✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 75 — #83 ✐ ✐ Chapitre 4 Les chefs de service face à la mutation du secteur social Gyslaine Jouvet Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 76 — #84 ✐ ✐ PARTIE 1 • L’ÉVOLUTION DE LA FONCTION DE CHEF DE SERVICE PLAN DU CHAPITRE 76 1. La question de la construction de la légitimité du cadre 78 2. Connaissance de la stratégie et de la fonction 79 3. L’accompagnement au changement 79 4. Produire du sens et du savoir 80 5. À propos des outils utilisés 81 6. Le parcours personnel et l’engagement éthique 83 7. Posture et coopération 84 8. Coopérer et manager 84 9. Des évolutions attendues 85 10. Une forme de management renouvelé 86 11. Un management qui donne du sens aux pratiques 86 12. Modifications des pratiques professionnelles 88 13. La mise en place de réseau 90 14. Bibliographie 91 Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 77 — #85 ✐ ✐ 4 • Les chefs de service face à la mutation du secteur social L sont au carrefour d’une double injonction portée par un impératif de performance qui traverse le secteur, d’un côté, une visée sociétale qui prône la promotion de l’usager et, d’un autre côté, une visée économique, qui subordonne les décisions à l’optimisation des coûts. Les évolutions politiques, économiques et sociétales ont modifié progressivement le paysage de l’action sociale et médico-sociale et ont engendré de nouvelles contraintes et obligations. Les politiques sociales redéfinissent la professionnalité des cadres et déstabilisent une identité de métier pour promouvoir de nouveaux fondamentaux comme le développement social communautaire, le travail en réseau, la gestion des risques. Elles promeuvent une identité professionnelle de cadre qui transcenderait les métiers et se déclinerait sur le modèle d’une professionnalité unifiée. De nouvelles compétences et approches sont alors demandées aujourd’hui aux chefs de service et interrogent leur exercice. ES CADRES DU SOCIAL Nous choisirons de parler de « chef de service », car si le terme de cadre intermédiaire est présent dans certaines structures, il n’est pas encore très répandu. Le chef de service n’est plus l’animateur presque uniquement occupé par le fonctionnement de son service. Ses compétences managériales et organisationnelles se complètent aujourd’hui de capacités à anticiper et à innover. Il doit articuler autorité, compétences et valeurs (accorder plus de valeur à l’homme qu’à la tâche) pour conduire le management des ressources humaines dans une organisation sociale ou médico-sociale. Cette posture demande d’accepter les incertitudes actuelles et de les assumer. Le chef de service a un rôle central pour traduire dans l’organisation concrète de l’établissement les intentions ou injonctions de la commande associative ou des pouvoirs publics. Il accompagne les professionnels pour qu’ils puissent mettre en œuvre le droit des usagers. Il doit articuler : 77 Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit. • les projets individuels avec le projet de la structure ; • les différentes dimensions : éducative, pédagogique, thérapeutique et social avec le projet d’établissement ; • les projets internes avec les projets des structures partenaires, en lien avec l’environnement. Le cadre doit par ailleurs aider à trouver un équilibre entre les dimensions régulatrices et innovatrices. Cette gestion des différents niveaux du projet est importante car là se joue une bonne partie de la dynamique institutionnelle ainsi que la cohérence globale des prestations. Le chef de service ne peut plus être juste décrit comme celui qui se situe entre le directeur et l’équipe de terrain. Une de ses fonctions est d’aider les équipes à trouver un équilibre entre les dimensions innovantes du projet tout en lui conservant une dimension réaliste. Le chef de service a franchi une étape : une de ses principales occupations est celle de manager. Il organise l’activité et le travail de celles et ceux qu’ils encadrent. Il doit entraîner avec lui d’autres acteurs dans un projet commun et pour ce faire, agir sur Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 78 — #86 ✐ ✐ PARTIE 1 • L’ÉVOLUTION DE LA FONCTION DE CHEF DE SERVICE des ressorts psycho-sociaux et culturels qui s’avèrent extrinsèques à l’organisation elle-même. Face à l’évolution de ces exigences, un chef de service interviewé dans le cadre de ma recherche avance : « Ça nous amène à travailler de manière anticipée et par projet et de manière plus rythmée et plus organisé dans le temps. Cette réalité a tendance à éloigner les cadres des usagers, et ils sont de ce fait plus à même de jouer un rôle de tiers avec les équipes d’acteurs de terrain, mais par ailleurs cela oblige à plus d’évaluation des actions engagées. Il y a une obligation à ce que les cadres soient moins dans l’action mais davantage dans le prévisionnel et dans l’accompagnement auprès des acteurs de terrain. » 1. LA QUESTION DE LA CONSTRUCTION DE LA LÉGITIMITÉ DU CADRE La notion de légitimité est aujourd’hui utilisée à profusion, dans des domaines variés et avec des aspects différenciés. Cette notion est complexe. Mon propos ne cherchera pas à la définir définitivement mais tentera d’en définir certains contours possibles. 78 Dans ce que j’ai pu observer au fil de mes recherches et de mes postes professionnels, la légitimité du cadre semble passer par un certain positionnement, une compréhension du système et par la reconnaissance au travail au milieu des enjeux de pouvoir. C’est en fait par sa capacité à articuler les acteurs internes dans un projet et à relier ce projet avec les pouvoirs publics que le cadre joue sa légitimité. Il la tient de sa capacité à agir dans l’objectif suivant : prouver à son employeur et aux pouvoirs publics que les orientations et la législation en vigueur sont bien déclinées au plus près des besoins des usagers. Au-delà de cette position stratégique, il aura également à s’appuyer sur une dynamique d’apprentissages culturels et professionnels des acteurs, sur la reconnaissance au travail bien au-delà des enjeux de pouvoir et sur son histoire personnelle. La question des chefs de service est présente sur le terrain, dans le quotidien. Ils doivent apporter des réponses aux salariés ou aux usagers, voire prendre des décisions. Il est important pour eux alors de connaître les contours de leur cadre de délégation et leur marge de manœuvre par rapport au directeur. Ils semblent éprouver d’autant plus de difficultés à se positionner dans le système de décision si leur formation initiale ne les a pas préparés à l’exercice du rôle d’encadrement et qu’ils ne bénéficient pas de formation spécifique à la fonction. Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 79 — #87 ✐ ✐ 4 • Les chefs de service face à la mutation du secteur social 2. CONNAISSANCE DE LA STRATÉGIE ET DE LA FONCTION Si le chef de service n’est pas suffisamment informé du niveau stratégique ou quand les délégations ne sont pas suffisamment claires, cela peut se traduire par un manque de légitimité du cadre. Les équipes ne lui reconnaissent pas la compétence ou l’autorité pour régler la situation. La question du sens des orientations politiques et stratégiques doit être partagée avec les chefs de service. Il ne peut être considéré comme un simple exécutant de la politique élaborée par les différentes instances. Il a besoin d’être associé à des échanges stratégiques afin de porter les projets et changements auprès des équipes et de s’inscrire dans une équipe de direction cohérente et posée, sinon dès lors le cadre intermédiaire perd de sa légitimité et donc sa crédibilité. Pour Patrick Lefèvre (2012), dans le Guide du métier de cadre, « des ajustements sont à trouver au sein des équipes de direction pour permettre que les responsabilités et les délégations se dessinent et qu’elles soient efficientes. Le concept d’équipe de direction est à définir de manière plus lisible et formelle au sein des établissements et services. Dans la réalité, la responsabilité du chef de service est encore trop souvent le reflet d’un mode de direction initié par un directeur d’établissement, qui tend à induire un modèle culturel dans lequel doivent se positionner les cadres, parfois en situation d’inhibition, de dépendance ou de contre dépendance au modèle ». Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit. Les cadres chefs de service sont encore trop souvent des « travailleurs de l’ombre ». Ils ont à conquérir leur place au plan symbolique et stratégique et à gagner leur autonomie dans la sphère de la direction. Ils sont détenteurs de responsabilités et de délégations leur permettant de s’affirmer dans la ligne hiérarchique au travers d’une posture, d’un discours et de pratiques qui prennent sens au sein d’une équipe de direction. 79 3. L’ACCOMPAGNEMENT AU CHANGEMENT Pour Daniel Gacoin (2011), les chefs de service sont encore trop des animateurs/exécutants. Ils ne sont pas suffisamment inscrits dans l’accompagnement au changement ou alors subissent les conséquences du changement. Ils doivent se confronter parfois à des professionnels sûrs de leurs techniques et qui se replient. La réglementation des 35 heures a également impacté les chefs de service qui vont compenser les manques. Selon Daniel Gacoin, les chefs de service sont également impactés par la qualité : « Si l’objectif est compris, les méthodes sont souvent plus difficiles, générant malentendus et quiproquos, et surtout une énorme “chronophagie”. » De plus, selon lui : « Les disciplines du management ont été reçues parfois, non comme des clés de lecture, mais comme des modèles de méthodes et positionnements, évoluant au rythme de leur diffusion. Cela crée parfois des ravages quand il ne s’agit que Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 80 — #88 ✐ ✐ PARTIE 1 • L’ÉVOLUTION DE LA FONCTION DE CHEF DE SERVICE d’application de recettes, alors même que l’essence de la position, le sens sont oubliés, ou que les cadres doivent évoluer face à des injonctions de telle ou telle méthode nouvelle présentée, pour un temps, comme fondamentale. » Le chef de service ne doit-il pas proposer dans le cadre de la conduite au changement une organisation repérée ? Une organisation établie au service d’un projet fort permet aux professionnels de s’adapter au changement grâce à une lisibilité maximum des enjeux, des pratiques et des conséquences. Ce que le chef de service est amené à traduire régulièrement dans l’équipe qu’il encadre grâce à sa participation et à sa place dans une équipe de direction. Il s’agit d’être vigilant afin que les chefs de service ne perdent pas la proximité du terrain. S’ils sont sollicités sur de multiples champs, voire de multiples sites, ils parent alors au plus pressé et finalement, passent plus qu’ils ne conduisent. Sans cette présence rassurante et de contenance, ils ne peuvent pas être légitimés par les équipes. 4. PRODUIRE DU SENS ET DU SAVOIR 80 Le mode de construction de sa légitimité passe par l’information, le positionnement mais également l’action, l’expérience, la formation, l’innovation et la manière de concilier l’ensemble. La construction de la légitimité du chef de service est dépendante d’un fonctionnement qui ne repose pas sur un rapport de contrainte pure et qui implique que les acteurs soient en mesure de se mobiliser en fonction du sens. N’est-ce pas sur sa capacité à produire du sens que le cadre sera reconnu par les différents acteurs ? Les éléments théoriques aident les cadres à développer leur légitimité dans la mesure où ils favorisent la production de sens. La construction de la légitimité du cadre et les enjeux de l’exercice de la fonction sont au cœur des relations de travail, références identitaires, expériences, compétences, formations au milieu des enjeux de pouvoir. Un certain nombre de savoirs et de connaissances sont indispensables pour tenir une position de cadre. Le sens subjectif de leur travail se construit largement sur la conception qu’ils ont de l’accompagnement des usagers, en lien avec la culture de leur métier initial. Le savoir clinique, comme le souligne Michel Chauvière (1999), reste fréquemment la principale source de leur expertise et les savoirs d’expériences les aident à garder une marge d’autonomie dans l’occupation d’un poste où les prérequis sont parfois peu formalisés et où dominent des exigences de contractualisation. Ces savoirs leur permettent à la fois d’être reconnus par les équipes qu’ils encadrent et de sauvegarder du pouvoir vis-à-vis du directeur. Ils maîtrisent ainsi des informations que le directeur n’a pas et qui concernent directement les populations accompagnées. Il se peut qu’en fonction des lieux et des secteurs d’activité, l’accent soit mis sur l’une ou l’autre des missions suivantes : communication interne et externe (indispensable à l’activité de l’établissement ou du service entre les professionnels d’une part, entre le service et Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 81 — #89 ✐ ✐ 4 • Les chefs de service face à la mutation du secteur social l’ensemble des partenaires d’autre part), encadrement du personnel ou supervision pédagogique. La place du chef de service dans l’équipe de direction et sa relation avec le directeur jouent également un rôle important. Lorsque le chef de service n’est pas reconnu dans sa fonction, il a tendance à se replier sur l’accompagnement des usagers et à négliger l’activité d’encadrement. Ainsi certains chefs de service fondent leur légitimité sur des compétences pédagogiques. Ils recevront par exemple régulièrement des jeunes qui posent problème afin de leur rappeler la loi et éventuellement pour poser une sanction. Ils parlent alors d’un savoir qui inclut l’expérience et la connaissance relationnelle des personnes. Cette expertise concerne aussi les liens que ces professionnels sont capables de faire entre leur expérience et les dimensions théoriques pour formuler des diagnostics relatifs aux problèmes rencontrés par les personnes. Cette légitimité aléatoire des chefs de service risque quelquefois de les cantonner dans une fonction d’organisation déconnectée des enjeux socio-politiques. Les contradictions qu’ils affrontent au quotidien, dans leur relation avec un directeur qui a négocié un projet avec les autorités de tarification sans forcément prendre en compte l’ensemble des moyens financiers et humains, peuvent les contraindre à se replier sur une expertise clinique ou au contraire à rechercher la sécurité dans une rationalisation des procédures administratives et de la gestion des ressources humaines, sans réelle cohérence avec l’intérêt des personnes accompagnées. Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit. 5. À PROPOS DES OUTILS UTILISÉS 81 Actuellement, le chef de service a besoin de s’inspirer d’un ensemble de techniques et d’outils afin de faciliter la gestion de son activité. Comme le remarque J.-R. Loubat (2006), jusqu’à une certaine époque, les cadres pratiquaient « un management “intuitif et empirique” qui reposait entièrement sur les qualités personnelles du dirigeant, son expérience et sa connaissance des hommes. C’était alors ses postures de leader naturel, et plus particulièrement de figure charismatique, qui prévalaient ». Si l’utilisation des outils aujourd’hui semble très utile, ils peuvent également concourir à légitimer le chef de service, même si un certain esprit, que nous pourrions qualifier d’« indigène » au travail social, est à sauvegarder. Car il ne s’agit pas seulement d’une question d’outils. Les outils sont utiles et participent à la professionnalisation des cadres mais l’esprit dans lequel ils sont maniés est important. Aujourd’hui savoir pratiquer, avoir la connaissance du terrain aurait tendance à devenir de moins en moins important. Cette connaissance qui sert à soutenir l’autorité et à pouvoir dire le vrai tend à être remplacée par une panoplie de méthodes, de techniques et d’outils de management. Ces outils doivent s’adosser à un cadre institutionnel stable : Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 82 — #90 ✐ ✐ PARTIE 1 • L’ÉVOLUTION DE LA FONCTION DE CHEF DE SERVICE • favoriser un état de droit. Les lois de référence du secteur social et médico- social font l’objet d’un rappel régulier pour une appropriation régulière des professionnels ; • le projet d’établissement ou de service est construit avec les professionnels ; • un fonctionnement collectif est en place et les responsabilités sont précises. Les missions sont formalisées au sein du projet d’établissement. Ce qui permet à chacun des professionnels de s’approprier clairement leurs missions et les limites de celles-ci et de s’articuler entre eux. Par leur complexité, leur durée, la dureté des expériences humaines auxquelles elles renvoient, les situations dans lesquelles se trouvent les usagers mettent parfois les professionnels devant des questions sans réponse immédiate, auxquelles aucune posture fixée à l’avance ni aucun fonctionnement préétabli ne peuvent répondre. Pour que cette expérience de l’impasse de l’action ne conduise pas les professionnels à se décourager ou à perdre leur créativité, les équipes ont la possibilité d’avoir ensemble un questionnement éthique susceptible, faute de pouvoir résoudre toutes les difficultés qui se présentent, d’amener au moins une ressource de pensée indispensable pour maintenir vivant le désir d’agir pour et avec l’autre. Ce type de management précité s’appuie sur plusieurs idées : • l’engagement qui permet d’amener une présence sécurisante pour les profes- 82 sionnels, de porter le projet d’établissement. Cet aspect est à mettre en lien avec l’éthique de conviction qui forme avec l’éthique de responsabilité les deux dimensions développées par Max Weber (1963). Les bases de l’éthique de conviction sont les bases précédant l’action ; • l’anticipation, condition indispensable pour la mise en œuvre du projet d’établissement et des différentes actions qui en découlent. Nous sommes dans le registre de l’éthique de responsabilité qui signifie se soucier des conséquences de l’action ; • la justice, pour permettre aux professionnels de travailler dans la transparence et sans crainte d’arbitraire. Il est à noter également que la connaissance du contenu des métiers encadrés joue un rôle dans l’encadrement proposé : savoir-faire acquis par l’expérience. C’est alors que nous pourrions avancer que pour acquérir les connaissances requises, le chef de service aurait eu à exercer le métier lui-même ou alors une identification de cette connaissance est à réaliser afin de pouvoir la développer et la transmettre. Peut-on manager des professionnels du social sans en avoir été ? Les chefs de service dans le secteur tirent-ils une part de leur légitimité de leur fonction initiale ? Le schéma classique de la trajectoire « type » du travailleur social pourrait se résumer ainsi : poste éducatif, chef de service, directeur. De nos jours, les évolutions sectorielles exigent néanmoins un ensemble de compétences à mobiliser qui sont le fruit d’une construction théorique et expérimentale. La légitimité du « super-éducateur » ou « l’autolégitimation » ne semble plus suffire. Un ensemble de références externes sont requises pour faire valoir des compétences et remettre Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 83 — #91 ✐ ✐ 4 • Les chefs de service face à la mutation du secteur social en question « la légitimité naturelle » des professionnels du secteur pour aspirer aux fonctions de manager. Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit. 6. LE PARCOURS PERSONNEL ET L’ENGAGEMENT ÉTHIQUE La posture du chef de service est influencée par son histoire sociale et personnelle. Il acquiert sa légitimité grâce à cette posture et les valeurs qui en résultent. Il prend des décisions en rapport avec deux critères mis à l’épreuve face aux exigences de ce métier : celui de la conception de l’homme et de l’engagement éthique. La conception de l’homme dépend de l’histoire du chef de service, de sa formation, de son expérience personnelle et de sa maturité dans la fonction. L’engagement éthique, qui consiste à donner et nommer le sens, et le pourquoi des actions ainsi que les modalités de l’exercice du pouvoir relève de sa personnalité et renvoie à des valeurs qui lui sont propres. Le chef de service peut accorder une priorité aux personnes et aux relations humaines, ou aux objectifs et aux tâches, ou encore à l’organisation et au fonctionnement. La priorité peut aussi être accordée aux relations avec l’environnement. Un chef de service n’adopte jamais complètement un style, il est appelé à composer en fonction des situations. Il est et exerce son autorité de façon différente. Il marque par sa personne, son style de fonctionnement institutionnel. Ses tâches sont souvent définies pour éviter que le fonctionnement de l’établissement ou service soit trop dépendant de sa personnalité. Ce sont les modalités de régulation formelle. La personne du cadre ne peut se dissocier du personnage (du rôle attendu). L’un et l’autre doivent être en accord, ce qui implique une adhésion de la personne aux qualités attendues du personnage. Une tension existe entre la personne et le rôle. Ce qui laisse une latitude au cadre dans la façon dont il assume ses responsabilités. Il nous semble que la posture la plus pertinente s’articule autour de trois composantes : valeurs, autorité et compétences. Pour la revue Études et recherches (2004), « les principaux comportements professionnels que nous sommes en droit d’attendre d’un cadre intermédiaire sont les suivants : l’honnêteté intellectuelle, la loyauté, l’implication, l’équité, l’ouverture aux autres, l’enthousiasme et la discrétion ». M. G., chef de service rejoint ce propos : 83 « Je dirai être cadre, c’est avoir un certain caractère et certaines caractéristiques psychologiques, intellectuelles et aussi culturelles et c’est surtout être honnête et loyal ! Le caractère ne s’apprend pas... Il s’éduque. Cette éducation est faite par l’environnement social dans lequel évolue l’individu. Il y a donc un impact fort de l’environnement social, de l’éducation et de la formation, sur le caractère qu’à ou pas l’individu. C’est ainsi que vous avez des cadres qui n’ont pas les caractéristiques pour devenir des professionnels de l’encadrement mais qui s’accrochent et font de mauvais petits chefs » (chef de service interviewée dans le cadre de l’ouvrage Parcours et légitimité des cadres du social). Nous avons pu noter au fil des rencontres avec les chefs de service qu’ils construisent leur légitimité grâce à leur histoire personnelle, mais aussi à l’action, l’expérience, Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 84 — #92 ✐ ✐ PARTIE 1 • L’ÉVOLUTION DE LA FONCTION DE CHEF DE SERVICE la formation, l’innovation et la manière de concilier l’ensemble. Jusqu’à une certaine époque, les chefs de service pratiquaient un « management intuitif » qui reposait entièrement sur les qualités personnelles du cadre, son expérience et sa connaissance des hommes. 7. POSTURE ET COOPÉRATION 84 En outre, la légitimité du cadre passe par sa compréhension du contexte dans lequel il travaille. La coopération semble en effet pertinente. Elle peut être définie comme « l’activité coordonnée d’acteurs, qui poursuivent des objectifs différents et qui cherchent à établir des règles communes. C’est opposable à la concurrence et à la compétition » (Bernoux, 1995). Les organisations sociales nécessitent des configurations dans lesquelles l’initiative de chacun est requise. Toute disposition qui conduit à favoriser davantage de polyvalence et de responsabilité favorise les apprentissages qui conduisent à une institution apprenante. Penser le travail du chef de service autrement, en y intégrant la reconnaissance de la posture et la légitimité de l’autre, peut favoriser la capacité réciproque à construire un projet commun. Le chef de service n’est pas celui qui surveille l’action mais celui qui sait organiser le travail d’équipe. Ne doit-il pas permettre à l’équipe de s’ouvrir à d’autres actions pour éviter le repli, développer le partenariat et la mise en réseau ? C’est en ce sens que son appartenance à une équipe de direction est importante. Les différents cadres dans une équipe de direction sont associés dans : un environnement caractérisé par les textes législatifs et réglementaires, les valeurs de l’association employeur, l’histoire de l’établissement et les données territoriales. Ils ont à construire une organisation de travail avec des objectifs, des structures, des techniques de production, une culture qui réunit les acteurs et fonde le sentiment d’appartenance à une entreprise commune. Sans oublier, les usagers et les acteurs professionnels de l’organisation qui mettent en œuvre des stratégies, des comportements rationnels, des affects. 8. COOPÉRER ET MANAGER Il convient d’écouter les hommes, de saisir les informations et les propositions faites, et de considérer leurs opinions comme nécessaires et indispensables à la conduite de l’organisation. L’équipe est un pôle de compétences. Manager c’est dialoguer, négocier avant de décider. C’est dans cet espace que le chef de service pourra puiser des ressources et les infuser au sein de l’équipe qu’il gère. Les compétences du chef de service doivent pouvoir croiser les compétences de l’équipe. Il s’agit de mutualiser les compétences des uns et des autres pour rendre les organisations vivantes dans l’intérêt des personnes accueillies. Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 85 — #93 ✐ ✐ 4 • Les chefs de service face à la mutation du secteur social Le chef de service s’appuie sur des méthodologies d’écoute, d’accompagnement pour mettre en œuvre des actions ajustées. Dans une relation de management, il s’agit de prendre également en compte les interactions, les analyser et les retransmettre pour donner du sens. Ce qui suppose une cohérence entre savoir-faire et savoir-être, qui se traduit par une maîtrise des savoirs et des outils mais aussi par une culture de la rigueur appliquée à soi-même et par une posture d’exemplarité. En effet, le cadre doit se montrer le plus juste possible et pour cela « être avec chacun des professionnels comme il est avec tous » pour garantir un maximum d’équité et un état de droit. Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit. L’autorité pourrait également concourir à obtenir une forme de coopération. Le chef de service reçoit une délégation d’autorité liée à la fonction qu’il occupe et inscrit dans la chaîne hiérarchique. Pour F. Mispelblom Beyer et C. Glee (2012) : « La fonction qu’on occupe est l’assise de l’autorité qu’on vous délègue » ou encore : « L’autorité, c’est ce grâce à quoi un encadrant ou un dirigeant obtient de la cohésion, de l’enthousiasme, de la créativité, des idées de la part de l’équipe. » Cependant elle n’opère pas spontanément, elle n’existe qu’à condition de la respecter et de la faire respecter. Elle permet à celui qui la détient d’occuper une place dans la tête de chacun des membres du service ou de l’unité. Elle est avant tout un « effet de parole », elle est dépendante de la manière dont le cadre parle aux salariés, se fait comprendre mais les comprend aussi. Le positionnement du cadre vis-à-vis des équipes participe à sa réussite. Au moyen de l’autorité, on peut obtenir la coopération : les salariés s’entraident, se passent des astuces et ne se contentent pas seulement de coordonner des activités. G. Jouvet (2009) dans son ouvrage rejoint cette idée : « Le dirigeant développe ainsi sa légitimité et son autorité à partir de ses qualités personnelles (écoute, disponibilité...) et de ses compétences à diriger. » Pour BR, chef de service : « Le pouvoir est constitué des attributions et responsabilités inhérentes à une fonction. C’est la fiche de poste... L’autorité est la qualité que de façon naturelle ou acquise, une personne dégage auprès des personnes avec lesquelles, elle travaille, particulièrement lorsqu’il y a dépendance hiérarchique. » 85 Au sein de cet ensemble de facteurs, le cadre semble acquérir une forme de légitimité. 9. DES ÉVOLUTIONS ATTENDUES Cependant aujourd’hui, le chef de service est au carrefour de la double injonction portée par un impératif de performance qui traverse le secteur, d’un côté la promotion de l’usager et d’un autre côté, l’optimisation des coûts. Nous avons observé comment ces professionnels gèrent des contradictions qui les conduisent à la fois à considérer l’intérêt des personnes accompagnées et à rationaliser l’action éducative. Le chef de service doit aujourd’hui se repositionner et redéfinir les finalités de sa pratique professionnelle pour trouver une nouvelle forme de légitimité. Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 86 — #94 ✐ ✐ PARTIE 1 • L’ÉVOLUTION DE LA FONCTION DE CHEF DE SERVICE 10. UNE FORME DE MANAGEMENT RENOUVELÉ Il s’agit aujourd’hui pour lui de développer des compétences managériales. Pour J.-R. Loubat (2004), « un des points clés du grand chantier des années à venir passera par la mise en place d’un nouveau management, n’affectant pas seulement les positions statutaires mais surtout et avant tout les façons de penser le travail ». Le vaste changement amorcé ne saurait être une simple adaptation conjoncturelle mais le début d’une profonde mutation des secteurs social et médico-social. À ce titre, les managers vont devoir faire face aux conséquences humaines de cette mutation et plus particulièrement : • envisager l’adéquation des compétences à l’évolution des vocations des structures et des besoins des populations (et envisager des mouvements de personnels) ; • repenser les pratiques professionnelles et donc les savoir-faire demandés aux personnels... La compétence doit être avant tout managériale. Les chefs de service doivent pouvoir investir différents domaines, être capable de transférer des compétences dans des espaces institutionnels et des missions multiples. 86 Le cadre intermédiaire ne peut plus être utilisé comme un simple exécutant de la politique élaborée « en haut », n’ayant rien à en connaître et chargé d’obtenir des équipes la même adhésion. Ainsi cantonné dans la phase de mise en œuvre du projet, il joue alors un unique rôle de gestionnaire du projet (planification, organisation, planning, roulement). Un cadre dont la fonction est réduite ainsi à une simple courroie de transmission ne peut permettre aisément à une équipe de s’approprier ou d’élaborer un projet, ni de mettre en œuvre des actions de changement pour peu qu’elles aillent au-delà de simples questions d’organisation. Lorsqu’il est issu du terrain, ce sont ses qualités dans l’exercice du métier, sa compétence reconnue par ses pairs, qui l’ont porté à cette nouvelle fonction, que la direction lui a laissé le soin de définir. Faute d’une définition plus large, le cadre a bâti sa fonction comme celle d’un super-éducateur, en faisant l’économie de la dimension d’animateur d’équipe et de porteur de projet. La nécessaire distance que le cadre doit aménager entre son équipe et lui s’avère indispensable dès lors qu’il s’agit de piloter le changement au sein de l’établissement. Il se déplace d’une légitimité essentiellement technique et professionnelle (l’encadrant est d’abord un bon professionnel) à une légitimité institutionnelle. Il doit d’abord se positionner comme membre d’une équipe de direction. 11. UN MANAGEMENT QUI DONNE DU SENS AUX PRATIQUES Pour autant, il n’est pas question pour lui de s’enfermer dans une forme de management « aseptisé » qui n’utiliserait que des procédures et protocoles. Comme Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 87 — #95 ✐ ✐ 4 • Les chefs de service face à la mutation du secteur social le souligne François Noble (2011), le management peut aussi permettre, « à l’acteur d’agir autrement, d’être ouvert à l’imprévu, de penser des processus et pas uniquement des procédures, de prendre des risques, de construire collectivement le sens et de trouver un sens collectif à l’action ». Nous partageons la position de François Noble qui écrit que « mieux gérer les hommes n’est pas les “casser” mais, au contraire, leur permettre de penser et d’agir plus librement dans des postes moins prescrits ». Il s’agit d’articuler finalité sociale, économique et éthique. La commande publique actuelle impose une forme de management orientée vers la recherche de la performance. Néanmoins, les valeurs démocratiques, professionnelles, institutionnelles et le respect de la personne humaine doivent cohabiter avec les finalités proposées. Ce qui nécessite une interrogation régulière d’ordre éthique pour respecter chaque usager et également les professionnels. Brigitte Bouquet (2011) interroge cet aspect : « Au-delà d’une simple gestion des contradictions, avoir une conception que d’aucuns aspirent “renouvelée” de la direction, n’est-ce pas lier les finalités sociales et le positionnement éthique conçus comme primordiaux, avec le management et la gestion conçus comme des moyens ? N’est-ce pas veiller à des différences de position, de rendre cette tension “suffisamment bonne” respectant chaque usager. » Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit. Il n’y a pas de norme en la matière, et c’est donc en fonction du contexte que sera pensé le système qui intègre l’environnement, la personne morale gestionnaire avec ses valeurs, l’organisation du travail mais également les hommes et les groupes constitués par les usagers, les professionnels qui mettent en œuvre des comportements, des attitudes et aussi des affects. D’où l’intérêt du questionnement éthique qui, comme nous pouvons le constater grâce à notre expérience mais aussi par le biais des recommandations de bonnes pratiques professionnelles, semble nécessaire : 87 « La réflexion éthique émerge d’un questionnement pouvant venir des professionnels, des personnes accompagnées ou de leur entourage. Au plan institutionnel, il s’agit d’une réflexion collective associant une pluralité de points de vue (usagers, proches, représentants d’usagers, professionnels, personnes ressources...) déclenchée par des situations concrètes singulières où entrent en contradiction des valeurs ou des principes d’intervention. Elle donne du sens aux pratiques » (F. Noble). La réflexion éthique constitue un élément dynamisant pour les organisations par la recherche d’un équilibre entre la préservation de l’organisation et la dynamique d’interrogation des valeurs et des règles qui la fondent. Elle contribue aussi à impulser une dynamique de responsabilisation des équipes dans cette démarche de questionnement. C’est en ce sens que pour François Noble (2011), le management doit être étayé par une position éthique, construite selon lui à partir de valeurs d’humanité, de rigueur et d’efficience, « position éthique qui tient à la posture des acteurs eux-mêmes et qui se traduit clairement dans les pratiques ». Éthique et management composent un couple indissociable. Il est nécessaire alors d’expliciter le type de management proposé par Patrick Lefevre et Yvan Mura (2010) : Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 88 — #96 ✐ ✐ PARTIE 1 • L’ÉVOLUTION DE LA FONCTION DE CHEF DE SERVICE « Le management traduit des intentions politiques, esquisse des stratégies et des choix, énonce des positions éthiques et déontologiques, formule des orientations managériales autour de valeurs et de stratégies appropriées à un contexte donné. » 12. MODIFICATIONS DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES Le chef de service cherche à développer des formes de transaction diversifiées et enrichies avec son environnement. Cela peut avoir beaucoup de significations concrètes : ouverture de l’équipe à d’autres discours, actions permettant de mettre du tiers, d’éviter le repli, d’intégrer des données externes, de développer le partenariat, etc. Selon B. Dobiecki et D. Guaquère (2001), « la question essentielle du management des organisations est de garder de la cohérence et en même temps de se développer dans des environnements avec lesquels il s’agit de s’adapter et aussi, d’anticiper les changements. La gestion stratégique des hommes y est centrale, ceux-ci pouvant être autant des freins que des porteurs du changement ». 88 Le chef de service est celui qui aide à développer des projets dans un environnement donné entouré de partenaires. Il sait coopérer avec l’équipe qu’il encadre et met l’action en débat et l’explique. Il encourage une approche plurielle qui intègre une connaissance humaine et une prise en compte de la singularité de chaque acteur dans l’organisation. Au-delà des méthodes et des techniques, le chef de service reste un artisan qui exerce un style singulier à travers les actions et les postures qu’il adopte. Les pratiques coopératives sont rendues possibles par l’expression de processus d’innovation. L’innovation suppose une volonté de changement et d’apprentissage collectif selon M. Crozier et E. Friedberg (1977). Il s’agit de construire des règles de fonctionnement coopératif, comme le décrit J.-F. Draperi (2003) : « Des règles coopératives qui ne peuvent être produites que par la coopération entre les membres, acte par lequel s’édifient les conventions et les règles socio-économiques fondant l’action collective. » Ces règles ne font pas partie des habitudes et doivent être négociées en permanence. Elles nécessitent de la part des acteurs un acte d’apprentissage mutuel. Le chef de service endosse alors la position managériale pour instituer cette dynamique. Pour jouer ce rôle, il s’extrait de son métier d’appartenance pour s’investir dans la rencontre avec l’ensemble des acteurs et des métiers. En garantissant les règles du débat, « il permet et facilite le jeu démocratique, créant des possibles en acceptant le caractère instable du système social » (Jouvet, 2009). Une attention fine et bienveillante améliore les échanges communicationnels et le climat de travail. C’est également s’appuyer sur l’engagement, indispensable pour établir un climat de coopération. La vie d’un service ou d’un établissement constitue une expérience de cohésion sociale n’excluant pas une explicitation des différences qui se combinent autour d’un projet commun. La formation permet de s’approprier certains savoirs et d’avoir suffisamment d’éléments de compréhension pour saisir les enjeux de l’organisation. Dans la recommandation de l’ANESM sur la mission du Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 89 — #97 ✐ ✐ 4 • Les chefs de service face à la mutation du secteur social responsable d’établissement publiée en décembre 2008, il est conseillé de valoriser et de développer la compétence individuelle et collective par la formation continue. Il est question également de mettre en valeur les talents et compétences spécifiques : « Cette identification est en effet un mode de reconnaissance important des professionnels au sein des établissements, qui permet de cultiver leur sentiment d’utilité et de plaisir au travail, et de tirer tous les bénéfices de leur créativité. » Le chef de service avec son équipe ou ses équipes doit se préoccuper de la mise en œuvre des projets sur le plan stratégique : « où va-t-on ? », mais également de savoir « comment y va-t-on ? » en complétant ses connaissances avec celles des apports des professionnels. Nous rejoignons D. Gacoin (2010) qui signale qu’« une direction se doit de croire en la capacité d’apports des professionnels... Les agents dans les établissements et les services n’ont pas pour seul objectif de développer leur seul biais de satisfaction, mais sont en capacité d’apporter des solutions techniques aux directions prises ». Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit. En s’inscrivant dans des pratiques coopératives et dans une dimension d’apprentissage, le groupe devient riche, porteur de projets variés, capable sans cesse de les articuler et d’innover. Nous soulignerons l’importance de resituer les responsabilités que les professionnels du secteur social et médico-social doivent assumer. De par les systèmes pyramidaux ou fortement hiérarchisés, les professionnels que nous rencontrons au quotidien ont le sentiment que les responsabilités incombent uniquement à leur supérieur hiérarchique. Ils imaginent pour certains qu’ils peuvent se départir de cette prise de responsabilité. Ils semblent comprendre cette notion de responsabilité sur le plan du droit uniquement. La responsabilité juridique implique un caractère contraignant et répressif et recherche le préjudice « qui a été la cause, qui est le coupable ». Dans son acception morale, la responsabilité signifie : « Je veux répondre de mes actes, je me considère apte à répondre de mes actes. » i Dans une institution sociale ou médico-sociale, trois formes de responsabilité règlent les relations interprofessionnelles ainsi que celles de l’accompagnement décrit dans les recommandations de bonnes pratiques professionnelles publié en juin 2010 comme suit : 89 • la responsabilité institutionnelle : elle constitue la référence à la règle ; • la responsabilité professionnelle : celle de la mission confiée et de la qualité de l’aide apportée, parce que l’on peut justifier d’un savoir-faire officiellement reconnu (profession et métier) et d’une intervention réglementée ; • la responsabilité personnelle : cette responsabilité ne peut être engagée que si elle est supportée par les deux premières et se joue principalement dans l’espace relationnel entre professionnel et personne accompagnée. Elle suppose ainsi l’abandon de la toute-puissance et la capacité de dialogue fondée sur la reconnaissance de l’autre. Ces trois niveaux de responsabilité nous semblent importants car ils soutiennent le professionnel dans l’engagement d’une responsabilité morale et éthique qui Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 90 — #98 ✐ ✐ PARTIE 1 • L’ÉVOLUTION DE LA FONCTION DE CHEF DE SERVICE porte naturellement à l’action et entraîne l’acceptation du risque. Les professionnels ne peuvent plus se situer dans une dépendance du chef de service et celui-ci a également à donner une plus grande marge de manœuvre aux équipes qu’il encadre. Pour les « chefs de service » qui jusqu’alors manageaient en « bon père de famille », la tâche est rude. Ils sont dans l’obligation de trouver d’autres stratégies pour asseoir une forme de légitimité au quotidien. 13. LA MISE EN PLACE DE RÉSEAU Les exigences qui pèsent aujourd’hui sur les établissements et sur leurs encadrements sont importantes. La mise en place d’un réseau me paraît de ce point de vue une initiative très intéressante, notamment parce que nombre de cadres sont seuls dans leur fonction, particulièrement quand la structure est petite et ne dispose pas de structures communes permettant l’échange. De ce point de vue, pouvoir échanger entre pairs, c’est-à-dire entre personnes ayant le même type de positionnement au sein des organisations, me paraît central. D’autant que, parfois, certains peuvent se retrouver dans des situations très difficiles pouvant avoir des conséquences personnelles fortes. Pouvoir être conseillé, soutenu, notamment quand on démarre dans la fonction, me semble donc très important. 90 Nous pouvons penser que les chefs de service se trouvent comme l’écrit F.-M. Beyer (2004) dans des situations qui ne sont pas de tout repos : « Le travail est souvent harassant, il intervient dans des contradictions, des tensions, des conflits. » Ils ont besoin de se retrouver ensemble parce que confrontés à une série de tensions dans les organisations. La construction de la position de cadre, comme nous avons pu le voir précédemment implique un ancrage dans l’espace symbolique de l’institution ou du service. L’analyse de cet espace symbolique a conduit E. Enriquez (1992) à révéler quatre grandes structures types : charismatiques, coopératives, bureaucratiques et technocratiques. Les chefs de service vivent au quotidien ces « réalités symboliques » en fonction desquelles ils tentent de maintenir le cap. Pour cela, ils ont besoin de rencontrer leurs pairs pour parler « professionnel » et éventuellement mutualiser des outils, mais aussi fréquemment pour évoquer des anecdotes ou ce que nous pourrions appeler « le vivant des institutions ». En se rencontrant, ils semblent se construire une légitimité à agir et à dire. H. Hatzfeld (1998) définit la légitimité comme « le droit qu’on reconnaît à quelqu’un de faire ou de dire quelque chose au nom d’un principe auquel est accordée une valeur ». Elle distingue trois grands types de légitimité : institutionnelle, démocratique et de compétences. Ces trois types de légitimité sont relatifs et l’acquisition de la légitimité n’est pas valable dans toutes les situations. Il s’agit sans cesse de justifier la raison de ses actes, leur validité et développer de nouvelles logiques d’action. C’est à mettre en parallèle avec leur position institutionnelle, leur rôle vis-à-vis de la société et leurs compétences. Version préliminaire – March 1, 2013 – 12:01 ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ ✐ “Andesi04” (Col. : Guide 17x24 Noir) — 2013/3/1 — 12:01 — page 91 — #99 ✐ ✐ 4 • Les chefs de service face à la mutation du secteur social À mon sens, les cadres sont à la recherche de cette légitimité et c’est pour cette raison qu’ils recherchent différents groupes d’appartenance. Les chefs de service pourraient tirer leur légitimité à créer de la « reliure » entre acteurs, dépassant les simples volontarismes en palliant les lourdeurs inhérentes à toute organisation, en facilitant la compréhension entre pairs de spécialités et de cultures différentes. Le débat sur la question de la légitimité est récurrent. La notion de légitimité est aujourd’hui beaucoup utilisée, dans des domaines variés et avec des aspects différenciés, sans que, pour autant, lui soit associée une définition claire. Nous avons souhaité dans cet article modestement définir comment le chef de service peut combiner la dimension sociale, la dimension économique et la dimension politique (son positionnement), au sein du service qu’il gère pour accéder à une forme de légitimité qui sera la sienne dans un contexte en évolution. 14. BIBLIOGRAPHIE B ATIFOULIER F. (2011). Manuel de direction en action sociale et médicosociale, Paris, Dunod/ANDESI. B ERNOUX P. (1995). La Sociologie des entreprises, Paris, Le Seuil. Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit. B OUQUET B. (2011) « De l’éthique des dirigeants », in Batifoulier F. (dir.), Manuel de direction en action sociale et médico-sociale, Paris, Dunod/ANDESI C HAUVIÈRE M. (1999). « Approche clinique : intervention au plus près des gens, faite d’observations et de dialogue, et irréductible au simple accompagnement social. Elle implique légitimement des pratiques d’intervention, La sphère clinique du social », Lien social, 500. $ le titre de l’article est bizarre $ C ROZIER M., F RIEDBERG E. (1977). L’Acteur et le Système, Paris, Le Seuil. D OBIECKI B., G UAQUÈRE D. (2001). Être cadre dans l’action sociale et médico-sociale — Identités, légitimités, fonctions, Paris, ESF Éditeurs. D RAPERI J.-F. (2003). « L’économie sociale et solidaire. Utopie, alternative, réforme ? », Recma, 290, p. 1026. 91 E NRIQUEZ E. (1992). L’Organisation en analyse, Paris, PUF. J OUVET G. (2009). Parcours et légitimité des cadres du social, Paris, L’Harmattan. H ATZFELD H. (1998). Construire de nouvelles légitimités en travail social, Paris, Dunod. G ACOIN D. (2010). Conduire des projets en action sociale et médicosociale, Paris, Dunod. G ACOIN D. (2011). « Formes organisationnelles nouvelles, transformation des modes de direction. Une histoire de poule et d’œuf », in Batifoulier F. 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