chirurgie thoracique cardio-Vasculaire - 2012 ; 16(2) : 72-81 73
c h i r u rg i e c a r d i aq u e
1. INTRODUCTION
Les programmes d’assistance circulatoire ont été développés
initialement pour des patients en insuffisance cardiaque termi-
nale ne pouvant être transplantés en raison d’un manque de
greffon ou en cas de contre-indication temporaire (infection,
cancer…). Le concept d’assistance circulatoire définitive est ap-
paru secondairement grâce à l’étude REMATCH [1] qui com-
para la survie et le statut fonctionnel de patients en insuffisance
cardiaque sévère, selon qu’ils recevaient un traitement médical
optimal ou bénéficiaient de la pose d’une assistance circula-
toire monoventriculaire gauche en alternative à la transplan-
tation. Parmi les assistances circulatoires mono ventriculaires
gauches, on peut distinguer les assistances à flux « laminaire »
ou « continu » et celles à flux pulsatile. Les pompes à flux la-
minaire ont fait l’objet de progrès considérables. Ces machines
présentent actuellement une excellente durabilité à long terme
[2] pour un débit important (> 5 l/min). Une des principales
différences entre les pompes pulsatiles et les pompes à flux
continu est leur mécanisme de remplissage. Les assistances à
flux pulsatile peuvent être mises en route selon un mode « fill
to empty ». Cela signifie qu’elles peuvent fonctionner de façon
synchrone avec le ventricule auquel elles sont reliées afin de
pouvoir le décharger complètement. À l’opposé, les assistances
à flux continu sont précharge-dépendantes. Elles nécessitent
ainsi l’existence de pressions positives en amont de la pompe
et voient leurs performances améliorées lorsque le remplissage
du ventricule est satisfaisant. Elles font également intervenir
de manière plus discrète la loi de Starling : pour une vitesse
de pompe donnée, une augmentation de l’activité du patient
entraînera une légère augmentation du débit cardiaque du fait
de la réponse du cœur natif selon cette loi. En théorie, cette
augmentation du débit selon la loi de Starling permettrait aux
patients insuffisants cardiaques « assistés » de reprendre leurs
activités quotidiennes. Cependant, ces nouvelles pompes dimi-
nuent la pulsatilité physiologique et n’autorisent pas une dé-
charge aussi importante du ventricule que le permettaient les
premières pompes pulsatiles [3-4]. Leurs propriétés hémodyna-
miques restent imparfaitement connues, notamment dans des
conditions de stress hémodynamique tel que l’effort. En effet,
ces pompes monoventriculaires ne possèdent pas actuellement
de système d’autorégulation : l’assistance n’augmente donc pas
son débit lorsque le patient réalise un effort supplémentaire.
Cette absence d’auto-adaptation a été à l’origine de plusieurs
études ces dernières années pour proposer un algorithme de ré-
gulation [5-6] prenant en compte différents paramètres (aspect
des courbes de pressions, différence de pression entrée-sortie
de l’assistance…). Bien que les premiers résultats semblent
encourageants, aucun système de régulation n’est cependant
cliniquement disponible à ce jour. Ces pompes à flux continu
peuvent elles-mêmes être classées en deux sous-groupes se-
lon leur mécanisme de fonctionnement : pompe centrifuge
ou pompe axiale. Le HeartMate II (Thoratec®, États-Unis)
(HTMII) est une assistance axiale à flux laminaire dit de 2e gé-
nération, implantée pour la première fois en novembre 2003
[7]. À l’opposé, le VentrAssist (Ventracor®, Australie) (VTS) est
une assistance à flux laminaire possédant une pompe centri-
fuge dite de 3e génération. Sa première implantation a été réa-
lisée en juin 2003 [8].
La création de modèles expérimentaux reproduisant artifi-
ciellement le système circulatoire humain (appelés MOCK
circulation) présente l’intérêt de pouvoir évaluer différentes
assistances circulatoires dans des contextes hémodynamiques
précis [9-11]. Bien qu’ils ne remplacent pas les essais in vivo,
ils permettent une première évaluation de l’adaptation de ces
assistances dans différentes conditions hémodynamiques.
Le but de ce travail était de créer un modèle expérimental
permettant d’évaluer deux types d’assistances monoventricu-
laires gauches (axial versus centrifuge) dans différentes condi-
tions hémodynamiques expérimentales comme au cours d’un
effort ou en cas d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP).
2. MATÉRIEL ET MÉTHODES
2.1. Matériels
La MOCK
La circulation pulmonaire et la circulation systémique ont été
modélisées en utilisant la MOCK qui, en temps normal, sert
à paramétrer la console externe du CardioWest (assistance
biventriculaire de type cœur artificiel total) [figure 1]. Cette
MOCK comporte quatre réservoirs qui correspondent respec-
tivement à l’aorte, l’artère pulmonaire et les deux oreillettes.
Ces quatre réservoirs sont remplis de volumes différents afin
d’obtenir la pression adéquate désirée. Le volume d’air rési-
duel, présent dans chaque réservoir, permet de contrôler le
changement de pression lors de l’introduction d’un volume
supplémentaire dans le compartiment : un apport de volume
se traduit par une diminution de pression dans le réservoir de
départ et une augmentation de pression dans celui d’arrivée
(loi de Boyle). Ils sont reliés entre eux et en interne par diffé-
rents tubes de façon à reproduire la grande et la petite circu-
lations. Ces réservoirs sont également reliés en externe par
quatre tubes PVC à une pompe biventriculaire (CardioWest)
qui simule un cœur pulsatile mué par une énergie pneuma-
tique.
Entre les réservoirs reproduisant l’aorte et l’oreillette droite
d’une part, et l’artère pulmonaire et l’oreillette gauche
d’autre part, est mis en place un système de ressorts creux
remplis d’eau et reliés à des compartiments latéraux externes
permettant de recréer les résistances vasculaires systémiques
et pulmonaires. L’élévation ou l’abaissement de ces com-
partiments latéraux permet ainsi d’augmenter ou de dimi-
nuer la pression dans ces ressorts, et donc de faire varier les
résistances vasculaires systémiques et pulmonaires (valeurs
normales respectives des résistances vasculaires systémiques
et pulmonaires au repos : 800-1200 dynes/s/cm5 et 60-200
dynes/s/cm5, soit 10-15 unités Wood et 1-3 unités Wood) [fi-
gure 1]. L’assistance à tester était ensuite connectée en pa-
rallèle entre l’entrée et la sortie du ventricule pneumatique
stimulant le cœur gauche [figure 1]. Les pressions de chacun
des réservoirs étaient mesurées en continu et affichées en
temps réel sur un écran adjacent. Ce modèle expérimental
a déjà été également utilisé par l’équipe de la Pitié-Salpê-
trière afin de reproduire les circulations systémiques et pul-
monaires [12].