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Bulletin Infirmier du Cancer Vol.13-n°2-avril-mai-juin 2013
Activité soignante
bilité de la définition scientifique du pathologique revient
à la profession médicale. Le médecin va porter un juge-
ment sur un écart à des normes physiologiques mais
aussi comportementales en matière de santé. Ce sont
ces écarts à une norme qui vont permettre au médecin
de catégoriser un état. Pour autant, ces écarts à la norme
ne seront dits pathologiques que dans la mesure où ils
sont concomitants d’un mal-être car suivant les termes
de Canguilheim, « il n’y a pas de pathologie objective ».
Pour la personne malade, dans sa relation avec le corps
médical, dire sa maladie, c’est avant tout la décrire, la
raconter en vue de trouver dans le discours des soignants
des éléments susceptibles d’éclairer et d’orienter sa situa-
tion propre, le vécu de son état de mal-être. Il s’agit pour
la personne malade d’inscrire sa maladie à la fois dans
une expérience subjective et dans une expérience cor-
porelle.
Ainsi, s’interroger sur cette question de comment se
dit la maladie, c’est se confronter à la dialectique de l’ex-
périence du mal-être et de sa formulation médicale. La
maladie est aussi une expérience subjective qui se
décline dans les histoires singulières des personnes
malades.
Le cancer est une maladie qui remet en interrogation
permanente la perspective d’une vie ordinaire et le sens
de la vie. La maladie laisse planer irrémédiablement dans
l’esprit des personnes une possible souffrance, une pos-
sible douleur, un possible handicap physique… Elle rap-
pelle au quotidien que nous sommes mortels. Et peu de
mots peuvent évoquer un danger pour la vie comme le
mot « cancer ».
Dimensions
d’une démarche éducative :
la place de l’information
Composante des soins, la démarche d’éducation thé-
rapeutique relève de deux dimensions : une dimension
de prévention (la personne malade doit faire face à l’ap-
parition de certains troubles ou symptômes liés à la mala-
die et à son traitement) et une dimension d’adaptation
à la maladie (la personne va devoir réorganiser, repen-
ser son projet de (sur)-vie avec la maladie.)
L’éducation thérapeutique ne se confond pas avec
l’information, qui a pour objectif de prévenir le patient
de ce qui peut lui arriver. En cancérologie, de nombreux
documents d’information élaborés par des profession-
nels, souvent avec la participation de patients, sont dif-
fusés par des établissements de soins ou des associa-
tions. La rédaction des SOR (Standards, Options et
Recommandations pour le Savoir des Patients), savoir
patients de la Fédération nationale des centres de lutte
contre le cancer, est l’exemple d’une démarche rigou-
reuse dans ce domaine. Cependant, il ne suffit pas de
mettre à la disposition des patients et de leurs familles
de l’information, même fiable et validée, pour qu’ils se
l’approprient. En effet, deux patients présentant la même
maladie peuvent être très différents dans leur capacité
à réagir et à agir. La différence réside dans les qualités
et les compétences personnelles que chaque personne
met en œuvre pour faire face à sa maladie. Devoir
s’adapter à une pathologie de longue durée comme le
cancer exige que le patient puisse négocier ses propres
priorités, ses préférences, pour devenir un acteur effec-
tif du processus de décision et un partenaire des soins.
L’éducation thérapeutique
comme projet partagé :
l’enjeu du diagnostic éducatif
La démarche d’éducation thérapeutique se structure
autour de quatre étapes définies par la Haute Autorité
de santé (HAS) : élaborer un diagnostic éducatif, défi-
nir un programme personnalisé avec des priorités d’ap-
prentissage, planifier et mettre en œuvre des séances
d’ETP individuelle et/ou collective, et enfin réaliser une
évaluation des compétences acquises et du déroulement
du programme. Le diagnostic éducatif est ainsi posé
comme la première étape de mise en œuvre d’un pro-
gramme personnalisé d’ETP.
Mais « qu’attend-on du patient vivant une maladie
chronique ? Doit-il se vivre comme acteur, jouant le rôle
écrit pour lui par les soignants qui par postulat lui veulent
du bien ? Peut-il revendiquer son autonomie d’auteur de
sa vie en assumant les risques que cela comporte ? L’édu-
cation thérapeutique reproduit la démarche classique du
modèle biomédical : interrogatoire du patient, diagnos-
tic éducatif, et traitement sous la forme d’enseignements
adressés à des groupes de patients ; un contrat pédago-
gique finalisant le lien et la dépendance entre soignants
et patient. Les soignants bénéficient ainsi d’un modèle
« clés en main » qui « protocolise » et rassure en balisant
une manière de rencontre éducative reconnue comme
légitime. Il est seulement demandé au patient d’être le
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