
Médecine d'Afrique Noire : 1998, 45 (8/9)
sujet et son chiffre tensionnel, en subdivisant la population
des hypertendus selon qu’ils sont ou non traités. La proba-
bilité de faire un AVC dans les 10 ans sera de 3 à 88 %
suivant le nombre de points additionnés.
Par exemple, un fumeur (3 points) présentant une histoire
vasculaire (4 points) avec hypertrophie ventriculaire gau-
che (5 points), âgé de 66 à 68 ans (4 points), hypertendu
non traité ayant une PA systolique de 166 à 175 mm Hg (7
points), additionne donc 23 points et son risque est de 52
%. Une HTA traitée doit l’être efficacement pour diminuer
le risque d’AVC.
Les études épidémiologiques récentes ont montré que la
diminution de l’incidence des AVC est la conséquence
d’un meilleure prise en charge du traitement, le nombre de
décès attribués à ces AVC ayant diminué d’environ 50 %
au cours de la période 1950-1980 dans les pays indus-
trialisés.
Il convient, toujours d’après l’étude, de Framingham, de
noter que si le rôle du traitement de l’HTA est très impor-
tant, il n’y a pas de parallélisme strict entre les modifica-
tions de l’incidence et l’amélioration de la prise en charge
des hypertendus, d’autres facteurs intervenant comme
l’ancienneté de l’HTA, l’efficacité du traitement, les fac-
teurs de risques associés et…le meilleur diagnostic notam-
ment grâce à l’imagerie moderne. Les importants progrès
thérapeutiques dans le traitement de l’infarctus du myo-
carde et la réduction de la mortalité des patients corona-
riens amènent de plus en plus de malades à être en situa-
tion de faire un AVC.
Il faut insister sur le danger des HTA limites, dont nous
verrons plus loin l’importance en Afrique, notamment chez
l’enfant. On estime l’HTA limite pour une systolique située
entre 140 et 159 mm Hg.
Dans le New England Journal of Medicine, A. SAGIE (17),
en décembre 1993, à partir de l’étude de Framingham, a bien
montré que les sujets présentant une
HTA limite devenaient
pour 80 % d’entre eux hypertendus après 20 ans, alors que
pour la population témoin, seuls 45 % des sujets deve-
naient hypertendus. Après 34 ans de suivi, le risque d’AVC
était significativement augmenté (risque relatif : 1,41),
comme d’ailleurs le risque de cardiopathie (risque relatif :
1,47) et de décès (risque relatif : 1,57).
Si l’HTA est un facteur important d’AVC de nature isché-
mique ou hémorragique, son rôle doit être souligné dans la
survenue et l’évolution des sténoses carotidiennes, dans
l’apparition des lacunes et dans l’évolution des démences
vasculaires.
Mais la mortalité et la morbidité sont très diff é r e n t e s
suivant les pays pour des raisons complexes, dont certaines
sont connues. On estime ainsi que la mortalité peut varier
de 40 à 250/100.000 habitants. Ainsi, dans les pays
industrialisés, les taux les plus élevés de morbidité se
retrouvent en Europe de l’Est et au Japon, alors qu’inverse-
ment, les pays nordiques, les USA et le Canada ont les taux
les plus faibles.
En France, par exemple, les zones du sud-ouest et la
Bretagne ont une morbidité nettement supérieure au reste
du pays. Enfin, dans la communauté noire aux USA, la
morbidité est deux fois et demie supérieure à ce qu’elle est
dans la communauté blanche. La morbidité est également
toujours plus élevée chez l’homme que chez la femme.
2. LE TRAITEMENT DE
L’HYPERTENSION ARTERIELLE
Le nombre d’hypertendus est difficile à préciser. En
France, on estime que sur une population d’environ
60 millions d’habitants, il existe 7 millions d’hypertendus,
dont 4 millions suivent un traitement hypertenseur. Les
chiffres en Afrique Noire sont assez comparables, puisque
BERTRAND en Côte d’Ivoire l’évalue à 14 % de la popu-
lation générale (4).
L’efficacité du traitement de l’HTA dans la prévention des
AVC est actuellement bien connue, alors que son traite-
ment est beaucoup moins efficace dans la prévention de la
pathologie coronarienne et n’en diminue pas la mortalité
totale (7).
L’ e fficacité du traitement doit-elle porter sur la PA systo-
lique ou la PA diastolique ?
Les études de Framingham portent sur la systolique, alors
que le travail de MAC MAHON (14), paru dans le Lancet
en 1990, montre à partir des 9 principales études épidémio-
logiques prospectives confrontées, que le risque vasculaire
est essentiellement en rapport avec la pression artérielle
diastolique. Il insiste sur l’intérêt de noter ce qu’il appelle
la PA diastolique “habituelle”, c’est-à-dire la PA dias-
tolique moyenne au long cours, et de ne pas se limiter à
une mesure unique en début d’étude ou encore plus lors de
la survenue d’un AVC. Si l’on retient cette PS habituelle,
on peut dire que le risque d’AVC augmente d’environ 40 %
pour toute augmentation de PA diastolique de 10 mm Hg.
L’objectif du traitement antihypertenseur est donc de faire
baisser les chiffres tensionnels en-dessous de 160/95, en
évitant de les faire baisser trop ou trop rapidement.
M. COLLARD
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