' 2 & 8 0 ( 1 7 ( 1 6 ( , * 1 $ 1 7 La mallette pédagogique de SOLEIL Thème : Le Magnétisme Comment les choses, les idées deviennent-elles des mots ? Simple traduction du réel, les mots renvoient-ils à des données objectives qu’ils se contentent de désigner ? Tels sont les mots de la physique. Pourtant eux aussi contiennent une large part d’histoire et de mythe. Introduction . . . . . . . . 1 Ainsi le mot magnétisme reste chargé de mystères. Ses synonymes sont nombreux : 1. Pe t i t e h i s t o i r e d u m a gnétisme . . . . . . . . . 1 Contenu 2. Le magnétisme de la Te r r e . . . . . . . . . . . . 5 • aimantation • autorité, envoûtement, fascination • fluide, hypnotisme, influence • somnambulisme, suggestion • déviation • mesmérisme 3 . L a p hy s i q u e d u m a g n é tisme . . . . . . . . . . . 8 Figuration du champ lexical du magnétisme Il faut dire que les phénomènes (http://dico.isc.cnrs.fr/fr/index.html) magnétiques sont connus depuis trois mille ans et les matériaux magnétiques omniprésents dans notre environnement. Un grand nombre de légendes relatent la découverte de l’aimant, qui date certainement de l’âge du fer. 1. PETITE HISTOIRE DU MAGNÉTISME 4 . U n e m u l t i t u d e d ’a p p l i c a t i o n s . . . . . . . . . .17 5. L’u t i l i s a t i o n d u r ayo n n e m e n t s y n c h r o t r o n . . . .19 R é p o n s e s d e l a f i c h e é l ève , R é f é r e n c e s . . . . . . . .24 1.1 Comment cela a-t-il commencé ? Les premiers objets magnétiques recensés sont des perles de fer d’origine météoritique, datant du quatrième millénaire avant JC, trouvées dans des tombes sumériennes et égyptiennes. Il y a plus de 2500 ans, Thalès de Millet savait déjà que la magnétite, ou pierre d’aimant, attire le fer. L’une des légendes les plus communes est rapportée par Pline l’Ancien1 : un vieux berger nommé Magnès faisait paître ses moutons dans une région au nord de la Grèce, et on dit que les clous de ses souliers et la pointe en métal de sa houlette se collèrent à un gros rocher noir sur lequel il se tenait debout. C’était la pierre d’aimant, la magnétite, un oxyde de fer, de formule chimique Fe3O4, que nous utilisons toujours, et il lui aurait donné son nom… Pendant longtemps, on a pensé que la magnétite possédait des pouvoirs magiques, comme la capacité de guérir les malades ou de chasser les mauvais esprits. Une pierre encore plus puissante que l’ambre, car elle agit à distance… 1 ( 1 ) P l i n e l ’a n c i e n n a q u i t e n 2 3 a p rè s J C d a n s l e N o rd d e l ’ I t a l i e e t d é c é d a e n 7 9 p rè s d e Po m p é i , l o r s d e l ’é r u p t i o n d u Vé s u ve. S o n H i s t o i re n a t u re l l e ( N a t u r a l i s h i s t o r i a ) , q u i c o m p t e t re n t e - s e p t vo l u m e s, e s t s o n s e u l o u v r a g e q u i s o i t p a r ve n u j u s q u’à n o u s. P l i n e a c o m p i l é l e s avo i r d e son époque sur des sujets aussi v a r i é s q u e l e s s c i e n c e s n a t u re l l e s, l ’a s t ro n o m i e, l ’a n t h ro p o l o g i e, l a p s yc h o l o g i e o u l a m é t a l l u rg i e. Ce t t e œ u v re a l o n g t e m p s é t é l a ré fé re n c e e n m a t i è re d e c o n n a i s s a n c e s s c i e n t i f i q u e s e t t e c h n i q u e s. Co m m e n t ce l a a - t - i l co m m e n cé ? Les Chinois se sont tout de suite rendu compte que la magnétite attirait les objets de fer, et que, présentée sous la forme d’une aiguille, elle pointait toujours dans une direction fixe. La première boussole chinoise connue, décrite dans un livre de 1044, est constituée d’une feuille de fer aimantée en forme de poisson : « On découpe une pièce de fer très fine en forme de poisson... On la porte au rouge dans un feu de charbon et on la retire avec une pince. La queue restant orientée vers le nord, on la trempe dans l’eau pendant quelques minutes. » Et voici comment, dans un traité militaire (Wou King Tsong Yao), Tseng Kong-Liang - cité dans Tsing Hua, Journal of Chinese Studies, juin 1956, p. 89 - décrit l’utilisation du poisson-montre-sud : « Au moment de s’en servir, on place une tasse d’eau dans un endroit sans vent et, à l’équilibre, on lâche le poisson à la surface de l’eau en sorte qu’il flotte : sa tête indique constamment le sud ». Photo Michel Houdart : Boussole chinoise du IIe siècle av. JC (époque Han). Ces premières boussoles étaient appelées Si Nan (le gouverneur du Sud), car la cuillère pointe vers le sud. Elle sera remplacée plus tard par une aiguille pivotant sur son axe : le Shen Kuo, compas marin, flottant dans un récipient d’eau pour atténuer les mouvements du navire, a été mis au point pendant la dynastie des Song. Les 24 graduations du Si Nan ou du Shen Kuo sont toujours utilisées de nos jours sur les compas des navires de pêche chinois. Elles sont composées des huit trigrammes (combinaisons de trois lignes soit discontinues, les lignes Yin, soit continues, les lignes Yang), de signes astronomiques et des caractères des 12 directions géographiques. La boussole sera introduite en Europe, via le monde arabe, vers le XIIe siècle. Source : http://www.ifremer.fr. Les Arabes apprirent des Chinois à se servir de la boussole, et la révélèrent aux Européens au XIIe siècle. En Europe, le premier livre sérieux sur le magnétisme « De Magnete » est publié par Pierre Pèlerin de Maricourt en 1269. Il est suivi en 1600 d’un second livre, du même nom, écrit par William Gilbert, le médecin de la reine Elisabeth 1ère, dans lequel il parle des pôles magnétiques terrestres. William Gilbert y décrit nombre de ses expériences avec un modèle de Terre appelé Terrella. De ces expériences, il conclut que la Terre est magnétique, et que c’est pour cette raison que la boussole indique le nord. Entre les deux ouvrages, il y a eu la généralisation de l’utilisation des boussoles sur les bateaux, le développement du commerce et l’accumulation des découvertes. 1.2 La période moderne Concernant le magnétisme, la période scientifique commence à partir du XVIIIe avec Charles-Augustin Coulomb. En utilisant une balance de torsion, il établit la loi de variation de la force magnétique en fonction de la distance (1785). I S N Mais la première expérience décisive est faite en avril 1820 par le physicien danois Hans Christian Oersted. Il montre qu’un fil parcouru par un courant électrique produit un champ magnétique : « Une boussole placée à proximité de ce fil est déviée quand le fil est parcouru par un courant électrique ». L’interaction d’un matériau magnétique avec un courant électrique produit du mouvement : cette découverte est à l’origine de tous les moteurs électriques. 2 La période moderne Le champ magnétique est donc produit aussi bien par un aimant que par un circuit parcouru par un courant électrique. Cette relation entre magnétisme et électricité est directement exprimée dans la définition de l’Ampère, l’unité d’intensité du courant électrique : un ampère (symbole A) est l’intensité d’un courant électrique qui, passant dans deux fils conducteurs, de longueur infinie, parallèles et distants d’un mètre, produit entre ces deux fils une force égale à 2×10-7 N.m-1. Dès les années qui suivent l’expérience d’Oersted, André Marie Ampère interprète cette similitude par la théorie du « courant moléculaire » : la matière contient d’innombrables particules, très petites, chargées électriquement, en mouvement permanent (voir l’encart de la page 8). Une autre découverte décisive est celle du « fil magnétique ». Michael Faraday découvrit, l’année suivante (1821), le phénomène d’induction : un champ magnétique variable placé à proximité d’une spire crée un courant électrique dans cette spire. C’est la découverte du processus qui produit de l’électricité dans les dynamos et les alternateurs à partir d’un mouvement mécanique. H d E On doit également à Faraday un phénomène qui porte son nom, θ z l’effet Faraday, découvert en 1845 : si un faisceau de lumière polarisée rectilignement se propage dans un matériau soumis à un champ magnétique H parallèle à la direction de propagation, la polarisation du faisceau va tourner d’un angle , proportionnel à l’intensité du champ et à la distance parcourue dans le matériau (voir la mallette pédagogique « Sciences de l’Univers »). Le bonhomme d’Ampère D’après un dessin d’Ampère - Réf. 6 Ampère imagine l’intérieur du globe terrestre parcouru par des courants électriques. L’un d’eux traverse son « bonhomme » (des pieds vers la tête). Couché sur le sol, celui-ci regarde une boussole située au-dessus de lui. Son bras gauche indique la direction du pôle nord de la boussole sous l’action du courant. On a longtemps utilisé la règle du bonhomme d’Ampère pour déterminer le sens du courant dans une spire. Aujourd’hui on emploie plutôt la règle des trois doigts de la main droite. C’est la première mise en évidence du lien entre magnétisme et lumière. Le fait que la lumière contienne un champ magnétique fait maintenant partie de la théorie du rayonnement électromagnétique, développée par James Clerk Maxwell dans les années 1860 et 1870. En quatre équations, Maxwell décrit un champ électromagnétique : elles permettront à Hertz de démontrer en 1887 que la lumière est une onde électromagnétique (avant les travaux de Maxwell, ces équations étaient exprimées en coordonnées cartésiennes, très difficiles à lire. Personne ne s’était avisé de leur cohérence). Chacune de ses équations prise séparément décrit un effet physique : • • Les charges électriques sont à l’origine du champ électrique. Il n’existe pas de charge magnétique ponctuelle (ou de monopôle magnétique). • Un champ magnétique variable crée un champ électrique (phénomène d’induction). • Un courant électrique crée un champ magnétique. Les équations de champ de Maxwell s’appliquent à l’électro-magnétisme et aux phénomènes optiques, un premier pas vers l’unification des lois de la physique. Mais Maxwell ne connaîtra pas la profondeur de ce changement. Il meurt en 1879, avant qu’il ait eu le temps de détecter expérimentalement les premières ondes électromagnétiques. 3 Avec les découvertes d’Oersted et de Faraday on avait les moyens de produire de l’électricité et on savait l’utiliser pour faire des moteurs. Équations de Maxwell dans le vide Le m o d è l e t h é o r i q u e 1.3 Le modèle théorique Il faudra attendre la fin du XIXe siècle et le début du XXe pour que soit abordée avec succès l’étude théorique des matériaux magnétiques. Pierre Curie (1859-1906) introduit ou précise les notions de diamagnétisme, de paramagnétisme et de ferromagnétisme et Paul Langevin (1872-1946) celles de magnétisme induit et permanent ; ce dernier établit aussi la théorie statistique classique du paramagnétisme. Dans sa thèse soutenue en 1895 sur les propriétés magnétiques des corps à diverses températures, Pierre Curie énonce la loi de Curie (pour un matériau paramagnétique, la magnétisation dépend du champ magnétique appliqué et de la température) et il définit le point de Curie, température au-delà de laquelle certains matériaux perdent leurs propriétés magnétiques (voir pages 14 à 16). Le début du XXe siècle voit la confirmation de la théorie atomique de la matière. En 1905, soit 8 ans après la découverte de l’électron par Joseph Thomson, Paul Langevin, qui fut l’élève de Pierre Curie, fait l’hypothèse que les matériaux magnétiques sont formés d’une multitude de petits aimants créés par les électrons en mouvement. Il propose sa théorie du paramagnétisme : les moments magnétiques permanents des atomes paramagnétiques s’orientent dans la direction du champ, mais sont contrariés par l’agitation thermique. De plus, pour interpréter le ferromagnétisme, il montre qu’il faut prendre en compte l’interaction entre molécules ; cette suggestion conduit Pierre Weiss (18651940) à l’hypothèse du « champ moléculaire » en 1907. Einstein, Ehrenfest, Langevin, Kamerlingh Onnes et Weiss à Leyde au Pays-Bas Source : Wikipedia Fait remarquable, toutes ces théories, élaborées dans un cadre classique (c’est-à-dire pré-quantique) restent valables dans le cadre de la théorie quantique qui voit le jour dans les années 1920 : en 1922, les physiciens allemands Otto Stern et Walther Gerlach mettent en évidence une propriété cachée de l’électron, son « moment cinétique intrinsèque » que les physiciens hollandais George Uhlenbeck et Samuel Goudsmit interprètent, en 1925, comme une rotation de l’électron sur lui-même. «Tourner sur soi-même » se dit « to spin » en anglais. L’idée d’une rotation propre de l’électron s’avérera erronée par la suite, mais le spin existe bel et bien et apporte une contribution fondamentale à la compréhension du magnétisme. De nouvelles avancées sont réalisées dans la description du magnétisme des solides par Louis Néel, qui reçoit le prix Nobel de physique en 1970 pour ses théories de l’antiferromagnétisme (1936) et du ferrimagnétisme (1948). Plusieurs des thèmes que Néel a initiés et ensuite développés avec ses collaborateurs sont d’actualité : le magnétisme des couches minces et des grains fins s’appelle maintenant nanomagnétisme. Les aspects aléatoires de l’hystérésis ont donné la physique des systèmes désordonnés. Ses travaux trouvent également une application dès 1939 dans le domaine militaire pour la désaimantation des navires, qui permet de les protéger contre les mines magnétiques. Dès lors des bases solides existent pour que l’étude des propriétés magnétiques de la matière puisse se développer. Après la guerre 1939-1945, on assiste à une véritable explosion de la littérature scientifique dans ce domaine, appuyée par les progrès spectaculaires des moyens expérimentaux. Ajoutons à ce mini historique Albert Fert. Professeur à l’Université Paris-Sud 11, directeur scientifique au sein de l’Unité mixte de physique CNRS/Thales, associée à l’Université ParisSud, Albert Fert reçoit le prix Nobel de physique 2007 avec Peter Grünberg. Cette Al distinction récompense sa découverte de la magnétorésistance géante (Giant Magnetodist Resistance, GMR) et sa contribution au développement de la spintronique. La R GMR est notamment à l’origine de l’élaboration de têtes de lecture magnétique extrêmement performantes, qui sont utilisées aujourd’hui dans tous les disques durs. d L’histoire continue…. L’hist 4 Magnétisme terrestre et orientation – boussole 2. LE MAGNÉTISME DE LA TERRE Pôle nord magnétique 2.1 Magnétisme terrestre et orientation – boussole – déclinaison magnétique A l’image d’un barreau aimanté, la Terre présente deux pôles magnétiques de polarité opposée. C’est cette propriété qui fait que, depuis que les Chinois l’ont inventée, la boussole s’avère très utile pour les marins... et tous les voyageurs qui s’écartent des sentiers balisés et doivent calculer leur cap. En prenant une boussole en main, chacun a déjà remarqué que l’aiguille aimantée s’oriente dans une direction bien précise. Cette direction est celle du pôle nord magnétique. En 1700, Edmond Halley (celui qui a découvert la périodicité de la fameuse comète qui porte son nom) a conçu l’idée nouvelle de montrer la déclinaison magnétique sous la forme de cartes de contour et a publié la première carte des lignes isogones de l’océan Atlantique. Depuis, on met à jour régulièrement de telles cartes. Le champ magnétique terrestre évolue dans le temps. Depuis 400 ans, la valeur de la déclinaison a diminué ; les pôles magnétique et géographique se rapprochent. Aujourd’hui l’usage de la boussole est dépassé par celui du GPS (Global Positioning System), système de positionnement par satellite. 2.2 L’évolution du champ magnétique sur les temps géologiques Selon les études de John Tarduno de l’Université de Rochester (États-Unis), la Terre possédait déjà un champ magnétique il y a 3,45 milliards d’années. Cependant il n’est pas constant : des inversions de pôles se produisent régulièrement. La théorie actuellement retenue attribue ce champ à des courants de convection dans le noyau de fer liquide. Pôle Nord géographique NG NM Déclinaison magnétique L’axe magnétique de la Terre fait actuellement un angle de 11,5° avec l’axe de rotation de la Terre (du pôle Nord au pôle Sud géographique). On appelle déclinaison magnétique l’angle entre le nord magnétique et le nord vrai. Une personne qui suivrait sans correction l’aiguille de la boussole aboutirait finalement au pôle nord magnétique, mais pas en empruntant le chemin le plus court ! La première évaluation connue de la déclinaison magnétique a été réalisée par les Chinois vers l’année 720 de notre ère. En Europe, le concept de déclinaison était connu au début du XVe siècle, mais sa première mesure remonte à 1510. L’importance de la déclinaison pour la navigation est évidente. Les marins ont inventé très tôt des méthodes pour la mesurer et ont commencé à compiler des valeurs de déclinaison pour des points dispersés un peu partout sur la planète. SIMULER NUMÉRIQUEMENT LA DYNAMO TERRESTRE : le métal liquide conducteur en mouvement est situé entre la graine (au centre en vert, résultat de la cristallisation du noyau, qui a aujourd’hui un rayon de 1220 kilomètres) et le manteau (sphère externe transparente). Les lignes blanches représentent les lignes de champ magnétique à l’intérieur du noyau terrestre. Elles sont tordues et étirées par l’écoulement du métal liquide. A gauche, vue du pôle Nord, et à droite, vue à partir du plan équatorial. Les petites sphères représentent le champ magnétique à la surface de la terre. (UMR7154 - Institut de physique du globe de Paris (IPGP) Photothèque CNRS / Aubert Hulien) ENREGISTRER LE CHAMP MAGNÉTIQUE : au moment de la solidification d’une roche, les petits grains ferromagnétiques présents dans la roche s’orientent en fonction du champ magnétique terrestre et conservent cette orientation une fois refroidis (rémanence thermomagnétique). Cela est dû au fait que les minéraux, en se refroidissant, passent à une température inférieure à leur point de Curie, température à laquelle un corps ferromagnétique peut enregistrer un champ magnétique. 5 L’é vo l u t i o n d u c h a m p m a g n é t i q u e t e r r e s t r e L’intensité du champ magnétique principal a diminué d’environ 40% au cours des derniers deux mille ans, après avoir augmenté pendant quatre mille ans. 0 Des inversions, c’est-à-dire l’échange des pôles magnétiques nord et sud, se produisent à intervalles irréguliers, de l’ordre du million d’années ; on connaît assez bien les inversions des 160 derniers millions d’années grâce à des datations par radio-chronologie des minéraux magnétiques, relevés en particulier dans les basaltes des fonds océaniques. 45 5 50 10 Les inversions sont les anomalies les plus étonnantes. Elles ont été mises en évidence pour la première fois en France en 1906 par le géophysicien français Bernard Brunhes (1867-1910), qui a observé une lave du Massif central aimantée en sens inverse par rapport aux lignes du champ magnétique. 15 Millions d’années Il a ensuite fallu attendre les années 1960 pour que les études se multiplient en divers points du globe et reconnaissent ces phénomènes d’inversion comme une caractéristique globale du champ magnétique terrestre. Une échelle chronologique des inversions géomagnétiques a pu être établie et, même si elle est constamment remise à jour grâce aux nouvelles données et aux progrès analytiques, elle est relativement bien établie pour les derniers 100 millions d’années. 55 60 20 65 25 70 1 Echelle des polarités magnétiques de Heirtzler et al. (1968) : c’est l’échelle originale, basée sur l’extrapolation des mesures des anomalies magnétiques. Les mesures proviennent de l’Atlantique sud. En noir, la polarité est normale par rapport à la polarité du champ magnétique actuel. En blanc elle est inversée. 30 75 35 Ces inversions sont observées à partir des archives géologiques telles que les empilements de coulées de lave ou les séquences sédimentaires qui s’accumulent au fond des océans. (1) Heirtzler, J. R., Dickson, G. O., Herron, E. M., Pittman III, W. C., and LePichon, X., Marine magnetic anomalies, geomagnetic field reversals, and motions of the ocean floor and continents, J. Geophys. Res., 73, 2119-2136, 1968. 80 40 SEQUENCES SEDIMENTAIRES : le sédiment qui se dépose dans le fond océanique contient des minéraux magnétiques dont le plus connu et le plus facile à détecter est la magnétite. Ces minéraux permettent de connaître le champ géomagnétique qui était présent au moment et sur le site où le sédiment s’est déposé. Au cours des campagnes océanographiques, les chercheurs du Laboratoire des Sciences du Climat et l’Environnement (LSCE, unité mixte de recherche CEA-CNRS-UVSQ) ont effectué des carottages pour étudier, notamment, les changements climatiques dans le passé. Ces mêmes carottes permettent également de retracer les variations passées du champ géomagnétique (Dossier de presse : Du magnétisme naturel au magnétisme en laboratoire, 27/09/2007- www.cea.fr/presse). Mise en œuvre du carottier A NOTER : Le paléomagnétisme désigne le champ magnétique terrestre passé, et par extension la discipline scientifique d’étude de ses propriétés. Il a permis de mettre en évidence la dérive des continents et peut être également utilisé à des fins de datation : l’alignement des particules ferromagnétiques (aimantation permanente) d’une roche reflète la direction du champ magnétique terrestre au moment où elle s’est refroidie. Connaissant la carte de variation du champ géomagnétique en fonction du temps dans le lieu considéré, on en déduit l’âge de solidification de la roche ou de l’objet pris dans la roche. Pour l’exploration minière également, des mesures de champ magnétique donnent la signature de certaines roches magnétiques et permettent de les cartographier. 6 La magnétosphère - les aurores polaires 2.3 La magnétosphère - les aurores polaires Le vent solaire est un flux de particules éjectées de la haute atmosphère du Soleil. Les particules sont essentiellement des protons - c’est-à-dire des noyaux d’hydrogène - (85%), des noyaux d’hélium (12,5%), des électrons (1,5%) et des noyaux plus lourds (1%) allant jusqu’au fer. Le vent solaire qui arrive vers la Terre interagit avec le champ magnétique terrestre pour former une magnétosphère bien caractéristique (un peu comme un obstacle dévie le courant d’une rivière). Pour des altitudes inférieures à environ 10 rayons terrestres (65 000 km), les lignes de champ enveloppent la Terre d’un pôle à l’autre. Mais le vent solaire exerce une telle pression sur le champ magnétique qu’il génère du côté opposé au Soleil une queue magnétosphérique qui s’étire jusqu’à plusieurs milliers de rayons terrestres. Le vent solaire n’est qu’une composante du flot de particules qui sillonne l’espace de notre galaxie dans toutes les directions, et qu’on appelle le rayonnement cosmique. La Terre, comme les autres planètes, est exposée à ce rayonnement. Mais les lignes de champ de sa magnétosphère dévient les particules, qui s’écoulent de part et d’autre. Leur entrée est tout de même facilitée aux pôles où les particules suivent les lignes de champ et interagissent avec les molécules de la haute atmosphère pour induire les phénomènes d’aurores polaires, à plus de 80 km d’altitude. Représentation bidimensionnelle, dans un plan méridien, du champ magnétique terrestre, d’après le modèle de Tsuganenko 87. Le vent solaire, symbolisé par des flèches jaunes, engendre par son interaction avec le champ magnétique terrestre une cavité nommée magnétosphère, représentée par les zones orange et jaune, où sont confinées les lignes de force du champ magnétique. (UMR8639 - CEPTH Vélizy (etc…) Photothèque CNRS / Robert Patrick) La Terre, planète protégée La magnétosphère forme un « bouclier magnétique » qui protège la Terre des rayons cosmiques, nocifs pour la vie (ce sont des rayonnements ionisants, comme ceux émis par les produits radioactifs). Et qu’en est-il des astronautes ? Les stations qui tournent en orbite à 400 km d’altitude sont encore sous le parapluie de la magnétosphère. Vingt-quatre hommes seulement se sont éloignés de la Terre à plus de 1000 km, en franchissant le bouclier magnétique… ce sont les astronautes des missions lunaires du programme Apollo entre 1968 et 1972. Située à 380 000 km, la Lune ne possède ni atmosphère, ni magnétosphère. Sans protection, elle est donc exposée au vent des particules. L’exposition aux rayons cosmiques y est 5000 fois supérieure à celle observée sur Terre, mais les douze hommes qui ont marché sur la Lune n’ont subi aucun dommage car ils ne sont restés que trois jours au plus. Le lien étroit entre le Soleil et l’atmosphère dans la formation des aurores polaires a été compris lors de la deuxième Année Polaire internationale (1932, 1933). Les particules pénètrent aux pôles par des sortes d’entonnoirs et frappent la haute atmosphère. Sous le bombardement, l’air raréfié s’illumine comme dans les tubes de néon, provoquant les aurores polaires, boréales au nord, australes au sud. C’est le phénomène de fluorescence qui donne cette couleur si féérique, verte sur les molécules d’oxygène, et rouge sur les molécules d’azote. A noter : les planètes comme Mercure, Jupiter, Saturne, Uranus ou Neptune ont aussi leur magnétosphère. Crédits : NASA 7 Le s d i p ô l e s, l e s a i m a n t s, l e s c i r c u i t s é l e c t r i q u e s e t … l a Te r r e 3. LA PHYSIQUE DU MAGNÉTISME La question pourrait être « qu’est-ce qu’un champ magnétique ? » D’une façon générale, un champ caractérise les propriétés de l’espace. Comme le champ de gravitation ou le champ électrique, le champ magnétique est un champ vectoriel qui traduit une action à distance. Il est détecté par une aiguille aimantée dont l’orientation définit la direction et le sens du vecteur « champ magnétique » au point où elle est placée. Petit rappel historique : comme l’éther en mécanique, les fluides magnétiques sont apparus assez tôt pour décrire le magnétisme. Dans les deux cas ce modèle a finalement fait place à d’autres, tout en gardant un sens profond dans notre vocabulaire. Le texte ci-dessous date de la fin du XIXe siècle. Cours de physique de l’école polytechnique - 1866 - Théorie du magnétisme Nous avons exposé et discuté la théorie des fluides électriques et magnétiques. Imaginés pour satisfaire au besoin d’expliquer, ils ont cette commodité de rattacher les faits par une relation hypothétique à une cause possible. Mais ils n’ont pas d’existence démontrée, et nous pouvons y renoncer sans aucun scrupule, si nous venons à découvrir ou leur insuffisance ou leur inutilité. Or leur insuffisance a été reconnue quand Oersted a découvert l’action d’un courant sur un aimant, que rien ne faisait soupçonner, et l’inutilité des fluides magnétiques est devenue manifeste quand Ampère eut prouvé qu’on peut reproduire toutes les propriétés des aimants avec des courants enroulés en hélice : cela conduisait naturellement à penser que les aimants sont des solénoïdes constitués par des courants intestins. D’après ces idées, Ampère abandonne absolument l’hypothèse du fluide magnétique et il la remplace par une autre : il suppose que dans un barreau aimanté les molécules peuvent être groupées en files sensiblement parallèles à l’axe ; qu’elles sont entourées par des courants circulaires de même sens, dont les plans sont perpendiculaires aux lignes… Assez proche de la « vérité », l’élève Ampère… 3.1 Les dipôles, les aimants, les circuits électriques et… la Terre Un aimant est un objet qui produit un champ magnétique. Ce champ exerce (ou induit) une force magnétique sur toutes les particules chargées en mouvement (et principalement les électrons dans la matière). Un aimant a deux pôles où la force magnétique est la plus forte, le pôle nord et le pôle sud. L’aimant le plus simple est l’aimant droit, souvent appelé « dipôle ». Par convention, le champ sort du pôle nord, décrit une ligne de champ (en tout point tangente au vecteur) et entre par le pôle sud. Les lignes de champ ne se croisent jamais ; elles partent et finissent toujours dans la matière aimantée. Elles sont concentrées là où la force magnétique est forte et sont espacées là où elle est faible. Les dessins montrent souvent le champ dans un plan (comme ci-contre) ; en réalité, il se trouve dans l’espace à trois dimensions. Au XIIIe siècle, Pierre Pèlerin de Maricourt, dont nous avons déjà parlé page 2, essaya en vain d’isoler un monopôle (un aimant à un seul pôle), en coupant en deux une tige aimantée, puis en recoupant en deux l’un des morceaux restants : deux pôles différents apparaissaient à chaque fois. Ce comportement ne sera compris qu’au début du XXe siècle : l’électron lui-même est l’aimant dipolaire ultime ! En électricité, l’objet élémentaire est la charge électrique. En magnétisme, les choses ne sont pas si simples. m N r q v S Dipôle magnétique Champ d’un dipôle magnétique Il n’existe pas de « charge magnétique élémentaire » : tout ce que l’on peut dire c’est que le phénomène élémentaire est une charge électrique en mouvement. On va définir le modèle élémentaire du magnétisme, le dipôle magnétique, comme une charge en mouvement circulaire. On lui associera un pôle nord et un pôle sud, par analogie avec le champ magnétique d’un aimant, et on calculera son moment magnétique : 8 Le s d i p ô l e s, l e s a i m a n t s, l e s c i r c u i t s é l e c t r i q u e s e t … l a Te r r e N N S N S Champ induit par une bobine parcourue par un courant S Champ d’un barreau aimanté Champ magnétique de la Terre Cette forme de champ magnétique, qui est le champ du dipôle, est bien connue. Figuré au centre, c’est un barreau aimanté. Depuis que Faraday a découvert l’induction électromagnétique, on sait très bien qu’une bobine est assimilable à un dipôle. La Terre, enfin, possède ce champ magnétique à cause de la mobilité de son noyau ferreux. Il est assimilable à celui d’un aimant droit qui serait placé en son centre, et dont le pôle sud serait placé près du pôle Nord géographique. MATÉRIALISATION DU CHAMP MAGNÉTIQUE Le champ magnétique peut être visualisé facilement à l’aide de limaille de fer. Energie potentielle et force magnétique N S N S S N S N S N N S N S S N Attraction et répulsion de barreaux aimantés Un aimant exerce des forces sur un autre aimant. L’action exercée par un champ magnétique sur un moment magnétique repose sur un principe classique en physique : la recherche de l’énergie minimum. L’action mutuelle de deux barreaux aimantés dépend de la position de leurs pôles : attraction lorsque les pôles sont de polarité opposée, retournement ou répulsion dans le cas inverse. Retournement : l’énergie potentielle d’interaction entre un champ magnétique et un moment magnétique est donnée par le produit scalaire de deux vecteurs écartés d’un angle . Le moment magnétique d’un aimant va donc tendre à s’aligner avec le champ magnétique (pour rendre l’angle plus petit ou le cosinus plus grand) : si l’aimant est libre de le faire, il va tourner. Attraction/répulsion : une fois retourné, l’aimant va aller vers le champ H maximum : comme le champ magnétique est le plus intense dans les zones de l’espace où les lignes de champ sont les plus resserrées, il sera attiré suivant l’orientation de ses pôles. Si l’aimant n’a pas la liberté de se retourner, il sera repoussé. Si le premier aimant est fixé (tenu par l’expérimentateur, par exemple), le second va avoir tendance à s’aligner suivant les lignes de champ : dire que les aimants ont tendance à s’orienter selon les lignes de champ, c’est la même chose que dire que les pôles opposés s’attirent et les pôles de même sens se repoussent ! 9 Sy s t è m e s d ’ u n i t é s, g ra n d e u r s… e t o r d r e s d e g ra n d e u r 3.2 Systèmes d’unités, grandeurs… et ordres de grandeur Les grandeurs et les unités du magnétisme varient d’un auteur à l’autre. Les notations des ingénieurs diffèrent de celles des physiciens et la plupart des articles sur le magnétisme ont été écrits en unité C.G.S (centimètre, gramme, seconde) alors qu’on s’exprime aujourd’hui en unités SI (Système International). Pour réduire cette complexité, nous allons présenter de manière succincte les grandeurs fondamentales en utilisant les notations recommandées par la Commission Electrotechnique Internationale. Partons de la phrase suivante : « Toute substance (solide, liquide ou gazeuse), placée dans un champ d’excitation magnétique H, est le siège d’une aimantation M, par induction B, dans un sens ou dans l’autre. » H (en A.m-1) : le champ d’excitation magnétique H (ou champ magnétique appliqué) est créé par toute charge électrique en mouvement ou par un aimant permanent. H ne dépend que de la source. B (en tesla, T) : plaçons la substance dans le champ d’excitation magnétique H (voir le dessin ci-dessous). H induit dans cette substance une « aimantation ». Les lignes de champ se déforment (en se séparant ou en se concentrant, selon la substance). Le champ résultant est appelé « champ d’induction magnétique » B. B dépend de la source et de la matière aimantée. (sans dimension) : est la perméabilité du vide (constante universelle). est la perméabilité relative de la substance par rapport au vide. C’est en quelque sorte la capacité de la substance à canaliser les lignes de champ. De façon imagée (voir le dessin ci-dessous), est le rapport du nombre de lignes de champ entre le matériau et le vide. est proche de 1 dans une substance très peu magnétique (diamagnétique ou paramagnétique) et très supérieur à 1 dans une substance magnétique (ferromagnétique) - (Plus de détails au . Type Matériau Diamagnétique Paramagnétique Ferromagnétique (sans dimension) : m est la susceptibilité magnétique. Elle traduit la capacité de la matière à acquérir une m aimantation M sous l’effet d’un champ d’excitation magnétique H. M (en A.m-1) : l’aimantation M est la somme des moments magnétiques m (en A.m2) portés par les électrons (qui sont « réorientés » par le champ d’excitation magnétique H) au sein de la matière. On peut alors donner une nouvelle définition de l’induction magnétique B. C’est la résultante, dans la matière aimantée, au facteur de conversion μ0 près, du champ d’excitation magnétique H et de l’aimantation M. On notera que B est défini par ses effets alors que H est défini par la façon de le créer. En dehors de la matière aimantée, et H sont donc « identiques » et traduit un simple changement d’unité (puisque B est en tesla et H en ampère.mètre carré). L’ambiguïté qui découle du fait que B et H sont souvent appelés « champ magnétique » est alors sans conséquence. Cette remarque n’est évidemment plus vraie dans les matériaux magnétiques, comme les aimants permanents. 10 Sy s t è m e s d ’ u n i t é s, g ra n d e u r s… e t o r d r e s d e g ra n d e u r En bref... Grandeur Notation Champ d’excitation magnétique Champ d’induction magnétique Aimantation Moment magnétique 10-15 ampère/mètre (A.m-1) tesla (T) - (1 T = 1 kg.s-2.A-1) ampère/mètre (A.m-1) ampère.mètre carré (A.m2) H B M m terrestre Unité électro-aimant 10-6 10-4 0,1 1 10 interstellaire permanent faibles 100 1000 magnétar 10+9 intenses Ordres de grandeur des champs d’induction magnétique, en tesla Champs magnétiques produits par différentes sources Source Champ d’induction magnétique B Cerveau humain Cerveau de souris Cœur de souris A 100 mètres d’une ligne TGV Champ magnétique terrestre en France (et aux Pôles) Sous une ligne haute tension A 1 cm d’un fil où circulent 5 ampères Aimant de réfrigérateur Bobine de 1000 spires (diamètre = 5 cm et I = 5 A) Aimant permanent fabriqué à l’aide d’oxyde de fer Aimant permanent très fort (à base de composés de terres rares) Aimant de haut-parleur IRM (les bobines des aimants sont refroidies à l’hélium liquide) Champ de confinement du plasma dans la machine ITER Champ magnétique intense généré en laboratoire Étoile à neutrons Magnétar (2) (1) A Neurospin (recherche CEA), jusqu’à 11,7 T pour l’homme et 17,6 T pour la souris. (2) Un magnétar est une étoile à neutrons disposant d’un champ magnétique hyper-puissant, qui émet des radiations électromagnétiques de haute énergie. Moments magnétiques atomiques • • • 11 A l ’é c h e l l e m i c r o s co p i q u e : m o m e n t m a g n é t i q u e d e s a t o m e s 3.3 A l’échelle microscopique : le moment magnétique des atomes Nous avons entrevu l’importance des charges en mouvement dans le magnétisme : à l’échelle atomique, nous allons voir que le mouvement des électrons autour des noyaux et leur spin sont les composantes d’un moment magnétique atomique qui est rarement nul. Nous allons voir aussi que les liaisons chimiques semblent avoir pour « politique apparente » d’annuler la somme des moments magnétiques des molécules formées. Mais pas dans tous les cas. La contribution des électrons au magnétisme est fondamentale : elle explique pratiquement toutes les propriétés magnétiques de la matière macroscopique. Cette contribution est double car l’électron possède un moment magnétique orbital (la charge en rotation autour du noyau) et un moment magnétique intrinsèque appelé « spin » (qu’on assimile souvent à la rotation de l’électron sur lui-même car, bien que l’image soit fausse, elle est pratique pour représenter cet effet…). Le moment magnétique d’un atome est la Moment de spin somme des moments magnétiques des électrons qu’il contient. Moment orbital Lorsque deux électrons sont appariés (lorsqu’ils forment une paire avec des spins opposés), leurs moments magnétiques sont de sens opposé et s’annulent. Ainsi, une couche électronique pleine n’est pas magnétique. Le magnétisme est une propriété des couches électroniques incomplètes. Hydrogène H (Z=1) 1s1 Hélium He (Z=2) 1s2 Lithium Li (Z=3) 1s2 2s1 Béryllium Be (Z=4) 1s2 2s2 Configuration électronique des 4 premiers éléments du tableau de Mendeleïev. L’explication des couches (1, 2, 3, etc.), des sous-couches (s, p, d, etc.), des cases quantiques (ou orbitales) et des règles de remplissage est précisée page 19. On voit que l’hydrogène et le lithium, qui ont une sous-couche incomplète, sont des atomes magnétiques. L’hélium et le béryllium, qui ont une sous-couche complète, sont des atomes non magnétiques. A l’état d’atome, une majorité d’éléments (79 sur 103 dans le tableau de Mendeleïev) sont porteurs d’un moment magnétique. Mais lorsque les éléments font partie d’un composé chimique, leurs liaisons correspondent à la mise en commun d’électrons : les électrons s’apparient en paires de spins opposés, les couches électroniques se complètent, et seul un petit nombre d’éléments restent porteurs d’un moment magnétique permanent. Magnétisme des éléments purs à l’état solide. Les différentes classes de matériaux sont présentées au chapitre suivant. Les cases rouges et bleues représentent les éléments dont l’aimantation peut être importante. Les cases jaunes et vertes représentent les éléments qui n’ont pas de moment magnétique à l’état solide. Dans les cases à double couleur, le magnétisme dépend de la température et/ou de la pression. (Voir la réf. 1, page 95 du volume 1, avec des adaptations) 12 Co m p o r t e m e n t d e s m a t é r i a u x d a n s u n c h a m p m a g n é t i q u e : d i a m a g n é t i s m e e t p a ra m a g n é t i s m e 3.4 Comportement des matériaux dans un champ magnétique : diamagnétisme et paramagnétisme Soumise à un champ magnétique extérieur, n’importe quelle substance, même non magnétique, réagit en créant un champ magnétique induit. Si le champ induit s’oppose au champ extérieur, on parle de diamagnétisme, s’il le renforce, on parle de paramagnétisme. S N Un diamagnétique est repoussé par un champ S N Un paramagnétique est attiré par un champ La plupart des substances sont non magnétiques (eau, verre, cuivre, zinc, plomb, argent, or, caoutchouc, bois, mais aussi les gaz comme l’azote ou l’hydrogène, les composés organiques comme le plastique, etc.). Pourtant, elles sont repoussées par le pôle d’un aimant fort. En d’autres termes, si on introduit une substance non magnétique en un lieu où règne un champ magnétique intense, ce dernier agit sur l’ensemble des charges en mouvement par un phénomène classique d’induction de Faraday. L’aimantation induite est proportionnelle au champ magnétique appliqué et s’oppose à ce dernier : Ces substances sont appelées diamagnétiques. Leur susceptibilité est très faible en valeur absolue, de l’ordre de 10-5 et varie peu avec la température. Eléments diamagnétiques Hydrogène (H) Cuivre (Cu) Zinc (Zn) Plomb (Pb) Argent (Ag) Or (Au) -0,26 x 10-5 -1,18 x 10-5 -1,5 x 10-5 -1,6 x 10-5 -2,5 x 10-5 -3,4 x 10-5 Le diamagnétisme est un phénomène tout à fait général, souvent masqué par d’autres phénomènes. L’effet cesse dès que le champ extérieur est supprimé. Lévitation d’un aimant sur un élément supraconducteur dans un nuage d’azote liquide (< 77 K). Le diamagnétisme est un phénomène très peu intense, sauf dans le cas de quelques matériaux dont la susceptibilité est égale à -1 : les supraconducteurs. On emploie le terme de diamagnétisme parfait pour désigner leur comportement. Les supraconducteurs créent en leur sein des courants induits qui s’opposent à toute variation de champ magnétique. Cette propriété est utilisée pour produire la lévitation magnétique. D’autres substances, au contraire, sont attirées par un aimant fort (oxygène, sodium, magnésium, aluminium, potassium, Eléments paramagnétiques molybdène, platine, etc.) : l’aimantation induite est parallèle au champ magnétique appliqué et dans le Magnésium (Mg) même sens que lui. Ces substances sont appelées paramagnétiques. Leur susceptibilité magnétique Potassium (K) est positive et diminue avec la température. En Sodium (Na) valeur absolue, elle est plus importante que dans le Aluminium (Al) diamagnétisme, mais reste faible, de l’ordre de 10-5 à 10-4. L’aimantation cesse dès que le champ extérieur Molybdène (Mo) est supprimé. Platine (Pt) 0,55 x 10-5 0,58 x 10-5 0,85 x 10-5 2,1 x 10-5 10,5 x 10-5 27,8 x 10-5 A l’échelle atomique : Une substance diamagnétique ne contient que des atomes non magnétiques, c’est-à-dire des atomes dont tous les électrons sont appariés (à de rares exceptions près, comme le cuivre, diamagnétique malgré un électron célibataire). Lorsque la substance est soumise à un champ magnétique extérieur, le mouvement orbital des électrons est légèrement modifié ; les courants induits donnent naissance à un flux d’induction qui s’oppose au champ appliqué (loi de Lenz). Une substance paramagnétique contient des atomes magnétiques, c’est-à-dire des atomes dont un certain nombre d’électrons sont célibataires. Les moments atomiques n’interagissent pratiquement pas entre eux et s’orientent librement dans tous les sens (à cause de l’agitation thermique), de telle sorte que le moment magnétique total est nul. Lorsque la substance est soumise à un champ magnétique extérieur, les moments atomiques s’orientent plus ou moins le long de ce champ : la substance s’aimante. 13 Le co m p o r t e m e n t co l l e c t i f d e s m o m e n t s m a g n é t i q u e s a t o m i q u e s : l e f e r r o m a g n é t i s m e 3.5 Le comportement collectif des moments magnétiques atomiques : le ferromagnétisme Nous venons de voir que la plupart des substances, qu’elles soient diamagnétiques ou paramagnétiques, soumises à un champ magnétique, présentent un magnétisme faible. Nous allons aborder maintenant les quelques éléments qui présentent un magnétisme important. Ils possèdent plusieurs caractéristiques : un remplissage particulier des couches électroniques, une interaction entre atomes voisins et une division en domaines magnétiques. Commençons par les ferromagnétiques. Il existe une quinzaine d’éléments pour lesquels l’aimantation est importante et peut persister en l’absence de champ magnétique extérieur. Ils sont situés dans les cases rouges et bleues de la table de Mendeleïev, page 12. Nous présentons dans ce chapitre les matériaux ferromagnétiques (cases rouges), appartenant au groupe du fer (fer, cobalt, nickel) et à la série des terres rares (gadolinium, terbium, dysprosium). Certains atomes ont un remplissage particulier des couches électroniques Certains éléments possèdent, à l’état atomique, des électrons non appariés dans une couche interne « protégée » par une couche externe saturée. C’est le cas du groupe du fer où la couche externe 4s est complète et fait écran à la couche 3d incomplète. C’est également le cas de la série des terres rares où la couche externe 6s est complète et fait écran à la couche 4f incomplète. Les couches 3d et 4f restent incomplètes, même lorsque les éléments font partie d’un solide (un barreau de fer par exemple). Ces couches conservent donc un magnétisme notable. Les atomes voisins interagissent entre eux Prenons le cas du fer qui, à l’état solide, forme des cristaux dans le système cubique centré. Comme nous l’avons vu ci-dessus, chaque atome possède un moment magnétique notable. On calcule (en mécanique statistique) que l’interaction entre les spins des atomes est telle que l’énergie de deux atomes voisins est minimale si les deux moments pointent dans la même direction. Ces interactions, dites interactions d’échange, favorisent donc l’alignement des moments magnétiques des atomes voisins. Les moments magnétiques sont parallèles dans de petits domaines de cristallisation Malgré l’existence des interactions d’échange, un matériau ferromagnétique n’est pas forcément aimanté. En effet, les moments magnétiques des atomes sont alignés, non pas dans l’ensemble du matériau, mais localement dans des domaines plus ou moins grands de l’ordre du dixième de millimètre. Ce sont les domaines de Weiss (rappelons - voir page 4 - que Pierre Weiss a décrit les matériaux ferromagnétiques en 1907, à la suite de la théorie du paramagnétisme de Paul Langevin). Si le matériau n’apparaît pas aimanté, c’est que, d’un domaine à l’autre, les moments magnétiques sont orientés aléatoirement, de telle sorte que le moment total est nul. Parois magnétiques dans un grenat magnétique (Sm-Yig), de l’épaisseur de 8 μm observées en 1978 à l’aide de la méthode GLOW (Geometrical Lozanges Of Walls). Cette méthode est basée sur l’effet de biréfringence de grains de ferrofluide dans la lumière polarisée. Domaines dans un réseau cubique 14 Le co m p o r t e m e n t co l l e c t i f d e s m o m e n t s m a g n é t i q u e s a t o m i q u e s : l e f e r r o m a g n é t i s m e L’aimantation spontanée ne change pas de façon abrupte entre les domaines de Weiss individuels mais continûment, sur une étendue d’environ 300 atomes, que l’on nomme parois de Bloch, du nom du physicien suisse Félix Bloch (1905–1983). Représentation monodimensionnelle d’une paroi de Bloch. Si l’on soumet une substance ferromagnétique initialement non aimantée à un champ magnétique, les domaines alignés avec le champ croissent au détriment des domaines non alignés. Evolution (schématisée) des domaines de Weiss dans un monocristal ferromagnétique soumis à un champ magnétique extérieur (en bleu). Le domaine qui possède un moment magnétique de même direction et de même sens que le champ magnétique extérieur grossit au détriment des autres domaines, en déplaçant les parois de Bloch. Ceci explique pourquoi les matériaux ferromagnétiques acquièrent une forte aimantation sous l’action d’un champ. Alors qu’il faut des intensités de champ de l’ordre de 109 A.m-1 pour atteindre l’aimantation maximum (saturation) dans les matériaux paramagnétiques en général, il suffit de quelques 105 A.m-1 pour atteindre le même résultat dans les matériaux ferromagnétiques : la susceptibilité initiale des matériaux ferromagnétiques est d’environ neuf ordres de grandeur supérieure à celle des matériaux paramagnétiques. Courbe de première aimantation et cycle d’hystérésis L’évolution des domaines de Weiss permet de comprendre le comportement d’un ferromagnétique sous l’action d’un champ : au départ, l’échantillon a une structure en domaines et une aimantation globale nulle. L’application du champ magnétique déplace les parois de certains domaines jusqu’à les supprimer pour atteindre la saturation. Quand on diminue l’intensité du champ, les domaines peuvent se recréer, mais cela coûte une énergie que l’on appelle énergie de paroi. Sans l’application d’un champ inverse, il reste donc une aimantation rémanente. M Mr Le comportement d’un ferromagnétique sous l’action d’un champ est décrit par ce qu’on appelle la courbe de première aimantation (1) et le cycle d’hystérésis (2). (2) (1) H -Hc Hc Après avoir magnétisé un échantillon jusqu’à la saturation, on fait décroître le champ d’excitation H. On constate que le chemin suivi au retour n’est pas le même. Ce phénomène suivant lequel la courbe ne repasse pas par son parcours initial porte le nom « d’hystérésis » (en grec : « qui traine derrière »). Le « cycle d’hystérésis » est la courbe fermée. Il montre que l’aimantation d’un matériau ferromagnétique dépend non seulement de l’intensité du champ appliqué, mais également de l’aimantation antérieure. Les matériaux ferromagnétiques peuvent donc être doués de mémoire. L’aimantation Mr qui subsiste quand on annule le champ d’excitation est « l’aimantation rémanente ». Si l’on souhaite annuler M, il faut inverser le champ d’excitation H jusqu’à une valeur Hc appelée « champ coercitif ». MATERIAUX FERROMAGNETIQUES DURS ET DOUX : chaque matériau possède sa propre courbe d’hystérésis. On les classe suivant la largeur de leur cycle : les matériaux durs ont un cycle large, les matériaux doux ont au contraire un cycle très étroit. M H M H Les matériaux durs : ces matériaux sont bien adaptés à la fabrication des aimants permanents (moteurs, haut-parleurs, capteurs, etc.). Les aimants permanents sont des alliages de métaux (exemple : l’alnico composé principalement d’aluminium, de nickel et de cobalt) ou des alliages modernes de terres rares et de fer ou de cobalt (exemple : SmCo5). Après aimantation lors de leur fabrication, l’aimantation rémanente délivre un fort champ magnétique. Le champ coercitif élevé fait qu’ils ont peu de chance de se désaimanter, même en présence de champs parasites dépolarisants. Les matériaux doux : Ce sont des alliages fer-silicium, fer-nickel, fer-nickel-molybdène. Ces matériaux, à l’aimantation rémanente et au champ coercitif faibles, sont très utilisés en électrotechnique : réalisation de transformateurs, noyaux de self, etc., toute application où ils sont soumis à un champ alternatif. 15 Autres types de magnétisme : antiferromagnétisme et ferrimagnétisme 3.6 Autres types de magnétisme : antiferromagnétisme et ferrimagnétisme L’antiferromagnétisme et le ferrimagnétisme sont deux autres types de magnétisme, qui ont des points communs avec le ferromagnétisme. L’interaction d’échange dont nous avons parlé au chapitre 3.5 s’exprime différemment suivant le réseau cristallin : il existe la situation, inverse à celle du ferromagnétisme, où l’interaction d’échange est négative, ce qui favorise les moments antiparallèles : ce sont les matériaux antiferromagnétiques. Dans ces matériaux, en dessous d’une température appelée température de Néel, et à l’intérieur de chaque domaine de Weiss, la moitié des atomes a un moment magnétique opposé à l’autre moitié, de sorte que l’aimantation résultante est nulle (dans un langage plus précis, on parle de deux sousréseaux dont les aimantations sont égales et opposées). Au dessus de la température de Néel, le matériau devient paramagnétique. Les éléments antiferromagnétiques à l’état solide sont situés dans les cases bleues de la table de Mendeleïev, page 12. Citons le chrome et le manganèse, mais on trouve également des corps composés comme l’hématite Fe2O3. C’est cette théorie qui a valu à Louis Néel le prix Nobel en 1970, car il a su non seulement les décrire mais les prévoir théoriquement ! Un matériau antiferromagnétique a ses moments alternativement dans un sens puis dans l’autre et son moment global est nul en l’absence de champ d’excitation (comportement paramagnétique). On trouve également des matériaux ferrimagnétiques. Comme pour l’antiferromagnétisme, les moments magnétiques des atomes du cristal s’alignent antiparallèlement à l’intérieur de chaque domaine de Weiss. Cependant les moments magnétiques Cependan opposés sont inégaux et ne se oppo co compensent pas totalement. On ttrouve alors un moment magnétique dans chaque domaine. À l’échelle du cristal, on n’observe aucun moment magnétique résultant, étant donné que les domaines ssont dirigés dans toutes les directions. En présence d’un champ dir magnétique extérieur, les moments magn magnétiques ont tendance à s’aligner dans magnétiqu la direction du champ magnétique. Comme pour les matériaux ferromagnétiques, les matériaux ferrimagnétiques ont une aimantation spontanée en dessous de la température de Curie, et deviennent paramagnétiques au-dessus de cette température. EFFET DE LA TEMPERATURE Si on augmente la température, deux mécanismes entrent en compétition : l’énergie d’interaction, d’une part, qui tend à aligner les moments et la température, d’autre part, qui tend à favoriser l’agitation thermique et donc le désordre des moments. Parmi les matériaux ferrimagnétiques, on trouve des composés de type terre rare/fer, où le couplage magnétique entre le fer et la terre rare est antiparallèle. On trouve également des composés comme la magnétite Fe3O4 déjà citée dans la partie historique de la mallette (les ions Fe3+ et les ions Fe2+ forment un premier sous-réseau, tandis que les ions Fe3+ restants forment le second sous-réseau). Matériaux Température de Curie (C) ou de Néel (N) Nickel (ferromagnétique) Cobalt (ferromagnétique) Fer (ferromagnétique) Hématite (Fe2O3) (anti-ferromagnétique) 355° C 1115° C 770° C 675° C (C) Magnétite (Fe3O4) (ferrimagnétique) 585° C (C) 16 (C) (C) (N) Au dessus de la température de Curie (ou au dessus de la température de Néel, dans le cas des matériaux antiferromagnétiques), c’est le désordre qui prévaut, l’énergie étant suffisante : les moments sont désordonnés et la structure se démagnétise, devenant paramagnétique. U n e m u l t i t u d e d ’a p p l i ca t i o n s 4. UNE MULTITUDE D’APPLICATIONS Qu’il s’agisse de notre existence quotidienne, où on les retrouve partout - depuis la fermeture des portes d’armoire ou de réfrigérateur, les accessoires de voiture, les haut-parleurs et les téléphones portables, jusqu’aux suspensions des trains à grande vitesse - ou qu’il s’agisse de science pure, les aimants sont présents à toutes les échelles de dimension, depuis les particules élémentaires jusqu’aux amas de galaxies. Nous sommes donc « envahis » par le magnétisme et ses multiples applications. Magnets sur un réfrigérateur… Mais il ne faut pas, parce qu’elles sont colorées, qu’elles nous fassent oublier que beaucoup de nos portes de placards se ferment aussi avec des aimants. Petite zoologie des aimants (images de www.supermagnete.fr), moteurs électriques, hautparleurs… Le magnétisme que nous utilisons tous les jours sans même en avoir conscience… Compteur de vitesse, horloge Régulateur de vitesse Lecteur CD Toit ouvrant Haut-parleur Indicateur du niveau des liquides Contrôle de température Essuie-glace Rétroviseur Pompe de lave-glace Nam June Paik, Magnet TV, 1965. Whitney Museum of American Art, New York - http://whitney.org/ Les anciens téléviseurs étaient des tubes cathodiques : un faisceau d’électrons est dévié par des électroaimants pour allumer chaque pixel de l’écran. D’autres technologies sont apparues avec les écrans plats... Pompe à essence ABS Ventilateur Vitres électriques Verrouillage centralisé Air conditionné Démarreur Détecteur de position de l’accélérateur Les aimants permanents dans les automobiles - Réf. 3, page 430 Les aimants permanents sont omniprésents dans les automobiles « classiques » : moteurs électriques, systèmes d’entraînement, dispositifs de mesure, etc. Que dire, alors, des futures voitures électriques ! Ainsi une voiture hybride actuelle (en 2011) contient environ 1 kg de néodyme dans son moteur électrique (le néodyme est une terre rare magnétique utilisé dans les aimants permanents des turbines d’éoliennes et des voitures électriques. Ses caractéristiques magnétiques permettent de fabriquer des aimants plus compacts. Mais les gisements mondiaux sont localisés et son prix augmente : puisque c’est un aimant « permanent », il y a vraiment intérêt à le recycler...). 17 Train à sustentation magnétique, mis en service en 2004 pour relier la ville de Shangaï à l’aéroport international de Pudong. Un voyage de 30 km en 7’40’’ à la vitesse commerciale de pointe de 431 km/h sur une suspension magnétique. Le champ magnétique est utilisé pour propulser le train (en lévitation) et également pour le guider. U n e m u l t i t u d e d ’a p p l i ca t i o n s Art et haute technologie : les ferrofluides Les ferrofluides constituent l’une des manifestations les plus spectaculaires des nanotechnologies à notre échelle humaine. Il s’agit de suspensions colloïdales de particules ferromagnétiques ou ferrimagnétiques d’une taille de l’ordre de 10 nanomètres dans un liquide, en général un solvant ou de l’eau. Elles réagissent à un champ magnétique extérieur et se hérissent de pointes dont la topologie varie selon les paramètres du champ. Le comportement d’un ferrofluide est dit superparamagnétique. Structures en « hérisson » d’un ferrofluide dans un champ magnétique Des artistes ont commencé à s’emparer des ferrofluides pour réaliser des sculptures dynamiques impressionnantes, comme dans la photo ci-dessous. Les musées scientifiques exploitent aussi cette dimension spectaculaire, comme le Musée des sciences et de l’industrie de Chicago (USA), qui a créé l’événement en présentant un « magnetoscope » géant (de magnet = aimant). Enfin des nanos que l’on peut voir ! « Equilibrium Point » (2006) est une œuvre qui utilise les ferrofluides, le son et les images. Les structures tridimensionnelles du ferrofluide se transforment de diverses façons induites par la voix des spectateurs. Instantanément les mouvements du fluide et ses transformations dynamiques se projettent sur un grand écran. C’est à l’aide d’un microphone suspendu qui capte les sons de la pièce que le fluide bouge. Un ordinateur convertit l’amplitude du son en tension électrique qui alimente les électroaimants, qui eux-mêmes déterminent le champ magnétique auquel est soumis le fluide. (http://www.eucys09.fr/index.php?p=proj-ferrofluide) Sachiko Kodama et Yasushi Miyajima (Ars Electronica Center Exhibition Archives - Protrude, Flow) Les ferrofluides interviennent dans de nombreuses applications. En particulier dans le domaine biomédical et pour la lutte contre le cancer, où l’on envisage de les utiliser pour diriger les molécules actives grâce à un champ magnétique : un ferrofluide dans une tumeur, soumis à un champ magnétique variable, s’agitera et brûlera la tumeur (voir pages 22-23 : traitement par hyperthermie magnétique). La réfrigération magnétique, le froid du futur ? Découverte en 1881, mais exploitée à partir des années 1930, la réfrigération magnétique est la technique qui permet d’obtenir les températures les plus froides, voisines du 0 K absolu. Le principe ? Soumis à un champ magnétique extérieur, un matériau paramagnétique voit ses moments magnétiques s’aligner dans le sens du champ. Le désordre est réduit, l’entropie diminue, la transformation dégage de la chaleur : c’est l’effet magnétocalorique. En supprimant le champ magnétique, les moments magnétiques reprennent leur orientation aléatoire, ce qui demande de l’énergie. La température du matériau baisse : c’est la désaimantation adiabatique. Jusqu’alors, cette technique était cantonnée au domaine de la cryogénie. Mais aujourd’hui, grâce au développement de certains matériaux magnétocaloriques (dont des céramiques), il semble possible de l’utiliser à température ambiante, dans le domaine de la réfrigération conventionnelle. Un réfrigérateur magnétique, sans moteur (donc silencieux) et sans gaz (donc non dangereux pour l’environnement), pourrait fonctionner selon le cycle suivant : De 1 à 2 : le matériau magnétocalorique est soumis au champ magnétique : il s’échauffe. De 2 à 3 : le matériau cède sa chaleur à un fluide dans un échangeur de chaleur. De 3 à 4 : le champ magnétique est supprimé, la température du matériau baisse. De 4 à 1 : dans l’échangeur, le fluide cède sa chaleur au matériau et se refroidit avant d’aller circuler dans l’enceinte à réfrigérer. 18 L’ u t i l i s a t i o n d u ra yo n n e m e n t s y n c h r o t r o n 5. L’UTILISATION DU RAYONNEMENT SYNCHROTRON Le rayonnement synchrotron de SOLEIL est continu et accordable (de l’infrarouge aux rayons X), brillant (c’est un faisceau intense de photons), pulsé, stable en position… et peut être polarisé circulairement. Toutes ces caractéristiques font de SOLEIL un outil très performant pour l’étude du magnétisme. A SOLEIL, l’étude du magnétisme s’appuie sur plusieurs techniques. Parmi celles-ci, citons : • • la « photoémission résolue en spin » : on examine le spin des photoélectrons ; le « dichroïsme circulaire magnétique des rayons X » : on analyse la distribution en énergie des électrons excités par des rayons X polarisés. Une différence notable entre les deux techniques réside dans la nature des transitions électroniques impliquées. Dans la première, les électrons sont éjectés de l’échantillon (c’est pourquoi on les appelle photoélectrons). Dans la seconde, celle qui nous intéresse dans cette mallette, les électrons transitent vers les états de valence inoccupés. Qu’est-ce donc que le dichroïsme ? On dit qu’un matériau présente un dichroïsme circulaire s’il absorbe différemment les rayons X polarisés circulairement à droite et les rayons X polarisés circulairement à gauche (polarisation circulaire de la lumière : voir la mallette Sciences de l’Univers, page 11). Pourquoi des rayons X ? Comment sont-ils absorbés ? Dans ce type d’interaction lumière-matière, on cherche à exciter les électrons de cœur, les plus profonds, ceux qui sont proches du noyau, dans la couche K ou L. Pour le fer, par exemple, la couche K est située à environ -7000 eV, la couche L à environ -700 eV, des niveaux d’énergie que seuls les photons X possèdent. En captant l’énergie du photon X, l’électron de cœur va « monter » vers une couche électronique supérieure, plus précisément vers un état de valence inoccupé. Le photon X est donc absorbé et l’électron excité. On voit qu’il faut (la deux conditions pour assurer la transition électronique : que l’énergie h du photon satisfasse la relation différence d’énergie entre les deux niveaux) et qu’il existe des états inoccupés. Prenons l’exemple du fer dont les 26 électrons sont répartis ainsi : 1s2 2s2 2p6 3s2 3p6 3d6 4s2 ou [Ar] 3d6 4s2 (forme abrégée rapportée à l’argon). Les électrons de cœur sont : 1s2 2s2 2p6 3s2 3p6. Ils sont fortement liés à l’atome et ne contribuent pas à la liaison chimique, contrairement aux 8 électrons de valence 3d6 4s2. Configuration électronique du fer (Z = 26, soit 26 protons dans le noyau et 26 électrons périphériques). La configuration électronique est stratifiée en niveaux d’énergie ou couches, nommés K, L, M, etc. ou numérotés par le nombre quantique principal noté n (on a donc pour K : n = 1, pour L : n = 2, pour M : n = 3, etc.). A chaque niveau, les électrons occupent des sous-couches (s, p, d, etc.) autour du noyau, par ordre d’énergie croissante, selon des règles de remplissage associées à leurs nombres quantiques (règles de Pauli, de Hund, de Klechkovski). Une sous-couche est représentée par des « cases quantiques » ou « orbitales » (les carrés de la configuration). Le nombre d’électrons est en exposant. Une case quantique ne peut contenir que deux électrons, l’un de spin up, l’autre de spin down. Du fait des répulsions coulombiennes entre électrons, les sous-couches d’une même couche sont décalées en niveaux d’énergie (par exemple 2s et 2p, ou 3s, 3p et 3d). Ainsi, dans la configuration électronique du fer, le niveau 4s se trouve moins élevé que le niveau 3d, ce qui a de grandes conséquences pour le magnétisme (comme indiqué page 14, la couche 4s fait écran à la couche 3d : la couche 3d conserve son magnétisme car elle reste incomplète, même lorsque le fer fait partie d’un solide - un barreau de fer par exemple). 19 Le D i c h r o ï s m e C i r c u l a i r e M a g n é t i q u e d e s ra yo n s X Le Dichroïsme Circulaire Magnétique des rayons X (en anglais XMCD : X-ray Magnetic Circular Dichroism) L’XMCD est la technique qui mesure la différence d’absorption des deux rayonnements X polarisés circulairement, l’un à droite et l’autre à gauche, frappant un échantillon soumis à un champ magnétique parallèle à la direction de propagation des rayons X. Lors de l’interaction photons X-matière, l’absorption des photons X excite les électrons de coeur qui vont monter vers des états de valence inoccupés, voisins du niveau de Fermi, ceux qui sont responsables de la majorité des propriétés des matériaux : réactivité, conductivité... et magnétisme. Le niveau de Fermi, ou l’énergie de Fermi, est le dernier état occupé par les électrons dans une échelle en énergie. Dans le cas des métaux ferromagnétiques comme le fer, le cobalt et le nickel, on sonde les états 3d, responsables du magnétisme, à partir du niveau de coeur 2p (2p appartenant à la couche L, on parle d’absorption au seuil L) ou encore les états 4p à partir de 1s, au seuil K. Pour les terres rares, on sonde les états 5d à partir du niveau de coeur 2p, ou 4f à partir de 3d au seuil M4,5. Puisque la probabilité de transition dépend des états inoccupés, la bande d agit comme un détecteur de spin. Dans un matériau non-magnétique où la densité de spin up et down est la même, l’absorption de lumière polarisée droite et gauche est la même (cas 1). Par contre, dans un matériau magnétique où les deux densités de spin sont inégales (cas 2), une des deux polarisations est mieux absorbée et il apparaît alors une différence d’absorption entre spin up et spin down, en vert sur la courbe. Cette différence est proportionnelle aux composantes du moment magnétique de l’échantillon (orbites et spins sur différents niveaux orbitaux). H Énergie 3d 3d Ef 6 Ef Gauche Droit Absorption 4 Différence 2 0 2p 2p Energie des photons (eV) -2 680 700 720 740 760 Schémas de densités d’état pour la transition 2p-3d et spectre d’absorption mesuré au seuil L pour un matériau non magnétique (cas 1) et pour le fer magnétique (cas 2 et spectre). Ef est le niveau de Fermi. Pour déterminer la différence d’absorption, il faut exciter séparément les électrons de spin up et down, ce qui nécessite le rayonnement polarisé. Selon le spin, l’excitation sera plus sensible à la polarité circulaire droite ou à la polarité circulaire gauche. Dans les pages qui suivent, nous allons présenter des exemples d’études réalisées sur deux lignes de SOLEIL : ODE et ANTARES. Dans le domaine du magnétisme, ces lignes s’appuient sur la même technique d’analyse, à savoir le dichroïsme, mais elles diffèrent par leur plage spectrale, comme le montre la figure suivante : Infrarouge UV - VUV X mous X durs ANTARES 10 eV 10-3 10-2 10-1 1 10 20 ODE 1000 eV 102 103 3,5 keV 104 25 keV 105 eV Ligne ODE Ligne ODE : le fer est cubique centré pour des raisons de magnétisme L’étude et ses résultats A température ambiante, le fer est magnétique et cubique centré. Mais soumis à une pression élevée (15 GPa, 150000 atm), son magnétisme s’écroule et sa structure devient hexagonale compacte. La raison ? C’est probablement son magnétisme qui gouverne sa structure cristalline. Cubique Cubique centré L’expérience Cubique à faces centrées Empilement Hexagonal Compact En bout de ligne ODE, les conditions expérimentales sont réunies pour vérifier le lien causal entre magnétisme et structure cristalline : • l’échantillon de fer est placé dans une « cellule à enclumes de diamant » puis serré entre les deux diamants pour atteindre la pression désirée ; • l’énergie des photons X est ajustée pour faire transiter les électrons de la bande 2p à la bande 3d ; • la technique du dichroïsme circulaire magnétique des rayons X permet d’analyser en même temps le magnétisme et la structure cristalline. La cellule à enclumes de diamant est un instrument efficace pour l’étude des matériaux sous pression. Son principe physique est simple : pour atteindre des pressions élevées, il faut appliquer une force importante sur la surface laa plus réduite possible. Outre sa résistance à la compression, le diamant présente l’avantage d’être relativement transparent aux rayons X qui le traversent. Rayonnement synchrotron Enclumes de diamant Echantillon Interprétation « qualitative » A température ambiante et pression normale, le fer est cubique centré alors qu’il devrait être hexagonal compact comme le ruthénium et l’osmium de saa colonne (voir le tableau de Mendeleïev ci-dessus). Logiquement, les électrons de Compression sa bande 3d devraient être « disponibles » pour les liaisons entre atomes, mais en fait, ils sont partiellement « mobilisés » par le magnétisme : la bande de spin up est presque entièrement sous le niveau de Fermi, et les électrons ne participent plus aux liaisons. Le fer se comporte alors comme les métaux qui ont moins d’électrons 3d, tels le vanadium ou le chrome (non magnétiques). La mise sous pression du fer ramène les bandes de spin up et de spin down l’une en face de l’autre. Le magnétisme s’écroule, tous les électrons se remettent à participer aux liaisons, le fer redevient un métal « normal » avec une structure hexagonale compacte. 21 L i g n e A N TA R E S Ligne ANTARES : caractérisation de nanoparticules magnétiques biocompatibles conçues pour l’imagerie moléculaire et des applications thérapeutiques en oncologie Les nanoparticules suscitent un fort intérêt dans le domaine médical, notamment pour la détection et le traitement des cancers. C’est le cas en particulier des nanoparticules magnétiques. L’avantage des nanoparticules sur les microparticules est d’être mieux adaptées pour l’administration intraveineuse. Dans le corps humain, les plus petits capillaires ont un diamètre de 5-6 μm. Les particules réparties dans le sang doivent être nettement plus petites que 5 μm, sans former d’agrégats, afin d’éviter des accidents comme l’embolie. Les nanoparticules peuvent être utilisées pour délivrer des médicaments hydrophiles, des médicaments hydrophobes, des protéines, des vaccins, des macromolécules biologiques, etc. Ces médicaments peuvent être formulés pour l’administration ciblée vers le système lymphatique, le cerveau, les parois des artères, les poumons, le foie, la rate, et d’autres organes. Ainsi, de nombreux protocoles existent pour synthétiser des nanoparticules en fonction du type de médicament utilisé et de l’itinéraire de livraison désiré. Une fois le protocole choisi, les paramètres doivent être adaptés afin de créer les meilleures caractéristiques possibles pour les nanoparticules. LES NANOPARTICULES COEUR-COQUILLE : COMMENT FONCTIONNENT-ELLES ? Revêtement hydrophile Coeur magnétique Réservoir de médicament Groupes organiques multifonctionnels d’ancrage Composées d’un cœur enrobé d’une enveloppe protectrice résistante au milieu biologique, ces particules sont particulièrement biocompatibles et aptes à circuler dans l’organisme sans activer le système immunitaire. D’une taille de quelques dizaines de nanomètres, elles sont capables, grâce à l’insertion de détecteurs biologiques dans leur couche protectrice (on appelle ceci fonctionnalisation), d’identifier des cibles spécifiques et de se fixer sélectivement sur des cellules malades. Une fois leur mission d’ancrage réussie, ces nanoparticules manifestent des propriétés thérapeutiques, comme celles qui sont présentées ciaprès. Détection ultrasensible par l’imagerie moléculaire L’un des défis actuels dans le domaine des sciences biomédicales est l’imagerie ultrasensible de cibles biologiques dans des conditions non invasives in vivo. Des nanoparticules d’oxyde de fer, généralement synthétisées en milieu aqueux, ont notamment permis de renforcer le signal MR (Magnetic Resonance). Elles ont été utilisées comme agents d’imagerie dans la détection du cancer au stade précoce, la surveillance des réponses aux thérapies et le suivi de la migration des cellules. Mais il reste à améliorer le signal dû aux nanoparticules simples d’oxyde de fer. Des efforts considérables de recherches sont menés pour trouver des nanoparticules toujours plus efficaces. Dans ce cadre, les nanoparticules à fort moment magnétique sont particulièrement intéressantes en biomédecine : elles permettent de minimiser la quantité de particules injectées, ce qui est très important d’un point de vue clinique. L’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) est un outil d’imagerie puissant en raison de sa nature non-invasive et de sa haute résolution spatiale. Traitement par hyperthermie magnétique L’hyperthermie magnétique, et plus généralement l’idée de faire pénétrer des nanoparticules dans des tumeurs pour les chauffer avec un champ électromagnétique, n’est pas nouvelle. On sait que presque toutes les cellules, qu’elles soient normales ou cancéreuses, commencent à mourir lorsque leur température s’élève au-dessus de 43˚C. D’ailleurs, le corps humain utilise naturellement la chaleur pour combattre la maladie. Par exemple, les virus et les bactéries prolifèrent à des températures normales de l’organisme, mais le corps se défend instinctivement en augmentant sa température de plusieurs degrés pour ralentir la multiplication rapide de ces agents pathogènes. 22 L i g n e A N TA R E S L’hyperthermie liquide magnétique (Magnetic Fluid Hyperthermia, MFH) offre des capacités particulièrement prometteuses pour le traitement de plusieurs types de cancer. Le traitement consiste à injecter localement des nanoparticules magnétiques en suspension liquide dans le site de la tumeur puis à exposer le site à un champ magnétique oscillant, où les nanoparticules dissipent l’énergie sous forme de chaleur, provoquant une hausse localisée de la température et la mort des cellules tumorales. IMAGES DE NANOPARTICULES DE Fe3O4 Ces images, obtenues par TEM (Transmission Electron Microscopy), montrent des nanoparticules extrêmement petites (à peu près 15 nm en diamètre). Elles contiennent du fer, de l’oxyde de fer ou un mélange de cobalt et de fer. Le cœur des nanoparticules est protégé en général par une coquille résistant au milieu biologique où l’on envisage de les utiliser. Pendant le traitement, les particules sont activées par un champ magnétique qui change de polarité 100 000 fois par seconde. Selon l’Institut national du cancer, le traitement du cancer par hyperthermie tue les cellules cancéreuses en élevant leur température dans la gamme de température thérapeutique, 42-45 °C. Cette approche peut détruire des tumeurs par ablation thermique avec des dommages minimaux aux tissus sains et, par conséquent, limiter les effets secondaires négatifs. Actuellement, les oncologues utilisent souvent le traitement du cancer par hyperthermie en combinaison avec la radiothérapie et la chimiothérapie : en plus d’éliminer de nombreuses cellules cancéreuses, l’hyperthermie peut rendre les cellules résistantes plus vulnérables à d’autres traitements. Les atouts de la ligne ANTARES Pour exploiter pleinement le potentiel des nanomatériaux, il faut comprendre les relations qui existent entre leur structure et leurs propriétés (leur taille, en particulier, influe sur leurs propriétés physiques et chimiques) ; il faut également contrôler leur positionnement dans des architectures complexes. Il est donc important de disposer d’un outil d’analyse non destructif : la ligne de lumière ANTARES combine avantageusement les techniques de base du rayonnement synchrotron avec une approche microscopique utilisant l’absorption des rayons X (pour la caractérisation électronique) et la photoémission (pour la caractérisation morphologique). Grâce à son flux de photons très élevé et un système optique qui permet de focaliser le faisceau sur un domaine nanométrique, la ligne ANTARES permet d’étudier l’organisation des domaines magnétiques : la taille nominale du faisceau est de 100 nm, mais on peut descendre à 30 nm (la taille des domaines varie de 10 nm à 1 μm). Le balayage de l’échantillon se fait par pas de 30 nm. La cartographie ainsi produite permet d’identifier les éléments, de repérer les inhomogénéités et leur type. UNE DÉCOUVERTE TRÈS RÉCENTE GRÂCE AU RAYONNEMENT SYNCHROTRON Pour Pourquoi la magnétite, matériau magnétique et très bon conducteur d’électricité, de devient-il isolant en dessous de -150 °C ? Ce phénomène, découvert en 1939 par le p physicien hollandais Evert Verwey, a intrigué les scientifiques pendant plus de 70 ans. IIl a maintenant été expliqué par une équipe franco-britannique travaillant sur l’une d des lignes de lumière de l’European Synchrotron Radiation Facility (ESRF) à Grenoble. Cô Côté échantillon, il fallait un cristal de magnétite parfait et de taille microscopique (la moitié du diamètre d’un cheveu). Côté ligne de lumière, il fallait un faisceau de rayons X durs pour comprendre c le réarrangement qui s’opère dans la structure électronique du cristal en dessous de -150 °C : les électrons sont piégés dans des groupes de trois atomes de fer où ils ne peuvent plus transporter le courant électrique. Les résultats, publiés dans la revue scientifique NATURE le 21 décembre 2011, peuvent naturellement déboucher sur de nouvelles applications, notamment en électronique. 23 R é p o n s e s d e l a f i c h e é l è ve, r é f é r e n ce s Réponses de la fiche élève Enregistrement audio : Le disque vinyle Champ magnétique terrestre : Sud / 4000 / fer / volcaniques / erectus / le vent / boréales / australes / 24 10-15 10-10 10-8 10-7 10-5 10-2 m Échelle métrique du magnétisme : électron - atome - réseau cubique - domaines de Weiss (champ moléculaire) - cellules aimantées sur la piste d’un disque dur - disque dur d’ordinateur. Prix Nobel liés au magnétisme • • • • • • • • • • • • • • 1902 Physique - H.A. Lorentz and P. Zeeman : Effets magnétiques sur la radiation 1922 Chimie - F. Aston : Spectrographe de masse 1939 Physique - E. Lawrence : Développement du cyclotron 1943 Physique - O. Stern : Moment magnétique du proton 1944 Physique - I. Rabi : RMN des atomes et molécules 1952 Physique - F. Bloch, E. Purcell : RMN dans la matière condensée 1955 Physique - P. Kusch : Mesure du moment magnétique de l’électron 1970 Physique - L. Néel : Anti-ferromagnetism, ferrimagnetism 1977 Physique - P. Anderson, N. Mott, J. van Vleck : Systèmes magnétiques et désordonnés 1985 Physique - K. von Klitzing : L’effet Hall quantique 1991 Chimie - R. Ernst : RMN bidimensionnel et par transformée de Fourier 1998 Physique - R. Laughlin, H. Stormer, D.Tsui : L’effet Hall quantique fractionnaire 2002 Chimie - K. Wuthrich : RMN des macromolécules biologiques 2003 Médecine - P. Lauterbur, P. Mansfield : Imagerie par résonance magnétique Références 1- Magnétisme, volumes 1 et 2 Sous la direction d’Étienne du Trémolet de Lacheisserie - EDP Sciences, 2000 2- Physique - E. Hecht - De Boeck, 1999 3- Introduction à la science des matériaux J.P. Mercier, G. Zambelli, W. Kurz - Presses polytechniques et universitaires romandes, 1999 4- Physique des électrons dans les solides : Structure de bandes, supraconductivité et magnétisme H. Alloul, Ecole Polytechnique, 2007 5- Crystal structure from one-electron theory - The American Physical Society - Physical Review - Vol31-4, 1985. 6- http://www.ampere.cnrs.fr - Image : Fonds Ampère, Archives de l’Académie des Sciences 7- http://www.canal-u.tv - Canal-U - Thème « Le magnétisme » Remerciements Le service de la communication de SOLEIL remercie particulièrement Chantal et Pierre Dhez, ainsi que François Baudelet (ligne ODE), Maria-Carmen Asensio (ligne ANTARES). Leurs contributions ont été très précieuses pour la réalisation de cette mallette. 24 Réalisation Epsim ([email protected]) - Document réalisé avec le soutien du Rectorat de Versailles - www.synchrotron-soleil.fr - Tél. 01 69 35 90 20 - © SOLEIL 2012 Fonctionnement d’un haut-parleur : La bobine fixée à la membrane mobile est traversée par un champ magnétique créé par un aimant permanent fixe (en ferrite ou de plus en plus en néodyme). Venant de l’amplificateur, le courant électrique qui passe dans la bobine crée un champ magnétique en opposition à celui produit par l’aimant. La bobine est soumise à une force appelée force électromagnétique ou force de Laplace. C’est elle qui fait bouger la membrane. D O C U M E N T É L È V E La mallette pédagogique de SOLEIL Thème : Le magnétisme Enregistrement audio Le plus vieil enregistrement sonore de l’humanité est un couplet de la chanson «Au clair de la Lune». Il a été réalisé en 1860 par un Français, Edouard-Léon Scott de Martinville, dont l’appareil gravait les vibrations acoustiques sur une feuille de papier enduite de noir de fumée (l’appareil enregistrait le son mais ne pouvait le restituer ; la comptine a pu être écoutée en 2008 grâce à des techniques numériques). Dans le siècle et demi qui a suivi, l’enregistrement du son a connu une multitude de supports : le cylindre de cire, le disque de zinc, le disque vinyle, la cassette, le CD, le disque dur, la mémoire Flash… et ce n’est sans doute pas fini. Lequel de ces objets est un support d’enregistrement non magnétique ? La cassette audio Le disque vinyle Le disque dur Suspension Haut-parleur Chassis Contrairement au support d’enregistrement qui a connu de nombreuses mutations technologiques, le haut-parleur (ou enceinte acoustique) est resté très stable dans son principe, depuis son invention en 1877 par l’Allemand Ernst Werner von Siemens. Il est constitué d’une membrane qui, en vibrant, fait osciller les molécules d’air. Le son créé se propage jusqu’à l’oreille et fait vibrer le tympan. Mais qu’est-ce qui fait bouger la membrane du haut-parleur ? Aimant Membrane Bobine mobile Une question de dimension Six manifestations du magnétisme, à six échelles différentes. Pouvez-vous les remettre dans l’ordre ? Disque dur d’ordinateur Spin de l’électron Réseau cubique Cellules de Weiss (champ moléculaire) 1 Moment cinétique Cellules aimantées sur atomique la piste d’un disque magnétique Dynamo terrestre* Si l’on observe le champ magnétique terrestre, tout se passe comme s’il y avait un gigantesque barreau aimanté, placé sur l’axe de rotation de notre planète, avec son pôle Nord / Sud près du pôle Nord géographique. Inversion Le champ magnétique terrestre varie sans cesse en intensité et en direction, au point de s’inverser parfois. C’est le géophysicien français Bernard Brunhes qui, le premier, a mis en évidence, en 1905, ce phénomène d’inversion, en étudiant des roches volcaniques / calcaires du Massif central. On sait aujourd’hui que les boussoles ont basculé plus de trois cents fois depuis 200 millions d’années. La dernière inversion remonte à 780 000 ans. A cette époque, si Homo erectus / sapiens avait tenu une boussole dans ses mains, elle aurait pointé, non pas vers le Nord, mais vers le Sud ! Magnétosphère La zone de l’espace où domine le champ magnétique terrestre s’appelle la magnétosphère. Grâce à cette magnétosphère, les particules éjectées du Soleil, qu’on appelle le vent / la pluie solaire, contournent notre planète, un peu comme un obstacle dévie le courant d’une rivière. Sans magnétosphère, point de vie sur Terre ! Malgré tout, environ 1 % des particules franchissent ce bouclier magnétique, essentiellement au-dessus des pôles, et interagissent avec les molécules de l’atmosphère pour former des aurores polaires : aurores boréales / australes dans l’hémisphère nord et aurores boréales / australes dans l’hémisphère sud. En l’absence de vent solaire, le champ magnétique terrestre serait celui d’un dipôle. Mais la présence du vent solaire déforme les lignes de champ et donne à la magnétosphère une forme allongée, comprimée coté Soleil, où elle s’étend jusqu’à une dizaine de rayons terrestres, et étirée côté opposé sur plusieurs centaines de rayons terrestres, un peu comme une queue de comète (1 rayon terrestre = 6371 km). Seuls 3 / 24 / 100 hommes ont franchi ce bouclier magnétique… ce sont les astronautes des missions lunaires du programme Apollo entre 1968 et 1972. Ils ont donc été exposés aux particules solaires. Heureusement, ils ne sont restés que quelques jours ! (*) Dans les encadrés, rayez les mots ou les chiffres inexacts. Aurore boréale Magnétosphère Crédits photos : © Carole Mineo-iconshow-Maxou4807-Francisco Romero - Fotolia.com 2 Réalisation Epsim ([email protected]) - Document réalisé avec le soutien du Rectorat de Versailles - www.synchrotron-soleil.fr - Tél. 01 69 35 90 20 - © SOLEIL 2012 Bien entendu, il n’y a pas de barreau aimanté car, à la température qui règne au centre de la Terre, plus de 400 / 4000 / 40000 °C , tout matériau aimanté perd son aimantation. C’est le noyau de la Terre qui se comporte comme une dynamo, avec une partie solide entourée d’une partie liquide animée de mouvements de convection et constituée essentiellement de fer / cuivre conducteur d’électricité.