LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE 5
Introduction
Le présent volume nest pas exactement analogue aux autres rapports
du CAE. Il ne porte pas sur une question de politique économique mais
évalue la performance dune institution, la Banque centrale européenne
(BCE). Cette orientation naffecte pas la nature du travail de Patrick Artus
et Charles Wyplosz: pour conduire leur étude, ils ont mobilisé comme à
laccoutumée les outils de lanalyse économique. Mais elle donne à leur
rapport un caractère particulier, dont il faut préciser les motivations.
La tâche de la BCE ou plus exactement celle de lEurosystème, quelle
constitue en association avec les banques centrales nationales est tri-
plement délicate. Elle doit dabord gérer la macroéconomie dun ensemble,
la zone euro, dont les réactions aux chocs de toutes origines et la réponse
aux impulsions monétaires sont par définition mal connues, car sauf à sup-
poser que leuro na rien changé aux comportements économiques, le tout
nest pas exactement la somme des parties. Elle doit ensuite achever déta-
blir sa réputation aux yeux des agents économiques dEurope et dailleurs,
sans sacrifier le pragmatisme à la quête de la crédibilité. Elle doit enfin
expliquer sa politique et rendre compte de son action face à une opinion
européenne fragmentée par la diversité des situations conjoncturelles et la
disparité des débats nationaux.
En Europe, la BCE est critiquée. Cest la contrepartie de son pouvoir,
mais aussi de la difficulté quelle a éprouvée à se doter dune stratégie
lisible. Cependant ces critiques sont multiples, souvent confuses, et parfois
contradictoires: sy mêlent regrets, voilés ou pas, quant à lindépendance
de linstitution, contestations du bien-fondé du mandat quelle a reçu des
traités et notamment de la priorité absolue donnée à la stabilité des prix,
doutes sur la pertinence du plafond de 2% de hausse des prix retenu par
lEurosystème, controverses à propos du rôle donné aux agrégats monétai-
res dans la stratégie dite des «deux piliers», mises en cause de la politique
de communication des dirigeants de la BCE et, bien entendu, réserves quant
aux décisions de hausse ou de baisse des taux que linstitution a prises
depuis quelle a reçu la responsabilité de conduire la politique monétaire.
Lintensité de ces critiques nest pas aujourdhui telle que la Banque
centrale soit gravement mise en cause. Mais ce qui frappe est quelles se
conjuguent en un bruit de fond préoccupant. Lidée tend à sinstaller que
lunion monétaire a donné naissance à un pouvoir distant et parfois autiste,