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Depuis plusieurs années, une nouvelle entité est reconnue chez les sujets âgés et très âgés, qui
présentent des décompensations cardiaques évoluant par poussées avec une fonction systolique du
ventricule gauche apparemment normale : l’insuffisance cardiaque diastolique. Cependant son
diagnostic reste complexe et sa thérapeutique encore floue, faute d’études spécifiques. Cette
“ insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée ” évolue par épisodes de décompensations
aiguës avec retour à la normale entre les poussées.
EPIDEMIOLOGIE
L’insuffisance cardiaque chronique est principalement une pathologie gériatrique. En France, les
chiffres du registre national de surveillance de cette affection indiquent une incidence de 50/1000 pour
les hommes et 85/1000 pour les femmes entre 85 et 94 ans.
Concernant les hospitalisations pour insuffisance cardiaque chronique, 79 % surviennent chez des sujets
de plus de 65 ans, avec un âge moyen de 75 ans. Le taux de ré-hospitalisation dans les 3 à 6 mois atteint
près de 50 % chez les plus de 75 ans. Cette pathologie est l’une des premières causes de mortalité après
65 ans, avec une mortalité globale de 50 % à 1 an chez les sujets atteints par cette pathologie.
Dans les populations de sujets âgés, la plupart des études suggèrent que la proportion des insuffisances
cardiaques diastoliques, ou insuffisances cardiaques à fonction systolique conservée, représente 40 à 50
% des insuffisances cardiaques. Elle est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes et
représente environ les 2/3 des cas chez les femmes de plus de 80 ans.
MECANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES
L’insuffisance cardiaque correspond à une incapacité du cœur à adapter le débit sanguin aux besoins
métaboliques et fonctionnels des différents organes, dans des conditions de pression et de volume
normaux. On distingue trois trois cas de figure: l’insuffisance ventriculaire gauche, l’insuffisance
ventriculaire droite et enfin celle sans dysfonctionnement ventriculaire. Les insuffisances ventriculaires
gauches, les plus fréquentes, ont deux mécanismes possibles : la diminution de contractilité, qui conduit
à une insuffisance cardiaque systolique, et l’altération de remplissage, conduisant à l’insuffisance
cardiaque diastolique.
Le vieillissement physiologique est associé à des modifications significatives de la structure et de la
fonction du cœur et des vaisseaux qui prédisposent les sujets âgés au développement d’une dysfonction
cardiaque chronique de type diastolique.
- Les modifications de structure qui altèrent la relaxation et la compliance du cœur modifient les
propriétés de remplissage du ventricule gauche.
- Les modifications de la pré-charge se traduisent par une augmentation de la pression diastolique
compromettant le remplissage du VG. Elles sont à l’origine d’une majoration des pressions dans
l’oreillette gauche, les veines et les capillaires pulmonaires.
- Les modifications neuro-hormonales, au cours du vieillissement, se caractérisent par une diminution
de la densité des récepteurs β. La réduction parallèle de la réponse β-adrénergique, associée à une
L’insuffisance cardiaque
diastolique
Mise au point
S. Moulias
Hôpital Charles Foix, Ivry/Seine
dégénérescence du nœud sino-atrial, entraîne une altération de la réponse cardiaque au stress.
- Un rôle des facteurs immuno-hormonaux a été suspecté : une élévation des niveaux plasmatiques de
cytokines pro-inflammatoires, dont le TNFα (Tumoral Necrosis Factor) et l’IL6 (interleukine 6) a été
observée dans les stades avancés d’insuffisance cardiaque. Les cytokines peuvent jouer un rôle
significatif dans la progression de la pathologie, potentiellement par déclenchement de processus
apoptotiques. Un rôle similaire est attribué au stress oxydatif. Cependant, le rôle exact de ces facteurs
dans la survenue du dysfonctionnement diastolique n’est pas encore établi.
- Plusieurs adaptations physiologiques de l’oreillette permettent de maintenir un volume diastolique
suffisant pour un bon fonctionnement cardiaque. En particulier, la participation de la contraction
auriculaire au remplissage télédiastolique augmente, ayant pour conséquence d’augmenter l’épaisseur et
la taille de l’oreillette. Dans ces conditions, le passage en fibrillation auriculaire sur une oreillette dilatée
diminue les capacités de celle-ci à se contracter et altère brutalement le remplissage diastolique,
provoquant une insuffisance cardiaque aiguë.
En absence de maladie cardio-vasculaire, ces changements ont des effets minimes sur la fonction
cardiaque de repos, la fonction systolique ventriculaire gauche étant bien conservée, même aux âges les
plus avancés. Le dysfonctionnement diastolique peut être considéré comme une caractéristique du
vieillissement normal dans son stade précoce. Cependant à un stade plus avancé, il s’agit toujours d’un
processus pathologique.
L’altération des capacités de réserve du cœur avec l’âge altère sa capacité à réagir aux stress les plus
courants, comme les poussées hypertensives, l’ischémie, le passage en fibrillation auriculaire, les
infections ou l’exercice physique. Ainsi plusieurs situations cliniques, bien tolérées chez le sujet jeune,
peuvent faire décompenser une insuffisance cardiaque latente chez le sujet âgé.
LE DIAGNOSTIC CLINIQUE
L’absence de signe clinique spécifique rend le diagnostic d’insuffisance cardiaque diastolique
difficile.
- Le tableau clinique est celui d’une insuffisance cardiaque, découverte à l’occasion de la survenue
brutale d’un épisode de décompensation sous forme d’un œdème ou d’un sub-œdème pulmonaire.
Parfois la symptomatologie peut se résumer à une simple dyspnée d’effort ou de repos. Lors des
poussées d’insuffisance cardiaque congestive, l’examen ne présente pas de spécificité particulière et
retrouve des râles crépitants ou sous crépitants, parfois associés à des signes de bas débit cardiaque.
L’examen clinique ne met pas en évidence de déviation du choc de pointe, ni de souffle d’insuffisance
mitrale fonctionnelle, ce qui traduit l’absence de dilatation du ventricule gauche. Cependant, les signes
peuvent êtres trompeurs et évoquer une pathologie pulmonaire avec la présence de râles sibilants
(asthme cardiaque), ou de râles bronchiques (intrication avec des symptômes bronchopulmonaires).
Parfois, un test au furosémide peut être réalisé sous réserve d’une surveillance adéquate afin d’évaluer
l’efficacité clinique.
- Le plus souvent ces décompensations sont favorisées par des facteurs déclenchants dont la
recherche doit être systématique. Il s’agit en général de la survenue d’une arythmie, d’une tachycardie
paroxystique, d’une poussée hypertensive, d’un épisode ischémique aigu, d’une fièvre ou d’une
infection bronchopulmonaire.
- Entre les accidents aigus, les patients ont le plus souvent un examen clinique normal, ce qui rend le
diagnostic difficile. Comme l’activité physique du sujet âgé est souvent limitée, la symptomatologie à
l’effort n’est souvent pas détectée et les symptômes apparaissent à un stade avancé de la maladie.
LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES
- L’électrocardiogramme (ECG) peut retrouver une hypertrophie ventriculaire gauche, une
hypertrophie auriculaire gauche, des troubles du rythme ou de la conduction. Toutefois, aucun signe
électrocardiographique n’est spécifique de la dysfonction diastolique.
- La radiographie de thorax retrouve, lors des épisodes de poussée congestive, un aspect d’œdème
alvéolo-interstitiel et l’absence de cardiomégalie.
- L’échocardiographie-Doppler constitue actuellement l’élément clé du diagnostic d’insuffisance
cardiaque à fonction systolique conservée, par l’évaluation non invasive de la fraction d’éjection et du
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remplissage ventriculaire.
L’analyse échographique de la cinétique segmentaire et globale indique une fonction systolique
conservée. La fraction d’éjection ventriculaire gauche est normale pour des valeurs > 60%. Cet examen
permet la recherche d’une hypertrophie ventriculaire gauche, d’une dilatation de l’oreillette gauche, et
permet d’éliminer l’existence d’une valvulopathie significative.
L’examen Doppler par l’étude du flux mitral renseigne sur la fonction diastolique du ventricule
gauche. Quand il existe un ralentissement de la relaxation, le remplissage protodiastolique est très
ralenti et l’essentiel du remplissage se passe lors de la systole auriculaire.
Toutefois, l’interprétation des paramètres échographiques doit se faire avec précaution puisqu’ils
peuvent varier non seulement en fonction de l’âge, mais également en fonction de la fréquence
cardiaque et des conditions de charge.
L’étude des flux veineux pulmonaires est aussi utilisée pour l’évaluation de la fonction diastolique.
Enfin l’analyse de la vitesse de déplacement protodiastolique de l’anneau mitral en Doppler pulsé
tissulaire myocardique (DTI) peut être proposée pour l’étude de la fonction diastolique.
- Les techniques de mesures isotopiques permettent l’étude de la fonction systolique et de certains
paramètres diastoliques comme la mesure du pic de remplissage . Ces méthodes sont en cours
d’évaluation.
PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
L’absence d’essai thérapeutique randomisé réalisé à ce jour rend difficile les recommandations
thérapeutiques pour ce type d’insuffisance cardiaque. Le traitement repose donc sur la compréhension
des mécanismes et non sur des essais validés. Si certains médicaments ont démontré un rôle bénéfique
sur le remplissage, la relaxation ou la compliance du ventricule gauche, on ignore tout de leur efficacité
à long terme sur la morbi-mortalité. Dans ce cadre, il n’existe pas de consensus ni de traitement
standard. L’objectif thérapeutique vise à corriger les poussées d’œdème pulmonaire et à prendre en
charge les facteurs déclenchants.
- La prise en charge des facteurs déclenchants s’avère être la meilleure orientation thérapeutique
dans l’insuffisance cardiaque diastolique. Ainsi il convient de corriger toute tachyarythmie et de
rétablir si possible un rythme sinusal. Dans ce cadre, après l’obtention du retour en rythme sinusal, un
traitement antiarythmique est souvent proposé en prévention des rechutes de fibrillation auriculaire. En
effet, la préservation ou la restauration de la contraction auriculaire bien synchronisée est un élément
important au maintien du débit cardiaque et des pressions de remplissage. De même la correction et la
prise en charge d’une ischémie myocardique doit être systématique. En présence d’argument pour une
ischémie d’origine coronarienne, un traitement médical (par β-bloquant ou inhibiteur calcique
bradycardisant) ou une revascularisation myocardique (angioplastie ou pontage) doit être proposé.
Enfin la majoration du traitement antihypertenseur est à prévoir en cas de poussée hypertensive.
- Le traitement de la phase aiguë de décompensation cardiaque repose sur la prescription de
diurétiques. Les plus utilisés sont les diurétiques de l’anse quiduisent la précharge et améliorent les
symptômes liés à la congestion veineuse pulmonaire. Toutefois, ils doivent être utilisés avec prudence
afin d’éviter une baisse trop importante de la précharge qui peut entraîner une diminution du volume
d’éjection et du débit cardiaque avec pour conséquence un risque d’hypotension. Pour cette raison, leur
utilisation doit se faire sur une durée relativement courte. Lors de cette phase aiguë, un traitement par
dérivés nitrés peut s’associer au traitement diurétique notamment en cas de poussée hypertensive. Ces
molécules exercent un effet favorable sur la dysfonction diastolique par la baisse des pressions de
remplissage qu’ils induisent, par la relaxation du ventricule gauche qu’ils améliorent et par la
prévention de l’ischémie myocardique. En raison du risque de baisse trop brutale de la précharge, leur
instauration doit se faire à faible dose et la majoration des posologies doit être accompagnée d’un
contrôle régulier de la pression artérielle.
- En traitement d’entretien, plusieurs classes médicamenteuses peuvent être proposées.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) associés à de faibles posologies de diurétiques
représentent l’un des traitements de choix de l’insuffisance cardiaque du sujet âgé. Toutefois, les
effets des IEC sur la fonction diastolique restent encore mal connus. Ils peuvent améliorer la
relaxation ventriculaire grâce à leur effet vasodilatateur mixte en réduisant les résistances
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systémiques et les pressions de remplissage, et exercer un effet à long terme en faisant régresser
l’hypertrophie ventriculaire gauche.
Le mode d’action des β-bloquants dans l’insuffisance cardiaque diastolique passe par une
amélioration du remplissage ventriculaire grâce à l’allongement de la diastole lié à la
bradycardie. Toutefois, aucune étude clinique prospective de morbi-mortalité à large échelle n’a
été réalisée.
D’autres molécules bradycardisantes paraissent avoir des effets bénéfiques sur le remplissage
ventriculaire gauche, comme certains inhibiteurs calciques. Ces derniers peuvent en effet exercer
des effets favorables sur la relaxation par vasodilatation coronaire, par la diminution de la post-
charge et de la consommation en oxygène ou par leur effet bradycardisant pour certaines
molécules.
CONCLUSION
L’insuffisance cardiaque diastolique est une cardiopathie touchant préférentiellement la femme très
âgée et évoluant par poussées. Ces décompensations sont occasionnées par des facteurs déclenchants
mis en évidence ou suspectés. L’examen clinique est normal entre les poussées et l’établissement du
diagnostic nécessite alors la réalisation d’une échographie cardiaque. Son traitement reste encore
empirique, s’appuyant sur des bases physiopathologiques, et nécessite des études randomisées pour
envisager une attitude thérapeutique plus consensuelle.
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Mf 15-2003
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