suffit pas à elle-même.
Dans ces textes, il y a une représentation particulière de ce qu’est et peut la technique qui
n’est pas du tout celle que l’on connait aujourd’hui. Il y a une relation très particulière entre la
technique et la nature.
Pour tenter de comprendre cette relation, nous pouvons voir un texte écrit par Aristote.
Aristote a réussi à classifier tout cela, le TOUT, en trois grandes catégories. Tout d’abord, les
choses qui sont par nature comme les animaux, les parties de ceux-ci, les plantes mais aussi
l’eau, la terre, le feu, l’air… ces choses ont un mouvement qu’elle s’imprime à elles-mêmes,
principe de mouvement et de repos.
Nous avons ensuite les choses qui sont artificielles comme les lits, les manteaux… ces choses
ne peuvent varier que par accident, selon la nature de ce en quoi elles sont faites mais ne
varieront pas en fonction de ce qu’elles sont.
Enfin, la dernière catégorie est constituée des choses qui sont par hasard.
De part ce schéma, la technique n’arrive pas à la cheville de tout ce qui est naturel, bien plus
important en taille et en capacité.
Pour Aristote, tout objet peut être caractérisé par quatre causes, et les objets naturels ont ces
quatre causes parfaitement fondues.
Ces quatre causes sont :
- cause matérielle (de quoi es tu fait ?)
- cause formelle (quelle est ta forme ?)
- cause efficiente (qui t’as fait et comment ?)
- cause finale (dans quel but t’as t’on fait ?)
La technique imite la nature car elle fait les choses si bien, puisque pour les objets naturels,
ces quatre causes sont confondues.
Nous avons un principe de subordination claire entre technique et nature où au mieux, la
technique peut imiter la nature (pour les grecs).
Les conséquences en sont que il n’y a pas de progrès technique chez les Grecs puisque la
technique ne doit pas transformer, dépasser la nature, il ne doit pas y avoir de domination.
De plus, la technique satisfait des besoins naturels et le nombre de besoins est fini. Le travail
du technicien est un travail de service.
Enfin, les possibilités d’invention, de faire plus que la nature sont mal vues, les techniques
naturelles sont bonnes, celles non naturelles qui vont un peu au-delà de la nature (bijoux,
friandises, …) ne respectent pas les besoins et sont considérées comme mauvaises. Ce qu’il
faut retenir, c’est que la technique se conforme à la nature sans chercher à la dépasser.
Téléchargement