La serpentinisation, quand le manteau terrestre rencontre l’eau de mer…
La croûte des océans est mince (6 kilomètres voire moins dans certaines zones), elle se
forme à l’axe des dorsales lorsque les deux plaques s’écartent. Dans les océans dits « à
faible taux d’expansion », c’est à dire ceux dont le taux d’ouverture est inférieur à 3 ou 4
cm/an, l’écartement des plaques s’accompagne de la formation de grandes failles
d’extension qui découpent la croûte et font remonter les niveaux les plus superficiels du
manteau (figure 1). Dans certaines régions de l’Atlantique, ces failles ont un rejeu (c’est
à dire un décalage) tel, qu’elles amènent des péridotites jusqu’au plancher
océanique. Ces déchirures de la croûte océanique sont parmi les rares zones du monde
où l’on peut observer directement le manteau terrestre.
Lorsque l’eau de mer qui pénètre dans la croûte atteint des péridotites, elle réagit avec
l’olivine et avec les pyroxènes pour former de la serpentine. C’est le processus de
serpentinisation. Lorsque la péridotite est complètement serpentinisée, on appelle la
roche une serpentinite.
La serpentine est un silicate magnésien riche en eau, dont la formule est :
Mg
3
Si
2
O
5
(OH)
4
. La serpentine peut également contenir du fer, mais en quantités très
faibles.
Figure 2 :Réaction de serpentinisation conduisant à la formation de serpentine, de petites quantités de brucite
et de magnétite, avec un dégagement d’hydrogène. La couleur vive des minéraux dans la péridotite n’est pas
réelle, elle est due à l’observation au microscope sous lumière polarisée. La serpentine a une texture
caractéristique appelée « en nids d’abeille ». Les deux vues au microscope ont une largeur d’environ 0.2 mm.
Les réactions géochimiques accompagnant la serpentinisation
La serpentinisation s’accompagne d’un dégagement de chaleur, c’est donc une réaction
exothermique. La chaleur dégagée par la serpentinisation complète de 1 kg de
péridotite est de 250 Joules, de quoi élever la température d’un litre d’eau d’environ 50
degrés dans des conditions de température et de pression ordinaires.
La serpentinisation s’accompagne également d’un changement des propriétés
physiques de la roche. Le volume de la roche augmente, jusqu’à 30%, avec une
diminution associée de la densité. En effet, la serpentine est un minéral beaucoup moins
dense que l’olivine et les pyroxènes. Une péridotite non serpentinisée a une densité
d’environ 3300 kg/m
3
alors qu’ une serpentinite a une densité d’environ 2600 kg/m
3
.
Parallèlement, la vitesse de propagation des ondes sismiques diminue au cours de la
serpentinisation passant de 8 km/s dans les péridotites non serpentinisées à environ 5.5
km/s dans les serpentinites. La formation de magnétite au cours de la serpentinisation
s’accompagne d’une forte augmentation de la susceptibilité magnétique de la roche,
c’est à dire de sa capacité à s’aimanter. Enfin, la serpentine est moins résistante à la
déformation que l’olivine ou les pyroxènes. 15 ou 20% de serpentine dans une péridotite
suffisent ainsi à diminuer la résistance de la roche à la déformation, et peuvent en
particulier faciliter le mouvement sur les failles.