Gestion des évènements indésirables dans les établissements de santé Contexte national, épidémiologie, analyse des causes profondes V. Merle Quelques histoires 2011 à Lyon 2009 à Lyon Une élève sage-femme entre dans la chambre d’une patiente admise pour interruption médicale de grossesse afin de lui donner le traitement abortif.Elle ne demande pas son nom à la patiente. Celle-ci est en fait une autre patiente, admise pour cerclage du col utérin en prévention d’un accouchement prématuré. Elle perdra son bébé après prise du traitement abortif. Une patiente entre au bloc opératoire pour mastectomie sur cancer du sein gauche. L’équipe du bloc lui demande avant l’intervention quel sein doit être opéré. La patiente précise qu’il s’agit du sein gauche. L’équipe installe la patiente et pratique une mammectomie droite. 2008 à l’Hôpital St Vincent de Paul (AP-HP) Chez un enfant de 3 ans admis pour une angine, l’IDE administre par erreur, la nuit, du chlorure de magnésium au lieu de G5 (flacons d’aspect très proche). L’IDE repère l’erreur en cours de perfusion et la signale immédiatement. L’enfant est transféré en réanimation où il décède. Le flacon de MgCl avait été envoyé par erreur dans le service (non commandé). Risques et évènements indésirables Evènement indésirable : définition HAS « événement défavorable pour le patient, plutôt consécutif aux stratégies et actes de diagnostic, de traitement, de prévention,ou de réhabilitation qu’à l’évolution naturelle de la maladie. » Marqueur de « non sécurité » des soins Dimension « négative » de la qualité Types de risques dans les établissements de santé Risques liés aux activités médicales et de soins (aussi appelés risques iatrogènes ou risques cliniques) risques liés aux pratiques médicales (erreurs de diagnostic, de traitement, complication d’un geste technique,…) risques liés à l’utilisation des produits de santé (médicaments, produits sanguins, équipements médicaux, etc.), risques liés à l’organisation des soins et à l’environnement (erreur d’identification patient,…) risque d’infection nosocomiale Et aussi : risques techniques ou logistiques, engagement de la responsabilité, atteinte à l’image de marque,… Les risques dans les établissements de santé Plus difficile à gérer que dans d’autres organisations en raison De l’intrication entre pathologie et risques De l’hétérogénéité du risque en fonction • De la discipline médicale • Du type de patients, • Du type d’établissement (taille, statut,…) De la forte composante humaine de l’activité • Importante variabilité : faible standardisation • possibilités d'automatisation limitées ; • transferts de tâches fréquents entre professions Des contraintes • activité 24h/24, • Activité en partie non programmée • activité de formation des professionnels de santé Les risques dans les établissements de santé z Prise de conscience : Harvard Medical Practice Study (New England J Med 1991) z Publication du rapport « To Err is Human » de l’Institute of Medicine z Premières données françaises : ENEIS 2004 (puis 2009) z Ciblaient évènements indésirables graves (EIG) : prolongation de séjour, incapacité, menace vitale, décès Suivi 7 jours/unité de soins z Dans 2 unités sur 3, au moins 1 EIG dans la semaine de suivi z z 6,2 EIG pour 1000 journées d’hospitalisation en 2009 Æ Æ Æ 275 000 à 395 000 EIG par an en France , dont 150 000 évitables) Dont 95 000 à 180 000 EIG évitables Décès 8%, prolongation d’hospitalisation 40% Les risques dans les établissements de santé z z Causes : 50% chirurgie, 27% produits de santé (médicaments 19%) , infections nosocomiales 24% Deux fois plus fréquents en chirurgie qu’en médecine De Ph. Michel, communication SF2H 2011 Les risques dans les établissements de santé Les risques dans les établissements de santé Les accidents ne surviennent pas par hasard… Le modèle de Reason (BMJ 2000) Erreurs latentes (= causes racines ) Erreurs patentes En fin de chaîne : les « défenses en profondeur » Implications il est utopique de vouloir supprimer les erreurs patentes Les erreurs patentes révélent les erreurs latentes Analyse des causes profondes Repose sur le modèle de Reason Système : environnement dans lequel travaillent les professionnels Analyse des causes profondes = analyse systémique Trois objectifs de l’analyse systémique : recherche des causes profondes (erreurs latentes) de survenue de l’accident Et aussi recherche des mécanismes de récupération (= qui aurait pu éviter l’accident malgré l’erreur patente) qui ont ou n'ont pas fonctionné analyse de la façon dont l’accident a été traité (atténuation) Principes de l’analyse systémique Méthodes : ALARM (Association of Litigation And Risk Management) ORION Arbre des causes … Équipe pluriprofessionnelle Professionnels reconnus par leurs pairs Principe de non sanction Reconstitution chronologique détaillée, factuelle Pour chaque étape, identification des prises en charge non conforme Pour les non conformités, identification des « facteurs contributifs » (= « facteurs influents » = « causes racines ») Principes de l’analyse systémique Méthode ALARM S’intéresse à tous les facteurs contributifs et non à un facteur unique ou principal Ne cherche pas d’enchaînement (différent de l’arbre des causes) Classe les facteurs contributifs en 7 catégories • Permet de ne pas en oublier Facteurs contributifs méthode ALARM Facteurs liés à l’équipe Composition de l’équipe inadapté à la situation Le dossier n’était pas complet/accessible/lisible/compréhensible pour un professionnel de l’équipe Les différents acteurs n’étaient pas d’accord dans l’interprétation des résultats des examens complémentaires Il y a eu selon vous, une communication mauvaise/insuffisante entre l’équipe et les membres d’une autre équipe Il y avait une incompatibilité personnelle entre des membres de l’équipe qui a pu contribuer à cet accident Pendant l’accident, un professionnel n’a pas pu obtenir les avis médicaux/conseils/aides dont il avait besoin Principes de l’analyse systémique Méthode ORION® Reconstitue chaque étape du déroulement des faits avec la chronologie exacte et l’identité (anonymisée) des intervenants Pour chaque étape, détermine si elle est conforme (aux recommandations en vigueur dans l’établissement) ou non Cherche pour chaque non conformité • les facteurs contributifs • Les facteurs influents • Les mesures correctives envisageables Au total Les deux méthodes décrivent bien le mécanisme ayant conduit à l’accident mais nécessitent une démarche active des analystes pour identifier, et valoriser : Elles peuvent être compliquées à utiliser pour les IAS Les mécanismes de récupération Les mécanismes d’atténuation Reconstitution chronologique difficile si le moment/le mécanisme de la contamination n’est pas connu Risque de « dévier » vers un audit : rechercher des non conformités des pratiques, sans savoir si elles ont joué un rôle dans le cas analysé… Mais outil utile+++ pour développer une culture de gestion des évènements indésirables car développe l’habitude : de ne pas chercher la faute de l’ »autre » De repérer les problèmes organisationnels et les fragilités du système