Organisation et attention 79
de bénéficier de cette stratégie pour augmenter leurs performances en
mémoire (par ex., Coyle & Bjorklund, 1996). Cette absence de lien entre
organisation et rappel a également été retrouvée chez les adultes jeunes
souffrant de dépression (Taconnat et al., 2010), et les adultes âgés (Denney,
1974 ; Taconnat et al. ; 2009), bien qu’ils soient en mesure d’organiser les
informations au moment du rappel (c’est-à-dire, l’indice d’organisation
est différent de 0). Le manque de connaissances générales et de familiarité
avec le matériel ou les stratégies elles-mêmes pourraient être responsables
de ce déficit chez les enfants (par ex., Gaultney, Bjorklund, & Goldstein,
1996). Ainsi, l’exécution de stratégies non familières nécessiterait une
proportion importante des ressources attentionnelles, qui ne seraient dès
lors plus disponibles en quantité suffisante pour traiter les informations à
mémoriser (par ex., Bjorklund & Harnishfeger, 1987 ; Miller, 2000 ; Miller,
Seier, Probert, & Aloise, 1991). Cette explication a été confirmée dans une
étude montrant que lorsque du matériel non familier était utilisé (des
«non-mots »organisables selon leur initiale), un déficit d’utilisation des
stratégies apparaissaient chez les adultes jeunes, en particulier ceux dont les
capacités en mémoire de travail étaient les plus faibles (Gaultney, Kipp &
Kirk, 2005). L’interprétation du déficit d’utilisation de stratégie, en termes
d’absence de familiarité avec le matériel associé à un déficit de ressources
attentionnelles, semble donc satisfaisante. Toutefois, cela n’explique pas les
données observées dans certaines études chez les adultes âgés (Denney,
1974 ; Taconnat et al., 2009), ou des adultes jeunes dépressifs (Taconnat
et al., 2010), qui semblent présenter également un déficit d’utilisation des
stratégies d’organisation avec du matériel familier, même si leur profil n’a
pas été traduit en ces termes par les auteurs.
Le déficit d’utilisation des stratégies ne serait donc pas une carac-
téristique du développement mais plutôt la conséquence d’un manque de
contrôle attentionnel, empêchant les individus de mettre à la fois en place
les processus d’organisation et de mémorisation (c’est-à-dire, encodage
et/ou récupération). Cette interprétation est cohérente avec le fait que le
déficit de contrôle attentionnel est une caractéristique présente à la fois chez
les adultes âgés (Rabinowitz, Craik, & Ackerman, 1982) et chez les patients
dépressifs (Hartlage, Alloy, Vàzquez, & Dykman, 1993). L’utilisation de la
stratégie d’organisation et la mémorisation impliquent toutes les deux des
processus coûteux en attention (voir Park et al., 1989 ; pour l’organisation,
et Craik, Govoni, Naveh-Benjamin, & Anderson, 1996, Naveh-Benjamin,
Craik, Gavrilescu & Anderson, 2000, pour la mémoire). Ainsi, en fonction
de la priorité que les sujets donnent à la mise en œuvre de l’un ou
l’autre de ces processus, ils pourront soit organiser les informations, soit
mémoriser ces informations. De ce fait, si les sujets de faibles capacités
L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2014, 114, 77-95