Histoire de santé Anne, atteinte du sida depuis de longues années, a plusieurs fois frôlé la mort. Rescapée, elle est partie à la recherche du bonheur et semble l’avoir trouvé grâce à la méditation de pleine conscience. Emmanuelle Billon-Bernheim « Accepter le réel et lâcher prise » D Appel à témoignages Un jour, vous n'avez pas compris ce que votre médecin vous disait ou il a mal interprété ce que vous lui disiez... Comment vous en êtes-vous rendu compte ? Quelles ont été les conséquences ? Pour un dossier portant sur la communication entre médecins et malades, nous cherchons des témoignages et anecdotes. Écrivez-nous : Que Choisir Santé 233, boulevard Voltaire 75011 Paris [email protected] ouce et rayonnante, Anne raconte posément ses dernières péripéties médicales. Elle les qualifie en souriant de « période un peu mouvementée » : suite à une dissection spontanée de la carotide et des cervicales, paralysée du bras droit, elle reste alitée pendant seize jours avec interdiction de se lever ; puis ce sont des douleurs au ventre causées par une artère bouchée qui l’obligent à refaire un séjour à l’hôpital et lui valent la pose d’un stent ; enfin, elle est immobilisée par une fracture du col du fémur suivie de la pose d’une prothèse et d’une luxation de celleci six mois plus tard. Les années précédentes, c’étaient des problèmes rénaux, des sphincters récalcitrants, etc., la liste est affolante. Anne se confie sans aucun apitoiement sur elle-même. Les faits énoncés sont clairs, précis, explicatifs. Le regard bleu est chaleureux. Elle est en paix avec elle-même et cela se sent. Pilule plus tabac, et c’est l’accident Pourtant, cette svelte quinquagénaire pourrait être en colère : les graves problèmes médicaux qui ponctuent désormais le cours de sa vie sont les complications indirectes d’un accident vasculaire quand elle était jeune fille. Aucun médecin ne l’avait mise en garde contre le risque de l’association pilule et tabac. Transfusée à l’âge de 21 ans à la suite d’une intervention chirurgicale visant à résorber une thrombose dans l’aine, sa vie bascule un an plus tard quand elle apprend qu’elle est séropositive pour le virus du sida. Huit ans après, elle développe la maladie. Suivent alors plusieurs années, très douloureuses, où elle se débat entre la vie et la mort, avec des défenses immunitaires presque nulles. En 1996, un traitement antiviral apparaît enfin. Mais si ces médicaments la remettent tant bien que mal sur pied, ils ne sont pas dénués de lourds effets secondaires. Accepter la vie telle qu’elle est Son parcours semé d’embûches n’a pas empêché Anne de mener une carrière professionnelle et elle est aujourd’hui chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Ces multiples épreuves au lieu de l’écraser lui ont permis de s’interroger sur le sens de l’existence. « Toute maladie modifie le regard que l’on porte sur la vie. J’ai Vivre et vieillir avec le sida les années noires, avec Fcorpsiniuneravagés. survie réduite et des Aujourd’hui, le sida est considéré par le corps médical comme une maladie « gérable » au même titre que le diabète, par exemple. L’avènement de la trithérapie en 1996 a changé la donne : l’infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) est devenue une maladie chronique. Depuis, 8 les traitements n’ont cessé de s’améliorer. Ils sont beaucoup moins toxiques, leurs effets secondaires ont grandement diminué, et les patients ont la possibilité de prendre une pilule une fois par jour. Mais si les personnes séropositives ou atteintes du sida ont aujourd’hui la chance de vieillir, le traitement ne guérit toujours pas. Et une longue exposition au virus ainsi que QUE CHOISIR SANTé - N°82 - Avril 2014 l’utilisation de certains antiviraux peuvent entraîner un vieillissement prématuré avec des risques cardio-vasculaires augmentés et l’apparition de certains cancers. Dans les pays occidentaux, de plus en plus de personnes âgées sont concernées. Certaines ont été contaminées il y a des années, voire des dizaines d’années ; d’autres l’ont été plus tardi- vement, d’autres encore ne se sont pas fait dépister et ignorent être porteuses du virus. L’épidémie est toujours active en France et ne touche pas seulement les jeunes. L’ignorance du risque, très répandue chez les seniors, conduit à un diagnostic tardif, d’autant que les premières manifestations du sida peuvent se confondre avec celles de pathologies liées à l’âge.