LA GRAMMAIRE ORIGINALE DES DIDASCALIES
Mustapha Krazem
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Pourtant, il existe des termes techniques pour désigner la gauche et la droite : « côté cour et
côté jardin ». Le côté cour est celui qui se trouve à droite du spectateur, le côté jardin étant à
gauche. Or, nous ne trouvons quasiment jamais ces expressions techniques.
De prime abord, cela apparaît étonnant. En effet, on croit bien souvent que les didascalies sont
de réelles indications scéniques, des injonctions adressées aux praticiens du théâtre.
Or, et c'est l'enseignement majeur, l'étude grammaticale des didascalies montre que celles-ci
s'adressent prioritairement aux lecteurs même si, à la marge, elles intègrent un discours sollicitant
la mise en scène.
Cette position de spectateur accordée au lecteur par la grammaire des didascalies va se vérifier
avec la référence du pronom « on ».
Il est bien connu que le pronom « on » est d’une grande flexibilité spécialement lorsqu’il s’agit
d’inclure ou d’exclure l’énonciateur. Vous savez par exemple qu'à l'oral le pronom « on » est
souvent mis à la place de « nous ».
Considérons ainsi ces deux exemples de Giraudoux et de Molière :
« Des autres tables on le regarde avec réprobation. »
(La folle de Chaillot)
« SGANARELLE, prend ici un bâton et le bat comme on l’a battu. »
(Scapin)
Dans l’exemple de Giraudoux “ on ” puise sa référence dans la situation de communication
entre les personnages, localisés par le circonstant « des autres tables ».
La didascalie de Molière est dépourvue de localisation contraignant l’interprétation. Mais, comme
ni le lecteur, ni le public n’a participé à une bastonnade antérieure, le sens de « on » ne sortira
pas du cadre des interactions entre les personnages.
Il en va autrement de ces autres exemples d''Anouilh, Romains et Hugo. Ils ne peuvent qu'être
associés aux spectateurs, spectateurs parmi lesquels s’intègre l’auteur au point que nous
rencontrons, certes très rarement, le pronom “ nous ”, ce que nous observons dans l'exemple
d'Obaldia :
« Avant le lever de rideau on a entendu un violon »
(Eurydice)