Entrevue avec Marc Rutschmann Page 2
Entrevue avec Marc Rutschmann
sens, l'oculométrie offre une vision du subconscient qu'on ne peut
guère obtenir par d'autres moyens.
Comment un moyen publicitaire doit-il être conçu pour
déclencher des actes?
L'œil réagit tout d'abord à des Eye-Catcher grâce auxquels on
accroche le regard. Pour les annonces, il faut environ deux ou trois
secondes – pour les publipostages c'est un peu différent – avant
que n'arrive la grosse vague de l'abandon. Il s'agit alors de capturer
le lecteur et de l'entraîner vers la prochaine étape: le survol de tout
le support publicitaire. C'est une étape quelque peu chaotique,
difficile à contrôler. Il importe de disposer de nombreux éléments
augmentant la surface d'accroche pour que les chances que l'œil
effectue une certaine distance et aboutisse au dernier hameçon
soient assez grandes.
On en revient à la pléthore d'informations que vous avez
évoquée au début de l'entretien.
Oui, une lettre de deux pages génère plus de retour que celle d'une
page. Mais l'on refuse intuitivement ce fait et l'on prétend que le
message doit être court et concis. C'est ce que prétendrait
également chaque consommateur, chaque spécialiste du marketing
et chaque CEO. Mais la réalité est différente. Plus elle contient
d'éléments, plus la surface d'accroche est grande et plus la chance
que le destinataire reste longtemps à la deuxième étape dans
laquelle l'œil saute d'image en image, d'un terme d'accroche à
l'autre. Arrive alors à la troisième étape, ce que l'on appelle les
bouchées sémantiques. C'est là qu'il pénètre réellement dans le
message et qu'il lit les informations. Et l'on doit accéder à ce niveau
pour déclencher une action.
Vous écrivez donc essentiellement des lettres de deux pages?
Oui, toujours. Elles génèrent simplement plus de réponses. Mais il
faut maîtriser la technique, sinon il vaut mieux s'en tenir à une lettre
plus courte. Nous formons nos rédacteurs en conséquence. C'est ce
qui distingue le rédacteur en marketing direct. Un rédacteur
publicitaire classique ne peut jamais faire de la publicité incitant à
l'acte, car ce processus nécessite une toute autre approche.
Mais c'est différent dans le Business-to-Business, non?
La différence n'est pas significative. On la surestime souvent. L'on
s'adresse toujours à des personnes ayant un comportement oculaire
qui, comme dit, est totalement inconscient. Ce comportement ne
varie que de manière insignifiante dans une situation
professionnelle par rapport à une situation de consommation.
L'analyse oculométrique permet simplement de constater
qu'une information a été reçue. En revanche, on ne sait pas si
elle a été comprise, si elle a été retenue ou si elle a déclenché
l'acceptation ou des émotions. Ne faudrait-il pas la combiner
avec un sondage classique?
Une fois l'Eye Tracking achevé, on peut sans problème procéder à
un questionnement de rappel. Mais l'utilité est néanmoins réduite
dans la mesure où l'oculométrie nous fournit déjà une image des
informations parvenues au cerveau. C'est souvent suffisant. Lors
d'un sondage, il faut également faire attention à ce que la
radiographie précise obtenue par Eye Tracking ne soit pas voilée par
les filtres et les diversions de la conscience. Il ne faut pas prendre
pour argent comptant tout ce que le consommateur raconte.
Pour vous, l'étude de marché classique ne serait donc plus
d'actualité?
Nous employons également d'autres méthodes de recherche,
comme les analyses comportementales du processus d'achat. D'une
part, nous observons le consommateur sur le point de vente via une
caméra et d'autre part, nous utilisons une technique d'interview
bien définie durant laquelle le consommateur nous fournit
épisodiquement des retours d'information. Mais comme pour
l'oculométrie, on reste dans le domaine du comportement et non
des opinions, car elles sont dangereuses. Nous pensons que ce type
d'étude de marché n'est plus d'actualité.
Vous avez développé la méthode du scoring avec l'Institut
d'analyse comportementale de l'université de Helsinki. Elle
permet de déterminer les messages qui doivent absolument
arriver au cerveau pour déclencher l'acte d'achat. Pouvez-
vous nous donner quelques exemples sur ce sujet?
Nous mesurons sept paramètres qui sont importants pour le
destinataire, comme l'émetteur, les messages fondamentaux et
auxiliaires. Le destinataire doit ainsi pouvoir se représenter la
personne qui lui parle par le biais de la lettre. L'oculométrie met en
lumière des déficits clairs. Par exemple, lorsque l'émetteur ne
génère pas suffisamment de fixations oculaires ou que le message
principal n'est pas perçu avec précision en raison d'une durée de
fixation trop réduite. Soit nous comparons les variantes d'un
support publicitaire, soit nous nous tournons vers les références,
c'est-à-dire les meilleurs de la branche. De cette manière, on
découvre parfois des déficits importants. Souvent, nous prenons
également des références d'autres branches, par exemple le
déclencheur d'action d'un vendeur de cosmétiques par
correspondance pour une banque. Les structures d'essai sont alors
un peu plus complexes.
Combien de personnes test vous faut-il pour une analyse?
En règle générale, 25 personnes nous suffisent. Le comportement
oculaire des gens est assez homogène, car il est de nature
biologique. L'écart réduit nous fournit assez rapidement des
modèles significatifs. Et comme les échantillons sont représentatifs,
nous n'avons besoin que d'un petit panel. Nous choisissons les
personnes tests dans le groupe cible, même si les différences entre
divers groupes – par exemple pour le niveau d'instruction – ne sont
pas très grandes. Souvent, nous emportons toute l'installation sur le
terrain.