Sida et croissance économique en Afrique

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SIDA et croissance économique en Afrique
-Drouhin#, Touzé*, Ventelou*-
Résumé :
On peut présenter la littérature sur la question de l’impact macroéconomique du SIDA de plusieurs
manières : en différentiant les études par les canaux qu’elles sollicitent (section 1), en différentiant les
études par les modèles du développement qu’elles utilisent (section 2). On peut ensuite tenter de
construire un « modèle » qui synthétise ces différentes approches, autorisant de ce fait une étude
comparée des outils de prospective de l’impact du SIDA dans une économie en développement
(section 3). Le résultat de ce travail est que les modèles de croissance endogène, en multipliant les
variables de productivité comme moteurs potentiels du développement, produisent des diagnostics à la
fois plus riches et plus précis d’un choc épidémiologique tel que le SIDA dans les PED. Par exemple
(section 4), nous faisons apparaître une non-linéarité et le risque d’un effet persistant du choc du SIDA
sur le développement, chose que ne pouvait faire apparaître un modèle de croissance exogène, basé
uniquement sur une idée de « retard » par rapport à un niveau cible de régime permanent.
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Groupe de recherche sur le Risque, l'Information et la Décision (UMR CNRS 8534),
61, avenue du Président Wilson
94230 Cachan
*
OFCE, Fondation Nationale des Sciences Politiques
69 Quai d'Orsay
75340 Paris cedex 07
1
SIDA et croissance économique en Afrique
-Drouhin#, Touzé*, Ventelou*-
Introduction ;
Le SIDA est un choc terrible, humainement bien sûr et peut-être même économiquement.
Certains économistes ne s’y sont pas trompés puisqu’ils ont assez rapidement (début des
années 1990) tenté de donner des évaluations de l’impact économique de l’épidémie :
l’impact serait globalement responsable d’une réduction du taux de croissance des économies
d’environ un point de pourcentage (voir suite : les évaluations portent en général sur le taux
de croissance du PIB par tête). Cependant, le présent travail part de l’hypothèse que de
nouvelles évaluations sont nécessaires : d’une part, la relative précocité des études a pu leur
faire négliger certains effets du SIDA sur les comportements économiques de long terme ;
d’autre part, les modèles d’évaluation qui ont été utilisés pour ce faire peuvent aujourd’hui
être améliorés, grâce une prise en compte systématique de phénomènes de complémentarité
existant dans l’accumulation de facteurs de productivité hétérogènes, phénomènes qu’a
notamment mis en évidence la théorie de la croissance endogène.
Plan :
On peut présenter la littérature sur la question de l’impact macroéconomique du SIDA de
plusieurs manières : en différentiant les études par les canaux qu’elles sollicitent (section 1),
en différentiant les études par les modèles du développement qu’elles utilisent (section 2). On
peut ensuite tenter de construire un « modèle » qui synthétise ces différentes approches,
autorisant de ce fait une étude comparée des outils de prospective de l’impact du SIDA dans
une économie en développement.
Section 1/ L’approche par les « impacts »
Au niveau macroéconomique, l’accumulation de richesse et le développement de l’économie
pourrait se contracter sous l’effet d’une réduction de la productivité moyenne du pays
(réduction de l’espérance de vie et altération de la productivité des travailleurs), mais aussi par
le biais de l’augmentation des dépenses de santé, qui « détournent » les ressources nationales de
leur allocation de long terme ; bien qu’à court terme les dépenses de santé soient comptabilisées
en positif dans le PIB (les soins contribuent au PIB)... Pour y voir plus clair, nous reprendrons
une classification classique : coût direct / coût indirect ; en y ajoutant, cependant, une catégorie
supplémentaire, baptisée coût indirect différé.
1.1 Trois impacts
Les coûts directs. Ces coûts regroupent les dépenses médicales liées au HIV/SIDA :
traitements pour les maladies opportunistes ainsi que l’utilisation éventuelle d’ARV + IP,
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Groupe de recherche sur le Risque, l'Information et la Décision (UMR CNRS 8534),
61, avenue du Président Wilson
94230 Cachan
*
OFCE, Fondation Nationale des Sciences Politiques
69 Quai d'Orsay
75340 Paris cedex 07
2
rémunération et formation des personnels médicaux et administratifs, dépenses
d’infrastructures hospitalières, surveillance et sécurité au niveau des transfusions sanguines,
recherche scientifique (auxquels s’intègrent parfois les coûts de prévention). Dans les pays qui
socialisent une partie des revenus sous la forme d’assurance santé ou de redistribution vers les
plus démunis, on peut s’attendre à une augmentation du taux de prélèvement obligatoire pour
faire face à l’accroissement des dépenses médicales. En Afrique, ces coûts, dits directs, vont
essentiellement se traduire au niveau individuel (le revenu des ménages), par une ponction
supplémentaire sur un ‘surplus net après consommation’ déjà excessivement étroit. L’impact
économique du SIDA passera alors essentiellement par le taux d’épargne, avec le mécanisme
suivant :
SIDA = soins = ponction sur l’épargne = moins d’accumulation de capital.
Mais cette « équation » n’est vraie que si le SIDA donne effectivement lieu à des soins ; dans
le cas contraire (maladie non soignée, ce qui est fréquent en Afrique), les effets économiques du
SIDA comme ponction sur l’épargne resteront limités1.
Les coûts indirects. Une personne qui développe le SIDA voit sa capacité productive réduite
car elle tombe régulièrement malade. La réduction de la capacité de travail signifie une baisse
des ressources du ménage si la victime a une responsabilité familiale. Pour les plus pauvres,
cette baisse est d’autant plus insupportable que les maladies opportunistes viennent alourdir la
dépense en soins de santé du ménage (le coût direct). L’impact macroéconomique du SIDA est
donc analysé cette fois par l’offre de travail, avec le mécanisme suivant :
SIDA = invalidité = baisse de la productivité du travail.
Concrètement, les conséquences du SIDA sur le système productif diffèrent selon les
secteurs de production : l’agriculture, le secteur des transports, le secteur minier, le secteur
manufacturier, le secteur public. Il est en effet apparu que l’analyse d’impact variait beaucoup
selon les hypothèses faites sur la prévalence du HIV/SIDA dans les différents segments de la
main-d’œuvre (Selon leur caractère stratégique pour le développement, comptera aussi
l’éventuelle perméabilité des secteurs en termes de flux de main-d’œuvre). Certaines activités
professionnelles sont plus sensibles à la contamination, soit pour des raisons comportementales
(par exemple, dans le secteur des transports où les employés sont souvent loin de leur domicile),
soit pour des raisons d’exposition (par exemple, les professionnels de la santé). Autre effet
différentiel inquiétant : en Afrique, il s’avérerait que la prévalence de la maladie est plus forte chez
les travailleurs qualifiés (pour des raisons culturelles, liées aussi au mode de vie urbain2) ; le
secteur public, qui concentre les travailleurs qualifiés, serait particulièrement touché,
notamment, le secteur de l’éducation (selon l’UNESCO, le SIDA est la première cause de
mortalité des enseignants en Côte d’Ivoire) ; or les enseignants décédés sont difficiles à
remplacer. En général, le décès prématuré d’un travailleur conduit à la disparition d’un savoir
qui ne pourra plus servir à la production ni être transmis. Apparaît donc déjà, dans l’analyse
sectorielle (et avant même l’analyse, plus fine, des stratégies familiales d’accès à l’éducation3), la
1
...sans compter les effets malthusiens : le choc démographique (négatif) peut avoir paradoxalement un rôle
favorable sur l’économie mesurée en variable par tête (de survivants). C’est ainsi que certaines études comme celle
de Martha Ainsworth et de Mead Over (1994) insistent sur le « coût humain » du SIDA, avec de nombreux décès,
tout en admettant un « coût économique » relativement restreint. Voir aussi le modèle développé par Cuddington
et Hancock (1994).
2
…plutôt que rural pour les moins qualifiés (les travailleurs paysans). Dans le cadre des économies africaines, deux
dualismes (liés) sont importants : le dualisme urbain / rural (agricole), le dualisme travail qualifié / travail non
qualifié ; un troisième dualisme secteur formel / secteur informel serait aussi à prendre en compte. Voir
Cuddington et Hancock (1994), Kambou, Devarajan et Over (1993) et les études menées par l’IIASA (Sanderson et
alii, 2001).
3
Voir ci-dessous, la catégorie « coût indirect différé ».
3
question importante des effets du SIDA sur le « capital humain », considéré aujourd’hui
comme le facteur porteur du développement économique et social.
Les coûts indirects différés. En l’absence d’aide, la baisse de ressources liée au SIDA pourrait
avoir des conséquences différées plus importantes encore, car elle risque de modifier la structure
productive du ménage, et notamment sa fonction « éducative ». Le conjoint non malade (ce qui
paraît souvent peu probable) ou ‘pas encore malade’ va consacrer plus de temps à son travail et
moins à l’éducation des enfants. Les enfants eux-mêmes sont parfois détournés de leur scolarité
et se voient contraints au travail ; le « détour de production » induit par l’accès à l’école paraît
trop coûteux vu l’urgence financière à laquelle fait face le ménage4. Les décès sont également
coûteux, d’autant que les rites funéraires peuvent durer plusieurs jours, nécessitant de facto une
interruption prolongée du travail pour l’ensemble de la famille concernée. Reste le problème
des mineurs survivants aux défunts. Qui va subvenir aux besoins de ces orphelins ? Qui va les
élever et les éduquer ?
L’ensemble de ces réflexions, éventuellement augmentées d’une analyse de la pyramide des âges
d’une population nationale et de sa déformation avec le SIDA (encore plus ‘creusée’ pour les
PED, voir Pison, 2002), converge vers l’idée que le SIDA affecte :
- à court terme, le rapport « actifs–capables de travailler / population totale » d’une
économie ;
- tout en jouant, à long terme, sur la qualité même du travail fourni par le travailleur
représentatif (effet « capital humain »).
Par la suite, nous évoquerons un double effet, quantitatif (court terme) et qualitatif (long
terme), du SIDA sur les économies africaines.
1.2 Quelques évaluations
Différentes études ont été menées pour tenter de mesurer, en terme de points de PNB
perdus, les conséquences économiques du VIH/SIDA. Les principales études fournissent pour
les économies africaines des ordres de grandeur comparables. En moyenne, les auteurs
pronostiquent une réduction de 1 point du taux de croissance de la richesse nationale5. Ces
études sont basées sur une modélisation ad hoc de l’économie, qui va permettre de dégager une
évolution comparée, avec ou sans pandémie de SIDA. L’étude de Bonnel (2000) fournit une
estimation économétrique qui tente de relier les taux de croissance aux taux de prévalence, en
filtrant les autres facteurs explicatifs tels que l’environnement institutionnel, le capital physique
et le capital humain. L’estimation est réalisée pour les économies africaines sur des données
observées entre 1990 et 1997.
4
« Les familles retirent souvent les filles de l’école pour qu’elles s’occupent des parents malades ou assument
d’autres responsabilités familiales, ce qui compromet l’éducation et les perspectives d’avenir de ces jeunes filles. Au
Swaziland, l’inscription a chuté de 36% en raison du SIDA » d’après ONUSIDA-OMS (cf. : Le point sur l’épidémie de
SIDA, ONUSIDA-OMS, décembre 2001).
5
L’impact sur le PIB par tête est plus faible, car le SIDA réduit la taille de la population (effet malthusien).
4
Tableau 1 - Lien entre croissance et taux de prévalence
Taux de
prévalence
5%
10%
15%
20%
30%
Réduction du
taux de
croissance
par tête
(1)
-0,6
-0,8
-1
-1,2
-1,4
Années perdues
d’espérance
de vie
(2)
4,7
9,4
14,1
18,8
28,2
Sources : (1) : R. Bonnel (2000). (2) : calculs des auteurs d’après les estimations du US Census Bureau, Population
Reference Bureau, et OMS.
Tableau 2 - Réduction du PNB imputable au VIH/SIDA
Pays
30 pays africains
sub-sahariens
Cameroun
Zambie
Tanzanie
Kenya
Mozambique
Baisse moyenne
du PNB
(en points de Période
croissance
annuelle)
[0,8 ; 1,4]
1990-2025
2
[1 ; 2]
[0,8 ; 1,4]
1,5
1
1987-1991
1993-2000
1991-2010
1996-2005
1997-2020
Année
Sources/Auteurs
1992
Over (1992)
1992
1993
1991
1996
2001
Kambou et alii (1992)
Forgy (1993)
Cuddington (1992)
Hancock et alli (1996)
Wils et alii (2001)
Dans l’ensemble (et malgré un coût humain effroyable), ces études apportent le diagnostic d’un
choc qui restera d’ampleur économique assez limitée6. D’abord, il faut savoir que les dépenses de
santé (comme les dépenses militaires) sont incorporées dans le PIB : immédiatement, il y a un
effet comptable positif ; même si, plus tard, on peut penser que ces dépenses, réorientées sur
une urgence sanitaire, entravent le processus de développement équilibré. Ensuite, il faut noter
que ces évaluations négligent le plus souvent les effets « indirects différés » (la transmission et
l’accumulation des « capitaux », physiques et humains). En général, le problème des études
précitées est qu’elles ne proposent pas une analyse valable sur la longue durée : c’est sur 5-10 ans que
l’analyse peut revendiquer une réelle validité. Cela pouvait se justifier au début des années 1990,
car, sur la durée, il était difficile de prévoir avec exactitude « l’input » du modèle, à savoir le
choc épidémiologique. Par ailleurs, les études sont en général défaillantes sur l’un des deux
premiers canaux précédemment évoqués. Sur la longue durée, elles négligent les interactions possibles
entre les deux canaux (complémentaires).
6
Une exception notable est celle de Barnett et Blaikie (1992), qui parlent du SIDA comme un désastre de « long
wave », du même ordre que le réchauffement climatique, dans la mesure où les « effets majeurs sont déjà à l’œuvre
bien avant que l’ampleur de la crise ne soit connue » et « aucune réponse déjà existante ne peut être apportée ».
5
De fait, la littérature a tendu à délaisser l’analyse des effets de long terme du choc, passant essentiellement
par les deux variables d’accumulation que sont le capital physique et le capital humain. Or sur ces deux
variables, l’impact existe et risque d’être assez élevé.
- CAPITAL PHYSIQUE : les sommes consacrées aux soins sont détournées de leurs allocations
productives (épargne et investissement privé ; investissement public). Comme nous l’avons vu,
l’effet est quelques fois considéré dans les études, mais souvent minimisé du fait de l’horizon
temporel (trop court) et des hypothèses faites sur l’Afrique : épargne déjà faible (contrainte
d’endettement) et faible investissement productif (pas de transformation de l’épargne en
investissement).
- CAPITAL HUMAIN : cet effet est rarement évoqué et, en pratique, pas quantifié dans la
dynamique macroéconomique7 : d’une part, comme évoqué dans les études, le SIDA réduit la
productivité de la population (surtout la population qualifiée, avec un « dualisme » marqué sur
ce type de travail), mais, d’autre part, il réduit la transmission de cette qualification (transmission par
la famille si le chef de famille décède ; transmission par l’école si les enseignants décèdent ; et
les enfants, de leur côté, travaillent plus précocement en raison du décès du chef de famille).
Que dire en outre des effets cumulatifs pouvant exister entre ces deux variables ? I.e. Que dire
lorsque l’on considère les relations réciproques qu’entretiennent justement « capital humain » et
« capital physique » durant leur processus de formation et le besoin qu’ont les pays les plus
pauvres de développer en parallèle ces deux moteurs du développement... ? Nous reviendrons sur
cette question. On peut pour le moment résumer notre approche de la manière suivante :
Tableau 3 - Ventilation des coûts du HIV/SIDA
(tableau hypothétique des auteurs : +faible ; ++élevé ; +++très élevé)
Pays très
Pays en
Pays riches
pauvres
développement
(1) Coûts directs
+
++
++
(2) Coûts indirects
+++
++
+
(3) Coûts différés
+++
++
+
(4) Prévention
+
++
++++
(1) : Ces coûts regroupent les dépenses médicales liées au HIV/SIDA : traitements ; rémunération des personnels
médical et administratif ; dépenses d’infrastructures hospitalières ; surveillance ; sécurité au niveau des
transfusions sanguines ; recherche scientifique.
(2) : Ces coûts rassemblent l’ensemble des préjudices économiques immédiats induits par l’épidémie : baisse de la
productivité via l’augmentation de la morbidité, réduction de l’espérance de vie (préjudice social et moral).
(3) : Ces coûts résument l’idée d’une dégradation profonde des mécanismes de développement par un déficit
d’accumulation de capital physique et humain. C’est sur le long terme qu’ils apparaissent.
(4) : Ces coûts concernent les dépenses liées à l’information des populations sur la maladie ainsi que celles liées à
la pratique d’une sexualité sans risque (utilisation d’un préservatif).
Ce tableau, hypothétique, résume l’idée d’un impact différentié du SIDA pour les pays les plus
pauvres. Contrairement aux pays riches, moins touchés et capables d’une certaine flexibilité
dans leur réponse au sinistre (les « dualismes » -travail qualifié / non qualifié, par exemple- sont
moins marqués, et les stratégies d’accumulation d’actifs productifs moins contraintes), les pays
les plus pauvres seront confrontés, selon toute vraisemblance, à des « coûts différés » extrêmement
importants. Ceux-ci sont encore invisibles.
7
Certaines études intègrent un différentiel ‘travailleurs qualifiés / travailleurs non qualifiés’ (Sanderson et alii,
2001), mais pas d’effets sur l’accumulation de travail qualifié. Seule Theresa M. Ndongko (1996) insiste sur la
diminution du niveau futur espéré des qualifications, du fait de la baisse du nombre d’enfants scolarisés, sans
toutefois la mesurer.
6
Section 2/ L’approche par les « modèles » de croissance : Solow et sa critique
Avant de passer à une présentation des travaux originaux de l’équipe, il est sans doute
intéressant de présenter (faire un rappel de) quelques réflexions relativement standards sur les
modèle de prévision de long terme du développement économique. Il est aujourd’hui d’usage
de distinguer deux grands types de modèle de croissance, les modèles traditionnels, à rendements
factoriels décroissants, analysant la croissance comme un processus de rattrapage d’un niveau cible
défini par la rareté des ressources, et les modèles à rendements constants, dit aussi modèles de
croissance endogène, qui dans leurs analyses cherchent, si l’on veut, à « repousser » en permanence
la frontière de la rareté des ressources.
Les modèles traditionnels de croissance étudient la relation entre le processus d'accumulation
du capital et la croissance. Ils sont caractérisés par une équation dynamique, dite relation de
Solow:
kt = s f ( kt , π ) − nkt
avec kt le capital par tête, kt , sa dérivée par rapport au temps, s, le taux d'épargne de
l'économie, π, un terme de productivité, f ( kt , π ) , la production par tête. Cette équation
signifie que la formation nette de capital par tête est égale à l'épargne par tête diminuée de la
part qui sert à doter les nouvelles générations en capital. La dynamique du modèle découle des
caractéristiques de la fonction de production de l'économie. Quelles sont-elles ? Tout d'abord
au niveau macroéconomique on suppose généralement que la fonction de production présente
des rendements d'échelle constants en ses deux arguments le capital et le travail. Cela signifie
que potentiellement l'économie peut se reproduire à l'identique de période en période
permettant ainsi une croissance extensive (par la taille). D'autre part, comme les entreprises
recherchent en permanence les combinaisons productives efficaces et que celles-ci contiennent
toujours du capital et du travail, cela signifie que la fonction de production est quasi-concave.
Ce qui implique notamment que les productivités marginales des facteurs (les rendements
factoriels) sont décroissantes et donc que la fonction de production par tête est une fonction
concave du capital par tête. Dans ce cadre, c'est la rareté relative des facteurs de production qui
va contraindre le processus de croissance. L’unique facteur rare résiduel étant le travail humain,
c’est précisément la dynamique de la population qui va, seule, au bout du compte déterminer la
dynamique du produit national, éventuellement corrigée d'un taux de croissance de la
productivité (un progrès dans les connaissances). Le capital par tête va progressivement évoluer
pour rejoindre un niveau cible de régime permanent, où le taux de croissance du revenu et du
capital est égal au taux de croissance de la population, toujours éventuellement majoré -comme
on vient de le signaler- d’un trend exogène de productivité permis par le progrès technologique.
La croissance de court terme est donc perçue comme un processus de rattrapage d’un niveau cible
fixé par la ressource rare ; tandis qu’à long terme, elle vient se caler sur des données exogènes et
ne dépend ni du taux d'épargne, ni du taux de croissance de la population et encore moins
d'autres comportements économiques, comme les choix de santé et d'éducation.
Dans un tel cadre, quel va être l'impact de l'épidémie de Sida sur la dynamique de la
croissance ? Il faut considérer l'impact du SIDA sur les paramètres du modèle8. Nous
distinguerons donc trois effets, qui peuvent être représentés dans l’équation et dans le
graphique suivant, avec ε choc épidémiologique :
8
Nous considérons ici un impact immédiat. En pratique la modification des paramètres du modèle va se faire
graduellement, à selon le modèle épidémiologique caractérisant le taux de prévalence.
7
kt = s (ε ) f ( kt , π (ε ) ) − n(ε )kt
Figure 1-Impact du SIDA sur la croissance : l'approche traditionnelle.
yt
n ⋅ kt
n′ ⋅ k t
f ( kt , π )
f ( kt , π ′ )
s ⋅ f ( kt , π )
y
y′
s′ ⋅ f ( kt , π ′ )
k′ k
•
•
•
kt
Du point de vue du taux de croissance de la population, on peut logiquement penser que
celle-ci va diminuer, même si l'on ne peut exclure que les ménages modifient leurs
comportements de fécondité pour compenser la hausse de la mortalité. Dans le modèle de
Solow, cette baisse du taux de croissance de la population va avoir un effet contre intuitif.
En effet, en diminuant la ponction sur l'épargne individuelle, la baisse du taux de
croissance de la population va tendre à augmenter le capital par tête en régime permanent.
Elle va donc accélérer la croissance du produit par tête en régime transitoire -cet effet
disparaissant en régime permanent. En ce qui concerne la croissance du produit total l'effet
sera indéterminé en régime transitoire, car la produit par tête croît plus vite mais le nombre
de têtes croît moins vite. En régime permanent la croissance du produit total est plus faible.
Du point de vue du taux d'épargne, deux effets jouant dans le même sens peuvent être
dégagés. Premièrement l'augmentation des dépenses de santé diminue le montant des
ressources disponibles pour l'épargne et donc diminue l'épargne par tête. Deuxièmement,
conformément à la théorie du choix d'épargne dans le modèle de cycle de vie à durée de vie
incertaine (Yaari (1965)) un accroissement du risque de décéder renforce la préférence pour
le présent et diminue la richesse espérée, elle tend donc à diminuer le taux d'épargne9. Dans
le modèle de Solow, cette baisse du taux d'épargne conduit à un capital par tête de régime
permanent plus faible. Elle diminue également la croissance en régime transitoire. En
régime permanent, elle n'a aucun effet sur la croissance du produit et du produit par tête.
Enfin, l'épidémie de SIDA a certainement un impact négatif sur la productivité du travail
(absentéisme, fatigue, etc.) ce qui implique une diminution de la production par tête. Cette
baisse implique également la baisse du capital par tête de régime permanent et donc la
9
Le choix intertemporel face à une durée de vie est également sensible au contexte institutionnel. Pour une étude
détaillée de la statique comparative du modèle de choix intertemporel avec durée de vie incertaine se reporter à
Drouhin (2001)
8
baisse de la croissance en régime transitoire. En revanche en régime permanent le taux de
croissance de la productivité reste exogène et n'a donc pas d'impact sur la croissance de
long terme du produit et du produit par tête.
Au total, dans le modèle de Solow l'impact de l'épidémie de SIDA sur le capital par tête en
régime permanent est théoriquement indéterminé, puisqu'il est la somme de trois effets, l'un
positif et les deux autres négatifs. Seule la quantification empirique de ces différents effets peut
permettre de trancher, dans un sens ou dans un autre. On constate en outre que le taux de
croissance de long terme de l’économie n’est pas affecté, en dehors des effets démographiques.
On peut néanmoins se demander si les études étudiant l'impact de l'épidémie de SIDA sur la
croissance à travers le filtre du modèle de Solow ne seront pas conduites à des conclusions
mitigées du fait même de la structure du modèle, notamment en raison de l'exogénéité de la
croissance de la productivité. Que se passe-t-il si, par exemple, trend de productivité (capital
humain) et taux d’épargne (capital physique) réagissent tous deux de manière cumulative (et
non pas additive), π et s étant liés par des choix microéconomiques ? Le risque est de voir se
développer, en cas de choc, des synergies négatives entre les deux variables, remettant en cause le
diagnostic jusqu’ici porté sous l’hypothèse d’effets séparés.
L'évolution de la théorie de la croissance au cours des vingt dernières années a consisté à
compléter le modèle de Solow pour faire dépendre l'évolution de long terme de la productivité
des décisions économiques des agents10. C'est justement l'objet des théories dites de la croissance
endogène que d'essayer de fonder un nouveau cadre d’analyse décrivant les comportements fins
des agents, notamment en ce qui concerne leur choix d’accumulation en facteurs dits –désormais- de
productivité, plutôt que de production (ceux déjà identifiés). En particulier, l'introduction de la
connaissance comme un bien économique ou de connaissance incorporée dans les agents
économiques (capital humain) est susceptible de contrecarrer l'effet de la rareté relative du
facteur travail sur la croissance11. Le taux de croissance de l'économie va alors être déterminé de
manière endogène par les décisions des agents économiques en interaction. Dans un tel cadre,
l'épidémie de SIDA peut avoir des conséquences en terme de croissance beaucoup plus
marquées car elle va interagir avec les décisions de santé et d'accumulation de capital humain et
donc, in fine, sur le taux de croissance de l'économie.
La « statique comparative » que l’on vient de faire dans le modèle de Solow (et qui supposait
une étude d’impact sur des variables économiques décidées isolément : π, s et n) peut donc être
enrichie en considérant :
• une dynamique réellement endogène de la productivité du travail ;
• la possibilité, outre la productivité du travail, que les autres variables clés du développement
(taux d’épargne, structure démographique, etc.) interagissent -de manière non simplement
additive- face à au choc, ceci via les choix microéconomiques des agents décentralisés.
Le pari de cette étude est que les modèles de croissance endogène, en multipliant les variables de
productivité comme moteurs potentiels du développement, produisent des diagnostics à la fois
plus riches et finalement plus précis d’un choc épidémiologique tel que le SIDA dans les PED.
Par exemple, nous verrons apparaître dans la section suivante une non-linéarité et le risque d’un
effet persistant du choc du SIDA sur le développement, chose que ne pouvait faire apparaître
10
et donc aussi du contexte institutionnel où elles sont prises. On peut voir en annexe 2 un travail
d’endogénéisation de π qui renverse totalement les résultats à long terme du modèle de Solow.
11
Dit autrement, certains facteurs cumulables apparaissant avec un rendement non décroissant dans la fonction de
production macroéconomique, il n’y a plus de facteurs rares (Voir par exemple Ventelou, 2001).
9
un modèle de croissance exogène, basé uniquement sur une idée de « retard » par rapport à un
niveau cible de régime permanent. Il y a, de fait, plusieurs régime permanent.
Section 3/ Un modèle synthétique
Devant la multiplicité des effets, des débats et des modèles du développement à retenir, notre
propre travail cherchera, d’abord, à synthétiser les différentes approches, ceci d’abord avec
l’objectif de mieux évaluer l’importance relative de chacun des impacts, ceci aussi en vue
d’obtenir et de quantifier leur résonance éventuelle, lorsque les profils d’accumulation de
plusieurs facteurs sont intriqués.
Le travail vise donc à la fois une prise en compte des différents canaux et une prise en compte
des différents modèles. Pour résumer sa structure, le mieux est sans doute de lister les effets (les
« canaux ») et d’indiquer quelle variable va d’abord être affectée par le choc.
Canal
Taux d’activité
(effet quantitatif du SIDA
sur l’offre de travail)
Productivité des travailleurs
(effets qualitatif du SIDA sur
l’offre de travail)
Taux d’investissement public
Investissement privé
Taux d’épargne privé
Variable du modèle
L/N, part de la population
totale capable de travailler
Horizon
Court
H, « capital humain »
Long
D, dépense publique
Long
productive
K, capital physique formé à
Court
court terme (déséquilibre et
besoin de financement de
l’économie possibles)
K, capital physique disponible Long
à long terme (économie et
financement équilibrés : taux
d’intérêt endogène)
Avec la fonction de production macroéconomique suivante :
Y = F ( K , L, D, H ) = K α ( L.H )β ( D)χ
Pour présenter un phénomène de croissance endogène, la fonction de production doit être
caractérisée par la contrainte :
α +β+ χ =1
Notons qu’il reste toujours possible d’observer et de comparer ce type de modèle avec les
pronostics porté par un modèle de croissance exogène, en se situant dans une hypothèse
alternative :
α +β+ χ <1
Nous présentons en annexe les spécificité microéconomiques du modèle : choix sur H, choix
sur K, choix sur D. Ces variables sont « endogénéisées » par les choix microéconomiques et
donc éventuellement liées entre elles (pour simplifier on note que chaque variable dépend du
revenu Y). Avec ε choc épidémiologique, on peut écrire :
10
Y (ε) = ( K (Y , ε))α ( L(Y , ε).H (Y , ε))β ( D(Y , ε))1−α−β
C’est fondamentalement cette équation qui va nous servir pour analyser l’effet du choc sur le
revenu macroéconomique d’un pays. Notons qu’en comparaison avec le modèle de Solow, une
analyse séparée des différents impacts (par variable isolée) n’est pas directement possible
puisque les effets cumulatifs passant par Y et la boucle endogène ne seraient pas pris en compte.
Il faut impérativement résoudre le modèle d’abord.
Section 4/ Exemple de résultat : trappe épidémiologique et effet de seuil
En laissant de côté les applications numériques et calculables du modèle (on en s’en tient pour
l’instant à une résolution analytique), on peut tout d’abord simplifier le modèle général
présenté en annexe, afin d’expliciter le plus clairement possible ce que nous appellerons le
risque d’une « trappe épidémiologique ». Nous pouvons ramener le modèle à deux facteurs de
production :
Y = ( K ) α ( h(ε, x − ) L )1−α
Avec h le niveau du capital-santé individuel des travailleurs, on aura h 'ε < 0 , le SIDA détruit le
capital humain, et h 'x− > 0 , le capital humain peut être constitué et reconstitué grâce à une
dépense de soins de santé x.
On supposera également que :
L = [1 − ε(1 − g ( x − ))]N
Le nombre d’agents capables de travailler sur une économie à N agents est affecté par le SIDA :
le facteur ε joue négativement sur le rapport L/N : actifs/pop totale ; mais on peut
éventuellement restaurer une capacité à travailler en utilisant des soins de santé x.
Les deux « effets santé » sont présents : un effet qualitatif (le SIDA affecte la productivité du
travailleurs via le capital humain) et un effet quantitatif (le SIDA joue à court terme sur le
rapport actif/pop totale).
On pose une détermination des dépenses de santé très simple :
x = λ. y
et une fonction de formation de capital humain également très simple :
x−
h=
ε
Ces deux fonctions peuvent être justifiées par des choix microéconomiques plus complexes,
l’important est de retenir le sens de variation des fonctions (cf. annexe).
avec :
K=
α(1 − µ)
Y
r
on aura :
11
(1 + G ) =
y
α(1 − µ) α /1−α λ
=(
)
[ (1 − ε(1 − g (λy − )))]
−
y
r
ε
1+G
1+G (g*)
1
y
Le taux dépend du niveau !
Analyse des équilibres du modèle : un effet de seuil. Intuition (voir annexe 2 pour un
développement plus précis dans un modèle AK) : les biens capitaux (capital physique et capital
humain) jouent comme des externalités sur le facteur travail (des biens publics à rendement
constant) : quand le nombre d’agents actifs commence à augmenter, les agents sont plus
nombreux à profiter de l’externalité, et un processus de développement s’enclenche. Mais une
trappe existe en symétrique.
1+G
1+G (g*)
1
y0
y
Analyse du choc épidémiologique : une chute du taux d’activité, un risque de « bifurcation »
Signaler qu’une étude qui comparerait l’économie en « compte-central » et avec le choc SIDA
ferait une grave erreur, car elle négligerait la bifurcation !
Conclusion.
Les quantifications de l’impact macroéconomique du SIDA sur les pays en développement n’en
sont qu’à leur commencement. La sensibilité des études aux modèles structurels utilisés pour la
12
prévision est un point délicat. Notamment l’apparition d’effets de seuil et de bifurcations remet
en cause les pronostics basés sur des évolutions beaucoup plus régulières des économies. Le
« compte central » est-il réellement exogène ?
13
Annexe 1 : modèle complet
Fonction de prod. et comportement des firmes
Y = F ( K , L, D, H ) = K α ( L.H )β ( D)1−α−β
On suppose (max profit des firmes) :
∂Y
Y
= r ⇒ (1 − µ)α = r
∂K
K
∂Y
Y
(1 − µ)
= w ⇒ (1 − µ)β = w
∂L
L
(1 − µ)
Notes : Les comportements sur H et D seront définis successivement par les ménages, et le gouvernement. L est
donné par une dynamique de la population altérée par le SIDA. Pour une population totale de N individus, on a :
L
= 1 − ε(1 − g ( x − )) ; avec ε choc du SIDA, et g(x) une « fonction de réparation » de la capacité à travailler
N
'
des malades par des dépenses de santé (x en t-1), on pose les restrictions suivantes : g x > 0 et 0 < g ( x ) < 1 .
Programme et comportement des différents types de ménages
Salariés (pas d’épargne, ou taux d’épargne exogène), on considère le plan d’une famille élargie, dont une
proportion L/N travaille (les différentes familles sont touchées identiquement par la maladie). Il y a F
familles et N/F est le nombre d’individus composant le ménage :
φ
γ
φ φ
Max[U (c, e)] = Max[(ν.c + ρ.e ) ]
sc : ( N / F )c + p( N / F ) x = w( L / F ) + T / F
on pose aussi :
e = x.l (ε) avec les restrictions : lε' < 0, et l (1) = 0
w salaire, T transferts, p prix des biens santé/éducation, x quantités privées de bien santé/éducation consommées,
e état de santé/éducation.
+
Note, on utilisera ensuite : H = e + δH
(e est un flux de consommation, qui se cumule en un stock de capital humain H, ce stock H sera lui même utilisé
comme un indicateur individuel de qualité de la main d’œuvre). Cet effet peut « capturer » à la fois : un effet
capital-santé, et réparation de ce capital-santé par des dépenses de santé ; et un effet capital éducation...
On aura :
νc φ−1
1
=
φ−1
ρe .l (ε) p
c + px = w( L / N ) + T / N
14
et la fonction de demande d’état de santé :
e=
w( L / N ) + T / N
1
1
p
ν
p 1−φ
)
+ ( )1−φ .(
l (ε) ρ
l (ε)
« Capitalistes » (épargne endogène)
1− ε +
W ]
1+ R
sc : c = rk − (k + − k ) + rb − (b + − b) + π
W = Max[U (c) +
k accumulation d’actif national, b détention d’actif étranger. Le programme donne en log (par exemple) le profil
de consommation intertemporel suivant :
c+ 1 − ε
=
(1 + r )
c 1+ R
‘‘Comportement’’ de l’Etat
µY = D + + T
15
Grandes lignes de résolution du modèle
En partant de la fonction de production, on a :
Y = ( K )α ( L.H )β ( D)1−α−β
avec :
α(1 − µ)
Y
r
•
K=
•
L = (1 − ε(1 − g ( x − ))) N
•
H + = e + δH (le capital humain)
•
D + = µY − T
on aura :
Y =(
α(1 − µ) α /1−α
e−
)
[ N .(1 − ε(1 − g ( − ))).(e− + δH − )]β /1−α ( µY − − T − )(1−α−β ) /1−α
r
l (ε )
Y est fonction de variables retardées (Y-). On peut alors très simplement donner le PIB de la période (et le taux de
croissance du PIB) en simulation.
En rappelant la fonction de demande d’état de santé :
e− =
w− ( L− / N − ) + T − / N −
1
1
p−
ν 1−φ p − 1−φ
(
) .( − )
+
l (ε − ) ρ
l (ε )
on fait déjà apparaître quelques résultats intéressants à commenter. Sur la question des choix publics (T par
exemple), on note l’arbitrage D versus H (cumul de e), réglé fondamentalement par les élasticités de production
des deux facteurs. Note 1 : a priori, une sous-estimation de β biaise le choix public en défaveur de H et des
dépenses santé/éducation. Note 2, un effet pervers : lorsque ( ε ) augmente, le nombre de travailleur diminue, et
le choix public sur H pourrait être également biaisé à la baisse...
16
Annexe 2 : Taille de la population active et modèle AK
Le modèle de croissance endogène suppose que la productivité des facteurs de production et
notamment du travail ( π t ) est connectée à l’évolution des différentes variables de l’économie.
Dans le modèle le plus simple de croissance endogène, le paramètre de productivité est une
fonction linéaire du stock de capital disponible, nous prendrons π t = π t ⋅ K t où π t est un
paramètre -cette fois bien résiduel- de l’évolution de la productivité. Sous cette hypothèse, on
trouve avec une fonction de production Cobb-Douglas, que la production devient également
une fonction linéaire du stock de capital :
Yt = F ( K t , π t Lt ) = ( Ltπ t )1−α ( K t )
qui nous ramène au modèle baptisé « AK », où At = ( Ltπ t )
1−α
.
La dynamique d’accumulation de capital est alors :
1−α
K t +1 = K t + st ⋅ ( Ltπ t ) ⋅ K t
où st est le taux d’épargne et où δ est le taux de dépréciation du stock de capital.
On déduit aisément le taux de croissance du stock de capital :
∆K t +1
1−α
= st ⋅ (π t ⋅ Lt )
Kt
On remarque que la taille de la population active influence le taux de croissance du stock de
capital ; on peut parler de synergie productive. (1 − α ) est l’élasticité du taux de croissance à la
taille de la population. On peut également déduire le taux de croissance de la production par
tête :
∆Yt / Lt
∆A ∆K t ∆Lt
t+
−
.
Yt −1 / Lt −1 At −1 K t −1 Lt −1
Puisque
 ∆π ∆ L 
∆At
(1 − α )  t + t  , on déduit aisément que :
At −1
 π t −1 Lt −1 
 ∆π 
∆Yt / Lt
∆L
1−α
st ⋅ (π t ⋅ Lt ) + (1 − α )  t  − α ⋅ t .
Yt −1 / Lt −1
Lt −1
 π t −1 
∆Lt
: la décroissance de la
Lt −1
population active est un facteur de hausse de la croissance de la production par tête. Toutefois,
pour des raisons de synergie productive (hypothèse contenue dans le modèle AK) : une
population de plus grande taille resterait à l’inverse favorable à un taux de croissance plus
élevée. Ainsi, avec un coefficient d’élasticité du capital égal à 30%, une baisse permanente de
10% de la taille de la population, se traduirait respectivement par un hausse transitoire du taux
de croissance du revenu par tête de 3 points puis par une baisse permanente du 7% du niveau
du taux de croissance. Par exemple, si le niveau du taux de croissance endogène de long terme
est 5%. D’un côté, on observe une hausse provisoire (effet malthusien) de +3 points (au
moment du choc) et une baisse permanente de 0,35 point (du moment du choc jusqu’à la « fin
des temps »).
On retrouve l’effet malthusien (transitoire) sous la forme −α ⋅
17
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