Changement climatique : quel vin demain ? Quelle est l’influence du changement climatique sur la vigne et le vin ? Comment les viticulteurs peuvent-ils s’adapter ? Quels scénarios pour les régions viticoles françaises en 2050 ? En mars 2012, l’Inra a lancé un projet pluridisciplinaire fédérant 23 laboratoires de recherche autour de ces questions prioritaires. Baptisé Laccave (Long term impacts and adaptations to Climate Change in Viticulture and Enology), ce programme vise à examiner les principaux effets du changement climatique sur la vigne et le vin ainsi qu’à explorer les innovations et stratégies d’adaptation. 3 semaines d’avance en 30 ans © Fotolia Depuis une trentaine d’années, les données recueillies par l’Inra le prouvent : associé à des modifications de certaines méthodes de culture, le réchauffement a déjà provoqué une avancée de l’ensemble du cycle de croissance de la vigne, depuis la floraison jusqu’aux vendanges. Aujourd’hui, on vendange entre deux et trois semaines plus tôt qu’il y a trente ans ! Les baies sont plus sucrées et moins acides, ce qui conduit à des vins avec plus d’alcool et moins d’acidité. A terme, le changement climatique aurait aussi un impact sur le rendement, les cépages utilisés, les maladies et ravageurs. Dans le sud de la France, les conséquences majeures seraient des réductions de rendement et des vins plus concentrés, y compris en alcool. Dans les zones septentrionales, la maturation des raisins serait favorisée, entraînant des modifications des profils aromatiques des vins. De nouvelles régions pourraient aussi produire du vin, comme la Bretagne ou le sud-est de l’Angleterre. Vins et vignobles au futur Dans chaque région viticole, les acteurs se mobilisent et envisagent les leviers d’adaptation possibles. Sélectionner des variétés plus tardives ou produisant des raisins moins sucrés, utiliser des levures limitant la transformation du sucre, raisonner les futures plantations à partir de simulations de l’évolution climatique, modifier les réglementations... de nombreuses pistes sont à l’étude dans le cadre du projet Laccave ; en voici quelques exemples. ◗ Analyser les stratégies économiques Quelles sont les conditions économiques d’adaptation des producteurs et des consommateurs au réchauffement climatique ? A l’Inra et à l’Institut des sciences de la vigne et du vin de Bordeaux, économistes et œnologues analysent l’hétérogénéité des goûts et les consentements des consommateurs à payer pour des vins produits sous des conditions spécifiques de vendange tardive et de surmaturation des raisins. En 2013, ils ont lancé une étude associant notamment une trentaine d’experts de la dégustation et une centaine de consommateurs réguliers. Les résultats à venir complèteront d’autres travaux menés à l’Inra sur la perception de la réduction d’alcool dans les vins par les consommateurs. Extrait du dossier de presse « Quand le vin a soif de recherches » septembre 2013 Service de presse I 01 42 75 91 86 I [email protected] © Fotolia ◗ Un dispositif unique au monde Dans la perspective d’une modification éventuelle de l’encépagement en Bordelais, une parcelle expérimentale regroupant une cinquantaine de cépages a été mise en place sur un domaine expérimental de l’Inra, avec le soutien des professionnels de la filière viti-vinicole bordelaise. Plantée en juin 2009, cette parcelle baptisée Vitadapt, est unique au monde : 52 cépages, tous greffés sur le même porte-greffe, ont été sélectionnés et seront suivis chaque année pendant au moins trente ans. Les mesures réalisées sont multiples : phénologie de la vigne, suivi de maturation du raisin. La parcelle entre tout juste en production (première récolte en 2011) et des micro-vinifications sont prévues dans les années à venir pour caractériser les qualités œnologiques des cépages plantés. Ces travaux viennent en complément d’autres recherches de l’Inra portant sur le cycle de développement de la vigne et les variétés à faible teneur en sucres dans les raisins. ◗ Val de Loire : étude du climat à mini-échelles L’une des grandes régions viticoles françaises, le Val de Loire, connaît des nuances climatiques assez marquées qui expliquent en partie la diversité des vins produits. En menant des expérimentations sur des sites pilotes (Coteaux du Layon et Saumur Champigny), des chercheurs de l’Inra ont montré que cette diversité existe également à l’échelle des terroirs viticoles ou d’une appellation. Par ailleurs, ils ont analysé l’évolution de la composition des baies de raisins des six variétés les plus cultivées dans le Val de Loire. Leurs résultats révèlent une augmentation généralisée de la température et des indices bioclimatiques 1 de la vigne au cours des 60 dernières années. Ainsi, les perspectives du changement climatique pourraient impliquer une importante variabilité de la qualité des raisins et un changement de la typicité des vins. Mais ces travaux montrent également qu’il existe des marges d’adaptation à court ou à moyen terme pour maintenir la qualité et la typicité des produits actuels. Mesure de l’hétérogénéité des baies à la vendange, sur planche alvéolée (pour échantillonnage aléatoire). © Inra - Yves Cadot 1 Ces indices bioclimatiques calculent les facteurs de climat qui influencent la qualité des raisins ; ils prennent en compte par exemple les températures moyennes journalières au-dessus de 10˚C, la fraîcheur des nuits, la teneur en sucre, les propriétés du sol... ◗ Face à la sécheresse : agronomie et irrigation de précision En jouant sur l’opportunité et l’intensité de l’irrigation, il est possible d’élaborer des vins de qualités très différentes. Des chercheurs de l’Inra développent des outils pour évaluer les besoins en eau des différents cépages et piloter une irrigation de précision. L’enjeu vise une utilisation efficiente de l’eau, en se préoccupant de la préservation de cette ressource. Pour cela des études sont aussi en cours sur l’utilisation de ressources en eau alternatives, comme la récupération des eaux de pluie hivernales ou des eaux traitées des stations d’épuration. Service de presse I 01 42 75 91 86 I [email protected] © Inra - UEPR Zonage intra-parcellaire d’une parcelle Syrah située dans le massif de la Clape en fonction de l’évolution de l’état hydrique des ceps entre floraison et maturité. 1, 2, 3 et 4 : zones à niveaux croissants de contrainte hydrique. 0 : zone irriguée. Unité expérimentale Inra de Pech Rouge.