Intolérances alimentaires – croyances et vérités
Valeria Schindler, Daniel Pohl
Adresse de correspondance :
PD Dr. med. Daniel Pohl
Leiter Funktionslabor und Sprechstunde funktionelle Magen-Darm-Erkrankungen
UniversitätsSpital Zürich
Gastroenterologie und Hepatologie
Rämistr. 100
8091 Zürich, Suisse
Tel.: 044-255 1111
www.ibsnet.ch
Les intolérances alimentaires (IA) affectent environ 15-20% de la population. Elles
s'expriment souvent par des symptômes non spécifiques tels que des douleurs abdominales,
des ballonnements ou une diarrhée.
Il est important de différencier cette entité des allergies alimentaires, de la maladie cœliaque
(intolérance au gluten) et d'autres atteintes gastro-intestinales dites « organiques ». Ces
dernières doivent être initialement exclues, et tout particulièrement en présence de signes
d'alarme tels que la perte de poids, l’anémie et un âge avancé, avant de pouvoir évoquer la
possibilité d’une intolérance alimentaire.
Introduction
Imaginez cette scène : vous décidez d’inviter des amis à souper chez vous. Vous avez mis tout
en œuvre pour réaliser vos meilleurs plats et les plaintes commencent à fuser : "Je ne tolère
pas le lactose », dit l'un de vos amis, "je suis allergique au gingembre" rajoute le deuxième,
"quand je mange mes articulations enflent", rétorque son voisin de table. Finalement, le
dernier de vos convives refuse de manger vos pâtes car il souffre soi-disant sur d’une
"sensibilité au gluten non-cœliaque (NCGS)".
Les intolérances alimentaires (IA) sont un problème commun de notre société. Une personne
sur trois prétend souffrir d’une IA, alors que les évidences scientifiques suggèrent que
probablement seuls 3,4% des patients souffrent en réalité d’une IA [1].
Il ne faut pas confondre l’IA avec l'allergie alimentaire (AA), qui touche prêt de 5-8 % de la
population. Des mécanismes immunologiques sont impliqués dans l'allergie alimentaire,
contrairement à l’IA.
Les allergies alimentaires se révèlent souvent pendant l’enfance, mais la moitié d’entre elles
se développent à l'âge adulte.
Les patients souffrant d’une IA se présentent avec des symptômes gastro-intestinaux divers
tels que des ballonnements et ou un transit irrégulier. Le diagnostic est souvent difficile en
raison de la non spécificité des douleurs abdominales. Par conséquent, le diagnostic se fait
généralement après exclusion d'autres maladies.
Messages importants pour la compréhension de base des intolérances alimentaire (et lorsque
vous recevez des invités à diner):
Pour soulager les symptômes d'une IA, contrairement à une allergie alimentaire, la réduction
de la dose de l'aliment incrimi est généralement suffisante et une éviction complète de
l’aliment en question n’est généralement pas nécessaire. Dans cet article, nous allons discuter
de trois types d’intolérances alimentaires fréquentes, soit: l’intolérance aux FODMAPs,
l'intolérance à l'histamine et la sensibilité au gluten non-cœliaque (NCGS).
Intolérance aux FODMAPs
L'hypothèse d’une intolérance aux FODMAPs a été développée en 2005 par l'Université de
Monash en Australie [2]. FODMAPs est l’abréviation de « oligo-, di-, monosaccharides et
polyols fermentescibles ". Il s’agit d’un groupe d'hydrates de carbone et d’alcools de sucre
(les polyols), que l’on retrouve dans une variété d'aliments communs (fig. 1).
La plupart du temps ces sucres sont pris en charge dans l'intestin grêle et absorbés en tant que
monosaccharide. La capacité d'absorption de l'intestin grêle est toutefois limitée et la totalité
des FODMAPs ne peut être absorbée dans le petit intestin.
Ainsi, la capacité du petit intestin à absorber les FODMAPS dépend, entre autre, de la
quantité de FODMAPs ingérée. De ce fait, les plaintes en lien avec une intolérance aux
FODMAPs comme les ballonnements et/ou des douleurs abdominales surviennent quand le
petit intestin absorbe mal ou incomplètement ces substances qui vont alors passer dans le gros
intestin (côlon).
Dans le côlon, les FODMAPs sont fermentés par les bactéries conduisant à production de gaz
et à l’apparition de ballonnements. Par ailleurs, leur absorption incomplète va entrainer, par
phénomène d’osmose, un afflux d'eau dans le côlon, expliquant l’apparition éventuelle de
diarrhées lors d’ingestion de FODMAPs en grande quantité. L'afflux d’eau et la formation de
gaz va entrainer une distension du tube digestif qui peut être perçu par le patient comme un
phénomène douloureux.
La prise en charge d’une intolérance aux FODMAPs est basée sur un régime pauvre en
FODMAPs. De nombreuses études ont montré une réduction significative des ballonnements,
des douleurs abdominales et une amélioration de la consistance des selles chez les patients
atteints du syndrome de l’intestin irritable (IBS, côlon irritable) via cd régime [3]. Ce dernier
consiste en une première étape dite « d’éviction » des aliments contenant des FODMAPS,
suivi d’une phase de « réintroduction » de chaque aliment individuellement pour savoir le ou
lesquels sont responsables des symptômes. Cette approche a permis dans plusieurs études un
soulagement significatif des symptômes.
Intolérance à l’histamine
L'histamine est une amine biogène, qui se retrouve à des concentrations élevées tout
particulièrement dans des produits tels que le fromage, les viandes transformées
industriellement, la choucroute et le vin. Par ailleurs, certains aliments contiennent une faible
teneur en histamine, mais entrainent une libération de cette dernière après leur consommation,
et, de facto, des concentrations élevées d'histamine dans l’organisme. C’est le cas par exemple
des agrumes, des fraises et des noix. L'histamine est rapidement dégradée après son
absorption par les enzymes (Fig. 2).
Lorsque qu’il y a un déséquilibre entre l'histamine accumulée et la capacité de dégradation il
en résulte une surcharge en histamine.
On estime qu’environ une personne sur cent est touchée par l'intolérance histamine, et que
80% des sujets atteints sont des femmes d'âge moyen entre 30 et 50 ans [4]. En plus de
symptômes digestifs tels que des douleurs abdominales, des coliques, des flatulences et de la
diarrhée, d’autres atteintes telles qu’un écoulement nasal, des maux de tête, des crampes
menstruelles, de l'hypertension, de l’arythmie, de l’urticaire, du prurit, des symptômes
vasomoteurs ou des crises d'asthme peuvent se produire. Le diagnostic est difficile en raison
de la variété des symptômes et de la multitude des organes pouvant être atteints.
Divers tests médicaux peuvent être effectués pour déterminer une éventuelle intolérance à
l’histamine. Si ce diagnostic se confirme, on procédera à une diminution des apports en
histamine notamment en réduisant le vin, et certaines viandes et fromages, au cours d’une
période d’essai de 4-6 semaines.
Par ailleurs, un traitement concomitant à base d’antihistaminiques peut être débuté. Les
nouvelles générations d’antihistaminiques ont moins d’effets secondaires, même si une
proportion significative de patient décrit encore une fatigue accrue après leur prise. L'absence
de réponse à un régime pauvre en histamine permet généralement d’éliminer ce diagnostic.
Selon le type de symptômes, une enquête plus approfondie devra être effectuée
(allergologique ou gastroentérologique).
Intolérance au gluten sans cœliaquie (NCGS, Non-celiac Gluten Sensitivity):
Contrairement à la maladie cœliaque (également connue sous le nom Sprue non tropicale) qui
se définit par une inflammation de l'intestin grêle provoquée par certains composants se
trouvant dans les céréales, l’intolérance au gluten sans cœliaquie (NCGS) est une entité
controversée et difficile à diagnostiquer. Le nombre de personne atteinte de la NCGS est pour
le moment inconnue et les estimations varient entre 0,5 et 13% selon les études effectuées
dans des populations occidentales [5].
Les symptômes d'une NCGS sont généralement composés d’une combinaison de troubles
digestifs (gastro-intestinaux) et d'autres symptômes (extra- intestinaux), qui se produisent en
association avec l'ingestion d'aliments contenant du gluten sans qu’une maladie cœliaque ne
soit réellement diagnostiquée. Dans la littérature de nombreux symptômes ont été rapportés,
tels que des maux de tête, une fatigue, des douleurs articulaires et musculaires, un
engourdissement des bras ou des jambes, des réactions inflammatoires de la peau, des
éruptions cutanées, une dépression, de l'anxiété et de l’anémie [6].
Les symptômes se produisent peu de temps après l'ingestion de gluten et disparaissent ou
s’améliorent quelques heures à quelques jours après la prise. Il est important d’évoquer le
diagnostic de NCGS chez un patient souffrant de douleurs abdominales semblant être en lien
avec la prise de gluten et d’exclure formellement une maladie cœliaque. En dépit de diverses
études, la cause des symptômes gastro-intestinaux et extra-intestinaux de la NCGS reste
incertaine.
En raison généralement d’une amélioration des symptômes sous un régime pauvre en
FODMAPs, l’existence de la NCGS a même été controversée, partant du principe qu’il
s’agissait peut-être d’une intolérance aux fructanes ou aux oligosaccharides contenu dans le
blé, plutôt que d’une réelle intolérance au gluten. La prise en charge d’une NCGS n’implique
pas une éviction complète du gluten. De plus, un régime strict sans gluten est même
déconseillé et pourrait engendrer des carences, voir même masquer une vraie maladie
cœliaque en rendant son diagnostic difficile. Le régime en cas de NSGS consiste donc plus à
un régime sans FODMAPs « incomplet » plutôt qu’à une éviction stricte du gluten.
Résumé
Bien que certains aspects des intolérances alimentaires restent encore à étudier, la recherche a
beaucoup progressée ces dernières années dans ce domaine.
Un régime pauvre en FODMAPs, effectué sous la supervision d’un spécialiste en nutrition, a
démontré son efficacité chez les patients atteints du syndrome du l’intestin irritable et chez les
patients atteint d’une "sensible au gluten" sans réelle maladie cœliaque.
Plus rarement, des symptômes abdominaux non spécifiques peuvent s’expliquer par la
présence d’une intolérance à l’histamine ou par une autre cause organique.
Il faut ici souligner l’importance d’une évaluation médicale avant d’entreprendre tout régime
d’éviction, et tout particulièrement en cas de signes d'alarme tels que la perte de poids,
l'anémie, ou un âge de plus de 50 ans.
En résumé, l’exclusion de certains aliments en cas d’intolérance alimentaire devrait être pris
en considération. Il est important qu'une évaluation médicale structurée soit réalisée au
préalable avec, par la suite, l’application de des lignes directrices modernes de nutrition.
En effet, nous vivons une période de grand intérêt médiatique pour les intolérances
alimentaires. Nous sommes envahis de guides nutritionnels, de blogs et de forums sur lesquels
la véracité des informations n’est pas toujours contrôlée.
Compte tenu de la diversité alimentaire de notre époque nous vous recommandons ceci: Ne
perdez pas l'appétit que ce soit en tant qu'invité ou comme hôte. Servez vous des informations
que vous aurez apprises dans cet article et partagez les. Bon appétit !
Illustrations:
Références:
1. Zuberbier, T., et al., Prevalence of adverse reactions to food in Germany - a population study.
Allergy, 2004. 59(3): p. 338-45.
2. Gibson, P.R. and S.J. Shepherd, Personal view: food for thought--western lifestyle and
susceptibility to Crohn's disease. The FODMAP hypothesis. Aliment Pharmacol Ther, 2005.
21(12): p. 1399-409.
3. Halmos, E.P., et al., A diet low in FODMAPs reduces symptoms of irritable bowel syndrome.
Gastroenterology, 2014. 146(1): p. 67-75 e5.
4. Maintz, L. and N. Novak, Histamine and histamine intolerance. Am J Clin Nutr, 2007. 85(5): p.
1185-96.
5. Molina-Infante, J., et al., Systematic review: noncoeliac gluten sensitivity. Aliment Pharmacol
Ther, 2015. 41(9): p. 807-20.
6. Biesiekierski, J.R., et al., Characterization of Adults With a Self-Diagnosis of Nonceliac Gluten
Sensitivity. Nutr Clin Pract, 2014. 29(4): p. 504-509.
Abréviations courantes
FODMAPs: oligo-,di-,monosaccharides et polyols fermentescibles
IBS: Syndrome de l’intestin irritable
NCGS: sensibilité au gluten non-cœliaque
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