Cependant, cette interprétation est sujette à bien des illusions et des erreurs. Souvent, en
croyant découvrir autrui tel qu'il est, je ne fais que le recouvrir de mes songes, en me projetant en lui.
B - Par le langage
« La véritable fin du langage, c'est de mettre les êtres en communication les uns avec les
autres, plutôt que de désigner les choses », dit Louis Lavelle dans La Parole et l'écriture. Chaque
homme étend ainsi sa pensée hors de lui et reçoit des autres leurs pensées.
Le dialogue, selon Platon, permet de se connaître soi-même. C'est l'un des moyens privilégiés
de la connaissance. C'est par le dialogue que Socrate réussit à « accoucher » les esprits. L'injonction
socratique («Connais-toi toi-même») passe par la médiation d'un autre (un maître) qui nous enseigne
une vérité qui se trouvait déjà en dedans de nous.
L'importance de l'intersubjectivité, de la relation entre deux personnes, dans la formation du
moi a été soulignée par Hegel et par Sartre.
Pour eux, je ne peux me définir que par rapport à l'autre. « Pour obtenir une vérité quelconque sur moi, il
faut que je passe par l'autre. » (Sartre).
Le langage permet la communication des consciences à travers l'espace : lettre, journaux,
radio, téléphone, fax, Internet... autant de moyens d'élargir la communication des consciences. Et à
travers le temps : « La lecture des bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes
gens des siècles passés, et même une conversation étudiée en laquelle ils ne nous découvrent que
les meilleurs de leurs pensée.» (Descartes : Le Discours de la méthode).
Cependant, cette communication par le langage présente certaines limites.
Déjà Platon, dans le Phèdre, disait préférer le langage dont on use
dans la conversation au langage écrit. Le livre reste muet. La conversation, au
contraire, permet un échange continuel d'idées ; elle permet de mieux expliquer, de
préciser les points difficiles.
Mais il y a plus : le langage n'offre aucune garantie de
communication sincère. On peut abuser de cet instrument qui, disait Talleyrand, «
a été donné à l'homme pour qu'il puisse déguiser sa pensée ».
II faut aller plus loin encore : le langage permet beaucoup plus la
communication de données impersonnelles que l'échange de sentiments intimes.
L'analyse de Bergson sur ce sujet est pertinente : le langage convient pour désigner les objets matériels,
juxtaposés dans l'espace. Mais il est disqualifié pour la communication des réalités spirituelles et personnelles
de la vie intérieure. Les moments de ma durée intérieure sont singuliers et incomparables. Quand je les livre à
autrui par le langage, les mots abstraits et généraux ne peuvent que les banaliser et les trahir.
Autrement dit, le langage fait participer les consciences à un monde commun, superficiel, un monde de
concepts. Mais il est difficile, sinon impossible, pour les consciences, de communiquer par le langage leur
singularité.
Enfin, le langage permet parfois d'éviter la communication des consciences. Souvent, en
effet, pour éviter la communication, par prudence ou par discrétion, on échange des politesses, on