La sédation est-elle nécessaire ? Jean-François Payen Pôle d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Michallon, BP 217, 38043, Grenoble Cedex 09. E-mail : [email protected] Introduction La sédation-analgésie pour les patients de réanimation en ventilation mécanique est devenue un sujet qui a pris une importance notable en raison des conséquences observées liées à l’emploi excessif d’agents sédatifs comme à l’absence de prise en compte de la douleur. De nombreuses revues générales et recommandations ont été proposées sur ce thème, et une conférence de consensus SFAR/SRLF a été élaborée en 2008. Il faut d’emblée préciser que la « sédation » est un terme qui prête à confusion. Stricto sensu, la sédation se réfère aux troubles de vigilance induits par des hypnotiques, tandis que l’analgésie se rapporte au traitement de la douleur par des morphiniques et non morphiniques. Ce chapitre aborde la question de l’utilité des sédatifs en réanimation ; l’analgésie en réanimation est une absolue nécessité. 1.Objectifs de la sédation On sait depuis longtemps que la sédation pharmacologique interfère avec l’atteinte primaire de l’effecteur (cerveau) et le contrôle ventilatoire. Le coma induit par les hypnotiques permet au patient d’être ventilé mécaniquement, mais supprime l’évaluation clinique du niveau de souffrance neurologique. Dès lors, les objectifs de la sédation sont différents selon la présence ou non d’une atteinte cérébrale sous-jacente. Cette interférence entre sédation pharmacologique et lésion cérébrale a été illustrée chez des patients ayant un score de Glasgow inférieur à 9 persistant 36 h après l’arrêt d’une sédation par midazolam. Des dosages sanguins du midazolam et de son métabolite actif, le 1-hydroxy-midazolam glucuronide (1-OHMG), ont permis d’identifier, pour la moitié de la cohorte, des patients ayant un simple retard de réveil, et pour l’autre moitié, des patients ayant une lésion cérébrale passée inaperçue [1]. Pour le patient admis en réanimation polyvalente sans lésion cérébrale grave, le recours à la sédation et à l’analgésie en réanimation répond à des objectifs précis : lutter contre la douleur et l’inconfort lié à la ventilation mécanique, améliorer l’oxygénation tissulaire en diminuant la consommation tissulaire en oxygène, par exemple chez le patient en détresse respiratoire aiguë ou en état de choc. La douleur en réanimation est fréquente, souvent intense, issue de 454 MAPAR 2013 nombreuses causes parmi lesquelles des procédures quotidiennes (aspiration trachéale, mobilisation, pansements pour soins complexes). L’idéal est d’obtenir un patient calme et coopérant ou légèrement endormi, sans douleur au moment des soins douloureux. La situation est différente chez le patient cérébro-lésé puisque la résultante d’une atteinte cérébrale sévère primaire (AVC, traumatisme, infection, tumeur) est l’ischémie cérébrale. Or, la meilleure évaluation des conséquences potentielles de cette ischémie cérébrale reste l’examen clinique effectué en l’absence de tout autre facteur pouvant altérer l’état de vigilance du patient. Ici, les objectifs de la sédation sont, soit de permettre une évaluation neurologique précise le plus tôt possible après l’agression cérébrale initiale en effectuant une fenêtre thérapeutique, soit de lutter contre des facteurs pouvant aggraver la perfusion cérébrale déjà compromise par la lésion primaire (hypertension intracrânienne, convulsions) en ayant recours à une sédation profonde [2]. 2.Conséquences de la sédation L’emploi excessif d’agents hypnotiques, en particulier des benzodiazépines, a un impact direct et indirect sur le devenir du patient de réanimation. Les deux critères les plus souvent mesurés sont la durée de ventilation mécanique et la durée de séjour en réanimation. Une prolongation de 2 à 3 jours de la durée de ventilation mécanique et de séjour en réanimation a été mise en évidence dans un essai clinique très connu, ayant comparé l’administration intraveineuse continue de midazolam (ou propofol) et de morphine à une administration quotidiennement interrompue de la sédation [3]. C’est de cette étude qu’est né le concept de sédation intermittente, très en vogue aux Etats-Unis, qui permet de réduire de manière systématique les posologies journalières des hypnotiques. Cet impact des hypnotiques sur la durée de ventilation mécanique a été confirmé dans de nombreuses études. Un essai clinique a même montré une réduction de la durée de séjour en réanimation en l’absence de toute sédation [4]. D’autres conséquences liées à la sédation ont été mises en évidence : •Les pneumopathies acquises sous ventilation. Après la mise en place d’un protocole écrit de sédation aboutissant à une diminution des posologies journalières de midazolam et de propofol, l’incidence des pneumopathies acquises sous ventilation mécanique est passée de 15 % à 6 % [5]. •L’agitation et le syndrome de sevrage. L’emploi de sédatifs est associé à la survenue d’épisodes d’agitation, à l’origine d’auto-extubations, d’ablation accidentelle de matériels, et de prolongation de la durée de ventilation mécanique [6] Cette agitation peut aussi s’intégrer dans un véritable syndrome de sevrage aux benzodiazépines, dont le risque de survenue est accru en cas de posologies élevées et de durée d’administration prolongée. •La confusion mentale (delirium en anglais). Avec une incidence comprise entre 30 et 80 % chez les patients de réanimation, la confusion mentale est un facteur indépendant de surmortalité en réanimation, à l’hôpital et un an après le séjour en réanimation [7]. Parmi les facteurs de risque figure l’emploi des benzodiazépines. •Les séquelles neuropsychiques (cauchemars, hallucinations, souvenirs pénibles) et le syndrome de stress post-traumatique (PTSD). Environ 30 % des patients ne gardent aucun souvenir de leur séjour en ranimation. Pour Sédation en réanimation 455 les autres, les souvenirs pénibles sont d’ordre physique (douleur, troubles du sommeil) et psychologique (terreurs, dépression, angoisse). La persistance de troubles neuropsychiques à l’issue du séjour en réanimation serait favorisée par la sédation profonde et la prolongation du séjour en réanimation. Le PTSD est défini au-delà de 3 mois après le séjour en réanimation, il peut toucher 5 à 30 % des patients de réanimation. Le PTSD serait favorisé par de nombreux facteurs, en particulier la sédation prolongée [8]. En somme, la sédation induit de nombreuses conséquences qui incitent le prescripteur à faire un choix : traiter l’agitation et faciliter la ventilation mécanique par un emploi non restreint des hypnotiques, ou bien limiter la sédation et ses effets indésirables. 3.Quelques pistes pour une meilleure utilisation de la sédation 3.1.Revoir les indications de la sédation Il faut certainement revoir les indications de la sédation, en particulier l’emploi des hypnotiques intraveineux (midazolam) et favoriser la prise en charge de la douleur de repos et au cours des soins. En France, le midazolam est l’hypnotique le plus prescrit en réanimation [9]. Dans cette étude réalisée auprès de patients sans atteinte neurologique sévère à l’admission, plus de 40 % des patients évalués avaient des scores de sédation profonde (Ramsay 5 ou 6, RASS -5 ou -4, SAS 1 ou 2). Si on considère l’impact de la sédation pharmacologique permettant de réduire le métabolisme cérébral et d’altérer le contrôle ventilatoire, il faut alors réserver cette option thérapeutique aux patients cérébro-lésés et aux patients en détresse respiratoire. La neurosédation pour un patient ayant une hypertension intracrânienne (HTIC) ou à risque d’en développer représente une option thérapeutique à part entière, ayant plusieurs objectifs : lutter contre tout stimulus nociceptif pouvant aggraver l’HTIC, adapter la ventilation mécanique (PaCO2) pour optimiser le débit sanguin cérébral, réduire la consommation cérébrale en oxygène pour rétablir une balance optimale entre apports et besoins, prévenir ou traiter les convulsions. Dans cette indication, la sédation est profonde grâce à l’administration continue de midazolam et/ou propofol [2]. Le syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) est une autre indication de sédation profonde, afin de choisir un mode ventilatoire non physiologique : une ventilation à faible volume pour une hypercapnie permissive. L’intérêt de la curarisation à la phase initiale du SDRA a été montré [10], ce qui rend nécessaire une sédation profonde. A côté de ces 2 indications indiscutables, il existe des situations où les hypnotiques sont trop souvent employés à fortes doses : polytraumatologie, sepsis, chirurgie viscérale lourde, assistance circulatoire,… Dans ces situations de défaillance circulatoire, hépatique, ou rénale, la mise en place d’une sédation légère voire d’une absence de sédation est possible. Dans un essai clinique, le maintien d’une sédation légère (Ramsay 1-2) a entraîné une réduction de la durée de ventilation mécanique et des troubles neuropsychiques par rapport à une sédation profonde (Ramsay 3-4) [11]. Enfin, quelle que soit la situation du patient, la poursuite ou non de la sédation doit être revue quotidiennement. 3.2.Evaluer le niveau de douleur et de sédation 456 MAPAR 2013 L’évaluation du niveau de sédation et de douleur reste faible en réanimation. Dans les enquêtes de pratiques médicales, l’évaluation de la sédation est réalisée chez environ 40 % des patients [9]. Dans cette étude, environ la moitié des patients recevaient en administration continue un agent hypnotique et un morphinique sans aucune évaluation des effets de ces médicaments sur le niveau de sédation et d’analgésie. En reprenant ces résultats, nous avons montré que l’évaluation de la douleur a été associée à des modifications significatives de la prise en charge en sédation/analgésie (Tableau I) [12]. Après ajustement sur de nombreuses co-variables, l’évaluation de la douleur a été un facteur indépendant de diminution de 3-5 jours dans la durée de ventilation mécanique et de durée de séjour [12]. Tableau I Sédation-analgésie chez 1144 patients ventilés recevant un analgésique à J2 de leur séjour en réanimation, selon la présence ou non d’une évaluation de la douleur (adapté d’après [12]). Evaluation de la douleur Non (n = 631) Oui (n = 513) Morphiniques, n (%) Sufentanil, n (%) Fentanyl, n (%) Morphine, n (%) Remifentanil, n (%) Autres morphiniques a, n (%) Non morphiniques b, n (%) Evaluation douleur provoquée c, n (%) Traitement douleur provoquée, n (%) Hypnotiques d, n (%) Midazolam, n (%) mg.kg-1.24h-1 Propofol, n (%) Autres hypnotiques e, n (%) Evaluation sédation, n/N (%) Curares, n (%) 600 253 179 94 78 10 184 24 106 544 411 1,5 133 37 162/544 83 (95) (40) (28) (15) (12) (2) (29) (4) (17) (86) (65) (0,8-2,6) (21) (6) (30) (13) 474 178 184 60 51 17 217 348 134 384 295 1,1 86 23 348/384 35 (92) (35) (36) (12) (10) (3) (42) (68) (26) (75) (57) (0,6-2,0) (17) (4) (91) (7) P 0,06 0,06 <0,01 0,11 0,20 0,05 <0,01 <0,01 <0,01 <0,01 <0,01 <0,01 0,06 0,30 <0,01 <0,01 Les doses de midazolam sont exprimées en médiane et interquartiles (25e et 75e percentiles) a Tramadol, buprenorphine, nalbuphine, alfentanil. b Quelques patients ont reçu plus d’un morphinique et/ou non morphinique. c L’aspiration trachéale et la mobilisation du patient ont été les 2 procédures les plus fréquentes de douleur provoquée. d Quelques patients ont reçu plus d’un hypnotique. e Flunitrazepam, levomepromazine, cyamemazine, gamma-hydroxybutyrate, hydroxyzine, clorazepate, haloperidol, pentobarbital, loxapine, droperidol, et tiapride. De nombreuses échelles du niveau de sédation (vigilance) existent, la plus connue étant l’échelle de Ramsay. Celle-ci a l’inconvénient de quantifier grossièrement l’état d’agitation et de ne pas prendre en compte la réaction du patient à la ventilation mécanique. D’autres échelles de sédation existent, basées sur l’observation du degré de sédation (éveil à un stimulus verbal ou tactile) ou Sédation en réanimation 457 d’agitation du patient (comportement, mouvements spontanés). Trois échelles de sédation sont validées en réanimation: l’échelle SAS (Sedation Agitation Scale), l’échelle RASS (Richmond Agitation Sedation Scale), qui quantifie de façon précise le temps d’ouverture des yeux à une stimulation non douloureuse [13], et l’échelle ATICE (Adaptation To the Intensive Care Environment), qui combine l’évaluation de la tolérance du patient à son environnement (ou degré d’analgésie) et son degré de vigilance [14]. Actuellement, l’échelle RASS est la plus utilisée dans les études cliniques. L’évaluation de la douleur en réanimation est possible. Chez le patient coopérant et communicant, l’auto-évaluation de sa douleur est évidemment la méthode la plus fiable : échelle visuelle analogique, échelle numérique, échelle verbale simple. La comparaison de 5 échelles d’auto-évaluation auprès de 111 patients ventilés, vigilants et coopérants, a montré que l’échelle numérique (0-10) inscrite sur une réglette de dimension large (30 x 10 cm) était la façon la plus précise pour les patients de rapporter leur douleur [15]. La présence de troubles de conscience induits par la prescription d’hypnotiques rend nécessaire l’utilisation d’échelles comportementales de douleur (hétéro-évaluation), car l’estimation de la douleur par les proches du patient ou par les soignants est correcte dans moins de 50 % des cas. Deux échelles validées pour l’hétéro-évaluation de la douleur chez l’adulte sont disponibles, basées sur l’expression corporelle à l’état de repos ou en réponse à un stimulus douloureux (aspiration endotrachéale, mobilisation du patient) : l’échelle BPS (Behavioral Pain Scale) [16], et l’échelle CPOT (Critical Care Pain Observation Tool). Pour les patients non intubés mais ayant une communication verbale insuffisante, une adaptation de l’échelle BPS a été proposée, en remplaçant l’item « adaptation au ventilateur » par la mesure de l’intensité des plaintes du patient [17]. En réanimation pédiatrique, l’échelle comportementale de Comfort est la plus utilisée. Cette échelle a été récemment modifiée pour ne plus prendre en compte les variables physiologiques (pression artérielle, fréquence cardiaque) qui sont influencées par des facteurs autres que la douleur [18]. Les techniques de quantification de la profondeur de l’anesthésie ont aussi été testées en réanimation pour évaluer la douleur ou le niveau de sédation : variabilité de la fréquence cardiaque, analyse quantitative de l’EEG (spectre de puissance), potentiels évoqués auditifs, indice bispectral. Aucune de ces méthodes ne peut remplacer les échelles cliniques. Le seul intérêt du BIS serait de mesurer le niveau de vigilance chez le patient curarisé pour lequel les échelles cliniques sont prises en défaut. 3.3.Choisir la meilleure stratégie de sédation-analgésie Plusieurs stratégies de sédation-analgésie peuvent être proposées, aucune n’ayant montré une supériorité par rapport aux autres. •L’implémentation de protocoles écrits et algorithmes pour adapter régulièrement la sédation et de l’analgésie aux besoins du patient. Ce type d’approche a montré une réduction de 2 à 5 jours dans les durées de ventilation et de séjour en réanimation avec une baisse de 30 à 50 % des posologies journalières des benzodiazépines [19, 20]. En combinant la mesure régulière de la douleur et de la sédation pour adapter la prescription de la sédation-analgésie aux besoins du patient, la durée du coma induit par les hypnotiques, la durée de ventilation 458 MAPAR 2013 mécanique et l’incidence de la confusion mentale ont été significativement diminuées [21]. •La sédation basée sur l’analgésie met l’accent sur le contrôle de la douleur sans rechercher une altération de la vigilance. Un morphinique, le plus souvent le rémifentanil, est prescrit en 1ère intention et, si besoin, un hypnotique est ajouté ; ce concept permet une réduction significative de la durée de ventilation [22]. •La sédation intermittente est une autre modalité d’emploi des sédatifs et analgésiques [3]. Cependant, cette stratégie ne peut pas s’appliquer pour tous les patients, en particulier ceux qui ont un polytraumatisme sévère ou une détresse respiratoire aiguë. Un essai clinique récent a montré que son impact n’est pas significatif si la sédation est déjà pilotée selon un protocole [23]. •L’épreuve quotidienne de ventilation spontanée qui, lorsqu’elle est combinée à une sédation intermittente, permet une réduction des durées de ventilation et de séjour en réanimation. En y ajoutant des exercices de stimulation musculaire passive puis active, il a été montré un bénéfice supplémentaire sur ces durées de ventilation et de séjour avec une réduction de la durée de la confusion mentale [24]. Comme pour l’évaluation de la sédation et l’analgésie, il faut administrer de manière séparée les agents de la sédation et les agents analgésiques. Pour chaque classe (hypnotiques, analgésiques), il semble que le choix du produit ne soit pas un élément déterminant si les règles d’administration sont bien encadrées. Cela étant, la dexmédétomidine est un nouveau produit disponible en France. Cet alpha-2 agoniste central possède des propriétés à la fois sédatives et analgésiques, sans effet dépresseur respiratoire. Les patients deviennent calmes et coopérants. Dans 2 essais cliniques randomisés, la dexmédétomidine a permis de réduire la durée de ventilation mécanique et l’incidence de la confusion mentale par rapport au midazolam ou au propofol [25, 26]. Enfin, il faut mentionner les analgésiques non morphiniques (paracétamol, néfopam, kétamine, gabapentine), insuffisamment prescrits en réanimation. 3.4.Gérer l’arrêt de la sédation Le sevrage de la sédation correspond au moment où l’état du patient autorise la décroissance puis l’arrêt de l’administration continue d’agents hypnotiques et morphiniques pour lui permettre de retrouver une autonomie respiratoire (sevrage ventilatoire), éventuellement conclue par l’extubation trachéale. Quelle que soit la pathologie sous-jacente du patient, l’arrêt de la sédation doit répondre à 3 objectifs qui peuvent s’opposer : la maîtrise des phénomènes douloureux à une période où les besoins du patient en antalgiques sont encore importants, l’absence de prolongation de la ventilation mécanique, et la prévention des phénomènes d’agitation et de sevrage. La gestion de l’arrêt de la sédation commence avec de bonnes modalités d’administration de la sédation-analgésie au cours du séjour en réanimation. Les modalités de l’arrêt de la sédation sont variées mais pas toujours validées : arrêt progressif des sédatifs et des analgésiques, relais médicamenteux par un agent à demi-vie plus courte, usage de protocoles écrits ou pilotés par ordinateur, emploi des alpha2 agonistes adrénergiques, emploi des analgésiques non morphiniques. La prolongation inexpliquée de troubles de vigilance à l’arrêt de la sédation est de loin la situation la plus fréquente. Les causes de ce retard de réveil peuvent être pharmacologiques (accumulation excessive des agents hypnotiques Sédation en réanimation 459 et/ou morphiniques en raison d’une défaillance viscérale, large variabilité de la pharmacologie de ces agents en réanimation) ou correspondre à des lésions neurologiques passées inaperçues. En cas de retard de réveil, la réalisation d’une imagerie cérébrale doit éliminer une lésion cérébrale passée inaperçue. Inversement, le patient peut avoir un état d’agitation et/ou un syndrome de sevrage à l’arrêt de la sédation. Les causes d’une agitation sont variées : douleur, troubles métaboliques, sepsis, hypoxémie, défaillance cardio-vasculaire, lésion intracrânienne et, par élimination, syndrome de sevrage. Le syndrome de sevrage est caractérisé par un cortège de symptômes (agitation aiguë, douleurs diffuses, nausées, crampes musculaires, myoclonies, insomnie, anxiété) et des signes cliniques (tachycardie, hypertension artérielle, vomissements, polypnée ou désadaptation du ventilateur, sueurs, fièvre, mydriase bilatérale réactive) [27]. L’administration de fortes posologies de benzodiazépines (> 4 mg.h-1 de midazolam) et/ou de morphiniques (> 200 µg.h-1 de fentanyl ou équivalent) pendant une durée supérieure à 7 jours est un des facteurs clairement identifiés favorisant la survenue d’un syndrome de sevrage. En cas d’agitation et/ou de syndrome de sevrage, plusieurs solutions thérapeutiques existent, mais non validées par des essais cliniques randomisés. L’emploi des neuroleptiques (halopéridol, risperdal) se justifie en cas d’agitation. En présence d’un syndrome de sevrage aux opiacés, la réintroduction du morphinique en cause est parfois la seule solution efficace. La buprénorphine est une alternative dotée d’un effet antihyperalgésique pouvant limiter les réactions neurovégétatives au sevrage de l’agoniste morphinique [28]. Enfin, la trachéotomie est une modalité admise pour accélérer le sevrage ventilatoire chez les patients ayant des séquelles importantes neurologiques ou respiratoires, mais aussi en échec de sevrage de sédation. Conclusion Qu’elle que soit la stratégie adoptée pour la sédation, il est indispensable d’impliquer l’ensemble du personnel soignant (médecins, infirmiers, kinésithérapeute) à l’élaboration de protocoles écrits. Ces protocoles doivent définir les indications de la sédation, le choix des outils d’évaluation et leur rythme d’utilisation, le choix des produits de la sédation et de l’analgésie, le niveau de vigilance souhaité, les soins douloureux qui nécessitent une gestion spécifique de la douleur, et les modalités de recours en cas d’inefficacité thérapeutique. Références bibliographiques [1] McKenzie CA, McKinnon W, Naughton DP, Treacher D, Davies G, Phillips GJ, et al. Differentiating midazolam over-sedation from neurological damage in the intensive care unit. Crit Care 2005;9:R32-6 [2] Payen JF, Francony G, Canet C, Coppo F, Fauvage B. Neurosédation en réanimation. Ann Fr Anesth Reanim 2009;28:1015-9 [3] Kress JP, Pohlman AS, O’Connor MF, Hall JB. Daily interruption of sedative infusions in critically ill patients undergoing mechanical ventilation. N Engl J Med 2000;342:1471-7 [4] Strom T, Martinussen T, Toft P. 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