Aperçu du Japon sous l’angle climatique
Après avoir exposé quelques points de la géologie de l’archipel japonais dans un précédent
exposé, cette partie tente de présenter rapidement le climat du Japon, et quelques-unes de ses
conséquences. Rappelons pour commencer que la position géographique du pays et sa
topographie, en agissant sur les circulations des vents et des courants, contribuent aux régimes
climatiques rencontrés sur cette zone. Les phénomènes climatiques, à leur tour, altèrent et
érodent plus ou moins les roches selon la nature de ces dernières, en re-distribuent les
éléments et façonnent ainsi les paysages.
L’exposé tentera ensuite d’aborder quelques conséquences biologiques et agricoles de ce
couple climat-topographie, et ses influences sur la civilisation japonaise.
Remarques préliminaires :
- Pour rendre ces explications aussi accessibles que possible, un glossaire des quelques termes géologiques
employés, signalés dans le texte par un astérisque, est proposé en fin d’exposé.
Les figures sont toutes issues des références indiquées à la fin de ce texte. Je me suis contenté, pour plusieurs
d’entre elles, de les colorer pour améliorer leur lisibilité sur écran et faciliter leur lecture, du moins je l’espère.
- N’ayant aucune connaissance du japonais, je donne les noms de lieux ou de sites selon les transcriptions des
ouvrages consultés.
Les climats et les phénomènes climatiques du Japon.
Rappelons d’abord que le Japon s’étend sur près de 20° de latitude, depuis Okinawa, à 25°N
(soit la latitude des îles Canaries), jusqu’à Hokkaido, à 45°N (la latitude de Grenoble).
Conséquence, le mois le plus froid à Okinawa a une température moyenne de 16°C, soit celle
du mois le plus chaud à l’est d’Hokkaidô !
Les joueurs : l’air, l’océan et la topographie
Le climat du Japon est lié d’abord à la circulation des masses d’air, venant soit de l’océan,
depuis le Sud-Est (en été), soit de l’Asie (en hiver). Leur trajet est entravé par les montagnes,
qui instaurent ainsi une coupure assez nette entre les deux versants du Japon. Les masses
d’air, contraintes par les montagnes à s’élever, et donc à se détendre et à se refroidir, larguent
alors sur les faces « au vent » leurs contenus en eau, sous forme de neige ou de pluie selon la
température des couches d’air basses. Ainsi, les vents sibériens d’hiver, humidifiés par la mer
du Japon, amènent de la neige sur la façade occidentale de la chaîne, et une fois celle-ci
franchie, redescendent du côté « sous le vent » en s’échauffant (fœhn), amenant un temps clair
et sec. Inversement, en été, l’air venu du Sud, rendu chaud et humide par son trajet au-dessus
du Pacifique, apporte des pluies et un temps lourd sur la façade orientale et souvent au-delà.
On parle par conséquent parfois pour la face de la mer du Japon (enneigée en hiver), de
« Japon de l’Envers » (Omote Nihon); et pour la face pacifique (au temps plus doux et plus
humide en été) de « Japon de l’Endroit » (Ura Nihon).
Mais les températures et l’humidité des vents sont aussi liés aux températures de la mer, et
donc à la répartition des courants marins. Or les trajets de ces courants sont eux aussi
conditionnés par la topographie des fonds, donc par la tectonique et l’histoire géologique de
cette zone. Ainsi le relief du Japon divise en deux le Kuro-shio, courant d’eau chaude venue
du Sud, en deux bras qui passent de part et d’autre de l’archipel, celui de la mer du Japon
prenant le nom de courant de Tsushima.
Répartition des précipitations sur les principales îles du Japon. Source Encyclopaedia
Universalis.
Malgré cette barrière géographique, une saison est assez uniforme sur l’ensemble du pays
(Hokkaido excepté) : l’été, chaud et moite. Cette uniformité expliquerait « la diffusion
généralisée sur tout l’archipel d’un type de maison traditionnellement adapté à la chaleur [ci-
dessous] (armature en bois, surélévation du plancher sur pilotis, cloisons en papier, portes
coulissantes pour favoriser l’aération) » (P. Pelletier, Le Japon, Armand Colin).
Le contraste entre le Japon du Nord-ouest et celui du Sud-Sud-est est bien visibles sur ces
deux figures : on remarque bien en particulier les précipitations fortes en hiver (sous forme de
neige) dans le Japon du Nord-ouest, et à l’opposé l’hiver sec du Japon du Sud-sud-est, alors
que l’été ou la fin de l’été sont partout pluvieux.
Source des données : Japan Meteorological Agency.
On voit clairement aussi sur la dernière figure les deux périodes de pluies intenses sur le
Japon Sud-sud-est, fin Juin d’abord, puis en Septembre, pluies parfois appelée pluies de
mousson.
Moussons et typhons
Si l’on désigne par mousson* la simple inversion saisonnière du sens des vents dominants, on
peut considérer que le Japon est soumis à un régime de mousson, même s’il ne correspond pas
à la même situation climatologique que la mousson indienne.
Mais on parle aussi abusivement de climat de mousson sur le Japon du fait des manifestations
pluvieuses (très gros orages, pluies abondantes et soudaines) qui s’abattent sur l’archipel, et
qui rappellent les précipitations diluviennes liées à la mousson indienne. Elles peuvent
amener, fin Juillet, plus d’un mètre de pluie par m2 en 24h.
Les pluies de la mousson indienne proviennent de l’humidité amenée par les alizés de l’hémisphère sud. En été
(dans l’hémisphère nord), ces vents traversent l’équateur et remonte très haut vers le nord au niveau de l’Inde.
Bloqués par la chaîne himalayenne après un long trajet au-dessus de l’océan indien, ils y larguent des masses
d’eau énormes avant de pouvoir franchir cette barrière.
Au Japon, les pluies de juin et de septembre ne sont pas apportées par les alizés mais par des
vents issus des anticyclones du tropique de l’hémisphère Nord. Rendues chaudes et humides
par les eaux du Pacifique ou de la mer des Philippines, les masses d’air chaudes du Sud
rencontrent au-dessus du Japon les masses d’air froides provenant des hautes latitudes. Ce
contact, le « front polaire », a une forme ondulée et mouvante, et sa position, instable, change
en latitude au cours de l’année, ce qui se traduit par un changement de provenance des masses
d’air principales. En juin, les vents viennent surtout de l’anticyclone du Sud-Est asiatique,
alors qu’ils arrivent de l’Est-Nord-Est (Pacifique) en septembre. Dans les deux cas, l’air
chaud s’élève au contact des masses froides et se condense rapidement, donnant ces pluies
abondantes et soudaines.
Les typhons*, eux, se forment surtout entre juillet et septembre au-dessus du Pacifique dans
la zone de dépression intertropicale, quand la température de l’eau de surface dépasse 26°C.
Ils remontent vers le Nord en tournant (sous l’effet de la force de Coriolis) comme les vents,
et ils atteignent fréquemment les îles japonaises. Leur intensité s’accroît tant qu’ils sont
alimentés par une masse d’eau chaude en dessous d’eux. Ils sont donc plus ou moins violents
à leur arrivée sur les côtes, selon la trajectoire qu’ils ont suivie. Une fois au-dessus des terres
émergées, privés de source de chaleur, ils finissent par disparaître.
L’arrivée d’un typhon est aujourd’hui un événement prévisible plusieurs jours à l’avance,
d’autant que le phénomène est désormais suivi au jour le jour grâce aux images satellites.
Un pays richement boisé, mais difficile à cultiver et à aménager.
Comme on l’a vu dans la précédente partie, le Japon ne manque pas d’eau douce. Sources,
rivières, cascades et lacs sont largement représentés dans l’art japonais. C’est aussi cette
ressource qui a permis l’implantation de la riziculture, évidemment issue du continent
asiatique. La population a exploité cette manne par un système d’irrigation traditionnel, par
dérivations sur les cours d’eau et par des étangs réservoirs, et aujourd’hui également par de
grands barrages.
Par contre, les pentes, l’instabilité des terrains et l’intensité de l’érosion rendent difficile
l’aménagement de ces terres pour l’agriculture, qui se concentre donc dans les plaines
côtières. D’ailleurs, grâce à l’érosion par les pluies ou l’eau de fonte des neiges, les plaines
accueillent les sédiments issus de la montagne, et offrent ainsi des sols (sols alluviaux)
d’excellente qualité. Mais le Japon a d’autres ressources naturelles.
Ce pays est en effet toujours très boisé : la forêt recouvre 66,8% de sa surface (contre 27,3%
en France !).
De plus, la flore du Japon possède aussi une diversité étonnante. Ainsi, « le seul mont Rokkô,
derrière la ville de Kôbe, comporte autant d’espèces végétales que toute la Hongrie » (P.
Pelletier, le Japon, Armand Colin). Cette profusion serait la conséquence de l’absence
d’influence des glaciations du Quaternaire sur le Japon.
Cette profusion et cette diversité ont été largement mises à profit par la civilisation japonaise :
- L’architecture traditionnelle est en bois ;
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