8 QUE CHOISIR SANTé - N°82 - Avril 2014
Histoire de santé
Anne, atteinte du sida depuis
de longues années, a plusieurs fois
frôlé la mort. Rescapée, elle est
partie à la recherche du bonheur et
semble l’avoir trouvé grâce à la
méditation de pleine conscience.
Appel à
témoignages
Un jour, vous n'avez pas
compris ce que votre médecin
vous disait ou il a mal interprété
ce que vous lui disiez...
Comment vous en êtes-vous
rendu compte ? Quelles ont été
les conséquences ? Pour un dossier
portant sur la communication
entre médecins et malades, nous
cherchons des témoignages et
anecdotes.
Écrivez-nous :
Que Choisir Santé
233, boulevard Voltaire
75011 Paris
sante@quechoisir.org
Emmanuelle Billon-Bernheim
« Accepter le réel
et lâcher prise »
Douce et rayonnante, Anne raconte
posément ses dernières péripéties
médicales. Elle les qualifie en souriant
de « période un peu mouvementée » : suite à
une dissection spontanée de la carotide et des
cervicales, paralysée du bras droit, elle reste
alitée pendant seize jours avec interdiction de
se lever ; puis ce sont des douleurs au ventre
causées par une artère bouchée qui l’obligent
à refaire un séjour à l’hôpital et lui valent la
pose d’un stent ; enfin, elle est immobilisée
par une fracture du col du fémur suivie de la
pose d’une prothèse et d’une luxation de celle-
ci six mois plus tard. Les années précédentes,
c’étaient des problèmes rénaux, des sphincters
récalcitrants, etc., la liste est affolante. Anne se
confie sans aucun apitoiement sur elle-même.
Les faits énoncés sont clairs, précis, explicatifs.
Le regard bleu est chaleureux. Elle est en paix
avec elle-même et cela se sent.
Pilule plus tabac,
et c’est l’accident
Pourtant, cette svelte quinquagénaire pour-
rait être en colère : les graves problèmes
médicaux qui ponctuent désormais le cours
de sa vie sont les complications indirectes
d’un accident vasculaire quand elle était
jeune fille. Aucun médecin ne l’avait mise
en garde contre le risque de l’association
pilule et tabac. Transfusée à l’âge de 21 ans
à la suite d’une intervention chirurgicale
visant à résorber une thrombose dans l’aine,
sa vie bascule un an plus tard quand elle
apprend qu’elle est séropositive pour le virus
du sida. Huit ans après, elle développe la
maladie. Suivent alors plusieurs années, très
douloureuses, où elle se débat entre la vie
et la mort, avec des défenses immunitaires
presque nulles. En 1996, un traitement anti-
viral apparaît enfin. Mais si ces médicaments
la remettent tant bien que mal sur pied, ils ne
sont pas dénués de lourds effets secondaires.
Accepter la vie
telle qu’elle est
Son parcours semé d’embûches n’a pas
empêché Anne de mener une carrière pro-
fessionnelle et elle est aujourd’hui chercheur
au Centre national de la recherche scienti-
fique (CNRS). Ces multiples épreuves au lieu
de l’écraser lui ont permis de s’interroger
sur le sens de l’existence. « Toute maladie
modifie le regard que l’on porte sur la vie. J’ai
Vivre et vieillir avec le sida
Fini les années noires, avec
une survie réduite et des
corps ravagés. Aujourd’hui, le
sida est considéré par le corps
médical comme une maladie
« gérable » au même titre
que le diabète, par exemple.
L’avènement de la trithérapie
en 1996 a changé la donne :
l’infection par le virus de
l'immunodéficience humaine
(VIH) est devenue une
maladie chronique. Depuis,
les traitements n’ont cessé de
s’améliorer. Ils sont beaucoup
moins toxiques, leurs effets
secondaires ont grandement
diminué, et les patients ont
la possibilité de prendre une
pilule une fois par jour.
Mais si les personnes séro-
positives ou atteintes du sida
ont aujourd’hui la chance de
vieillir, le traitement ne guérit
toujours pas. Et une longue
exposition au virus ainsi que
l’utilisation de certains anti-
viraux peuvent entraîner un
vieillissement prématuré avec
des risques cardio-vasculaires
augmentés et l’apparition de
certains cancers.
Dans les pays occidentaux,
de plus en plus de personnes
âgées sont concernées.
Certaines ont été conta-
minées il y a des années,
voire des dizaines d’années ;
d’autres l’ont été plus tardi-
vement, d’autres encore ne
se sont pas fait dépister et
ignorent être porteuses du
virus. L’épidémie est toujours
active en France et ne touche
pas seulement les jeunes.
L’ignorance du risque, très
répandue chez les seniors,
conduit à un diagnostic tardif,
d’autant que les premières
manifestations du sida peu-
vent se confondre avec celles
de pathologies liées à l’âge.