COMMENT J ‘ÉVALUE UNE PATIENTE POUR SUSPICION D’ENDOMÉTRIOSE RECTALE E Petit 1,2, A Massein,1 MA Darchen ² 1 Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph 2 Centre d’imagerie médicale Italie (CIMI) Paris CENTRE DE L’ENDOMÉTRIOSE GH PARIS SAINT-JOSEPH E.SAUVANET(gyn.) E.PETIT(radio.) R.AFRIAT(gyn.) O.MARTY(gastro.) J.LORIAU(dig.) P.DELALANDE(procto.) F.GIRARD(uro.) V.DUCHATELLE(anapath.) S.MARTIN(stomatherapeute) D.LHUILLERY(cs antidouleur) J.GALEY(PMA/IMM) Y.SAIRE(psychiatre) INTRODUCTION Maladie gynécologique chronique fréquente en augmentation réelle → pb de santé publique 15 -20% des femmes en âge de procréer 20% - 50% des femmes atteintes de dysfertilité 9 ans = délai diagnostique moyen Ectopie de tissu endométrial en dehors de la cavité utérine, principalement dans le péritoine pelvien, l’espace sous-péritonéal et les ovaires Pathogénie non élucidée, plusieurs hypothèses: •reflux de fragments endométriaux à travers les trompes lors des menstruations ( régurgitation) •métaplasie de tissus issus de l’épithélium cœlomique en endomètre •emboles vasculaires et/ou lymphatiques •maladie inflammatoire chronique •facteurs génétiques et environnementaux ENDOMÉTRIOSE PELVIENNE: 3 principaux spectres clinico-pathologiques Péritonéale superficielle implants adhérant superficiellement au péritoine douleurs pelviennes à recrudescence permenstruelle Dysménorrhées Ovarienne Endométriome Pelvienne profonde: 2 définitions sous-péritonéale (pénétrant à plus de 5 mm sous le péritoine) infiltrant les ligaments utéro-sacrés ou la musculeuse des organes adjacents (vessie, rectum…) dyspareunie profonde, dyschésie, rectorragies, dysurie, hématurie ENDOMÉTRIOSE PROFONDE 2 2 1 4 Sous-péritonéale postérieure (90% des cas) 4 1. Ligaments utéro-sacrés (=LUS) (52%) 2. Torus uterinum 7 8 3 5 Sous-péritonéale antérieure 7. Vessie (9%) 8. Cul-de-sac vésico-utérin 3. Cul-de-sac de Douglas 4. Tube digestif (21%) 5. Vagin (14%), septum recto-vaginal 6. Uretère (3,5%) Chiffres issus d’une série chirurgicale d’endométriose profonde Chamié et al. Findings of Pelvic Endometriosis at Transvaginal US, MR Imaging, and Laparoscopy. Radiographics (2011) Chapron. Deeply infiltrating endometriosis: pathogenetic implications of the anatomical distribution. Human Reproduction (2006) ENDOMÉTRIOSE DIGESTIVE 12- 37% Rectum et jonction rectosigmoïdienne (66%) Site le plus fréquemment atteint par contiguïté du torus uterinum et des LUS Sigmoïde (17%) Appendice (6%) Iléon (5%) Caecum et jonction iléo-caecale (4%) Existence de formes plurifocales: 15 à 50% Chapron. Deeply infiltrating endometriosis: pathogenetic implications of the anatomical distribution. Human Reproduction (2006) DIAGNOSTIC INTERROGATOIRE +++ : RÈGLE DES 6 D EXAMEN CLINIQUE PEU SENSIBLE Dysménorrhée Dyspareunie profonde Dyschésie rectale Dysurie douloureuse Douleur pelvienne chronique IMAGERIE LA COELIOSCOPIE NE DOIT ÊTRE, SI NECESSAIRE, QUE THÉRAPEUTIQUE Dysfertilité SYMPTOMATOLOGIE DIGESTIVE EXONÉRATION DOULOUREUSE DES SELLES RECTORRAGIES TROUBLES FONCTIONNELS INTESTINAUX CARACTÈRE CYCLIQUE ASYMPTOMATIQUE CONDUITE À TENIR THÉRAPEUTIQUE : Bilan d’imagerie pour cartographie complète des localisations discussion en staff multidisciplinaire patiente asymptomatique abstention thérapeutique et surveillance patiente douloureuse sans désir de grossesse 1e ligne: contraceptifs oraux, progestatifs, agonistes de la GnRH Si échec: résection chirurgicale dysfertilité chirurgie et/ou assistance à la procréation médicale CHIRURGIE EXÉRÈSE COMPLÈTE EN UNE SEULE FOIS DE TOUTES LES LÉSIONS D’ENDOMÉTRIOSE,SOUS COELIOSCOPIE,PAR UNE ÉQUIPE SPÉCIALISÉE PLURIDISCIPLINAIRE 90 À 100 % DE SUCCÈS POUR LA DOULEUR ET LA QUALITÉ DE VIE 50 % DE GROSSESSE SPONTANÉE ET 70 % SI PMA ASSOCIÉE ↓RISQUE DE RÉCIDIVE SURTOUT SI HORMONOTHÉRAPIE ASSOCIÉE MAIS 10 % DE COMPLICATIONS ET RISQUE DE STOMIE TRANSITOIRE SI COLOPROTECTOMIE CONSENTEMENT ÉCLAIRÉ DE LA PATIENTE BILAN PRÉ-CHIRURGICAL Le succès du traitement dépend du caractère complet de l’exérèse des lésions. Les localisations et l’étendue des lésions sont déterminantes dans le choix des modalités opératoires. La cartographie précise des atteintes est donc un préalable essentiel à la réussite thérapeutique. Echographie endovaginale IRM pelvienne Coloscanner Echo-endoscopie rectale sous anesthésie générale Indispensables Indispensable en cas de localisation digestive douteuse ou discordance ÉCHOGRAPHIE ENDOVAGINALE (EEV):1ère INTENTION Transvaginal ultrasonography with bowel preparation is able to predict the number of lesions and rectosigmoid layers affected in cases of deep endometriosis,defining surgical strategy. Goncalves MO et al. Hum Reprod 2010;25:665-671 Avantages : résolution spatiale et clinique Limites : douleur, carrefour iléo-coecal et sigmoïde Evaluation d’une atteinte recto-sigmoïdienne en EEV: ce qu’il faut noter dans le compte-rendu Recherche des adhérences pelviennes: mobiliser les uns par rapport aux autres l'utérus, des ovaires, du côlon grâce à des pressions exercées sur la sonde. Localisation de la lésion par rapport à la marge anale : évaluation approximative par rapport à la réflexion péritonéale, qui est à 7-9 cm de la marge anale. Taille de la lésion et pourcentage de la circonférence intestinale touchée (à évaluer sur une coupe axiale) Degré d’infiltration De la couche externe vers la couche interne: 1: Séreuse: Fine ligne hyperéchogène 2 et 3: Musculeuse: deux bandes hypoéchogènes séparées par une fine ligne hyperéchogène en 2 couches : (2) externe, (3) interne) 4: Sous-muqueuse: bande hyperéchogène 5: Musculaire muqueuse: ligne hypoéchogène 6: Muqueuse: ligne hyperéchogène Couche sagittale d’échographie endo-vaginale Chamié et al. Transvaginal US after bowel preparation for deeply infiltrating endometriosis: protocol, imaging appearances, and laparoscopic correlation. Radiographics (2010) IRM Méthode non invasive non irradiante étude pelvienne des compartiments antérieur et postérieur à la fois Protocole: Quel que soit le stade du cycle, dates des dernières règles notées dans le compte-rendu réplétion modérée de la vessie Facultatifs : préparation colique (laxatifs, lavement) antispasmodique juste avant l'examen (réduit les artefacts de mouvement causés par le péristaltisme et atténue les contractions utérines) gel aqueux intravaginal (permet une meilleure évaluation de la zone rétrocervicale et des culs-de-sac vaginaux) gel aqueux endorectal (inconvénients : inconfort, augmente le péristaltisme du côlon, peut faire disparaître la rétraction pariétale intestinale,insuffisant en hauteur) Séquences axial, sagittal et coronal pondérées en T2 Axiales pondérées en T1 multicontraste Les coupes axiales obliques sont positionnées dans le plan des LUS Pas d’injection systématique Limites: Certaines conditions réduisent la qualité et la sensibilité des images : le péristaltisme colique, qui rend flous les contours intestinaux, ce qui peut mimer un épaississement du côlon ou masquer de petites lésions le péristaltisme grêle, notamment sur vessie vide quand le grêle se positionne juste au-dessus de l’utérus les résidus de matières fécales et de gaz même après préparation, notamment en cas de constipation De grands endométriomes, des léiomyomes sous-séreux (en particulier rétrocervicaux) et les rétroversions importantes de l'utérus AXIAL OBLIQUE 1 COLOSCANNER Dépiste et caractérise les localisations digestives, uniques et multiples les autres localisations abdominales (gouttières pariétocoliques, coupoles diaphragmatiques) Les localisations urinaires au temps tardif Est moins sensible au péristaltisme et aux résidus de matières que l’IRM Permet des reconstructions multiplanaires Protocole: préparation colique facultative Lavement à l’eau nécessaire Une seule hélice après injection de produit de contraste iodé à 70 secondes Temps tardif pour opacification urétérale si nécessaire Limite: Irradiant COLOSCANNER ECHO-ENDOSCOPIE RECTALE (EER) Protocole: Etudie les localisations recto-sigmoïdiennes Le septum recto-vaginal moyen le plus fiable d’évaluer le degré d’infiltration de la paroi la distance exacte par rapport à la marge anale Sous anesthésie générale Sonde à haute fréquence laxatifs la veille, lavement 1h avant Limite: Sous anesthésie générale La distance à la marge anale est un renseignement fondamental pour le chirurgien. En cas de résection rectale basse, une iléostomie sera nécessaire. Il est donc important d’en programmer le geste et d’en informer la patiente. CE QUE L’ON DÉTECTE EN IMAGERIE Atteinte superficielle: apanage de la cœlioscopie limite de l’imagerie: adhérences ou implants millimétriques Atteinte profonde: Hyperplasie fibro-musculaire qui entoure les implants endométriosiques et qui donne l’aspect nodulaire Parfois les foyers endométriosiques s’ils sont kystisés ou hémorragiques Fibrose qui donne l’aspect rétractile Photographies microscopiques à grossissement moyen montrant des glandes endométriales (flèche orange) entourées de chorion cytogène (flèche bleue) entourés d’hyperplasie musculaire lisse et de fibrose (flèche noire) EEV L’atteinte recto-sigmoïdienne est généralement une extension par contiguïté de l’endométriose rétrocervicale touchant l’insertion des ligaments utéro-sacrés (LUS). RAPPEL: les LUS sont le site le plus fréquemment touchés par l’endomériose profonde L’atteinte des LUS est donc un argument important à rechercher chez les patientes suspectes d’endométriose digestive. LUS droit Elle se manifeste par un épaississement hypoéchogène bilatéral asymétrique de la partie proximale et médiale des LUS. LUS gauche L’atteinte digestive rectale se manifeste comme un nodule (têtes de flèche sur les images) hypoéchogène accolant la face postérieure de l’isthme utérin au rectum, avec disparition de la ligne graisseuse normale mal limité, irrégulier avec raccordement à angle obtus avec la paroi rectale (aspect triangulaire caractéristique) Aspect fin et normal de la musculeuse du rectum sous-jacent 33 ANS DDDDD,RECTORRAGIES IRM Atteinte des ligaments utéro-sacrés épaississement nodulaire asymétrique iso- ou hypointense au myomètre en T2 Atteinte du torus et des LUS dessine un arc Paroi antérieure du rectum attraction triangulaire vers le torus uterinum Dessine un motif étoilé Rappel anatomique: Le torus uterinum est un petit épaississement transversal qui relie l'insertion des deux ligaments utéro-sacrés à la face postérieure de l'utérus. Atteinte digestive : Superficielle: attraction triangulaire vers le torus uterinum due à une adhérence de la séreuse rectale Profonde: épaississement pariétal focal • lié à une hyperplasie fibromusculaire dans la musculeuse (voire sous-muqueuse) • en iso ou hypo-signal T1 et T2 par rapport au myomètre • de taille variable • rétractile • avec angle de raccordement obtus par rapport à la paroi digestive Rarement Spots en hypersignal T1 en saturation de graisse au sein du nodule pariétal digestif (= implants hémorragiques) Spots en hypersignal T2 (= implants kystisés) Endométriose profonde de la jonction recto-sigmoïdienne adhérente au LUS gauche: en hyposignal T2 avec quelques spots hémorragiques en hypersignal T1 IRM COLOSCANNER COLOSCANNER Atteinte digestive : Superficielle: adhérence de la séreuse ou sous-sereuse Profonde: nodule pariétal digestif de densité tissulaire, rétractile et irrégulier Coupe axiale et sagittale Epaississement nodulaire (flèches) de la face antérieure de la jonction tiers moyen-haut rectum, accolé au torus uterinum Recherche des LOCALISATIONS MULTIPLES par coloscanner: intérêt de suivre tout le trajet recto-colique Niveau des deux coupes axiales en orange Un même nodule d’endométriose situé dans le cul-de-sac de Douglas est adhérent à la paroi antérieur du moyen rectum (flèche orange) et infiltre la paroi antérieure du haut rectum (flèche bleue) ainsi que la paroi postérieure de la première boucle sigmoïdienne (flèche rose) 23 ANS,DYSCHÉSIE RECTALE ET RECTORRAGIES SOUS PROGESTÉRONE EN CONTINU RECTUM SIGMOÏDE APPENDICE ILEON ADHERENTIEL OU PROFOND? EER Même séméiologie des nodules endométriosiques pariétaux digestifs que l’échographie endo-vaginale Moyen le plus fiable de confirmer une atteinte recto-sigmoïdienne (100% de sensibilité dans notre expérience de 96 patientes opérées d’une endométriose digestive) Distingue les couches pariétales de façon plus précise que l’échographie endovaginale Epaississement nodulaire hypoéchogène de la musculeuse ayant une forme triangulaire habituelle en coupe axiale Aspect normal (fin et hyperéchogène) de la sous-muqueuse qui est respectée par l’endométriose Aspect normal (fin et hypoéchogène) de la musculeuse Coupe axiale sur le rectum Conclusion 1 QUELS EXAMENS VRAIMENT UTILES? CAS 1 Mme H, 28 ans, consulte pour infertilité primaire. Elle présente une dysménorrhée, une dyspareunie profonde, une dyschésie rectale et des rectorragies. Le bilan de 1e intention (EEV et IRM) montre un épaississement des ligaments utéro-sacrés et du torus, adhérentiel à un épaississement pariétal musculeux de la face antérieure du moyen rectum. EEV: Épaississement du LUS gauche et du rectum (D1) IRM pelvienne: Epaississement du LUS gauche (flèche orange), nodule du torus accolé à un épaississement de la paroi antérieure du rectum (flèche bleue). L’épaississement est en faveur d’une infiltration profonde, au moins musculeuse. CAS 1 Un coloscanner est réalisé: confirmation de la 1e localisation avec infiltration profonde musculeuse (flèche orange) diagnostic d’une 2e localisation digestive sur une boucle sigmoïdienne (flèche bleue) Cette localisation n’a pas été visualisée sur l’EEV ni sur l’IRM car elle est trop haute L’écho-endoscopie rectale pré-opératoire a confirmé les deux localisations profondes (musculeuses) Cas confirmé par les données opératoires et l’analyse anatomo-pathologique CAS 2 22 ANS,IRM/EER,ENDOMÉTRIOSE OPÉRÉE SAUF ILEON,SYNDROME DE KOENIG 25 ANS,OCCLUSION DU GRÊLE CONCLUSION 2 COELIOSCOPIE DIAGNOSTIQUE : proscrite EEV: d’abord et toujours Coloscanner : si symptomatologie digestive et/ou lésion(s)échographiquement affirmée(s) ou suspectée(s) EER sous AG : si aspect adhérentiel rectal ou discordance clinico-radiologique et décision opératoire IRM : patiente vierge ou trop algique RÉFÉRENCES Massein et al. Imagerie de l’atteinte digestive de l’endométriose. 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