LE DOUTE
Texte exclusif Doc-Etudiant.fr, composé par SANDYS
Rien  de  plus  commun  que  le  doute,  cette  défiance  que  nous  avons  coutume
d’éprouver  à  l’égard  des  choses,  de  nous-mêmes  ou  d’autrui.  Le  doute  est  le
contraire de la foi : c’est un manque de confiance. L’on peut aussi bien douter de
soi, de ses capacités que de la parole d’autrui : ses compliments à mon égard, ses
condoléances, le témoignage de son amitié sont-ils sincères ? Le doute, on le voit ,
est  une  disposition  naturelle  du  sens  commun  à  n’accorder  aveuglement  ni  sa
confiance, ni sa croyance.
C’est  par  là  que  le  doute  est  philosophe:  il  est,  à  l’intérieur  même  du  sens
commun, ce qui nous donne le ressort de le dépasser, si nous nous en donnons s la
peine.  En  effet,  le  doute,  en  nous  empêchant  de  croire  trop  rapidement,  en
différant  notre  adhésion,  nous  donne  le  recul  qui  nous  permettra  de  soumettre
toute chose à examen, à enquête. Le doute nous met véritablement en possession
de notre jugement, par l’obstacle qu’il fait à son exercice trop rapide.
Telle  est  la  leçon  du  sceptique  Montaigne:  à  ceux  qui  seraient  prompts  à  juger
barbares les peuples cannibales, Montaigne réplique qu’on peut bien les juger tels
dans l’absolu, mais non par rapport à eux, censeurs européens qui se livrent à bien
pire barbarie encore.  Rien  de tel pour  nous délivrer des  jugements  hâtifs que  de
consulter l’expérience , qui nous fait comparer toutes choses entre elles , et réfute
tout  point  de  vue  unilatéral  sur  la  réalité.  A    nous  de  tirer  les  leçons  de
l’expérience qui déçoit souvent nos plus fortes certitudes. Mais nous n’entendons
ces  leçons  que  d’une  oreille  ,  et  retombons  vite  dans  la  paresse  des  préjugés  ,
quitte à passer d’un préjuger à l’autre.
Voilà pourquoi le doute, tel qu’il s’exerce au niveau du sens commun, s’avère juste
capable de rendre fluctuante toutes nos croyances, et toutes nos opinions, de nous
rendre  hésitants  et  indécis:  il  ne  sait  que  penser  de  l’amitié,  celui  qui  a  vu  son
fidèle lieutenant le trahir, il perd ses convictions politiques, celui voit son parti les
perdre  devant  lui  à  l’épreuve  du  pouvoir.  L’expérience  lamine  toute  certitude  et
toute croyance : elle met tout son génie à nous désorienter , à nous faire perdre
nos repères les mieux assurés.
LE DOUTE PHILOSOPHIQUE : l’esprit du scepticisme
La  philosophie  est  l’activité  intellectuelle  qui,  pensant  l’expérience,  nous  en
arrache. Le doute porté par l’expérience elle-même, elle va le porter à son tour et
plus loin par la pensée et s’efforce de ne pas le faire retomber dans des certitudes
négatives  de  l’esprit  contemplant  son  impuissance.  Le  scepticisme  est  cet  effort
pour  arracher  la  pensée  au  nihilisme  propre  aux  premières  pensées  de  l’esprit
immergé dans l’expérience.
Pour  qui  sait  un  peu  de  philosophie  cette  définition  ne  manquera  pas  de
surprendre. En  effet,  ne dit  on  pas  dans  certains  manuels  que  le  scepticisme est
cette doctrine de l’Antiquité qui nie que l’on puisse rien connaître. N’en croit-on