Vilain
1) L'origine du mot
Vilain est un mot d'origine populaire car il est issu du bas latin villanus "habitant de la campagne"
en 1090. Villanus est dérivé du latin classique villa qui signifie"ferme" qui a donné ville vers
1200 signifiant d'abord une agglomération formée autour d'une ancienne cité sur le terrain
d'ancien domaines ruraux, qui est à l'origine de l'emploi moderne .
Le nom vilain qui siginfie campagnard, paysan, non noble et l'adjectif vilain signifiant grossier,
mal élevé, comportent différentes orthographes en ancien français. L'adjectif vilain en français
moderne s'écrit vileneus en ancien français , et le nom vilain s'écrit vilenier ou vilenois en ancien
français. De plus, vilain s'écrit aussi vilein, vilain, villain et villein d'après Van Daele en ancien
français. Cela étant, d'après Godefroy le mot Villain orthographié ainsi se rapporte à une sorte de
chandelier de bois, ou de poisson, en ancien français.
Au 17ème siècle l'adjectif est écrit avec un l (vilain), et le nom avec deux l (villain) par souci
étymologique.
2) Sens du mot en ancien français
vilain, nom masculin, signifie " paysan, homme de basse condition"et "paysan libre" (1265).
Cet emploi est considéré comme archaique à l'époque classique, puis devient un terme d'histoire,
comme dans la locution "savonnette à vilain" qui est la charge qu'un roturier achète pour
s'anoblir. (1701)
L'idée de mépris liée à la condition sociale du paysan explique l'évolution sémantique du mot,
facilitée par le rapprochement avec vil, qui signifie méprisable, ou sans valeur.
Vilain signifie "poltron", et "avare", comme adjectif dès le 12ème siècle et comme nom au
15ème,(c'est une extension de vilain, dans le sens "non noble"). "Voilà mon ladre, mon vilain
dans de furieuses angoisses" de Molière dans les Fourberies de Scapin, où le nom vilain est
employé dans le sens d'avare en 1671.
Vilain qualifie aussi la laideur morale d'une personne, puis d'une action et d'une parole vers
1200.
Vers 1371, il qualifie ce qui est désagable, déplaisant, et le nom désigne des objets de qualité
médiocre. (suite du sens défavorable donné à vilain, "non noble")
Au 16ème siècle, le mot vieillit dans ses emplois moraux liés à une allusion sociale de roture et
de paysannerie et commence à s'appliquer à une personne grossière ou malpropre, qui déplait
à la vue et se maintient à l'époque classique. (c'est le passage du sens moral au sens physique).
Ensuite, c'est de l'idée d'aspect désagréable et d'incommodité que procèdent la plupart des
emplois de l'adjectif au 17eme siècle : le sens de dangereux s'est maintenu, celui d'ingrat est
sorti d'usage, alors que vilain s'emploie encore pour incommode (1667), en parlant du temps ou
d'un chemin, d'où les locutions "il fait vilain"= "mauvais temps".
La péjoration explique les emplois anciens (1680) de vilain pour "prostituée" et de vilain mal
pour "syphilis". Le proverbe, jeux de mains, jeux de vilains, (1690), fait allusion au sens de
rustre, puis reçoit une signification morale.
De manière générale, l'emploi du substantif ou de l'adjectif vilain est péjoratif et familier.
3) Sens en français moderne
L'emploi moral dépréciatif a disparu mais il a pris du 18e au 20e, des connotations nouvelles liées
à l'oubli des valeurs originelles du mot, sociales et morales, et au vieillissement de l'adjectif vil,
senti comme son origine.
L'usage du mot paysan qui s'impose, fait perdre tout lien au mot vilain avec le monde rural.
Vilain qui se conduit mal et répréhensible, s'est spécialisé dans le langage de la morale destinée
aux enfants ou dans le domaine esthétique. Cet emploi concerne à la fois l'adjectif, qualifiant
personnes, actions et paroles, souvent impersonnel (que c'est vilain!), et le nom souvent employé
en appellatif (le vilain!)
Indépendemment de ces emplois, vilain ne concerne plus que des allusions sexuellles par
plaisanterie ou naiveté réelle ou simulée au 20ème siècle. Il s'emploie aussi comme intensif dans
le désagrémment (un vilain rhume), et comme substantif collectif où seul l'idée de danger est
exprimée : il va y avoir du vilain..
4) Paradigme morphologique.
vilenie (substantif féminin) : - action ou parole vile, injure, bassesse (jusqu'au 16e)
- paysannerie (11e-16e)
- blessure (Moyen français)
vilenage (substantif masculin) : - tenure de paysan (jusqu'au 18e)
vilenaille (substantif féminin) : - ensemble de vilains, canaille (jusqu'au 17e)
vilenastre (adjectif) : - infâme, ignoble ( jusqu'au 16e)
vilener ou vilaner (verbe) : - traiter avec mépris, outrager, maltraiter
- se comporter d'une façon vile, comme un vilain
avilenir (verbe) : - avilir, outrager, dégrader, humilier
vilainement (adverbe) : - D'une vilaine manière.
5) Paradigme sémantique.
Vilain a pour synonyme paisan, par opposition sur le plan social au serf qui est de basse
condition mais qui n'est pas libre, il a également pour synonyme roturier (non noble) et pour
antonyme franc, noble, courtois. Vilain s'oppose sur le plan géographique, au chevalier, ou au
seignor, (qui sont cortois car ils font partie d'une cort), au borgeois (qui habite un borg) et au
citain (qui est né dans la cité). Il a pour synonyme vil, laid, mal/malvais, mauves, put, méprisable,
grossier, rustre sur le plan moral et péjoratif, et s'oppose à cortois dans ses acceptions morales et
mélioratives.
6) Sens en contexte médiéval
Vilain en tant que substantif signifiant paysan :
«Di va, vilain, par la loi dont tu vives, Fus tu a Nymes, la fort cité garnie? (Charroi de Nimes, une
chanson de geste)
Il n'orent mie quatre lieus alé qu'an mi la voie ont un vilain trové. (Charroi de Nimes)
Li chevalier et li borgeois et li vilain et li corteis. (roman de Thèbes)
Vilain en tant que substantif signifiant être humain de basse condition :
Ne faire mie de ton serf ton segnor. Lai le vilain a faire son labor, car li vilains n'a que faire
d'honor. (Chanson d'Aspremont)
Vilaine en tant que substantif signifiant prostituée :
Et la dame le sert, qanqu'ele puet s'an paine, Son cors li abandone sanz refuse vilaine, Com cele
qi cuide estre de s'amor chastelaine.( Chanson des Saxons, Jean Bodel)
Vilain en tant qu'adjectif signifiant de comportement grossier, ou vil :
je respons que nus n'est gentis, s'il n'est a vertuz antantis, ne n'est vilains fors por ses vices, don il
pert outrageus et nices. (Roman de la Rose, Jean de Meun)
Meleagès, mout iés vilains, n'iès pas de hardement certains, malement vueus tu fei mentir et ton
seignor a tort trair. (roman de Thèbes)
"sire", fet il, "ge sui messages a la plus sage et mains vilaine". (Roman de la Rose ou de
Guillaume de Dole, Jean Renart)
Vilain en tant qu'adjectif signifiant laid moralement :
C'est gracieuse desirance. Pour ce, faulx, vilain, orgueillieux, Changiez voz vouloirs oultragieux,
Ou je vous feray guerre telle. (Charles d'Orléans, Ballades)
Mes li prince sont si destroit, Et dur et vilein et felon! (Guiot,Bible )
Paroles malicieuses si villeneuses. (Franch d'Arguel) ( insultantes)
Bibliographie :
Petit dictionnaire de l'ancien français Hilaire Van Daele
Lexique de l'ancien français Godefroy
Dictionnaire de la langue française Emile Littré
Vocabulaire d'ancien français Olivier Bertrand
Dictionnaire historique de la langue française Rey
Dictionnaire des synonymes Henri Bertaud du Chazaud
Dictionnaire de l'ancien français Greimas
Grand dictionnaire de la langue française Jean Girodet
Ancien français, fiche de vocabulaire Nelly Andrieux Reix
Dictionnaire de l'ancienne langue française Godefroy
internet, corpus de la littérature médiévale
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