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Neuropsychiatrie
de
l’enfance
et
de
l’adolescence
62
(2014)
367–372
Cas
clinique
Mythomanie
et
thérapie
familiale
:
étude
de
cas
d’un
adolescent
mythomane
Mythomania
and
family
therapy:
Case
study
of
a
mythomaniac
adolescent
E.
Angladaa,,
S.
Goffinet b,
B.
Ghysselc
a43,
rue
du
Trône,
1050
Bruxelles,
Belgique
bClinique
La
Ramée,
34,
avenue
de
Botendael,
1180
Bruxelles,
Belgique
cPsychothérapeute
familiale
exercise
privé,
1150
Bruxelles,
Belgique
Résumé
La
mythomanie
désigne,
pour
certains
psychiatres,
comme
pour
le
grand
public
une
propension
au
mensonge
compulsif.
Le
but
de
cet
article
est
d’illustrer
l’intérêt
de
l’approche
systémique
dans
le
cas
de
la
mythomanie.
Dans
la
littérature,
il
ne
semble
pas
y
avoir
de
description
systémique
de
la
mythomanie
comme
symptôme,
ce
terme
ayant
toujours
été
utilisé
dans
une
approche
psychiatrique
ou
psychanalytique.
Cet
article
concerne
la
prise
en
charge
d’un
jeune
de
21
ans
au
sein
d’une
unité
psychiatrique
pour
adolescents.
Le
caractère
familial
de
la
demande
et
le
fait
que
le
patient
était
un
adolescent
ont
porté
notre
intérêt
sur
une
approche
systémique
de
la
situation
clinique.
Notre
place,
comme
thérapeute
dans
la
situation,
a
été
de
permettre,
par
une
désaliénation
du
groupe
familial,
l’expression
d’une
demande
chez
l’un
de
ses
membres,
et
pas
seulement
chez
notre
patient
qui
au
départ
était
le
porteur
du
symptôme.
Le
travail
thérapeutique
a
permis
de
révéler
en
quoi
le
symptôme,
perc¸u
dans
un
premier
temps
comme
un
délire,
était
une
manière
de
dire
ce
dont
on
ne
pouvait
pas
parler
dans
sa
famille.
On
pourrait
donc
envisager
que,
dans
certains
cas,
la
mythomanie
viendrait
révéler
un
problème
réel
qui
n’a
pas
pu
être
entendu.
Chez
notre
patient,
la
mythomanie
venait
faire
écho
au
fait
que
personne
ne
voulait
accepter
l’existence
d’un
problème
chez
lui.
Dans
le
système,
lorsqu’une
chose
réelle
ne
peut
pas
être
entendue,
l’imaginaire
prend
toute
la
place.
©
2014
Elsevier
Masson
SAS.
Tous
droits
réservés.
Mots
clés
:
Mythomanie
;
Fabulation
;
Imaginaire
;
Adolescence
;
Construction
;
Thérapie
familiale
Abstract
Mythomania
is
mostly
understood,
by
psychiatrists
as
well
as
by
the
general
public,
as
a
propensity
to
compulsive
lying.
The
goal
of
this
article
is
to
illustrate
the
value
of
the
systemic
approach
in
cases
of
mythomania.
In
the
literature
there
does
not
seem
to
be
a
systemic
description
of
mythomania
as
a
symptom.
Until
now
this
term
has
always
been
used
exclusively
in
a
psychiatric
or
psychoanalytic
approach.
This
article
deals
with
the
medical
care
of
a
twenty-one
year
old
man
in
a
psychiatric
center
for
adolescents.
The
family’s
request
for
medical
treatment,
as
well
as
the
young
age
of
the
patient,
has
led
us
to
take
a
systemic
approach
to
the
clinical
situation.
Our
duty
as
therapists
was
to
facilitate
the
expression
of
a
demand
by
one
of
the
family
members
and
not
solely
our
patient,
who
was
initially
the
carrier
of
the
symptom
by
means
of
an
alienation
of
the
family.
Therapy
was
able
to
reveal
how
the
symptom,
at
first
perceived
as
a
delirium,
was
a
way
of
speaking
about
what
was
taboo
in
his
family.
Consequently,
one
could
consider
that,
in
certain
cases,
mythomania
reveals
a
real
problem
that
was
not
supposed
to
be
heard.
In
the
case
of
our
patient,
mythomania
echoed
an
unease
concerning
the
fact
that
no
one
would
accept
his
problem.
When
the
system
comprises
something
real
that
cannot
be
expressed,
the
imaginary
fills
this
void.
©
2014
Elsevier
Masson
SAS.
All
rights
reserved.
Keywords:
Mythomania;
Storytelling;
Imaginary;
Adolescent;
Construction;
Family
therapy
Auteur
correspondant.
Université
catholique
de
Louvain,psychiatrie
infanto-juvénile,
10,
avenue
Hippocrate,
1200
Bruxelles,
Belgium.
Adresses
e-mail
:
(E.
Anglada).
0222-9617/$
see
front
matter
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2014
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Masson
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http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.02.003
368
E.
Anglada
et
al.
/
Neuropsychiatrie
de
l’enfance
et
de
l’adolescence
62
(2014)
367–372
1.
Introduction
L’histoire
de
Louis1,
un
jeune
de
21
ans,
illustre
l’intérêt
de
l’approche
systémique
dans
le
cas
de
la
mythomanie.
Dans
la
littérature,
il
ne
semble
pas
y
avoir
de
description
systémique
de
la
mythomanie
comme
symptôme,
ce
terme
ayant
toujours
été
utilisé
dans
une
approche
psychiatrique
ou
psychanalytique.
Ernest
Dupré2a
été
le
premier
à
parler
de
la
mythomanie.
Il
a
défini
en
1905
la
mythomanie
comme
une
«
tendance
mor-
bide
constitutionnelle
plus
ou
moins
volontaire
et
consciente
au
mensonge
et
à
la
création
de
fables
imaginaires
»
en
excluant
le
mensonge
et
l’activité
mythique
normale
de
l’enfant.
Il
a
décrit
l’entité
mythomaniaque
comme
un
des
traits
de
l’hystérie
(terme
psychanalytique
qui
définit
une
névrose,
aux
tableaux
cliniques
variés,
le
conflit
psychique
s’exprime
par
des
manifestations
fonctionnelles
sans
lésion
organique).
Selon
lui,
«
l’hystérique
est
un
mythomane
qui
fabule
avec
son
corps
»
[1].
Actuellement,
le
terme
de
mythomanie
n’est
plus
beaucoup
utilisé
en
psychiatrie.
Ce
symptôme
ne
figure
pas
dans
les
clas-
sifications
officielles
des
troubles
mentaux
comme
le
DSM-5
ou
la
CIM-10.
Le
mot
«
mythomanie
»
ne
fait
donc
pas
partie
des
troubles
de
la
personnalité,
des
troubles
de
l’enfance
et
de
l’adolescence,
des
troubles
dissociatifs
ou
même
des
troubles
psychotiques.
Le
terme
«
mensonge
»,
en
revanche,
apparaît
dans
l’un
des
sept
critères
de
la
personnalité
antisociale
du
DSM-5
:
«
tendance
à
tromper
par
profit
ou
par
plaisir,
indiquée
par
des
mensonges
répétés,
l’utilisation
de
pseudonymes
ou
des
escroqueries
».
On
ne
retrouve
pas
le
terme
«
mensonge
»
mentionné
comme
trait
de
la
personnalité
histrionique.
Des
éléments
proches
de
la
mythomanie
délirante
figurent
toutefois
sous
d’autres
dénomi-
nations,
dans
plusieurs
classes
diagnostiques
du
DSM-5,
comme
le
trouble
de
personnalité
narcissique,
le
trouble
de
la
person-
nalité
borderline,
le
trouble
factice
et
le
trouble
délirant
de
type
mégalomaniaque
[2–4].
Louis
a
été
hospitalisé,
volontairement,
deux
mois
au
sein
de
notre
clinique.
La
demande
d’hospitalisation
émanait
d’un
service
d’urgences
psychiatriques
et
le
patient
était
adressé
pour
mise
au
point
diagnostique
avec
hypothèse
diagnostique
d’entrée
en
schizophrénie.
Le
caractère
familial
de
la
demande
et
le
fait
que
Louis
est
adolescent
ont
porté
notre
intérêt
vers
une
approche
systémique
de
la
situation
clinique.
Rapidement,
il
a
été
mis
en
évidence
le
fait
que
la
famille
de
Louis
n’autorisait
pas
l’expression
de
1Pour
des
raisons
de
confidentialité,
le
prénom
du
patient,
ainsi
que
ceux
de
tous
les
protagonistes
de
la
situation
clinique,
ont
été
remplacés.
Le
pré-
nom
Louis
a
été
choisi
en
référence
à
Louis
XVII.
Plusieurs
mystificateurs
célèbres
dans
l’histoire
auraient
présenté
ce
type
de
trouble.
Ainsi,
une
trentaine
de
faux
Louis
XVII
ont
été
recensés,
dont
huit
internés
dans
des
maisons
de
santé
au
XIXème
siècle.
Cette
multiplication
des
faux
Louis
XVII
a
immédiate-
ment
fait
l’objet
d’une
lecture
psychiatrique
contribuant
à
enrichir
la
figure
du
mythomane.
2Ernest
Dupré,
en
1862
et
mort
à
Paris
en
1921,
est
un
psychologue,
psy-
chiatre
franc¸ais,
professeur
de
psychiatrie
à
la
faculté
de
médecine
de
Paris,
notamment
connu
pour
ses
descriptions
de
l’hystérie
et
pour
l’invention
du
mot
mythomanie,
état
fréquent
selon
lui,
dans
cette
affection.
sa
demande
de
changement.
Notre
place,
comme
thérapeute
dans
cette
situation,
était
de
permettre,
par
une
désaliénation
du
groupe
familial,
l’expression
d’une
demande
chez
l’un
de
ses
membres,
et
pas
seulement
chez
Louis
qui,
au
départ,
était
porteur
du
symptôme.
Dans
un
premier
temps,
nous
présentons
l’étude
de
cas.
Ensuite,
nous
interrogerons
ce
qui
a
pu
se
jouer
au
niveau
de
l’histoire
trans-générationnelle
de
notre
patient.
Dans
un
second
temps,
nous
analyserons
le
fait
que
Louis,
avec
ses
symptômes,
a
mis
en
évidence
un
syndrome
non-transmissible
qui
maintenait
l’équilibre
familial,
et
nous
analyserons
quelles
ont
été
les
conséquences
intrapsychiques
de
ce
fonctionnement
familial
pour
Louis
et
sa
famille.
Finalement,
nous
verrons
en
quoi
le
symptôme,
perc¸u
dans
un
premier
temps
comme
un
délire,
était
une
manière
de
dire
ce
dont
on
ne
pouvait
pas
parler
dans
sa
famille.
2.
Étude
de
cas
L’histoire
de
Louis
semblait
difficile
à
croire.
À
son
arrivée,
Louis
nous
a
expliqué
que
tout
aurait
commencé
trois
jours
aupa-
ravant,
quand
il
rentrait
chez
lui
après
un
entretien
d’embauche.
Soudain,
il
a
eu
mal
au
ventre
et
il
a
décidé
de
prendre
cinq
comprimés
de
paracétamol,
les
uns
après
les
autres.
Ensuite,
il
a
rec¸u
un
coup
de
téléphone
d’un
ami
Bastien
qui
lui
a
dit
qu’il
allait
passer
apporter
un
médicament
pour
le
mal
de
ventre.
Une
demi-heure
après,
Bastien
est
arrivé
et
Louis
a
pris
le
comprimé.
Louis
nous
relate
par
la
suite
être
tombé
inconscient
et
s’être
réveillé
à
l’arrivée
des
ambulanciers.
Il
nous
explique
qu’une
fois
à
l’hôpital,
il
aurait
inventé
sans
pouvoir
dire
le
motif
avoir
été
témoin
d’un
viol
à
Tournai3.
C’est
seulement
après
des
heures
d’interrogatoire
par
la
police
(de
19.30
jusqu’à
3.45
exactement),
qu’il
a
confessé
avoir
menti,
inspiré
par
les
médias.
Toute
l’histoire
est
confirmée
par
les
parents,
qui
nous
relatent
qu’effectivement,
il
y
a
trois
jours,
ils
ont
été
appelés
par
la
petite
amie
de
Louis
car
elle
n’arrivait
pas
à
le
joindre.
Inquiets
de
ne
pas
réussir
à
le
contacter,
ils
sont
allés
chez
lui
et
l’ont
retrouvé
inconscient.
Ils
ont
donc
appelé
une
ambulance.
Les
parents
nous
expliquent
qu’il
y
a
eu
une
enquête
policière
au
sujet
du
viol,
qui
n’a
abouti
à
rien
puisqu’aucun
élément
n’a
pu
être
vérifié
et
que
la
police
a
découvert,
sur
l’ordinateur
de
Louis,
que
lui
et
Bastien
sont
la
même
personne.
Ils
nous
parlent
aussi
du
fait
que
ce
n’était
pas
la
première
fois
que
Louis
racontait
des
mensonges.
Par
exemple,
à
l’âge
de
13
ans,
Louis
avait
inventé
que
son
père
avait
une
maladie
ter-
minale
et
toute
l’école
avait
été
au
courant.
D’après
les
parents,
ils
ne
pouvaient
plus
lui
faire
confiance.
Louis
de
son
côté
nous
explique
qu’il
a
connu
Bastien
lors
de
la
journée
«
études
et
professions
»
à
Tour
et
Taxis4.
Il
a
pu
nous
3Tournai
(en
néerlandais
:
Doornik)
est
une
ville
francophone
de
Belgique
située
en
Région
wallonne,
chef-lieu
d’arrondissement
en
province
de
Hainaut.
4Tour
et
taxis
est
un
ancien
et
vaste
site
industriel
bruxellois.
Composé
d’entrepôts
et
de
bureaux
entourant
une
gare
sous
un
hall
énorme,
le
site
a
été
désaffecté
pour
être
ensuite
restauré
pour
devenir
un
magnifique
lieu
de
grandes
manifestations
culturelles.
E.
Anglada
et
al.
/
Neuropsychiatrie
de
l’enfance
et
de
l’adolescence
62
(2014)
367–372
369
dire
que
Bastien
était
en
4eannée
de
médecine
et
que
rapidement
ils
sont
devenus
«
les
meilleurs
»
amis.
Louis
est
resté
calme
et
collaborant
pendant
tout
l’entretien
d’admission.
Son
discours
était
cohérent
et
structuré.
On
n’a
pas
observé
d’idées
noires,
ni
d’hallucinations
auditives
ou
visuelles.
Il
ne
montrait
pas
de
signes
d’angoisse
et
disait
dor-
mir
très
bien.
En
revanche,
il
nous
a
parlé
d’une
perte
d’appétit
récente.
Dès
l’arrivée,
Louis
est
pris
en
charge
par
le
médecin
assis-
tant,
qui
a
le
rôle
de
psychiatre
individuel,
par
un
psychologue,
par
un
médecin
généraliste,
par
une
infirmière
et
une
éducatrice
de
référence
et
par
une
psychologue-psychothérapeute
familiale.
3.
La
non-reconnaissance
Louis
est
un
garc¸on
de
21
ans,
mince
et
de
grande
taille.
Il
est
le
premier
enfant
désiré
d’un
couple
non
consanguin.
Il
a
deux
frères
:
Thibault,
19
ans
et
Quentin,
16
ans.
Il
a
très
peu
de
souvenirs
de
son
enfance.
Le
premier
souvenir
c’est
d’avoir
été
puni
par
le
professeur
de
franc¸ais
pour
avoir
refusé
d’aller
au
tableau.
Très
tôt,
Louis
a
été
diagnostiqué
«
dyslexique
»
et
«
dyscalculique
»,
ce
qui
a
entraîné
d’énormes
difficultés
sco-
laires
qui
ont
touché
très
fort
ses
parents.
Lors
des
entretiens
de
famille,
nous
avons
pu
mettre
en
évidence
que
dans
la
famille
de
Louis,
la
priorité
était
toujours
du
côté
du
savoir
et
de
la
réus-
site
sociale.
On
pourrait
donc
faire
l’hypothèse
que
le
mythe
familial5pour
la
famille
de
Louis
était
d’assurer
la
réussite
sociale
de
chacun
de
ses
membres.
Par
la
suite,
nous
allons
expliquer
comment
ce
mythe
est
venu
s’inscrire
et
en
quoi
les
difficultés
scolaires
de
Louis
ont
été
vécues
comme
un
réel
échec
pour
sa
mère.
La
famille
est
un
groupe
particulier
car,
comme
le
souligne
Neuburger
[5],
le
désir
d’appartenance
de
ses
membres
est
pré-
supposé.
Il
convient
donc
de
ne
pas
confondre
inscription
légale
et
appartenance
au
groupe
:
dès
la
naissance
et
parfois
même
avant,
il
sera
attribué
à
l’enfant
des
qualités,
des
particularismes
qui
le
lient
au
groupe,
des
signes
physiques
ou
psychiques
qui
lui
sont
allégués
et
qui
le
rendent
familier,
qui
lui
confèrent
des
avantages
et
des
devoirs
liés
à
son
appartenance.
Lors
d’un
entretien
de
famille,
nous
en
sommes
venus
à
par-
ler
des
vécus
parentaux.
Nous
avons
pu
entendre
à
quel
point,
la
mère
de
Louis
avait
mobilisé
une
énergie
considérable
pour
tenter
de
remédier
aux
difficultés
scolaires
de
sont
enfant.
Pour
cela,
ils
ont
consulté
une
multitude
de
spécialistes
en
passant
par
logopèdes,
neuropsychologues,
psychomotriciens
et
profes-
seurs
particuliers
pour
tenter
d’inscrire
Louis
dans
un
processus
«
de
normalité
».
La
mère
de
Louis
a
pu
dire
que,
vers
l’âge
de
six
ans,
elle
a
réellement
«
baissé
les
bras
».
Cela
correspondait
à
un
réel
désengagement
de
sa
part,
vécu
par
Louis
comme
un
rejet
maternel.
Sa
manière
d’être
mère
était
liée
au
fait
d’amener
son
enfant
à
la
réussite.
Ce
désengagement
s’est
produit
pour
5Le
mythe
familial
est
l’organisateur
de
la
famille,
ce
qui
constitue
sa
colonne
vertébrale,
les
croyances
qui
le
soutiennent
[7].
se
sauver
narcissiquement
car
son
fils
lui
renvoyait
son
échec.
Progressivement,
Louis
a
été
mis
à
l’écart
du
système
familial.
Ce
comportement
familial
peut
s’expliquer
grâce
à
la
théorie
générale
des
systèmes
[6].
Nous
savons
que
chaque
système
vivant
doit
être
caractérisé
par
deux
fonctions
apparemment
contradictoires,
la
tendance
homéostatique
et
la
capacité
de
transformation.
Le
jeu
de
ces
deux
fonctions
maintient
dans
le
système
un
équilibre
toujours
provisoire
qui
en
garantit
l’évolution
et
la
créativité,
sans
lesquelles
il
n’y
a
pas
de
vie.
En
revanche,
dans
les
systèmes
pathologiques
prédomine
la
ten-
dance,
toujours
plus
rigidifiée,
à
répéter
d’une
fac¸on
compulsive
les
solutions
trouvées
au
service
de
l’homéostasie.
On
pourrait
donc
faire
l’hypothèse
que,
dans
la
famille
de
Louis,
la
solution
trouvée
pour
maintenir
l’équilibre
familial
était
de
privilégier
l’homéostasie
du
groupe
en
se
protégeant
de
tout
changement.
La
famille
avait
donc
mis
à
l’écart
Louis,
le
porteur
de
la
honte,
car
il
venait
révéler
l’incapacité
de
ses
parents
à
accomplir
le
mythe
familial.
Le
mythe
familial,
étant
assez
fragilisé,
n’a
pas
permis
de
d’intégrer
les
difficultés
de
Louis
au
sein
du
système.
On
pourrait
dire
que,
quand
le
groupe
familial
n’arrive
pas
à
intégrer
une
difficulté,
il
adopte
un
fonctionnement
rigide.
Quand
Louis
nous
parlait
de
son
enfance
et
son
adolescence,
il
mettait
en
évidence
des
difficultés
relationnelles
avec
ses
parents
et
ses
deux
frères,
en
rapport
à
des
sentiments
de
dénigrement
et
avec
l’impression
que
ses
parents
les
ont
toujours
préférés
à
lui
«
car
ils
font
des
études
de
marketing
et
de
sciences
humaines
».
En
revanche,
il
nous
expliqua
que
ses
parents
avaient
toujours
tout
décidé
pour
lui.
Il
avait
se
former
dans
l’Horeca6,
obligé
par
son
père,
chose
qu’il
n’a
jamais
apprécié.
Il
avait
réussi
les
trois
premières
années,
mais
il
avait
voulu
arrêter
dernièrement
à
cause
du
fait
qu’il
avait
commencé
à
présenter
des
problèmes
physiques
(mal
au
dos).
On
observe
ici
un
symptôme
comme
une
tentative
intense
de
dire
qu’il
voulait
arrêter
cette
formation,
mais
la
famille,
de
pensée
pragmatique,
était
peu
à
l’écoute
de
son
enfant.
Peu
de
temps
avant
d’être
hospitalisé,
Louis
a
décidé
d’arrêter
son
métier
dans
l’Horeca
pour
faire
un
CEFA7en
vente.
Nous
expliquerons
par
la
suite
en
quoi
cette
demande
d’individuation
était
déjà
une
tentative
de
faire
crise.
Dans
les
familles
à
comportement
rigide
[8,9],
tout
comporte-
ment
est
interprété
en
fonction
de
l’intérêt
du
groupe,
excluant
tout
désir
du
sujet.
«
Le
problème
est
en
lui
et
c’est
lui
qu’il
faut
aider
et
soigner
».
Cette
dynamique
pour
maintenir
un
non-
changement
va
mobiliser
la
famille
autour
d’un
de
ses
membres
qui
se
montre
souffrant
et
qui
est
désigné
comme
tel.
Louis
est
donc
devenu
le
patient
désigné.
La
partie
suivante
de
l’article
nous
permettra
de
comprendre
ce
qui
a
pu
se
jouer
pour
cette
mère
:
elle
ne
pouvait
accepter
son
6Horeca
est
un
acronyme
désignant
le
secteur
d’activités
de
l’hôtellerie,
de
la
restauration
et
des
cafés.
Cet
acronyme
est
officiellement
utilisé
en
Belgique,
au
Luxembourg,
en
Suisse,
aux
Pays-Bas.
7Un
centre
d’education
et
de
formation
en
alternance
(CEFA)
est
une
structure
commune
à
plusieurs
établissements
d’enseignement
secondaire
ordinaire
de
plein
exercice
qui
organisent,
au
2eet
au
3edegrés,
l’enseignement
technique
de
qualification
ou
l’enseignement
professionnel.
370
E.
Anglada
et
al.
/
Neuropsychiatrie
de
l’enfance
et
de
l’adolescence
62
(2014)
367–372
fils,
dont
les
difficultés
réelles
ne
lui
permettaient
pas
d’adhérer
au
mythe
familial.
4.
L’histoire
transgénérationnelle
La
transmission
intergénérationnelle
est
un
type
de
trans-
mission
le
patrimoine
psychique
familial
est
rec¸u
par
une
génération,
mémorisé,
historicisé,
transformé,
élaboré
et
trans-
mis
à
la
nouvelle
génération.
A
contrario,
dans
la
transmission
transgénérationnelle,
le
matériel
psychique
familial
est
transmis
à
l’état
brut,
sans
avoir
été
transformé,
métabolisé
[10].
C’est
ce
type
de
transmission
qu’on
a
observé
dans
la
famille
de
Louis.
Lors
des
entretiens
familiaux,
on
a
appris
que
la
mère
de
Louis
s’est
construite
comme
étant
une
enfant
non
désirée.
Elle
était
la
remplac¸ante
d’un
enfant
mort
à
quatre
ans,
fait
qui
ne
lui
permettait
pas
d’avoir
elle-même
une
place
entièrement
à
elle
au
sein
de
sa
propre
famille.
Sa
propre
mère
ne
s’était
jamais
occupée
d’elle
et
avait
en
revanche
surinvesti
sa
petite
sœur.
Elle
nous
a
expliqué
que,
dans
sa
maison
d’enfance,
il
y
avait
beaucoup
de
photographies
de
sa
petite
sœur
mais
aucune
photo-
graphie
d’elle.
Un
jour,
elle
avait
trouvé
une
photographie
d’elle
mais
avait
rapidement
remarqué
que
sa
mère
y
avait
écrit
derrière
«
la
fille
que
je
n’aime
pas
».
Cette
souffrance
persistait
encore
actuellement.
Les
traumas
non
surmontés
et
les
deuils
non
faits
d’une
famille
exercent
une
influence
transgénérationnelle
sur
ses
enfants
et
ses
petits-enfants
qui
peut
se
traduire
par
des
troubles
mentaux
et
psychosomatiques
variés
chez
ces
derniers.
Cela
nous
invite
à
faire
deux
lectures
de
la
transmission
généalogique.
D’un
point
de
vue
psychanalytique,
on
observe
un
trauma-
tisme
non
résolu
inscrit
chez
la
mère
de
Louis.
Sa
mère
à
elle
n’avait
pas
fait
le
deuil
de
son
enfant
mort
et,
par
conséquence
elle
n’avait
pas
su
investir
sa
fille.
Le
traumatisme
correspondait
donc
à
la
carence
affective
que
la
mère
de
Louis
avait
vécue
pendant
son
enfance.
L’existence
d’un
secret
douloureux
crée
pour
les
patients
une
situation
de
deuil
impossible
correspondant
à
une
variété
de
clivage
du
Moi
qu’Abraham
et
Torok
[11,12],
ont
appelée
“crypte
au
sein
du
moi”.
Elle
entraîne
le
déni
d’une
partie
de
leur
réalité
psychique
et
des
éléments
de
la
réalité
extérieure
qui
y
renverraient.
La
carence
affective
pourrait
s’apparenter
à
une
crypte.
La
mère
de
Louis
serait
ainsi
porteuse
d’une
crypte
et
ses
difficul-
tés
auraient
été
susceptibles
d’interférer
avec
le
fonctionnement
psychique
de
son
enfant.
Louis
risque
d’être
fortement
affecté
car
il
perc¸oit
qu’il
ne
peut
pas
nommer
l’événement
dont
a
souffert
sa
mère.
En
conséquence,
Louis
serait
porteur
d’un
fantôme.
Le
terme
fantôme
[13]
fait
référence
au
travail
induit
dans
l’inconscient
d’un
sujet
par
sa
relation
avec
un
parent
ou
un
objet
d’amour
important
porteur
d’un
deuil
non
fait,
ou
d’un
autre
traumatisme
non
surmonté,
même
en
l’absence
d’un
secret,
avec
la
réserve
qu’un
deuil
non
fait
devient
par
lui-même
un
secret
au
fil
du
temps,
après
des
années,
voire
des
décennies.
D’un
point
de
vue
systémique,
on
peut
dire
que
la
famille
confère
à
ses
membres
une
identité.
Selon
Minuchin
[14],
toute
expérience
humaine
de
l’identité
a
deux
éléments
:
le
sentiment
d’appartenance
et
le
sentiment
d’être
séparé.
Le
laboratoire
dans
lequel
ces
ingrédients
sont
mêlés
et
dispensés,
c’est
la
famille,
matrice
de
l’identité.
Pour
la
mère
de
Louis,
la
maternité
était
une
réparation
narcissique
pour
combler
son
manque
d’appartenance
et
se
cons-
truire
son
identité
de
mère,
difficile
à
établire
à
cause
des
problèmes
de
Louis.
L’amour
maternel
s’exprime
difficilement
chez
quelqu’un
qui
n’en
a
pas
rec¸u
et
l’insuccès
scolaire
de
Louis
a
été
la
cause
du
désinvestissement
de
sa
mère.
Elle
n’avait
pas
désinvesti
ses
autres
enfants
car,
à
la
différence
de
lui,
ils
n’avaient
pas
de
problèmes
à
l’école.
Ce
fait
nous
a
permis
de
mettre
en
évidence
que,
dans
la
famille
de
Louis,
le
mythe
avait
une
double
implication.
Ce
mythe
avait
un
grand
impact
autour
de
l’investissement
maternel
étant
donné
que
l’amour
maternel
était
intimement
lié
au
mythe
familial.
La
mission
que
la
mère
de
Louis
s’est
donnée
pour
être
une
bonne
mère
c’était
d’amener
ces
enfants
à
une
réussite.
Sa
mère
n’a
pas
su
trouver
une
autre
manière
d’être
mère
avec
Louis
non
doté
de
cette
capacité
à
réussir.
Au
niveau
de
la
deuxième
génération,
nous
avons
appris
que,
depuis
son
enfance,
Louis
était
très
fort
attaché
à
sa
grand-mère
maternelle.
Elle
s’était
toujours
occupée
de
lui
en
l’absence
de
sa
mère.
On
observe
souvent
cliniquement
un
surinvestissement
d’une
grand-mère
sur
son
petit-enfant
quand
cette
grand-mère
n’a
pas
su
investir
sa
propre
fille.
On
pourrait
donc
dire
que
Louis
représentait
la
dette
(réparation)
de
sa
grand-mère.
Du
côté
paternel,
on
sait
que
le
père
de
Louis
est
le
plus
jeune
d’une
fratrie
de
trois
garc¸ons.
C’est
un
homme
de
grande
taille,
rigide
et
qui
a
privilégié
toute
sa
vie
le
secteur
profession-
nel.
Il
travaille
dans
la
vente
d’assurances.
Lors
des
entretiens
de
famille,
il
s’est
montré
très
autoritaire,
rigide,
participant
vraiment
au
mythe
familial.
L’accès
à
son
histoire
a
été
difficile.
5.
Présence
du
réel
dans
le
vécu
familial
Dans
un
premier
temps,
Louis
était
discret,
parlait
peu
et
se
plaignait
toujours
d’être
fatigué.
Il
ne
participait
jamais
aux
acti-
vités
proposées
par
l’équipe
pluridisciplinaire.
Il
avait
une
très
mauvaise
estime
de
lui-même
:
«
je
n’aime
pas
mon
corps,
je
ne
veux
pas
être
gros
comme
ma
famille
»,
donc
il
refusait
de
man-
ger
la
plupart
des
repas.
Interrogé
sur
son
refus
de
manger,
il
s’est
avéré
que
Louis
refusait
de
manger
pour
arrêter
un
développe-
ment
de
ses
seins.
En
effet,
le
médecin
généraliste
a
remarqué
que
Louis
était
un
jeune
homme
longiligne
qui
présentait
une
gynécomastie.
Rapidement,
il
a
demandé
un
dosage
de
prolac-
tine
qui
s’est
avéré
augmenté.
Il
a
poursuivi
avec
des
examens
hormonaux
supplémentaires,
une
IRM
et
un
caryotype.
Un
mois
et
une
semaine
après
l’arrivée
de
Louis
dans
notre
service,
il
y
a
eu
la
confirmation
qu’il
était
porteur
du
syndrome
de
Klinefelter.
Le
syndrome
de
Klinefelter
est
une
anomalie
des
chromo-
somes
sexuels
qui
ne
touche
que
les
hommes.
Il
se
caractérise
par
un
chromosome
sexuel
X
supplémentaire,
lié
à
une
erreur
de
division
au
cours
de
la
méiose
maternelle
ou
paternelle.
L’individu
présente
deux
chromosomes
X
et
un
chromosome
Y
;
47
chromosomes
au
lieu
de
46.
L’individu
est
de
caractère
mas-
culin,
mais
potentiellement
infertile.
E.
Anglada
et
al.
/
Neuropsychiatrie
de
l’enfance
et
de
l’adolescence
62
(2014)
367–372
371
Sous
le
nom
de
syndrome
de
Klinefelter
est
regroupé
l’ensemble
des
symptômes
suivants
dont
une
variabilité
d’expression
est
souvent
constatée
:
taille
en
moyenne
plus
grande
que
la
fratrie,
retard
pubertaire
possible,
possibilité
durant
l’enfance
de
troubles
d’apprentissage
du
langage
ou
de
la
lecture,
taille
des
testicules
plus
petite
à
partir
de
la
puberté,
possibilité
à
l’adolescence,
s’il
existe
un
manque
en
testostérone,
d’une
faible
pilosité,
d’un
manque
de
tonus
musculaire,
du
développement
des
glandes
mammaires
ou
gynécomastie,
d’un
émail
dentaire
fragile
et
d’une
ostéopo-
rose
à
l’âge
adulte.
L’expression
de
ce
syndrome
est
donc
atypique,
ce
qui
explique
la
fréquence
d’un
diagnostic
tardif
qui
peut
être
posé
à
l’occasion
d’un
bilan
de
stérilité
et
qui
se
fait
à
l’aide
du
caryotype.
Un
traitement
hormonal
à
base
de
testostérone
à
partir
de
la
puberté
peut
être
proposé.
6.
L’évidence
du
non-transmissible
Suite
au
diagnostic,
Louis
a
appris
qu’il
était
porteur
d’un
syndrome
génétique
qui
pouvait
expliquer
les
changements
phy-
siques
et
les
difficultés
scolaires
qu’il
présentait.
Avec
son
accord,
un
entretien
de
famille
a
permis
de
découvrir
que
les
parents
étaient
déjà
au
courant
de
cette
maladie
génétique
depuis
trois
ans
(le
diagnostic
avait
été
posé
par
le
médecin
généra-
liste
de
Louis
quand
il
avait
18
ans)
mais
qu’ils
n’en
avaient
jamais
parlé.
Devant
notre
surprise,
Louis
répétait
:
«
je
ne
suis
pas
étonné
de
ce
secret,
dans
ma
famille,
il
y
a
toujours
des
secrets
».
Rapidement,
il
est
apparu
que,
dans
l’histoire
de
Louis,
la
présence
du
syndrome
n’était
pas
un
secret.
Simplement,
ce
syndrome
n’avait
pas
pu
faire
l’objet
d’une
transmission.
Cet
entretien
nous
montrait
encore
la
difficulté
de
cette
famille
à
intégrer
les
changements.
Selon
Goffinet
et
Ghyssel
[15],
le
non-transmissible
voudrait
être
dit,
transmis,
mais
cela
n’est
pas
possible
pour
un
membre
du
système,
ce
dernier
ne
cherche
pas
à
le
dissimuler,
comme
dans
le
secret.
Si
le
sujet
ne
peut
pas
transmettre,
cela
peut
être
parce
qu’il
vit
l’impact
du
trauma
sur
son
vécu
mais
aussi
parce
qu’il
n’éprouve
pas
le
système
comme
disponible
à
son
écoute
ou
qu’il
expérimente
(ou
a
expérimenté)
les
fonctions
défensives
du
système
familial.
À
ce
moment,
nous
avons
décidé
que
la
meilleure
manière
de
continuer
à
travailler
avec
cette
famille
était
de
montrer
que
les
difficultés
de
Louis
n’étaient
pas
liées
à
la
fac¸on
de
sa
mère
d’être
mère.
Elle
aurait
pu
être
la
meilleure
mère
du
monde
que
c¸a
n’aurait
rien
changé,
car
la
génétique
jouait
ici
un
rôle
important.
Petit
à
petit,
le
mythe
s’est
donc
assoupli.
Finalement,
la
dernière
partie
de
notre
article
nous
permettra
de
comprendre
pourquoi
Louis
avait
mis
en
place
tous
les
symp-
tômes
qui
l’avaient
amené
dans
notre
service
psychiatrique.
7.
La
fonction
du
symptôme
Probablement
dans
un
premier
temps,
le
mensonge,
pour
Louis,
était
une
contenance
narcissique
qui
avait
pris
place
depuis
son
enfance.
Elle
venait
combler
le
fossé
«
je
sais
que
je
suis
rejeté
mais
je
ne
sais
pas
le
pourquoi
»
et
venait
aussi
souligner
à
quel
point
il
devait
gratifier
narcissiquement
sa
mère.
Avec
le
temps,
le
mensonge
est
devenu
mythomanie,
comme
tentative
de
dire
ce
qui
ne
pouvait
pas
être
entendu
dans
sa
famille.
Tant
que
Louis
habitait
avec
ses
parents,
la
maison
avait
joué
un
espace
de
contenance,
de
pseudo-attachement.
Au
moment
Louis
a
décidé
de
partir
de
la
maison,
il
a
été
confronté
au
rejet
qu’il
a
vécu
sur
un
mode
de
rupture
et
non
de
sépara-
tion.
Pour
survivre
à
cette
rupture,
Louis
a
développé
une
vie
de
substitution,
moment
les
symptômes
sont
venus
prendre
des
allures
délirantes
;
Louis
devait
échapper
à
une
angoisse
de
mort
psychique.
Rappelons-nous
que
pour
pouvoir
bien
se
détacher,
il
faut
d’abord
avoir
été
bien
attaché.
Avoir
eu
un
attachement
de
bonne
qualité
est
une
condition
pour
pouvoir
par
la
suite
se
détacher
des
figures
parentales.
Lors
d’un
entretien
de
famille,
la
mère
de
Louis
nous
a
appris
que
Louis
était
jaloux
d’un
de
ses
cousins.
Plus
Louis
grandis-
sait,
plus
il
avait
l’impression
que
sa
grand-mère
préférait
son
cousin
de
cinq
ans
plus
jeune,
appelé
Bastien.
On
pourrait
donc
faire
l’hypothèse
que
l’invention
d’un
«
meilleur
ami
»,
Bastien,
représentait
le
collage
de
Louis
à
son
cousin
pour
tenter
de
sur-
vivre
grâce
à
la
seule
personne
qui
l’avait
investi
affectivement,
sa
grand-mère
maternelle.
À
la
fin
de
l’hospitalisation,
Louis
se
montrait
ambivalent
par
rapport
à
l’existence
de
Bastien.
Lors
des
entretiens
individuels,
il
pouvait
exprimer
qu’il
avait
peut-être
inventé
toute
l’histoire
mais,
lors
des
entretiens
de
famille,
il
continuait
à
insister
sur
la
réalité
de
Bastien.
La
mythomanie
était
encore
une
forme
de
survie
psychique,
symptôme
dont
il
avait
encore
besoin
pour
exister.
Néanmoins,
nous
avons
constaté
un
changement
d’attitude
et
de
comportement
chez
Louis
suite
à
l’intervention
thérapeu-
tique
:
l’image
de
lui-même
est
devenue
plus
positive.
Il
s’est
montré
très
motivé
par
rapport
au
projet
d’entamer
une
forma-
tion
via
la
formation
continue
pour
adultes
dans
le
secteur
de
la
vente.
Louis
a
exprimé
aussi
son
incapacité
d’assumer
une
paternité,
chose
qui
l’inquiétait
énormément.
Le
projet
de
sortie
pour
Louis
a
été
un
retour
à
la
maison
avec
un
suivi
psychologique
et
familial.
8.
Conclusion
Louis
nous
dit
avoir
trouvé
pour
la
première
fois
«
sa
place
au
monde
»
il
y
a
cinq
mois,
quand
il
a
commencé
une
relation
amoureuse
avec
Mélissa.
Actuellement,
elle
est
enceinte
de
deux
mois.
La
paternité
est
une
réparation
narcissique
qui
lui
donne
une
consistance.
Le
fait
de
devenir
père
assure
une
réparation
dans
le
réel
:
«
je
souffre
du
syndrome
de
Klinefelter,
mais
j’intègre
les
normaux
en
tant
que
père
».
La
famille
de
Louis
a
prétendu
que
ce
bébé
n’existait
pas,
comme
le
syndrome.
La
question
de
la
paternité
n’a
pas
paru
pouvoir
être
abordée
pendant
l’hospitalisation
de
Louis
dans
notre
service.
On
observait
ici
un
autre
non-transmissible.
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