concomitance de violence conjugale et de troubles mentaux

LOUIS-FRANÇOIS DALLAIRE
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CONCOMITANCE DE VIOLENCE CONJUGALE ET
DE TROUBLES MENTAUX :
Les points de vue des professionnels intervenant auprès de
conjoints aux comportements violents.
Mémoire présenté
à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en service social
pour l’obtention du grade de maître en service social (M. Serv. soc.)
ÉCOLE DE SERVICE SOCIAL
FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
2011
© Louis-François Dallaire, 2011
RÉSUMÉ
Cette recherche a été effectuée auprès de onze professionnels québécois spécialisés dans
l’intervention auprès de conjoints violents. Elle décrit et explore les points de vue des participants
quant à la concomitance de violence conjugale et de troubles mentaux dans leur clientèle, en
s’intéressant au processus de construction de ces points de vue. Les participants estiment qu’une
minorité de leurs clients souffre de troubles mentaux. Ces hommes se distingueraient de
l’ensemble des conjoints violents par un degré élevé de désorganisation, qui favoriserait
l’incidence d’épisodes de violence conjugale. Les participants sont toutefois ambivalents quant à
la contribution spécifique des troubles mentaux aux épisodes de violence conjugale. Ils tendent à
adopter trois types de conduites professionnelles auprès de ces hommes, soit l’évitement, la
distanciation et l’intégration. Les points de vue des participants reposent essentiellement sur leurs
expériences professionnelles et sur les déclarations préalablement existantes quant au thème de la
recherche.
ABSTRACT
This research is based on interviews conducted with eleven professionals specialized in the
treatment of male batterers. It describes and explores the points of view of the respondents in
regard to the concomitance of domestic abuse and mental illness among male batterers. It also
explores the process through which these professionals have constructed their points of view on
this issue. The respondents consider that only a minority of male batterers suffer from a mental
illness, and that this specific category of batterers is distinguished by a generally high level of
personal and social disorganisation. According to the respondents, this high level of
disorganisation is a contributing factor to episodes of domestic abuse; however, the respondents
express ambivalence about the ways through which mental illnesses contribute to the domestic
abuse. They tend to use three types of professional conducts with male batterers suffering from a
mental illness: avoidance, separation and integration. The respondents mostly draw their points of
view from their professional experiences and from previously existing claims about domestic
abuse and mental illness.
AVANT-PROPOS
Au moment où j’écris cet avant-propos, un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de
troubles mentaux vient d’être rendu, à la suite du procès fort médiatisé d’un homme ayant
assassiné ses deux enfants. Cet acquittement suscite l’étonnement et l’indignation d’une bonne
partie de la population; en effet, le contexte dans lequel ces homicides ont eu lieu suggère la
présence d’une dynamique de violence conjugale, survenue à la suite d’une rupture amoureuse.
Or, les jurés ne sont pas arrivés à déterminer, hors de tout doute raisonnable, que l’auteur des
meurtres pouvait être considéré comme responsable de ses actes au moment où il a donné la mort
à ses enfants. La province entière se questionne… et moi aussi.
En 1996, dans une autre cause fortement médiatisée, un homme a assassiné son fils et son ex-
conjointe. Cette fois, aucun procès n’a été tenu, puisque l’auteur de ces meurtres s’est suicidé
immédiatement après avoir posé ses gestes. Traquées d’un bout à l’autre de la province par cet
homme, les victimes de ce double homicide avaient pourtant multiplié les demandes d’aide. Elles
n’étaient d’ailleurs pas les seules : le rapport du coroner a démontré que le responsable de ces
deux meurtres avait lui-même fait plusieurs demandes d’aide, dont certaines à l’unité de
psychiatrie d’un centre hospitalier et en CLSC.
Il y a quelques mois, l’un des participants de la présente recherche m’a partagé l’image qu’il se
faisait des personnes atteintes de troubles mentaux, soit des individus séparés de la réalité par une
vitre, tel un obstacle transparent et impossible à franchir. Une fois cette entrevue terminée,
l’image d’un de mes anciens clients m’était revenue en mémoire, un homme qui s’était
éventuellement suicidé après avoir tenté en vain d’assassiner son ex-conjointe. À cette époque,
j’avais été à la fois affecté et peu surpris par cette nouvelle. Il y avait effectivement une vitre entre
cet homme et la réalité, entre cet homme et les autres membres du groupe de thérapie auquel il
avait participé, entre cet homme et moi. C’était la vitre de la dépression, une vitre qui faisait
rebondir dans ma direction toute tentative de le remettre en
IV
question quant à sa violence. Une vitre qui, peut-être, représentait un prétexte pour ne pas céder
aux privilèges acquis par la violence… mais une vitre qui était tout de même là et qui me donnait
l’impression très claire que cet homme avait quelque chose de différent, quelque chose qui ne
cadrait pas entièrement avec la définition que je me faisais de la violence conjugale et de
l’intervention auprès de cette clientèle.
Les situations impliquant des conjoints violents souffrant de troubles mentaux ne se terminent pas
toutes sur des notes aussi dramatiques. Elles n’en sont pas moins troublantes, car elles suscitent
les mêmes questionnements et confrontent aux mêmes enjeux. Le fait de souffrir d’un trouble
mental prédispose-t-il à des actes de violence conjugale et si oui, par quels mécanismes? Les
conjoints violents souffrant d’un trouble mental doivent-ils être considérés comme étant
entièrement responsables de leurs actes, au même titre que l’ensemble des hommes qui ont
recours à la violence conjugale ? De quelle manière doivent-ils être traités aux plans clinique et
judiciaire ?
Aujourd’hui, au moment où je pose les derniers jalons à quatre années d’études à la maîtrise, je
songe à ces trois hommes, à leurs victimes et à leurs familles. Je pense aussi aux autres hommes
qui sont concernés par cette zone grise où la violence conjugale et les troubles mentaux se
superposent. Combien de ces hommes ai-je croisés dans ma pratique ? Les ai-je seulement
reconnus ? L’aide que je leur ai apportée était-elle adéquate ? Si la présente recherche, en dépit de
sa modeste portée, peut contribuer à ce que de telles situations soient mieux cernées par ceux qui
aident les conjoints violents, je n’aurai pas fait tout ce travail en vain.
La page-titre du présent travail devrait en réalité porter le nom de deux personnes. Le premier
resterait le mien; le second serait celui de Normand Brodeur, professeur à l’école de service social
de l’Université Laval et directeur de mon mémoire. Son calme légendaire, la confiance qu’il a
manifestée quant à mes capacités, la rapidité et la justesse de ses réponses à mes innombrables
questions et la pertinence de ses recommandations m’auront permis de m’orienter dans le dédale
des études supérieures. Merci Normand, pour l’ampleur de ta contribution à ce projet.
Un troisième nom pourrait également figurer sur la page-titre de ce mémoire, soit celui de Lyne
Boucher, mon épouse. Son œil de lynx et son esprit critique m’auront été d’une grande utilité lors
des nombreux moments de fatigue où je ne voyais plus ce que j’écrivais; mais surtout, son soutien
V
indéfectible, sa grande compréhension et sa capacité d’adaptation illimitée auront permis que ce
rêve un peu fou puisse se réaliser. Merci aussi à mes filles, Sarah et Catherine, qui m’ont donné
un bon exemple à suivre lorsque je les ai suivies sur le chemin des écoliers en septembre 2007. Je
n’y serais pas arrivé sans votre patience et votre compréhension au cours de ces quatre années.
Bien que ce projet m’ait trop souvent arraché à vous, j’espère vous avoir démontré qu’au bout du
compte, les études valent toujours la peine d’être faites… et ce, même dans les moments plus
difficiles.
Merci à ma famille, ma belle-famille et mes amis pour leur intérêt et leur encouragement tout au
long de cette aventure. Un merci tout particulier à Valérie Roy, un modèle de rôle en la matière,
dont le soutien, les connaissances et l’amitié m’ont été d’un grand secours dans mes moments de
vagabondage intellectuel. Merci aussi à Marc Beaudoin, qui a réussi à me convaincre de cesser
d’obséder sur des points et des virgules, favorisant de ce fait le dépôt initial de mon mémoire.
Merci à mon employeur, le Centre de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale, qui a
constamment facilité la conciliation de mon travail et de mes études. Je remercie tout d’abord
Line Paré et Francine Pelletier, qui ont semé les premières graines ayant mené à ma décision
d’entreprendre des études à la maîtrise; ainsi que Marie-Claude Gauvreau et le Dr Jean Maziade
de l’UMF Haute-Ville, qui ont appuyé ce projet dès le point de départ en soutenant ma
candidature aux études de deuxième cycle. Merci à l’extraordinaire équipe de travail de l’UMF
Laval; travailler à vos côtés est une source quotidienne d’inspiration et de stimulation, qui
m’incite à suivre votre exemple et à repousser mes limites. Des remerciements plus particuliers
s’adressent ici à l’équipe de direction de l’UMF Laval, soit le Dr Stéphane Rioux et le Dr Josée
D’Amours, pour l’intérêt qu’ils ont porté à ce projet et pour le soutien dont ils ont fait preuve
depuis l’automne 2008. Merci aussi à Mme Charline Néron, dont la souplesse et la
compréhension ont grandement favorisé l’aboutissement de mes études, ainsi qu’à Mme France
Larose pour la mise en page de ce mémoire.
Je souhaite finalement exprimer ma profonde gratitude aux professionnels qui, en participant à
cette recherche, m’ont fait le précieux cadeau de leur temps, de leur expertise et de leurs
réflexions. Ce mémoire est, en quelque sorte, le vôtre. Puisse-t-il soutenir votre réflexion et vos
efforts acharnés à lutter contre la violence conjugale, en plus de nourrir la passion que vous
manifestez pour votre travail.
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