LES DIDASCALIES Mustapha Krazem 1 Cette séquence de la série

LES DIDASCALIES
Mustapha Krazem
1
Cette séquence de la série sur le texte de théâtre est la première consacrée aux didascalies.
Elle a pour objectif de décrire à gros traits cette composante du texte dramatique qui n'est
pas destinée à être dit. D'autres séquences développeront certains points évoqués ici
rapidement. Nous nous demanderons par exemple à qui s'adresse ces didascalies ou bien
nous remarquerons que leur grammaire originale est liée aux conditions requises par une
représentation fictive et non par une recherche stylistique.
Mais avant, attachons-nous à décrire globalement notre objet.
Comme vous le savez, le texte de théâtre est constitué de deux parties, ou plutôt de deux
couches puisque l'une se superpose à l'autre.
La première partie comprend l'ensemble des dialogues. Autrement dit, ce qui sera joué et
appris par les acteurs qui seront sur scène. C'est la partie essentielle du texte de théâtre.
En marge des dialogues, les auteurs dramatiques ajoutent, dans des proportions plus ou
moins grandes, des indications scéniques, appelées également « didascalies ».
Les didascalies, même si elles ne sont pas prononcées lors de la représentation,
accompagnent les dialogues. Elles sont accessibles au lecteur en l'aidant à visualiser la
représentation. Les didascalies comprennent également le paratexte, c'est-à-dire les noms
propres utilisés pour organiser les tours de parole, les séparations en actes et en scènes, la
liste des personnages.
Le texte de théâtre se compose donc ainsi :
Texte de théâtre (est égal) = aux Dialogues + les Didascalies (elles-mêmes composées
des indications scéniques auquel s'ajoute le paratexte)
Dans cette séquence, nous nous proposons de décrire plus spécifiquement la fonction de
ces didascalies, car elles n'obéissent pas toutes aux mêmes exigences. Mais avant de nous
concentrer sur cette variété, deux points doivent être précisés.
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Le premier : Les didascalies doivent être repérées visuellement par le lecteur.
La distinction visuelle est essentielle à la lecture comme le montre ce très court passage du
Figaro de Beaumarchais.
Elle permet d’identifier qui parle.
Elle empêche la confusion entre le dialogue et l’indication.
Ainsi le segment textuel « en soupirant » n’est pas intégré dans le texte du dialogue, mai
associé au nom du tour de parole « Marceline ».
Cependant, si une distinction visuelle est obligatoire, la forme qu’elle revêt est variée. Les
caractères peuvent être différents, on peut utiliser des italiques ou bien encore se servir de
parenthèses.
Tandis que les noms de personnages peuvent être en début de réplique ou bien centrés sur
une ligne précédent la réplique :
Marceline
(en soupirant) - C'est un grand abus que de les vendre
Quel que soit le procédé choisi, la seule fonction est oppositive : ce qui importe c’est de
distinguer ce qui est dialogue et ce qui est indications. Les procédés ne sont pas en eux-
mêmes porteurs de signification.
Le second point est plus stylistique car il permet de mieux appréhender l'écriture
dramatique des auteurs.
En effet ceux-ci n'emploient pas les didascalies avec la même fréquence.
De façon générale, les didascalies sont moins utilisées dans le théâtre du 16ème que dans le
théâtre contemporain. Une étude quantitative révèle néanmoins des variations assez
perceptibles.
C’est ainsi qu’
Andromaque
de Racine ne comporte que 6 occurrences, alors que les
plaideurs ou Athalie du même Racine en contiennent dix fois plus.
Le théâtre du 19ème est très friand d'indications, notamment parce qu'à cette époque le
métier de metteur en scène est en train de s'installer progressivement. C'est ainsi par
exemple que L
e dindon
de Feydeau en livre 1149 !
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Le théâtre contemporain reste un gros utilisateur de didascalies
En terme de pourcentage, la pièce
les Nègres
de Genet (1958) contient 532 didascalies (soit
environ 20 pour cent lignes de dialogue) tandis que
La cantatrice chauve
de Ionesco (1954)
en contient 121 (soit environ 8 pour cent lignes de dialogue).
Description classificatoire des didascalies
Attachons nous à présent de décrire la fonction de ces didascalies.
Il existe au moins deux approches classificatoires :
La première que nous présenterons classe les didascalies en les compartimentant
hermétiquement. Elle est prioritairement soucieuse de leur pertinence dans la
représentation effective de la pièce.
La seconde est davantage sensible à l’écriture et de la réception globale de la pièce.
Pour simplifier, nous dirons que la première approche est scénographique tandis que la
seconde est textuelle.
L’approche scénographique
L’approche scénographique identifie quatre grandes catégories de didascalies :
-les didascalies initiales
-les didascalies fonctionnelles
-les didascalies expressives
-les didascalies textuelles
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(i) didascalies initiales
Il s’agit de la liste et des précisions initiales des personnages, des lieux, de l’époque. Ces
didascalies ne sont pas immédiatement accessibles au spectateur. Voici pour illustration la
liste de l'école des maris de Molière. Le lecteur y découvre les liens de parenté avant même
les trois coups potentiels.
L’école des maris (Molière)
PERSONNAGES
SGANARELLE, frère d’Ariste
ARISTE, frère de Sganarelle
ISABELLE, sœur de Leonor
LEONOR, sœur d’Isabelle
LISETTE, suivante de Léonor
VALERE, amant d’Isabelle
ERGASTE, valet de Valère
Le Commissaire
Le Notaire
La scène est à Paris
Le spectateur, lui, apprend la relation familiale entre Sganarelle et Ariste dès la première
réplique de la pièce : car SGANARELLE dit à Ariste : « Mon frère, s’il vous plait ne
discourons point tant ».
En revanche, le spectateur apprend les liens entre Léonor et Isabelle après quelques
répliques.
(ii) didascalies fonctionnelles
Il s’agit des indications utiles à la représentation mais qui n’affectent pas la façon de jouer
de l’acteur.
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Ces indications sont donc objectives ; elles ne sont pas censées être interprétées.
Elles permettent déjà de visualiser le découpage de la structure de la pièce en acte, en
scène, en tableau.
Ce découpage organise les changements de décors ou bien le nombre de personnages
impliqués
On sait aussi l'importance cruciale des didascalies de tour de parole qui permettent de
savoir qui prend en charge la réplique.
Celles-ci sont souvent complétées par des précisions sur la situation de communication :
aparté, adresse, etc.
LE COMTE, à Bazile. –
LE COMTE, à part.
MARCELINE, seule....
Puisque nous sommes au théâtre, y compris par la lecture, il est normal et attendu de lire
des indications décrivant l'espace, les décors, la présence d’objets.
On les rencontre le plus souvent en début de pièces ou d’acte, comme cette didascalie de
Cocteau.
L’estrade représente la chambre de Jocaste, rouge comme une petite boucherie au milieu
des architectures de la ville. Un large lit couvert de fourrures blanches. Au pied du lit, une
peau de bête. A gauche du lit, un berceau.
(Cocteau, la machine infernale)
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