Transfert thermique par rayonnement et conduction dans les

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Analogie entre le photon et le phonon
A
PARTIE I
ANALOGIE ENTRE LE PHOTON ET LE PHONON
42
Analogie entre le photon et le phonon
A
Introduction
Cette partie est consacrée à l’établissement de l’analogie entre le photon et le phonon afin de
traiter le transfert par conduction et le transfert par rayonnement de la même façon. Après
avoir rappelé les caractéristiques du rayonnement électromagnétique et du photon, d’une part,
et de l’onde de vibration d’un solide et du phonon d’autre part, nous établissons l’analogie
entre le photon et le phonon à partir d’une dérivation des paramètres énergétiques (énergie,
flux et intensité) et de l’équation de transport de Boltzman (ETB) sous l’approximation du
temps de relaxation. Les limites de validité de l’ETB et l’approximation du temps de
relaxation sont discutées. Nous terminons par l’établissement de l’équation de transport de
photon ou de phonon en présence d’hétérogénéités. Les méthodes de résolution les plus
utilisées sont revues en soulignant un à un leurs aspects positifs et négatifs, puis, on procède
au choix de la méthode de résolution à adopter en fonction du matériau étudié.
I.1. Généralité
I.1.1. Le rayonnement électromagnétique
Le rayonnement électromagnétique désigne la propagation des champs électrique et
magnétique. Il peut se caractériser par un flux de particules dépourvues de masse, les photons,
associé à une onde : l'onde électromagnétique.
La lumière désigne un rayonnement électromagnétique visible par l’œil humain. Les
ondes radio, les rayons X et γ sont également des rayonnements électromagnétiques. Le
spectre électromagnétique désigne la décomposition du rayonnement électromagnétique en
fonction de sa longueur d'onde, de sa fréquence, ou de l'énergie de ses photons (figure I.1).
Figure I.1 : Spectre d’onde électromagnétique
Le rayonnement électromagnétique peut se modéliser de deux manières :
1) Sous forme d’onde électromagnétique : la propagation du rayonnement résulte d’une
variation des champs électrique et magnétique ; l'analyse spectrale permet de
décomposer cette onde en ondes monochromatiques de longueurs d’onde λ ;
2) Sous forme de photon : la mécanique quantique associe à une radiation
électromagnétique monochromatique un corpuscule de masse nulle nommé photon.
Dans le vide, le rayonnement électromagnétique, en particulier la lumière, se déplace à
la vitesse environ 3 × 10 +8 m / s . Cette vitesse, appelée vitesse de la lumière et notée c0 , est
l’une des constantes physiques fondamentales.
La longueur d'onde du rayonnement est égale à :
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Analogie entre le photon et le phonon
A
λ = cn / ν
(I.1)
où cn est la vitesse de l’onde dans le milieu considéré d’indice de réfraction nν pour la
fréquence ν telle que :
cn = c0 / n ν
(I.2)
Les sources de rayonnement produisent de très grandes quantités de photons. Les
processus permettant de produire des photons sont divers. Par ordre de longueur d'onde
décroissante, on peut citer :
• Les courants électriques hautes fréquences permettent de produire les ondes radio et
les ondes radar ;
• Les transitions électroniques c’est à dire, le passage d'un électron d'un niveau d'énergie
plus élevé vers un niveau plus faible, dans les atomes produisent des ondes infrarouges,
de la lumière visible et du rayonnement ultraviolet ;
• La radioactivité par la désintégration d'un noyau atomique instable, le freinage
d'électrons par un tube à rayons X, et la déviation de faisceau d'électrons relativistes par
un rayonnement synchrotron peuvent être utilisés pour produire des rayons X.
• Les transitions nucléaires produisent le rayonnement γ.
I.1.1.1. L'onde électromagnétique
La théorie ondulatoire de la lumière a été principalement développée par Christiaan Huygens
dans les années 1670, et par Augustin Fresnel (1822). Elle s'opposait à l'époque à la théorie
corpusculaire, défendue essentiellement par Isaac Newton (1672). Huygens travaillait
principalement sur les lois de réflection et de réfraction, tandis que Fresnel développait les
notions d'interférence et de longueur d'onde.
La grande avancée théorique fût la synthèse des lois de l'électromagnétisme par James
Clerk Maxwell (1864). Les équations de Maxwell prédisaient la vitesse des ondes
électromagnétiques, et la mesure de la vitesse de la lumière démontra que la lumière était de
nature électromagnétique.
Comme toutes les ondes, une onde électromagnétique peut s'analyser en utilisant
l'analyse spectrale : on peut la décomposer en ondes dites «ondes monochromatiques ».
Les champs électromagnétiques sont polarisés transversalement dans le plan
G
perpendiculaire au vecteur d’onde, q = 2π / λ , avec une composante parallèle (II ) et une
composante perpendiculaire (⊥ ) .
Une onde électromagnétique monochromatique peut se modéliser par un dipôle vibrant
(cf. figure I.2). Ce modèle reflétant convenablement, par exemple, les oscillations du nuage
électronique d'un atome intervenant dans la diffusion Rayleigh (modèle de l'électron
élastiquement lié).
G
Figure I.2 : Onde électromagnétique, oscillation couplée du champ électrique E et du champ
G
magnétique H . Modèle du dipôle vibrant où les charges dipolaires sont − e et + e
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Analogie entre le photon et le phonon
A
G
G
Les variations des champs électrique, E , et magnétique, H , sont liées par les équations
de Maxwell, on peut donc représenter l'onde par un seul de ces champs, en général, le champ
électrique. On peut alors écrire l’expression générale d'une onde plane monochromatique par :
G
G G
GG
E ( r , t ) = E0 cos [q.r − (ωt + ϕ )]
(I.3)
où
G
• r est le vecteur position du point considéré ;
• ϕ est la phase de l’onde à l'origine.
Au lieu de l’équation (I.3), on utilise aussi fréquemment la forme complexe suivante :
G
G G
G G
E ( r , t ) = E0 exp j[q ⋅ r − (ωt + ϕ )]
(I.4)
I.1.1.1.1. Propriétés
o La polarisation :
G
La polarisation correspond à la direction et à l'amplitude du champ électrique E . Pour une
G
onde non polarisée dite naturelle, E tourne autour de son axe de façon aléatoire et
imprévisible au cours du temps. Il y a plusieurs sortes de polarisation :
G
• La polarisation est linéaire quand E reste toujours dans le même direction (cf. figure
I.3a) ;
G
G
G
• La polarisation est circulaire quand le champ magnétique H ou E tourne autour de q
en formant un cercle (cf. figure I.3b et I.3c) ;
G
G
G
• La polarisation est elliptique dans le cas où le champ H ou E tourne autour de q et
change d'amplitude pour former une ellipse (figure I.3b et I.3d) .
Figure I.3a : Polarisation linéaire
Figure I.3b : Polarisation circulaire ou elliptique
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Analogie entre le photon et le phonon
A
Figure I.3d : Rotation du champ
G
magnétique H dans le cas d’une
polarisation elliptique à un instant t.
Figure I.3c : Rotation du champ
G
magnétique H dans le cas d’une
polarisation circulaire à un instant t .
o Le comportement ondulatoire :
Dans un milieu homogène et isotrope, l'onde électromagnétique se propage en ligne droite.
Lors de sa rencontre avec un obstacle, il y a diffusion. Lors d'un changement de milieu, il y a
réflexion et réfraction. Il y a aussi réfraction si les propriétés du milieu changent selon
l'endroit.
• Réflexion (cf. figure I.4a) : lors d'un changement de milieu de propagation, c’est à
dire changement d’indice de réfraction, une partie de l'onde électromagnétique repart vers
le milieu d'origine.
• Réfraction (cf. figure I.4a) : lors d'un changement de milieu de propagation, si le
second milieu a un indice de réfraction différent du premier, l'onde se propage dans le
seconde milieu avec une direction différente.
• Diffusion (cf. figure I.4b) : c’est le phénomène au cours duquel un faisceau de
rayonnement percutant un obstacle est dévié dans de multiples directions.
• Interférence (cf. figure I.4c) : c’est la superposition d’ondes monochromatiques de
même fréquence. Quand les ondes sont en phases, il y a superposition d’amplitudes,
l’interférence est dite constructive. Cependant, quand il y a opposition de phase, les
amplitudes se soustraient, l’interférence est dite destructive.
• Diffraction (cf. figure I.4c) : lorsqu’une onde est diffusée par un obstacle, les ondes
diffusées peuvent interférer de façon constructive et destructive, la densité de l'onde n'est
pas conservée. La diffraction est en fait le résultat de l'interférence des ondes diffusées.
n1
n2
n 2> n 1
Figure I.4a : Réflexion et réfraction d’un faisceau lumineux à l’interface entre deux milieux
d’indice de réfraction différent
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Analogie entre le photon et le phonon
A
Figure I.4b : Diffusion d’un flux de photon par un obstacle
Interférences
destructives
ν
Onde plane
monochromatique
Interférences
constructives
Diffusion par
deux fentes
Figure I.4c : Phénomène de diffraction d’onde plane par deux fentes
I.1.1.1.2. Flux d'énergie
L’amplitude et la direction du taux de transfert d’énergie électromagnétique en tous
G
points de l’espace sont données par le vecteur de Poynting, noté S . Quand l’onde
électromagnétique est harmonique en temps, le vecteur de Poynting instantané est donné par :
(Bohren et Huffmam, 1983)
G
G
G
S = Re ( E ) ∧ Re ( H )
(I.5)
G
G
où E et H sont les champs électrique et magnétique de l’onde. Re indique la partie réelle
d’une grandeur complexe.
La fonction (I.5) varie rapidement avec le temps pour les longueurs d’ondes optiques et
thermiques. La majorité des instruments ne sont pas capable de détecter cette variation
instantanée d’énergie mais plutôt la moyenne temporelle < S > , définie par : (Bohren et
Huffmam, 1983)
1 t + ∆t
< S >=
S (t ' )dt '
(I.6)
∆t t
avec ∆t un intervalle de temps long comparé 1 / ν .
Pour les champs harmoniques en temps, la moyenne temporelle du vecteur de Poynting est :
G G
1
< S >= Re ( E ∧ H * )
(I.7)
2
avec * le conjugué d’une grandeur complexe. Par la suite, la moyenne temporelle du vecteur
de Poynting < S > est notée par S .
∫
47
Analogie entre le photon et le phonon
A
I.1.1.2. Le photon
Les travaux de la fin du XIXème et du début du XXème siècle notamment de Heinrich Hertz
(1888) sur l'effet photoélectrique et de Max Planck (1900) sur le rayonnement du corps noir
ont montré que la matière recevait ou émettait de l'énergie électromagnétique exclusivement
par paquets de valeur bien déterminée appelés quantas d’énergie.
Les photons sont donc ces «paquets» d'énergie élémentaires qui sont échangés entre les
rayonnements électromagnétiques et la matière. Les photons sont une sorte de concentré de
l'énergie et de la quantité de mouvement, appelé aussi pression de radiation, des
rayonnements électromagnétiques. Le concept de photon a été introduit par Albert Einstein
(1905) pour expliquer les interactions entre les rayonnements électromagnétiques et la
matière.
La première image que l'on a du photon est la « bille de lumière », la lumière serait
composée de grains qui voyageraient à la vitesse de la lumière. Dans ce modèle, un flux
d'énergie lumineuse donné est décomposé en billes. L'énergie d’une bille de longueur d’onde
λ vaut hc / λ avec h = 6.626 × 10 −34 Js la constante de Planck. Ainsi, pour une lumière
monochromatique, le spectre se résume à une seule longueur d'onde, le flux d'énergie est
composé de beaucoup de « petites » billes si la longueur d'onde est grande, ou de très peu de
« grosses » billes si la longueur d'onde est petite. Les qualificatifs « petit » et « gros » sont
relatifs à quantité d'énergie des billes. Si la lumière est composée de plusieurs longueurs
d'onde, alors le flux d'énergie se compose de billes de « taille » diverses.
Cette vision ne permet pas d'expliquer correctement toutes les propriétés de la lumière
et est donc incomplète, mais elle permet de donner une représentation simple.
I.1.1.2.1. Propriétés
• La lumière monochromatique de fréquence ν est constituée de photons d'énergie ε c :
ε c = h ν = h cn / λ
(I.8)
et de quantité de mouvement ou impulsion pc :
p c = ε c / cn = h ν / cn = h / λ
(I.9)
L’indice c signifie qu’il s’agit de particule de « lumière » pour ne pas confondre à celle du
« son » indexé par s que nous verrons plus loin.
• Les photons ont un spin* qui vaut 1 . Les particules de spin entiers sont appelées
bosons. En effet, pour une fréquence donnée, le nombre de photons à l’équilibre
thermodynamique suit la distribution statistique de Bose-Einstein (Mandl, 1971).
• Dans le vide, les photons se déplacent à la vitesse de la lumière c0 . Lorsqu'ils se
déplacent dans la matière, les photons se déplacent plus lentement, la vitesse étant déterminée
par la valeur de l'indice de réfraction de ce milieu selon (I.2) et qui lui-même dépend de la
fréquence ou la longueur d'onde de cette lumière.
Le spin une notion introduite par Pauli en 1924. C’est une propriété quantique intrinsèque associée à chaque
particule, qui est caractéristique de la nature de la particule, au même titre que sa masse et sa charge électrique.
Mathématiquement le spin est un opérateur vectoriel. Dans une approche élémentaire, le spin peut être
caractérisé par un nombre réel positif, homogène à une action. Le spin est quantifié : il ne peut prendre que des
valeurs égales à un multiple entier ou demi-entier du quantum d’action = : i= / 2, i ∈ N . Les particules ayant un
spin demi-entier s'appellent fermions, et celles ayant un spin entier s'appellent bosons. Le spin n'a pas
d'équivalent en physique classique mais on peut l’interpréter comme un moment cinétique quantique (Uhlenbeck
et Goudsmit, 1925).
*
48
Analogie entre le photon et le phonon
A
I.1.1.2.2. La dualité onde-corpuscule
A la fin du
et au début du XX ème siècle, certaines expériences montraient que la
lumière se comporte comme un corpuscule, alors que d’autres la présentaient comme une
onde :
• L’expérience sur l’effet photo-électrique menée par Heinrich Hertz (1888) montrait
l'aspect corpusculaire avec l’émission d'énergie électromagnétique exclusivement par paquets
de valeur bien déterminée.
• L'aspect ondulatoire se manifeste par des phénomènes d'interférence et de diffraction,
énoncés par Huygens et Fresnel et dont l'exemple le plus marquant, sinon le plus commun est
l'expérience des fentes d'Young.
XIX ème
Un corpuscule est caractérisé par une impulsion p et une énergie E . L'énergie d'un
corpuscule de masse m s'écrit E = p 2 / 2m en mécanique classique. Une onde est caractérisée
par une amplitude évoluant dans l'espace et le temps avec une pulsation ω selon un vecteur
G
d'onde q (on se place dans le modèle d’onde plane monochromatique, cf. § I.1). La
correspondance entre ces deux aspects a été établie par Louis de Broglie (1924) grâce à la
constante de Planck h :
E ==ω et p ==q
(I.10)
Ces aspects ont d’abord été observés sur la lumière, puis étendus à l'électron, et à
d'autres particules par la suite. Un des piliers de la mécanique quantique réside dans la
compréhension de la liaison de ces deux aspects. C'est la dualité onde-corpuscule. Ainsi, à
tout objet quantique, on peut associer soit une onde soit un corpuscule.
I.1.1.3. Le rayonnement thermique
Le rayonnement thermique est la partie du rayonnement électromagnétique produite par la
transition d’énergie moléculaire. Il s’agit, en ce qui nous concerne, de niveau d’énergie
électronique. On distingue trois mécanismes de base :
I.1.1.3.1 L’absorption
Lorsqu’un atome est soumis à une onde lumineuse de fréquence ν , il peut absorber un
photon. L’atome, initialement dans un état d’énergie électronique Ei , passe alors dans un état
électronique d’énergie supérieure E s > Ei . Ce processus d’absorption est illustré dans les
figures I.5a et I.5b.
I.1.1.3.2. L’émission spontanée
Les états électroniques excités ne sont pas stables. Plus ou moins vite, l’atome d’énergie E s
retombe à un état d’énergie inférieur, E 'i , en émettant un photon (figure I.5a). La durée de vie
de l’état excité noté par, τ w , est le temps moyen au bout duquel cette émission spontanée se
produit ; typiquement, τ w vaut de l’ordre de 1 à 100 nanosecondes. Le photon émis peut se
diriger dans n’importe quelle direction. L’énergie hν ' du photon crée est égale à la différence
d’énergie E s − Ei' entre les deux niveaux atomiques. Ce type d’émission domine la plupart de
l’émission d’énergie thermique.
I.1.1.3.3. L’émission induite ou stimulée
La présence d’un rayonnement incident peut induire un atome excité, d’énergie E s , à émettre
un photon ayant les mêmes caractéristiques que le photon incident (figure I.5b). Cela à
49
Analogie entre le photon et le phonon
A
condition que l’énergie de ces photons, hν , soit égale à l’écart d’énergie entre le niveau
supérieur, E s , et le niveau inférieur, Ei . Dans ce type d’émission, le photon créé par l’atome
désexcité a la même fréquence et la même direction de propagation que le rayonnement
incident. Ce processus, qui permet d’amplifier une onde lumineuse, est à la base du
fonctionnement des lasers.
Figure I.5a: Absorption d’un photon par un électron à l’état d’énergie Ei suivie d’une
émission spontanée après un temps très court τ w
Figure I.5b: Absorption d’un photon par un électron excité d’énergie E s suivie d’une
émission stimulée après un temps très court τ w
I.1.2. Les ondes de vibration d’un solide cristallin
I.1.2.1 Origine et mécanisme du transport d’énergie
Du fait des forces s'exerçant entre les différents atomes du réseau cristallin, le déplacement
d'un ou plusieurs atomes autour de leur position d'équilibre (figure I.6a et I.6b) entraîne une
série d'ondes de vibrations se propageant dans le réseau. Quand une onde se propage dans une
direction, des plans entiers d’atomes se déplacent en phase ; le mouvement est parallèle ou
perpendiculaire au vecteur d’onde. La figure I.7 illustre une onde de vibration dans un réseau
cristallin à deux dimensions (2D). L'amplitude de l'onde est donnée par l'amplitude du
déplacement des atomes autour de leur position d'équilibre. La longueur d'onde λ correspond
au plus petit intervalle entre deux répétitions identiques de l'arrangement des atomes.
50
Analogie entre le photon et le phonon
A
Figure I.6a : Modélisation de l’arrangement atomique à une dimension : état d’équilibre
Figure I.6b : Modélisation de l’arrangement atomique à une dimension : état hors équilibre
Figure I.7 : Onde de vibration dans un cristal à deux dimensions
Toutes les longueurs d'onde de vibration ne sont pas possibles. Il existe notamment une
longueur d'onde minimale donnée par la distance entre les atomes, noté a (figure I.6a).
Toutes les vibrations possibles du réseau ne possèdent pas nécessairement une longueur
d'onde sauf les modes normaux de vibration.
Un mode normal de vibration est un mode dans lequel chaque atome vibre à la même
fréquence. Ces modes normaux de vibration ont une grande importance, notamment parce que
tout mouvement de type vibration dans un solide peut être représenté comme la superposition
d'un certain nombre de modes normaux de vibration de fréquences différentes. Les modes
normaux de vibration peuvent donc en quelque sorte être compris comme les vibrations
élémentaires du réseau.
I.1.2.2. Le phonon
En physique de la matière condensée, un phonon (du grec ancien φονη / phonê, la voix)
désigne un quantum de vibration dans un solide cristallin, c'est-à-dire un « paquet élémentaire
de vibration » ou « paquet élémentaire de son » : lorsqu'un mode de vibration du cristal de
fréquence définie ν cède ou gagne de l'énergie, il ne peut le faire que par paquets d'énergie
51
Analogie entre le photon et le phonon
A
hν , h étant la constante de Planck. Ce paquet est considéré comme une quasi-particule, à
savoir une particule fictive associée au son. Le cristal échange des phonons lorsqu'il perd ou
gagne de l'énergie. Le concept de phonon permet une analogie avec la lumière qui possède
des propriétés similaires : elle se manifeste tantôt comme une onde, tantôt comme un paquet
d'énergie hν , qui correspond à une particule élémentaire : le phonon obéit à la dualité ondecorpuscule. Ainsi, le phonon peut être modélisé d’une part comme une particule énergétique
dépourvue de masse et d’autre part comme une onde.
Les phonons sont l'équivalent en mécanique quantique d'une catégorie particulière de
mouvement vibratoire connus sous le nom de modes normaux de vibration en mécanique
classique.
Les phonons n'existent qu'au sein d'un réseau cristallin comportant un grand nombre de
particules et les seules structures physiques connues correspondant à cette définition sont les
solides cristallins. Dans la suite nous ne traiterons donc des phonons que dans ce cadre et,
pour la clarté de l'exposé, nous appellerons les particules constituant le réseau « atomes »,
bien qu'il puisse s'agir d'ions dans un solide ionique.
L'étude des phonons prend une part importante dans la physique de la matière
condensée car elle joue un rôle important dans un grand nombre de propriétés physiques des
solides dont :
• La capacité calorifique ou la capacité à échanger la chaleur ;
• La conductivité thermique ou la capacité à conduire la chaleur ;
• La conductivité électrique, ou la capacité à conduire le courant électrique ;
• La capacité à propager le son.
La mécanique classique seule, qui ne prend en compte que l'aspect vibratoire, n'explique
pas toutes ces propriétés. Il faut faire appel à la mécanique quantique.
I.1.2.2.1. Propriétés
o Les comportements ondulatoires :
Analogue aux photons, un phonon sous sa forme ondulatoire est caractérisé par une
G
fréquence ν , une longueur d’onde λ et un vecteur d’onde q dont l’amplitude est égale à
2π / λ . De plus, comme toutes ondes, les phonons peuvent se réfléchir, se réfracter, interférer
et diffracter dans des conditions analogues aux photons.
o
Polarisations :
G
A chaque vecteur d’onde q correspond trois modes de polarisation :
• Un mode de polarisation longitudinale quand le déplacement du plan d’atomes se fait
dans la direction parallèle à la direction de propagation de l'onde. Le cas d’un réseau
cristallin à deux dimensions est représenté par la figure I.8a ;
• Deux modes de polarisation transversale quand le déplacement des atomes se fait dans
les directions perpendiculaires à la direction du vecteur d’onde. Dans le cas d’un cristal à
deux dimensions, une seule polarisation transversale existe comme l’illustre la figure I.8b.
52
Analogie entre le photon et le phonon
Figure I.8a : Mode de polarisation
longitudinal dans un cristal en 2D
A
Figure I.8b : Mode de polarisation
transversal dans un cristal en 2D
I.1.2.2.2. Energie et quantité de mouvement
L’énergie d’un phonon est quantifiée et est égale à :
ε s = hν
(I.11)
Elle se propage à une vitesse v g qui est la vitesse de groupe des modes normaux que nous
décrivons plus tard. Sa quantité de mouvement, p s , est donnée par:
ps = h / λ
(I.12)
Remarques :
• Les phonons font partis de la famille des bosons. Ils ont aussi un spin égale à 1 ,
analogue au photon, donc le nombre de population de phonon à l’équilibre
thermodynamique suit la distribution de Bose-Einstein.
• Contrairement au photon, le phonon ne peut se propager qu’en présence de la matière.
I.1.2.3. La conduction thermique phonique
D’un point de vue macroscopique, la conduction thermique phonique est le mode de transfert
d’énergie provoqué par une différence de température entre deux régions d'un même milieu†
ou entre deux milieux en contact sans déplacement appréciable de matière.
D’un point de vue microscopique, la conduction thermique phonique est due au transfert
d’énergie entre les phonons. Quand le réseau vibre, les phonons interagissent en transférant de
l’énergie. Ce transfert va de la région la plus chaude où il y a plus de phonons, car les atomes
sont plus excités, vers la région la plus froide où il y a moins de phonons.
Dans un solide, les vibrations des atomes ne sont pas aléatoires et indépendantes les
unes des autres, mais correspondent à des modes propres de vibration qui sont les modes
normaux. Ces modes propres de vibration correspondent à des ondes (les phonons) qui
peuvent se propager dans le matériau, si sa structure est organisée. Cette contribution sera
donc plus importante dans une structure cristalline, ordonnée, que dans une structure
amorphe, désordonnée, d’où par exemple la différence de conductivité thermique‡ entre le
diamant qui est une structure ordonnée (la conductivité thermique varie de 1000 à
2400 Wm −1K −1 à 20 °C ) et le verre qui est une structure désordonnée (la conductivité est de
l’ordre de 1.35 Wm −1K −1 à la même température).
†
Ici, on ne fait référence qu’aux matériaux diélectriques, c’est à dire non métalliques
Elle représente la quantité de chaleur transférée par unité de surface et par une unité de temps sous un gradient
de température.
‡
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