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SPECTRA ANALYSE 262 Juin - Juillet 2008
TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
DOSSIER IMAGERIE
JÉRÔME WENGER1,* ET HERVÉ RIGNEAULT1
* Pour correspondance
1Institut Fresnel – CNRS – Université Aix-Marseille – Domaine Universitaire de St Jérôme – 13397 Marseille Cedex 20 – E-mail : jerome.wenger@fresnel.fr
Web : http://www.fresnel.fr/mosaic
Nanophotonique
op
nop
Nanostructures photoniques
pour la détection exaltée de la fl uorescence
de molécules individuelles
I - Introduction
La capacité de suivre des réactions chimiques à l’échel-
le d’une molécule individuelle ouvre des perspectives
prometteuses pour l’analyse biochimique. En eff et,
isoler une molécule unique permet de révéler des in-
formations supplémentaires cachées dans des moyen-
nes d’ensemble opérées sur des milliers de molécules.
Parmi ces informations, on peut ainsi isoler des muta-
tions rares, accéder à la variétés des dynamiques tem-
porelles, ou révéler des états transitoires.
Parmi les diff érentes techniques permettant de dé-
tecter des molécules unes par unes, la microscopie
de fl uorescence est largement la plus répandue et la
plus utilisée, grâce notamment à sa forte effi cacité de
collecte du signal optique, la vaste variété d’informa-
tions dynamiques qu’elle peut apporter et la sélec-
tivité dans le marquage chimique. Il faut cependant
garder à l’esprit qu’une molécule fl uorescente (même
très effi cace optiquement) émet un nombre de pho-
tons relativement faible, typiquement de l’ordre de
107 photons par seconde, ce qui équivaut à une puis-
sance moyenne d’environ 4 picowatts répartie dans
toutes les directions de l’espace. Avec un signal aussi
faible, il est essentiel de maîtriser l’interaction entre la
molécule et le champ lumineux, et de mettre en œuvre
des techniques innovantes pour la détection exaltée de
l’émission. Cest à ce niveau qu’interviennent des inno-
vations récentes en nanophotonique (1-3), que nous
détaillerons dans la suite de cet article.
II - Les limites de l’état de l’art
Commençons par défi nir les problèmes de la techni-
que actuelle. Dans toute détection de molécule indi-
viduelle, isoler le signal utile du bruit est crucial. Ceci
s’eff ectue principalement par microscopie confocale,
où un faisceau laser d’excitation est fortement focalisé
par un objectif de microscope de forte ouverture nu-
mérique et où un trou de fi ltrage spatial – conjugué
optiquement au point de focalisation laser – permet
qu
iqu
RÉSUMÉ
Le contraste de fl uorescence est largement utilisé dans diff érents domaines de l’analyse biochimique. Améliorer
la détection optique de molécules uniques permet de fortement étendre le champ d’application de la
uorescence. Nous détaillerons dans cet article diff érentes avancées récentes en nanophotonique, qui ouvrent la
voie au contrôle de l’interaction entre une molécule et le champ lumineux.
MOTS-CLÉS
Nanophotonique, biophotonique, fl uorescence, plasmonique
Nanophotonics for enhanced single-molecule fl uorescence detection
SUMMARY
Fluorescence is widely used in various fi elds relevant to analytical biochemistry. Enhancing the optical detection of single
molecules largely extends the effectiveness of fl uorescence-based techniques. In this article, we will review some recent
breakthroughs in nanophotonics to enable the control of the interaction between light and a single emitter.
KEYWORDS
Nanophotonics, biophotonics, uorescence, plasmonics
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de rejeter le bruit de fond (1) (voir la fi gure 1). Pour
obtenir le meilleur rapport signal sur bruit, il est né-
cessaire d’utiliser une forte ouverture numérique de
focalisation afi n de maximiser l’intensité d’excitation
et la fl uorescence collectée, tout en minimisant la con-
tribution du bruit de fond (proportionnel au volume
d’analyse).
D’un point de vue fondamental, la microscopie confo-
cale se heurte au phénomène de diff raction, qui limite
le diamètre minimal d’un faisceau focalisé à environ
la longueur d’onde optique. D’un point de vue tech-
nique, cette approche est de plus limitée par le coût
et la complexité des objectifs ayant une ouverture su-
périeure à 1,45. Le plus petit volume défi ni par la mi-
croscopie confocale est alors de 0,1 fL (soit 0,1 μm3).
Pour obtenir des volumes d’analyse plus réduits, et
une contribution plus faible du bruit, le recours à des
techniques de nanophotonique s’impose comme une
solution (voir III - La nanophotonique pour isoler une
molécule).
Par ailleurs, l’ouverture limitée de l’optique pour col-
lecter la fl uorescence xe une limite au signal maxi-
mum détectable par molécule. Leffi cacité typique de
la collection de fl uorescence est de 5 %, ce qui amène à
un signal moyen par molécule de 500 000 photons dé-
tectés par seconde. Des structures nanophotoniques
permettent de dépasser ce seuil, (voir IV - La nano-
photonique pour exalter la fl uorescence).
III - La nanophotonique
pour isoler une molécule
Une limite essentielle de la microscopie confocale
pour défi nir le volume d’analyse repose sur la di-
rection selon l’axe optique. Alors que le diamètre
selon la dimension transverse peut être réduit sous
500 nm, selon la direction longitudinale, la diff rac-
tion impose des tailles supérieures au micromè-
tre. Une forte réduction du volume d’analyse peut
alors être obtenue en jouant uniquement selon cet
axe (2) ( gure 2).
Afi n d’éviter de sonder un volume étendu selon
l’axe optique, une option consiste à utiliser des
ondes évanescentes générées par réfl exion totale
interne sur une interface. Les ondes évanescentes
ne se propagent pas et décroissent exponentielle-
ment selon la distance à l’interface. Pour autant,
l’intensité locale portée par une onde évanes-
cente nest pas nulle, et peut exciter une molé-
cule fl uorescente. Cette approche est nommée
TIRFM pour total internal refl ection uorescen-
ce microscopy. Les volumes obtenus mesurent
typiquement 500 nm de diamètre pour 150 nm
d’extension axiale (4). Des objectifs de microsco-
pe spéciaux sont disponibles dans le commerce
pour cette méthode, mais la réfl exion total in-
terne dans un prisme de verre d’indice élevé peut
également être employée.
Pour réduire fortement le volume d’analyse, une
autre démarche consiste à confi ner la zone acces-
sible aux molécules en employant des capillaires
micro- et nanofl uidiques (5). La hauteur des ca-
pillaires, qui peut être aussi faible que 200 nm, fi xe
alors l’étendue longitudinale du volume d’analyse.
Cette démarche a l’avantage de pouvoir être cou-
plée à des forces électromotrices pour contrôler le
ux de molécules au travers de la zone d’observa-
tion. La caractérisation de fragments d’ADN isolés
a ainsi été réalisée (5).
Les deux approches décrites précédemment
– champ évanescent et nanostructure – peuvent
être combinées dans le cas de nano-ouvertures
percées dans des fi lms métalliques opaques (6).
Ces nano-ouvertures possèdent un diamètre de 30
à 100 nm, qui empêche toute propagation optique
directe. La lumière est alors confi e à l’entrée des
nano-ouvertures suivant les trois axes de l’espace,
ce qui produit des volumes de l’ordre de la dizaine
de zeptolitres (soit 10-20 L), autorisant la détection
d’une molécule individuelle dans une solution de
concentration supérieure à 100 μM. Cette appro-
che constitue actuellement le record en réduction
optique de volume d’analyse.
Enfi n, pour réduire le volume d’analyse tout en
conservant une simplicité d’utilisation et un fai-
ble coût, des travaux récents suggèrent l’emploi de
billes micrométriques en polystyrène (7). En posi-
tionnant une microbille au point de focalisation de
l’objectif de microscope, une réduction d’un fac-
teur 10 du volume confocal d’analyse a été obtenu,
conjointement avec une exaltation x4 du signal de
uorescence.
Figure 1
Schéma de principe
de la microscopie
confocale, volume
d’analyse, et spectres
d’absorption et
d’émission d’une
molécule fl uorescente.
Figure 2
Dispositifs
nanophotoniques
pour la réduction du
volume d’analyse de
molécules sous la
limite de diff raction.
La concentration
est indiquée pour
obtenir en moyenne
une molécule dans le
volume d’analyse.
Technologie appliquée
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Nanostructures photoniques pour la détection exaltée
de la fl uorescence de molécules individuelles
IV - La nanophotonique
pour exalter la fl uorescence
Une première approche pour augmenter le signal de
uorescence est d’améliorer l’effi cacité de collection
du dispositif pour diriger l’essentiel de la lumière émise
vers les détecteurs. Une mise en œuvre consiste à pla-
cer un miroir (empilement de couches diélectriques
ou fi lm mince métallique) au voisinage de la molécule,
ce qui a aussi pour eff et de modifi er les taux d’excita-
tion et d’émission de la molécule.
A titre d’exemple, dans le domaine des supports utili-
sés pour la fabrication de puces à ADN, l’emploi d’un
miroir optimisé permet une exaltation du signal d’un
facteur 10 à 15 comparativement à une lame de ver-
re simple (3, 8). Ce type de support fait l’objet d’une
commercialisation par la société française Genewave
(Palaiseau, Essonne - www.genewave.com).
Cette approche peut être combinée avec des structu-
res microfl uidiques pour aboutir à un montage de dé-
tection de molécules individuelles totalement intégré
sur puce (9).
Une seconde approche pour exalter le signal de fl uo-
rescence repose sur le renforcement local de l’intensité
lumineuse au voisinage de nanostructures métalliques.
L’interaction entre le champ lumineux, l’émetteur et la
structure peut être largement renforcée lorsqu’entrent
en jeu des résonances plasmoniques avec les électrons
libres en surface du métal. Diff érentes démonstrations
expérimentales ont été reportées pour des nanoparti-
cules métalliques (10) ( gure 3), des nano-ouvertures
dans des fi lms métalliques (11) ou des nano-antennes
(3). Toutes ces expériences montrent qu’un renfor-
cement du champ lumineux de plusieurs ordres de
grandeur peut être obtenu, mais que des précautions
doivent être prises pour éviter que les pertes dans le
métal ne viennent dégrader fortement le rendement
d’émission des molécules.
V - Conclusion
Des avancées récentes en nanophotonique permettent
de confi ner et d’exalter le champ lumineux, et donnent
accès à un contrôle de l’environnement électromagné-
tique d’une molécule individuelle. Tous les paramètres
de l’émission moléculaire (taux d’émission radiative,
temps de vie, directivité, photoblanchiment…) peu-
vent être modifi és. Ces nouvelles possibilités permet-
tent des améliorations essentielles dans la détection
de fl uorescence, et ouvrent des perspectives d’appli-
cations innovantes en biochimie analytique à l’échelle
d’une molécule individuelle.
Figure 3
Renforcement de l’intensité lumineuse entre deux nanoparticules
sphériques en or (diamètre 50 nm) éclairées par un faisceau
uniforme de longueur d’onde 467 nm (image fournie par
Brian Stout, Institut Fresnel). Léchelle d’intensité est en unités
logarithmiques. La courbe du bas indique une coupe transverse
selon l’axe passant par le centre des sphères.
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BIBLIOGRAPHIE
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