Politique industrielle ou politique de la compétitivité?

Politique industrielle
ou politique de la compétitivité?
Discours et approches en Allemagne
Henrik Uterwedde
Novembre 2007
Note du Cerfa 48
Note du Cerfa 48
Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa)
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Sommaire
INTRODUCTION.....................................................................................2
Qu’est-ce que la politique industrielle ? ...............................................3
UN INTERVENTIONNISME DISCRET, MAIS RÉEL ......................................5
Le volontarisme politique dans le discours et en pratique................5
Fédéralisme et néocoporatisme :
un système d’acteurs multiples.............................................................6
L’INTERVENTIONNISME GAGNE DU TERRAIN,
MAIS LE RÉFÉRENTIEL RESTE LIBÉRAL ..................................................9
À NOUVEAU CONTEXTE, NOUVEAUX DÉBATS :....................................12
Un patriotisme économique à l’allemande ? ......................................12
Les investisseurs financiers — des « sauterelles » ? ......................12
« Libéraux mais pas dupes » — le conflit sur EADS.........................13
Comment se protéger contre les « fonds souverains » ? ................14
CONCLUSION...................................................................................... 17
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H. Uterwedde / Politique industrielle ou politique de la compétitivité ?
Introduction
Il serait préférable que l’Allemagne intervienne (…) moins
au profit de son industrie car celle-ci a toujours profité
du fait d’avoir été exposée tôt aux marchés mondiaux.
Aujourd’hui, les exportations allemandes vont bien,
à la différence des exportations françaises.
La politique industrielle de Sarkozy n’est pas un signe de force,
mais de faiblesse.
L. Meier, Financial Times Deutschland, 11 septembre 2007
En Allemagne, l’approche française semblerait impensable
– mais seulement en ce qui concerne le style.
Dans notre pays, la politique ordolibérale est en effet en retrait
et la politique industrielle avance. (…)
Aujourd’hui les hommes politiques se prononcent eux aussi
sur la direction que devraient prendre, selon eux,
les entreprises et les branches.
M. Döbler, A. Sirleschtov, Der Tagesspiegel, 9 septembre 2007
a politique industrielle reste décidément une pomme de discorde
entre la France et l’Allemagne. Des différends, voire des conflits,
ont récemment fait l’actualité à ce sujet. La crise au sein d’EADS a
opposé les deux gouvernements dans un bras de fer sans précédent
qui a envenimé les relations bilatérales. L’activisme du nouveau
président français dans le domaine industriel inquiète l’Allemagne,
qu’il s’agisse des plans de méga-fusions « franco-françaises » —
réalisés (comme dans le cas de GdF-Suez) et annoncés (le
6 septembre 2007) -, des spéculations sur la possible constitution
d’un groupe d’armement par la fusion de Thales et Safran, qui ne
resteraient pas sans conséquences pour EADS1, ou encore de
L
Henrik Uterwedde est directeur adjoint du Deutsch-Französisches Institut (dfi) de
Ludwigsburg.
1 La Financial Times Deutschland du 9 septembre 2007 fait état de l’objectif français
de créer un nouveau groupe d’armement français par la fusion de Thales et de
Safran. « La politique industrielle de Paris », ainsi titre la FTD, « alarme EADS » car
elle pourrait changer la donne pour EADS concernant ses fournisseurs, son
positionnement dans le secteur d’armement et la structure de son capital.
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H. Uterwedde / Politique industrielle ou politique de la compétitivité ?
l’éventuelle éviction de Siemens du groupe nucléaire Areva2. De
manière plus générale, le « patriotisme économique » affiché par les
dirigeants français depuis la déclaration de Dominique de Villepin en
2005 déconcerte l’opinion publique et les acteurs en Allemagne ; ces
derniers s’interrogent sur ses conséquences à la fois sur l’industrie
allemande et sur l’avenir de l’économie européenne.
Ces divergences franco-allemandes ne sont pas nouvelles.
Elles ont accompagné les relations bilatérales depuis les débuts de la
construction européenne et s’expliquent par le fait que nos deux pays
ont été confrontés à des défis structurels différents après 1945 :
modernisation et développement industriel pour la France, recons-
truction d’une industrie certes amputée par la guerre, mais très
développée et exportatrice pour l’Allemagne. À cela s’est ajoutée une
forte opposition concernant les orientations fondamentales de la
politique économique. Les cinquante ans de la construction euro-
péenne ont aussi été marqués par des différences franco-allemandes
sur l’orientation de l’économie européenne.
Ces divergences n’ont pas empêché les deux gouvernements
de lancer des coopérations importantes dans le domaine écono-
mique. La France et l’Allemagne ont ainsi rapproché progressivement
leurs pratiques, si bien que nos visions d’un modèle économique et
social européen semblent aujourd’hui largement converger. Toute-
fois, la récurrence des conflits franco-allemands montre que les deux
pays restent imprégnés de référentiels différents, faisant resurgir
parfois des oppositions qu’on croyait depuis longtemps dépassées.
Qu’est-ce que la politique industrielle ?
Il n’est pas toujours facile de faire la part entre discours et pratiques.
Ils peuvent se contredire, rendant la politique du partenaire peu
« lisible » et prêtant à confusion, voire débouchant sur des procès
d’intention lorsque des problèmes surgissent. La prolifération du
terme « politique industrielle », devenu un véritable fourre-tout dési-
gnant tout et son contraire, est devenue en elle-même un facteur de
confusion. S’agit-il d’une politique de développement industriel géné-
ral cherchant à combler un retard industriel ? D’une politique visant à
protéger ou à renforcer les producteurs nationaux contre la concur-
rence étrangère ? Ou tout simplement d’une politique de « lobby
industriel » visant à renforcer les producteurs industriels en les
protégeant de réglementations trop contraignantes en matière
d’environnement ou de protection des consommateurs ? D’une
2 Cf. « Sarkozy will Siemens ausbooten », Süddeutsche Zeitung, 9 septembre 2007.
Cet article rapporte le fait que le président français souhaite voir Areva reprendre dès
2009 la part de 34 % que détient Siemens dans son capital. Alors qu’Angela Merkel
a souhaité, lors d’une rencontre bilatérale à Meseberg, que la coopération avec
Siemens soit poursuivie, Nicolas Sarkozy a laissé la question ouverte.
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