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L’EVOLUTION POLITIQUE DE 1945 A NOS JOURS
Après la Libération, la France entend se doter d’institutions solides et durables afin de
refonder la démocratie en rejetant à la fois Vichy et la Troisième République. Depuis 1945, La
France a en fait connu deux Républiques marquées toutes deux par des crises et une alternance entre
instabilité et stabilité. Pour résumer :
- La IV
ème
République (1946-58) n’a jamais surmonté l’instabilité ministérielle et s’est
enlisée dans les drames de la décolonisation. Son bilan est néanmoins loin d’être uniquement
négatif (au-delà de la légende noire, avancées économiques et sociales, construction européenne…)
- La V
ème
République a donné plus de poids au pouvoir exécutif et s’est adaptée à plusieurs
évolutions (cohabitation…) en s’installant dans la durée.
Ces régimes ont été marqués et influencés par trois grands enjeux internationaux de l’après-
guerre : la Guerre froide, la décolonisation, la construction européenne.
Très bon tableau récapitulatif des forces politiques p. 302.
A quelles difficultés le système républicain a-t-il faire face depuis 1945 ? A-t-il
permis une modernisation de la démocratie française ?
I- LA IV REPUBLIQUE (1945-1958) : LA « MAL AIMEE »
A- LA NAISSANCE DIFFICILE D’UN NOUVEAU REGIME (1945-1947)
1- La reprise de la vie politique
A la Libération, la volonté générale est de rénover la République (qui est censée avoir
toujours existé selon le mythe gaullien). Le 9 septembre 1944 est formé un nouveau gouvernement
provisoire rassemblant sous la présidence de De Gaulle toutes les forces politiques de la Résistance.
La vie politique évolue vers plus de démocratie puisque les femmes votent pour la 1
ère
fois aux
municipales de 1945 (ordonnance du 22 avril 1944).
Une grande consultation électorale a lieu le 21 octobre 1945 et comprend 2 parties :
- Plus de 96 % des Français refuse le retour aux institutions de la III
ème
République
- Les Français élisent une Assemblée constituante (= chargée de rédiger une nouvelle
constitution).
Dans cette assemblée ancrée à gauche, trois forces politiques dominent :
- Le PC avec Maurice Thorez qui bénéficie d’une immense popularité et qui contrôle la
CGT.
- La SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière créée en 1905 et qui deviendra le
PS en 1969) avec Léon Blum et Guy Mollet. La SFIO s’est réorganisée en épurant ceux qui avaient
soutenu Vichy.
- Le MRP (Mouvement républicain populaire) fondé par des démocrates chrétiens avec
notamment Georges Bidault, Robert Schuman et qui se situe au centre gauche.
[Le parti radical, à qui on attribue les échecs de la IIIe République, et la Droite ont du mal
à renaître].
Ces 3 partis sont associés dans le tripartisme, cette alliance des 3 partis majoritaires qui
s’entendent pour gouverner du départ de De Gaulle en janvier 1946 jusqu’à 1947.
2- La démission de De Gaulle
De Gaulle est élu à l’unanimité chef du gouvernement par l’assemblée constituante (celle
élue le 21 octobre 1945) mais dès le début il craint un retour à un régime de partis (= un poids
excessif des partis) et il est en désaccord avec la constitution en préparation : Le PC et la SFIO
souhaitent en effet une assemblée forte (un pouvoir législatif fort) alors que De Gaulle veut
renforcer le pouvoir exécutif.
2
Considérant qu’il ne peut gouverner efficacement, il démissionne le 20 janvier 1946 en
espérant que le peuple la rappellera au pouvoir et qu’il pourra alors faire adopter ces choix
institutionnels. La surprise de la population est grande mais l’opinion ne se mobilise pas pour le
rappeler car les préoccupations du quotidien (ravitaillement, inflation…) sont trop fortes.
Le départ de De Gaulle marque la fin d’une union nationale et le retour des partis politiques.
De Gaulle prononce le célèbre discours de Bayeux du 16 juin 1946 qui préfigure la
constitution de la Ve République : doc. 3 p. 281. Il prône un régime parlementaire à tendance
présidentielle en réclamant une nette séparation des 3 pouvoirs, 2 assemblées et surtout un président
de la République fort. Tout ceci est critiqué par la gauche qui voit dans ce projet une dérive possible
vers un régime autoritaire (d’où la volonté de la gauche d’une assemblée prédominante).
3- La nouvelle constitution
Un 1
er
projet constitutionnel soutenu par les communistes est rejeté en mai 1946 à 53 % (il
prévoyait une assemblée unique et toute puissante). Une nouvelle assemblée constituante est alors
élue et rédige une nouvelle constitution adoptée sans enthousiasme et après de nombreux débats le
13 octobre 1946 : Le oui est hésitant (53 %) alors que l’abstention est importante (30 %). Donc le
oui ne représente qu’un tiers des électeurs inscrits.
Doc. 4 et 5 p. 281 : 2 remarques
- Le préambule de la constitution est innovant : il réaffirme le respect des droits de l’homme
et de la femme, institue une démocratie sociale et économique reconnaissant le droit au travail…
Cette même constitution remplace « l’Empire » par « l’Union française ».
- La constitution établit un régime d’assemblée (le pouvoir exécutif est soumis au pouvoir
législatif, voir définition des différents gimes p. 280) au final proche de celui de la IIIe
République.
Le Parlement est composé de 2 chambres : le Conseil de la République (élu au suffrage
indirect, il n’a qu’un rôle consultatif) et surtout l’Assemblée nationale les députés sont élus pour
5 ans au SU, votent seuls la loi, votent seuls l’investiture du président du Conseil (= chef du
gouvernement désigné par le président de la République, 1
er
président du Conseil = Paul Ramadier,
SFIO) et peuvent contraindre ce dernier à démissionner (refus de confiance ou motion de censure).
Le président de la République (Vincent Auriol puis René Coty), chef de l’Etat, doté de pouvoirs
modestes, est élu par les 2 chambres pour 7 ans.
Dans la pratique, le président du Conseil demande une seconde fois la confiance de
l’Assemblée après avoir former son gouvernement (double investiture) alors que la constitution ne
le prévoyait pas (ce qui le rend encore plus dépendant de l’Assemblée nationale. Le souvenir des
abus de Vichy ont conduit à limiter le pouvoir exécutif).
L’Assemblée est élue au scrutin de liste proportionnel (et non uninominal) qui ne permet pas
de dégager de grandes majorités et donc favorise l’instabilité ministérielle : chaque parti a un
nombre de siège proportionnel au nombre de voix, ce qui favorisent les petits partis.
Les 1
er
mois sont marqués par le tripartisme : les 3 plus grands partis se répartissent
équitablement les ministères.
B- UNE REPUBLIQUE AFFAIBLIE (1947-1954)
1- Les crises de l’année 1947
1947 marque la fin d’une certaine unanimité qui rassemblait les Français.
- Avec le début de la Guerre froide, les communistes français suivent les consignes de
Moscou : ils dénoncent la « sale guerre » de la France en Indochine (1946-54), ils rejettent le plan
Marshall et ils soutiennent les grèves d’ouvriers contre la dégradation du pouvoir d’achat (ils sont
donc contre la politique de rigueur du gouvernement qui bloque les salaires). Ramadier ne
démissionne pas et révoque les ministres communistes, reformant un gouvernement plus axé à
droite. C’est donc la fin du tripartisme. Le PC entre plus que jamais dans l’opposition (qu’il ne
3
quittera pas jusqu’en 1981), soutenant d’importantes grèves de l’automne 1947 qui jusqu’en
décembre 1947 plongent une partie du pays dans une atmosphère de guerre civile.
- 1947 est l’année aussi est créé le RPF (Rassemblement du peuple français) de De
Gaulle l’écart de la vie politique depuis janvier 1946, il se méfie toujours des partis politiques).
Dénonçant la constitution, le règne des partis et la politique étrangère proaméricaine, ce parti
compte rapidement 400 000 adhérents et remporte 40 % des voix lors des élections municipales
d’octobre 1947 (conquête des principales villes).
La République est donc confrontée à une double opposition : PCF et RPF.
2- La Troisième force (1947-51) (formule de Guy Mollet)
Avec la fin du tripartisme, vient le temps des coalitions des forces politiques dont les 2
principales sont désormais SFIO et MRP auxquelles il faut ajouter les radicaux, les modérés…
Cette Troisième force est néanmoins fragilisée car les gouvernements sont contraints d’élaborer des
compromis fragiles entre les partis alors que dans le même temps la double opposition PC et RPF
ne faiblit pas. Pour résister, la 3
ème
force fait voter la loi des apparentements : c’est la possibilité
pour les listes de se regrouper lors des élections pour additionner leurs voix et donc emporter plus
de sièges. Le but est de dégager des majorités plus larges et de lutter contre l’opposition (le PCF et
le RPF ne s’alliant avec personne).
Mais suite à une loi accordant une subvention à toutes les écoles primaires et donc aux
écoles privées (loi Barangé), les socialistes quittent la 3
ème
force car ils sont contre la remise en
cause du principe de laïcité.
3- Le glissement à droite
La période est marquée par de brefs ministères. Certains ont néanmoins marqué.
En 1952, Antoine Pinay (un homme proche de Vichy avant d’être résistant) forme le 1
er
gouvernement de droite depuis la Libération et acquiert une certaine popularité : il bloque l’inflation
et lance un emprunt de 3,5 % indexé sur l’or et exonéré de frais de succession. Il doit démissionner
devant l’échec du projet de CED qu’il soutenait.
C- DECLIN ET ECHEC (1954-1958)
1- L’expérience PMF (Pierre Mendès France) 1954-1955
PMF (radical) est appelé au pouvoir et sa 1
ère
tâche est de conclure la Guerre d’Indochine
après la grande défaite de Diên Biên Phû (7 mai 1954) alors que de manière plus générale la
situation s’aggrave dans les colonies (Maroc, Tunisie…). Plusieurs choses à son actif dont 2
- Le 20 juillet 1954, il signe les accords de Genève mettant fin à la guerre (qui a coûté
92 000 morts français et 3000 milliards de francs), il ouvre aussi la voie à l’autonomie pour la
Tunisie et le Maroc. Néanmoins (doc. 5 p. 283), PMF ne veut rien céder pour l’Algérie, déclarant,
tout comme Mitterrand alors ministre de l’Intérieur : « l’Algérie, c’est la France ».
- Il a une manière de gouverner différente qui le rend populaire auprès notamment de la
jeunesse. Il veut redonner un réel pouvoir au président du Conseil (il choisit seul ses ministres) et il
veut se rapprocher des Français (il multiplie les voyages en province et les allocutions
radiodiffusées le samedi soir…). C’est un homme d’action, efficace, rigoureux…qui veut
moderniser la République. Il est néanmoins renversé.
2- Le régime paralysé
2 épisodes déstabilisent davantage le régime.
- L’apparition d’une nouvelle force politique, le poujadisme de Pierre Poujade (doc. 2 p.
283) : c’est une forme de populisme (attitude démagogique) d’extrême droite. Poujade prétend
défendre les petits commerçants, artisans et paysans (les perdants de la croissance), et combat la
fiscalité, les fonctionnaires, L’Etat. Il a un discours antiparlementariste simpliste avec des slogans
eux-mêmes simples (« Sortez les sortants »). 56 députés poujadistes (dont JM Le Pen) sont élus en
4
janvier 1956. Le mouvement s’essouffle vite mais n’en révèle pas moins un profond malaise
politique.
- Le boulet de la colonisation : Guy Mollet (président du Conseil depuis janvier 1956,
SFIO) accorde l’indépendance au Maroc et à la Tunisie en 1956 mais il mène une guerre à outrance
en Algérie où il envoie massivement le contingent. L’autorité des différents gouvernements français
est de plus en plus faible en Algérie où l’armée est devenue toute puissante (pratique de la
torture…) et s’accapare le pouvoir à la fois militaire et civil. En 1958, sans en avoir reçu l’ordre,
des militaires bombardent le village tunisien de Sakhiet qui abritait une base du FLN (69 morts dont
21 femmes et enfants ; indignation internationale). La Guerre est en outre un gouffre financier.
3- La crise de mai 1958 (dossier pp. 284-85)
Le 13 mai 1958, Pierre Pflimlin (leader du MRP) est pressenti pour former un nouveau
gouvernement, or il est réputé pour être partisan d’une solution libérale en Algérie. Une émeute de
colons éclate à Alger et impose la création d’un comité de salut public pour garder l’Algérie
française. Une guerre civile (avec un débarquement envisagé en France) menace la métropole.
De Gaulle (qui s’était retiré de la vie politique à Colombey-les-Deux-Eglises depuis 1953,
date de la dissolution du RPF) intervient publiquement le 15 mai en dénonçant l’impuissance du
régime et en se déclarant prêt à revenir au pouvoir. Après de longues tractations, De Gaulle est
investi président du Conseil (le dernier) le 1
er
juin 1958 obtenant les pleins pouvoirs pour 6 mois et
préparant une nouvelle constitution. Doc. 4 p. 285.
Le bilan de la IV République est contrasté :
- La régime politique a été discrédité du fait d’une forte instabilité (25 gouvernements
successifs en 12 ans) soit 9 mois de moyenne. Le personnel politique néanmoins a été dans
l’ensemble stable.
- Les avancées ont été réelles dans plusieurs domaines : l’économie (croissance), le social
(Sous Guy Mollet, 3
ème
semaine de congés payés, vignette automobile censée financer l’aide aux
personnes âgées), la construction européenne (il faudrait donc inclure ces informations si il y avait
un sujet sur le bilan de la IVe République).
- Le bilan est beaucoup plus mitigé pour la décolonisation, tour à tour forcée (Indochine,
Algérie…) ou pacifique loi-cadre Deferre sous Mollet en 1956…
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II- LA V
ème
REPUBLIQUE : L’AFFIRMATION DU POUVOIR PRESIDENTIEL
A- LA FONDATION DE LA REPUBLIQUE GAULLIENNE (1958-1962)
1- La constitution
Cette constitution n’est pas rédigée par une Assemblée constituante mais par un groupe de
juristes sous la direction de Michel Debré (le père de Jean-Louis, l’actuel président de l’Assemblée
nationale) alors Garde des Sceaux. Elle s’inspire du discours de Bayeux (juin 1946) tout en
respectant les principes d’un régime parlementaire. Elle est adoptée par référendum le 28 septembre
1958 à une très large majorité (presque 80 % des voix alors que l’abstention est très faible).
Affiche 1 p. 288 + Organigramme p. 289 4 points à développer :
- Un pouvoir exécutif fort : ce pouvoir est bicéphale, réparti entre le Président de la
République et le chef du gouvernement désormais appelé Premier ministre. Le Président est élu
pour 7 ans par un collège électoral de 80 000 grands électeurs. Il est le chef des Armées, il nomme
le Premier ministre et le gouvernement (sous proposition du Premier ministre) qui n’a pas besoin de
l’investiture du Parlement. Il peut dissoudre l’Assemblée et peut consulter directement le peuple sur
certaines questions par référendum. Il peut enfin prendre les pleins pouvoirs en cas de crise grave
(les opposants à la Constitution voient un risque de dictature. Ce pouvoir ne fut de fait utilisé
qu’une fois en 1961). Le Premier ministre détermine et conduit la politique du pays. Dans la
pratique, il n’est que l’exécutant du Président (ce qui devient inexact avec la cohabitation à partir de
1986).
- Un Parlement diminué : Le gouvernement est responsable devant le Parlement qui peut le
renverser par une motion de censure. Mais le gouvernement peut aussi légiférer sans vote du
Parlement, ce qui permet de faire passer rapidement des décisions, c’est l’article 49.3. Le Parlement
est constit de 2 Chambres, Assemblée nationale et Sénat qui toutes deux votent la loi (mais
l’Assemblée a le dernier mot en cas de désaccord) et peuvent en proposer (comme le
gouvernement). Les pouvoirs du Parlement sont encadrés : les ordres du jour sont fixés par le
gouvernement et les sessions ne sont pas permanentes (affirmation de l’exécutif).
- Création du Conseil constitutionnel : il vérifie la conformité des lois à la Constitution,
veille à la régularité des élections…
- Un nouveau mode de scrutin : le scrutin de liste proportionnel est abandonné (pas de
majorité claire...) au profit du scrutin uninominal majoritaire (majorité plus stable). Les élections
législatives de 1958 renouvellent en profondeur la classe politique et voient la victoire des députés
du nouveau parti de l’UNR (Union pour la Nouvelle République fondée en 1958 et réunissant les
gaullistes). [1
er
ministre = Michel Debré]
2- Le règlement de la question algérienne (dossier pp. 122-123 + cours décolonisation)
La gestion de la crise algérienne renforce le rôle du De Gaulle, élu président en décembre
1958. De Gaulle, appelé au pouvoir par les partisans de l’Algérie française, mène en fait vite une
politique ambiguë et envisage progressivement le retrait de la France.
En septembre 1959, il proclame le droit à l’autodétermination, ce qu’approuve une large
majorité de Français lors du référendum sur cette question en janvier 1961 (80 % de oui). Mais une
minorité (OAS…) refuse et, dans une atmosphère de guerre civile, il est amené à prendre les pleins
pouvoirs au moment du putsch de généraux à Alger en 1961. Les négociations avec le FLN
débouchent sur la signature des accords d’Evian de mars 1962.
3- La réforme constitutionnelle de 1962
De Gaulle va proposer que l’élection du président de la République se fasse au SU direct. 2
motivations le poussent à faire ce choix : la question algérienne est réglée, il vient surtout d’être
victime d’une énième tentative d’attentat (celui du Petit Clamart d’août 1962 par l’OAS). De Gaulle
profite de l’émotion suscitée par cet attentat pour renforcer le pouvoir et al légitimité du président.
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