« Mécanismes psycho-biologiques des TCC et de la Psychanalyse :
Différences et Similitudes »
Roland Jouvent
RÉSUMÉ
Les progrès considérables des Neurosciences Cognitives permettent de
reconsidérer la formalisation du fonctionnement psychique et celle de
l’ensemble des méthodes psychothérapiques. Nous décrirons ces données
scientifiques nouvelles, en particulier celles concernant la conscience,
la fabrication de la pensée et la cognition sociale.
Schématiquement le cerveau humain s’articule autour de deux parties qui
sont en permanente interaction :
- un cerveau émotionnel commun aux mammifères, qui assure les
fonctions vitales essentielles à l’espèce : la motivation, la survie et
la reproduction. Il préserve l’ancrage dans la réalité,
- et un néocortex très développé dont la fonction initiale était
d’organiser et d’anticiper, mais qui est de plus en plus voué à
construire de la pensée, à associer. Il relit le réel, l’embellit.
Le cerveau magicien fait office de
curseur entre le réel et l’imaginaire
,
constituant un répertoire d’une formidable versatilité où se combinent
les actes de la pensée et les actions du corps.
Je développerai l’hypothèse selon laquelle ce mouvement imprime à notre
activité psychique une orientation qui consiste à faire de la réalité
physique du monde une création de l’esprit : renverser l’événement en une
intention, source majeure de l’imaginaire. Utiliser la réalité comme un
matériel : la changer en un projet qu’on s’approprie comme une nouvelle
création de notre esprit. Je tenterai de montrer que souvent le mécanisme
central de la magie cérébrale consiste dans ce commerce subtil entre
l’analyse des péripéties du monde et leur transformation en intentions,
en une création de sens.
Dans la continuité de cette hypothèse, j’essaierai de repérer ce
mécanisme, parmi l’ensemble des psychothérapies, chacune conservant leur
spécificité. Les thérapies auraient pour effet de restituer au cerveau
son aptitude naturelle à refaire le monde, à ajouter du sens au travers
de la création d’intentions. Les psychothérapies ne seraient ainsi pas
réduites à un « essorage » du passé, mais permettraient un apprentissage
de nouvelles stratégies pour développer cette aptitude naturelle à
fabriquer de la magie et de l’intention à partir de la réalité.
- Les TCC agiraient sur des mécanismes impliquant les procédures de bas
niveau et la mémoire implicite.
- Les psychothérapies analytiques, au contraire, consisteraient en un
développement des mécanismes de type
top-down
au travers de remaniement
de la mémoire autobiographique.