Chapitre 4 Les chefs de service face à la mutation du secteur

Chapitre 4
Les chefs de service
face à la mutation
du secteur social
Gyslaine Jouvet
Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01
Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 75 — #83
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PARTIE 1
L’ÉVOLUTION DE LA FONCTION DE CHEF DE SERVICE
PLAN DU CHAPITRE
1. La question de la construction de la légitimité du cadre 78
2. Connaissance de la stragie et de la fonction 79
3. L’accompagnement au changement 79
4. Produire du sens et du savoir 80
5. À propos des outils utilisés 81
6. Le parcours personnel et lengagement éthique 83
7. Posture et coopération 84
8. Coopérer et manager 84
9. Des évolutions attendues 85
10. Une forme de management renouvelé 86
11. Un management qui donne du sens aux pratiques 86
12. Modifications des pratiques professionnelles 88
13. La mise en place de réseau 90
14. Bibliographie 91
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Les chefs de service face à la mutation du secteur social
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LES CADRES DU SOCIAL
sont au carrefour d’une double injonction portée
par un impératif de performance qui traverse le secteur, d’un côté, une
visée sociétale qui prône la promotion de l’usager et, d’un autre côté,
une visée économique, qui subordonne les décisions à l’optimisation des
coûts. Les évolutions politiques, économiques et sociétales ont modifié
progressivement le paysage de l’action sociale et médico-sociale et ont engendré
de nouvelles contraintes et obligations. Les politiques sociales redéfinissent la
professionnalité des cadres et déstabilisent une identité de métier pour promouvoir
de nouveaux fondamentaux comme le développement social communautaire, le
travail en réseau, la gestion des risques. Elles promeuvent une identité profes-
sionnelle de cadre qui transcenderait les métiers et se déclinerait sur le modèle
d’une professionnalité unifiée. De nouvelles compétences et approches sont alors
demandées aujourd’hui aux chefs de service et interrogent leur exercice.
Nous choisirons de parler de « chef de service », car si le terme de cadre inter-
médiaire est présent dans certaines structures, il n’est pas encore très répandu.
Le chef de service n’est plus l’animateur presque uniquement occupé par le
fonctionnement de son service. Ses compétences managériales et organisationnelles
se complètent aujourd’hui de capacités à anticiper et à innover. Il doit articuler
autorité, compétences et valeurs (accorder plus de valeur à l’homme qu’à la tâche)
pour conduire le management des ressources humaines dans une organisation
sociale ou médico-sociale.
Cette posture demande d’accepter les incertitudes actuelles et de les assumer. Le
chef de service a un rôle central pour traduire dans l’organisation concrète de
l’établissement les intentions ou injonctions de la commande associative ou des
pouvoirs publics. Il accompagne les professionnels pour qu’ils puissent mettre en
œuvre le droit des usagers. Il doit articuler :
les projets individuels avec le projet de la structure ;
les différentes dimensions : éducative, pédagogique, thérapeutique et social avec
le projet d’établissement ;
les projets internes avec les projets des structures partenaires, en lien avec
l’environnement.
Le cadre doit par ailleurs aider à trouver un équilibre entre les dimensions
régulatrices et innovatrices. Cette gestion des différents niveaux du projet est
importante car là se joue une bonne partie de la dynamique institutionnelle ainsi
que la cohérence globale des prestations. Le chef de service ne peut plus être juste
décrit comme celui qui se situe entre le directeur et l’équipe de terrain. Une de
ses fonctions est d’aider les équipes à trouver un équilibre entre les dimensions
innovantes du projet tout en lui conservant une dimension réaliste.
Le chef de service a franchi une étape : une de ses principales occupations est celle
de manager. Il organise l’activité et le travail de celles et ceux qu’ils encadrent. Il doit
entraîner avec lui d’autres acteurs dans un projet commun et pour ce faire, agir sur
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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PARTIE 1
L’ÉVOLUTION DE LA FONCTION DE CHEF DE SERVICE
des ressorts psycho-sociaux et culturels qui s’avèrent extrinsèques à l’organisation
elle-même.
Face à l’évolution de ces exigences, un chef de service interviewé dans le cadre de
ma recherche avance :
« Ça nous amène à travailler de manière anticipée et par projet et de manière plus
rythmée et plus organisé dans le temps. Cette réalité a tendance à éloigner les cadres
des usagers, et ils sont de ce fait plus à même de jouer un rôle de tiers avec les
équipes d’acteurs de terrain, mais par ailleurs cela oblige à plus d’évaluation des
actions engagées. Il y a une obligation à ce que les cadres soient moins dans l’action
mais davantage dans le prévisionnel et dans l’accompagnement auprès des acteurs
de terrain. »
1. LA QUESTION DE LA CONSTRUCTION DE LA LÉGITIMITÉ DU
CADRE
La notion de légitimité est aujourd’hui utilisée à profusion, dans des domaines
variés et avec des aspects différenciés. Cette notion est complexe. Mon propos ne
cherchera pas à la définir définitivement mais tentera d’en définir certains contours
possibles.
Dans ce que j’ai pu observer au fil de mes recherches et de mes postes pro-
fessionnels, la légitimité du cadre semble passer par un certain positionnement,
une compréhension du système et par la reconnaissance au travail au milieu des
enjeux de pouvoir. C’est en fait par sa capacité à articuler les acteurs internes
dans un projet et à relier ce projet avec les pouvoirs publics que le cadre joue sa
légitimité. Il la tient de sa capacité à agir dans l’objectif suivant : prouver à son
employeur et aux pouvoirs publics que les orientations et la législation en vigueur
sont bien déclinées au plus près des besoins des usagers. Au-delà de cette position
stratégique, il aura également à s’appuyer sur une dynamique d’apprentissages
culturels et professionnels des acteurs, sur la reconnaissance au travail bien au-delà
des enjeux de pouvoir et sur son histoire personnelle.
La question des chefs de service est présente sur le terrain, dans le quotidien. Ils
doivent apporter des réponses aux salariés ou aux usagers, voire prendre des
décisions. Il est important pour eux alors de connaître les contours de leur cadre
de délégation et leur marge de manœuvre par rapport au directeur. Ils semblent
éprouver d’autant plus de difficultés à se positionner dans le système de décision si
leur formation initiale ne les a pas préparés à l’exercice du rôle d’encadrement et
qu’ils ne bénéficient pas de formation spécifique à la fonction.
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2. CONNAISSANCE DE LA STRAGIE ET DE LA FONCTION
Si le chef de service n’est pas suffisamment informé du niveau stratégique ou quand
les délégations ne sont pas suffisamment claires, cela peut se traduire par un
manque de légitimité du cadre. Les équipes ne lui reconnaissent pas la compétence
ou l’autorité pour régler la situation. La question du sens des orientations politiques
et stratégiques doit être partagée avec les chefs de service. Il ne peut être considéré
comme un simple exécutant de la politique élaborée par les différentes instances.
Il a besoin d’être associé à des échanges stratégiques afin de porter les projets
et changements auprès des équipes et de s’inscrire dans une équipe de direction
cohérente et posée, sinon dès lors le cadre intermédiaire perd de sa légitimité et
donc sa crédibilité. Pour Patrick Lefèvre (2012), dans le Guide du métier de cadre,
« des ajustements sont à trouver au sein des équipes de direction pour permettre
que les responsabilités et les délégations se dessinent et qu’elles soient efficientes.
Le concept d’équipe de direction est à définir de manière plus lisible et formelle
au sein des établissements et services. Dans la réalité, la responsabilité du chef
de service est encore trop souvent le reflet d’un mode de direction initié par un
directeur d’établissement, qui tend à induire un modèle culturel dans lequel doivent
se positionner les cadres, parfois en situation d’inhibition, de dépendance ou de
contre dépendance au modèle ».
Les cadres chefs de service sont encore trop souvent des « travailleurs de l’ombre ».
Ils ont à conquérir leur place au plan symbolique et stratégique et à gagner leur
autonomie dans la sphère de la direction. Ils sont détenteurs de responsabilités et
de délégations leur permettant de s’affirmer dans la ligne hiérarchique au travers
d’une posture, d’un discours et de pratiques qui prennent sens au sein d’une équipe
de direction.
3. LACCOMPAGNEMENT AU CHANGEMENT
Pour Daniel Gacoin (2011), les chefs de service sont encore trop des anima-
teurs/exécutants. Ils ne sont pas suffisamment inscrits dans l’accompagnement
au changement ou alors subissent les conséquences du changement. Ils doivent se
confronter parfois à des professionnels sûrs de leurs techniques et qui se replient.
La réglementation des 35 heures a également impacté les chefs de service qui
vont compenser les manques. Selon Daniel Gacoin, les chefs de service sont
également impactés par la qualité : « Si l’objectif est compris, les méthodes sont
souvent plus difficiles, générant malentendus et quiproquos, et surtout une énorme
“chronophagie”. »
De plus, selon lui :
« Les disciplines du management ont été reçues parfois, non comme des clés de
lecture, mais comme des modèles de méthodes et positionnements, évoluant au
rythme de leur diffusion. Cela crée parfois des ravages quand il ne s’agit que
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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