L’Année psychologique
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Division de l’attention et organisation en mémoire
épisodique : quand l’utilisation d’une stratégie altère
les performances de rappel
Capucine Toczé et Laurence Taconnat
L’Année psychologique / Volume 114 / Issue 01 / March 2014, pp 77 - 95
DOI: 10.4074/S0003503314001043, Published online: 05 March 2014
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Capucine Toczé et Laurence Taconnat (2014). Division de l’attention et organisation en
mémoire épisodique : quand l’utilisation d’une stratégie altère les performances de
rappel. L’Année psychologique, 114, pp 77-95 doi:10.4074/S0003503314001043
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Division de l’attention et organisation en
mémoire épisodique : quand l’utilisation d’une
stratégie altère les performances de rappel
Capucine Toczé et Laurence Taconnat
Université de Tours et UMR-CNRS 7295 - CeRCA, Tours, France
RÉSUMÉ
Cette étude explore l’effet de la division de l’attention et des indices de
récupération sur la stratégie d’organisation et l’efficacité de cette stratégie
sur les performances en mémoire épisodique. Six groupes de participants
ont appris et rappelé une liste de mots organisables en condition d’attention
divisée ou en condition d’attention focalisée. Des indices étaient fournis
(rappel indicé) ou non (rappel libre) au moment de la récupération. Les
résultats montrent que l’étape d’encodage est cruciale pour que la stratégie
d’organisation soit efficace. La division de l’attention à l’encodage conduit
en effet à un déficit d’utilisation de la stratégie d’organisation, définie par
l’absence de corrélations positives entre l’organisation et le rappel, que des
indices soient présentés à la récupération ou non. Un déficit d’utilisation
des stratégies peut donc s’observer avec du matériel familier chez des
adultes jeunes qui apprennent ou rappellent sous conditions attentionnelles
contraignantes.
Divided attention and organization in episodic memory:
When using a strategy impairs performance in recall
ABSTRACT
This study examined the effect of divided attention and retrieval cues on the organizational
strategy and on the efficiency of this strategy on episodic memory performance.
Participants learned or recalled a list of organisable words either under divided attention
or full attention. Cues were provided (cued recall) or not (free recall) at the retrieval stage.
The results showed that the encoding stage was crucial for the organizational strategy to
be efficient. Actually, division of attention at encoding leads to an organisational strategy
Correspondance: Université François Rabelais de Tours, Département de Psychologie-UMR-CNRS 7295, 3 rue
des Tanneurs, 37000 Tours, France. E-mail : taconnat@univ-tours.fr
E-mail : [email protected]ours.fr
Remerciements. La rédaction de cet article a pu être possible grâce au financement de l’ANR BLAN07_196867 :
Cognitive aging, strategic variations and executive functions in arithmetic, memory and skill acquisition.
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utilization deficiency, defined as a lack of positive correlations between the index of
organisation and recall, whether retrieval cues are provided or not, which means that even
if participants organize the words, they do not recall more words of the learned list. Thus,
a strategy utilization deficiency may appear with familiar materials in young adults who
learn or recall under particularly restrictive attentional condition.
1. INTRODUCTION
L’organisation en petites unités du matériel à mémoriser est un moyen
d’augmenter les performances de rappel libre, lorsqu’aucune aide n’est
fournie au sujet lors de la récupération des informations en mémoire
épisodique (Bousfield, 1953 ; Denney, 1974 ; Kausler, 1991 ; Taconnat,
Raz, Toczé, Bouazzaoui, Sauzéon, Fay, & Isingrini, 2009). Toutefois, parce
que cette stratégie est coûteuse en attention, son utilisation pourrait
nuire aux performances en mémoire chez des individus de faible capacité
attentionnelle, ou ceux qui n’ont pas la possibilité de mobiliser leurs
ressources attentionnelles pour cette tâche. Un des principaux objectifs de la
présente étude est donc d’examiner, par le biais d’études corrélationnelles,
leseffetsdeladivisiondelattentionsurlesrelationsentrelaqualitéde
l’organisation objectivée par un indice d’organisation et les performances
mnésiques mesurées par la quantité de mots rappelés.
La qualité de l’organisation s’observe lorsqu’après la présentation
d’une liste catégorisable (les mots appartiennent à quelques catégories
sémantiques), les sujets ont tendance à rappeler ensemble (en groupes)
les mots appartenant à la même catégorie sémantique. Lors du rappel,
elle peut alors être quantifiée par des indices, comme l’Adjusted Ratio
Clustering (ARC, Roenker, Thompson, & Brown 1971). Les études qui ont
recherché un lien entre cet indice d’organisation et le nombre de mots
rappelés ont observé une corrélation positive entre les deux, indiquant
que mieux les sujets organisent, plus ils rappellent (Denney, 1974 ;
Taconnat et al., 2009 ; Taconnat, Baudouin, Fay, Raz, Bouazzaoui, El-Hage,
Isingrini, & Ergis, 2010). Cette corrélation entre l’indice d’organisation
et les performances en rappel est un bon indicateur de l’efficacité de
l’utilisation de la stratégie d’organisation sur les performances en mémoire
épisodique. Toutefois, le lien entre stratégie et rappel n’est pas toujours
observé, ce qui reflète un déficit d’utilisation de la stratégie d’organisation,
que nous nommerons tout au long de cet article «déficit d’utilisation
de stratégie »(strategy utilization deficiency,Milleret al., 1994). Celui-ci
caractérise le profil des enfants qui, à un stade de leur développement,
sont en mesure d’organiser les informations apprises, mais pas encore
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de bénéficier de cette stratégie pour augmenter leurs performances en
mémoire (par ex., Coyle & Bjorklund, 1996). Cette absence de lien entre
organisation et rappel a également été retrouvée chez les adultes jeunes
souffrant de dépression (Taconnat et al., 2010), et les adultes âgés (Denney,
1974 ; Taconnat et al. ; 2009), bien qu’ils soient en mesure d’organiser les
informations au moment du rappel (c’est-à-dire, l’indice d’organisation
est différent de 0). Le manque de connaissances générales et de familiarité
avec le matériel ou les stratégies elles-mêmes pourraient être responsables
de ce déficit chez les enfants (par ex., Gaultney, Bjorklund, & Goldstein,
1996). Ainsi, l’exécution de stratégies non familières nécessiterait une
proportion importante des ressources attentionnelles, qui ne seraient dès
lors plus disponibles en quantité suffisante pour traiter les informations à
mémoriser (par ex., Bjorklund & Harnishfeger, 1987 ; Miller, 2000 ; Miller,
Seier, Probert, & Aloise, 1991). Cette explication a été confirmée dans une
étude montrant que lorsque du matériel non familier était utilisé (des
«non-mots »organisables selon leur initiale), un déficit d’utilisation des
stratégies apparaissaient chez les adultes jeunes, en particulier ceux dont les
capacités en mémoire de travail étaient les plus faibles (Gaultney, Kipp &
Kirk, 2005). L’interprétation du déficit d’utilisation de stratégie, en termes
d’absence de familiarité avec le matériel associé à un déficit de ressources
attentionnelles, semble donc satisfaisante. Toutefois, cela n’explique pas les
données observées dans certaines études chez les adultes âgés (Denney,
1974 ; Taconnat et al., 2009), ou des adultes jeunes dépressifs (Taconnat
et al., 2010), qui semblent présenter également un déficit d’utilisation des
stratégies d’organisation avec du matériel familier, même si leur profil n’a
pas été traduit en ces termes par les auteurs.
Le déficit d’utilisation des stratégies ne serait donc pas une carac-
téristique du développement mais plutôt la conséquence d’un manque de
contrôle attentionnel, empêchant les individus de mettre à la fois en place
les processus d’organisation et de mémorisation (c’est-à-dire, encodage
et/ou récupération). Cette interprétation est cohérente avec le fait que le
déficit de contrôle attentionnel est une caractéristique présente à la fois chez
les adultes âgés (Rabinowitz, Craik, & Ackerman, 1982) et chez les patients
dépressifs (Hartlage, Alloy, Vàzquez, & Dykman, 1993). L’utilisation de la
stratégie d’organisation et la mémorisation impliquent toutes les deux des
processus coûteux en attention (voir Park et al., 1989 ; pour l’organisation,
et Craik, Govoni, Naveh-Benjamin, & Anderson, 1996, Naveh-Benjamin,
Craik, Gavrilescu & Anderson, 2000, pour la mémoire). Ainsi, en fonction
de la priorité que les sujets donnent à la mise en œuvre de l’un ou
l’autre de ces processus, ils pourront soit organiser les informations, soit
mémoriser ces informations. De ce fait, si les sujets de faibles capacités
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attentionnelles utilisent leurs ressources pour organiser (et donc, au moins
repérer les catégories présentes), celles-ci ne seront plus suffisantes pour
traiter les mots eux-mêmes et les mémoriser. Si cette hypothèse est valide, le
déficit d’utilisation de stratégie pourrait apparaître chez des adultes jeunes
en utilisant du matériel familier et dans des conditions attentionnelles
particulièrement contraignantes, comme les tâches réalisées en condition
d’attention divisée. Les études citées plus haut n’ont fait qu’inférer des liens
entre ressources attentionnelles et efficacité de la stratégie d’organisation.
Dans celle-ci, nous explorons directement et pour la première fois le rôle de
l’attention à l’encodage et à la récupération sur l’efficacité de l’utilisation de
la stratégie d’organisation sur des tâches de rappel. Pour cela, nous étudions
les corrélations entre les performances au rappel et l’indice d’organisation
dans chaque condition expérimentale. En effet, une association forte entre
ces deux variables indique que les participants utilisent l’organisation
pour améliorer leur mémoire, tandis qu’une absence d’association ou une
association plus faible révèle un déficit d’utilisation de stratégie. Dans ce
cas, les participants peuvent soit rappeler les informations apprises d’une
façon non organisée (par exemple en essayant de les rappeler dans l’ordre
où elles ont été présentées), soit tenter d’organiser ces informations mais
en conséquence, en rappeler moins. C’est ce que nous appelons ici l’effet
«vases communicants », qui se produit lorsque les individus dont les
ressources attentionnelles sont réduites (c’est-à-dire, enfants, personnes
âgées, patients dépressifs) tentent d’organiser les informations, ce qui sature
leurs ressources, les rendant insuffisantes pour traiter les informations à
mémoriser. Dans ce cas, on observe un indice d’organisation élevé, mais
des performances au rappel faibles, se traduisant par une faible corrélation
entre les deux mesures.
Lorsdestâchesdemémoire,unapportdindicesaumomentdurappel
facilite la récupération des informations apprises (par ex., Tulving &
Osler, 1968) à condition que ces indices aient également été présents au
moment de l’encodage (Tulving & Thomson, 1973). Dans ce contexte,
l’augmentation des performances de rappel dans le cas d’une liste
organisable suggère que les noms de catégories ont été encodés au moment
de l’apprentissage de façon auto-initiée (c’est-à-dire qu’aucune consigne
n’informe qu’il faut enregistrer les noms de catégories), et que le rappel
des catégories, servant d’indices de récupération également auto-initiés
(c’est-à-dire non présentés directement mais initiés par le sujet lui-même)
va faciliter la récupération des exemplaires de catégories. Les processus
auto-initiés sont coûteux en attention (Craik, 1983). En conséquence, on
peut facilement comprendre que l’organisation des informations dans une
tâche de mémoire épisodique, nécessitant la mise œuvre de processus
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