Résumé
1. L’émergence des EIG dans les politiques sanitaires françaises
Depuis les années 1970, des dispositifs de vigilance ont émergé afin de pallier les effets
indésirables de l’activité médicale. Ce mouvement s’est effectué par secteurs, avec en premier
la pharmacovigilance puis la lutte contre les infections nosocomiales. Parallèlement s’est
imposée la nécessité de passer d’une vision de la sécurité sanitaire liée au produit à une vision
où les actes médicaux eux-mêmes étaient porteurs de risque.
Au début des années 2000, la notion contemporaine d’EIG, inspirée de modèles américains, a
été diffusée en France par un groupe relativement restreint d’experts proches de
l’administration centrale de la santé. Ces préoccupations ont connu une diffusion rapide dans
des textes normatifs. Plus récemment, des dispositifs de déclaration d’événements
indésirables ont été mis en place simultanément : l’expérimentation de la déclaration
obligatoire des EIG et l’accréditation des médecins exerçant dans les spécialités à risques,
alors que la notion d’EIG est intégrée à d’autres dispositifs comme la certification des
établissements. Cette diffusion rapide ne s’est pas accompagnée d’une appropriation du
concept par la majorité des professionnels de santé.
2. L’approche par les EIG, véhicule de changement dans les modèles et les
représentations de l’activité médicale
Le cadre cognitif des EIG se réclame d’une compréhension « systémique » du risque médical,
invitant de passer d’une vision punitive et individualisée de l’erreur médicale à une
conception de l’erreur comme systémique, appelant la déclaration, la discussion ouverte en
équipe avec les protagonistes et débouchant sur l’apprentissage collectif et le changement
dans les pratiques.
S’il existe un sens commun sur ce que c’est qu’un EIG, cette notion est différemment définie
dans les dispositifs qui s’en emparent. L’approche par les EIG invite à un décentrage par
rapport à un ensemble de postures et de routines médicales, impliquant une normalisation de
l’activité médicale, une remise en question du rôle traditionnel du médecin et une
réorganisation de ses activités afin de faire place à la formalisation des règles de sécurité.
Autant de changements qui nécessitent selon les professionnels des moyens dédiés, une
planification sur une longue durée et une remise en question des modes d’évaluation en
matière de gestion des risques. Enfin, la question de la responsabilité juridique, absente du
modèle, est posée par les professionnels.
3. Quels dispositifs pour cibler les EIG ?
Le paysage des vigilances sectorielles compose un cadre institutionnel hétérogène. L’idée que
la politique mise en place contre les infections nosocomiales constitue un exemple de succès
d’un dispositif transversal et multi-facettes est relativement consensuelle, certaines personnes
interrogées souhaitant que de tels dispositifs soient répliqués pour les EIG, en élargissant le
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