H. Uterwedde / Politique industrielle ou politique de la compétitivité ?
l’éventuelle éviction de Siemens du groupe nucléaire Areva2. De
manière plus générale, le « patriotisme économique » affiché par les
dirigeants français depuis la déclaration de Dominique de Villepin en
2005 déconcerte l’opinion publique et les acteurs en Allemagne ; ces
derniers s’interrogent sur ses conséquences à la fois sur l’industrie
allemande et sur l’avenir de l’économie européenne.
Ces divergences franco-allemandes ne sont pas nouvelles.
Elles ont accompagné les relations bilatérales depuis les débuts de la
construction européenne et s’expliquent par le fait que nos deux pays
ont été confrontés à des défis structurels différents après 1945 :
modernisation et développement industriel pour la France, recons-
truction d’une industrie certes amputée par la guerre, mais très
développée et exportatrice pour l’Allemagne. À cela s’est ajoutée une
forte opposition concernant les orientations fondamentales de la
politique économique. Les cinquante ans de la construction euro-
péenne ont aussi été marqués par des différences franco-allemandes
sur l’orientation de l’économie européenne.
Ces divergences n’ont pas empêché les deux gouvernements
de lancer des coopérations importantes dans le domaine écono-
mique. La France et l’Allemagne ont ainsi rapproché progressivement
leurs pratiques, si bien que nos visions d’un modèle économique et
social européen semblent aujourd’hui largement converger. Toute-
fois, la récurrence des conflits franco-allemands montre que les deux
pays restent imprégnés de référentiels différents, faisant resurgir
parfois des oppositions qu’on croyait depuis longtemps dépassées.
Qu’est-ce que la politique industrielle ?
Il n’est pas toujours facile de faire la part entre discours et pratiques.
Ils peuvent se contredire, rendant la politique du partenaire peu
« lisible » et prêtant à confusion, voire débouchant sur des procès
d’intention lorsque des problèmes surgissent. La prolifération du
terme « politique industrielle », devenu un véritable fourre-tout dési-
gnant tout et son contraire, est devenue en elle-même un facteur de
confusion. S’agit-il d’une politique de développement industriel géné-
ral cherchant à combler un retard industriel ? D’une politique visant à
protéger ou à renforcer les producteurs nationaux contre la concur-
rence étrangère ? Ou tout simplement d’une politique de « lobby
industriel » visant à renforcer les producteurs industriels en les
protégeant de réglementations trop contraignantes en matière
d’environnement ou de protection des consommateurs ? D’une
2 Cf. « Sarkozy will Siemens ausbooten », Süddeutsche Zeitung, 9 septembre 2007.
Cet article rapporte le fait que le président français souhaite voir Areva reprendre dès
2009 la part de 34 % que détient Siemens dans son capital. Alors qu’Angela Merkel
a souhaité, lors d’une rencontre bilatérale à Meseberg, que la coopération avec
Siemens soit poursuivie, Nicolas Sarkozy a laissé la question ouverte.
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