Enquête sur la prévention et la prise en charge des adolescents et

Enquête sur la prévention et la prise
en charge des adolescents et jeunes
adultes souffrant de troubles
psychiatriques
Rapport présenté par :
Danièle JOURDAIN-MENNINGER et Hélène STROHL-MAFFESOLI
Membres de l’Inspection générale des affaires sociales
Rapport n
°°
2004 027
Février 2004
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Résumé du rapport n° 2004027, présenté par Danièle JOURDAIN-MENNINGER et Hélène STROHL-
MAFFESOLI, membres de l’Inspection générale des affaires sociales
IGAS Enquête sur la prévention et la prise en charge février 2004
des adolescents et jeunes adultes souffrant de troubles psychiatriques
1 Une enquête centrée sur la prévention secondaire et tertiaire des
troubles psychiatriques des adolescents et jeunes adultes
L’inspection générale des affaires sociales avait inscrit à son programme de travail 2003
une enquête sur « La psychiatrie des adolescents ». Cette mission a été effectuée de juin
2003 à février 2004 par Danièle Jourdain-Menninger et Hélène Strohl-Maffesoli,
membres de l’IGAS.
Dès le début de la mission, son champ a été circonscrit. D’une part, il s’agissait de
traiter des troubles psychiatriques et non de la souffrance psychique des adolescents,
c’est-à-dire de ce qui est de l’ordre de la psychopathologie et non pas des conséquences
psychiques de l’âge, de la précarité…D’autre part, la mission a choisi de répondre à la
question suivante : « Comment peut-on traiter le plus tôt possible les jeunes souffrant de
troubles psychiatriques, de manière notamment à améliorer leur état, mais aussi à éviter
que ces troubles génèrent une rupture scolaire et sociale trop importante ».
La mission n’a donc traité que des troubles psychiatriques se déclarant à l’adolescence
et pas des psychoses infantiles, dont l’autisme. Elle n’a pas, sauf très marginalement,
pour les psychopathies, analysé la prévention primaire, sujet qui nécessiterait une
mission complète, notamment en lien avec une analyse du fonctionnement des services
de protection de l’enfance, d’aide à la parentalité, d’aide aux élèves en difficultés etc.
Elle n’a pas non plus traité de la prise en charge une fois la pathologie stabilisée, des
maladies psychiatriques chroniques. Là encore, ce sujet mériterait une investigation plus
poussée, s’agissant des différents types de malades à prendre en charge, y compris les
malades dangereux, dont le suivi au long cours représente un problème aigu et urgent,
mal pris en compte, juridiquement, administrativement et thérapeutiquement.
Pour répondre à la question posée de la prévention secondaire et tertiaire de ces troubles
mentaux, la mission a développé l’approche suivante :
- comprendre de quels troubles il s’agit, quels jeunes sont touchés, quelles
stratégies psychiatriques sont les plus indiquées ;
- comprendre « la crise de la psychiatrie », en mesurer la réalité et les impacts ;
- définir à partir de là un cadre d’intervention, c’est à dire les objectifs d’une
prévention et d’une prise en charge précoces ;
- mettre en exergue le fonctionnement réel de la psychiatrie, dans ses défauts et
ses avancées, en fonction des critères définis plus haut ;
- définir la place de la psychiatrie dans le traitement des troubles psychiatriques
des adolescents et jeunes adultes, place propre, place « en liaison » avec d’autres
champs d’intervention auprès des jeunes ;
- mettre en exergue un certain nombre de réalisations de la psychiatrie.
- dégager les modes de mise en œuvre les plus opérants en termes d’organisation
des soins et de collaboration entre les acteurs de la psychiatrie et ceux des
champs de la formation, de l’action sociale et du secteur médico-social.
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des adolescents et jeunes adultes souffrant de troubles psychiatriques
Ainsi vue, cette enquête n’a pas pour but de dresser un tableau exhaustif, ni même
représentatif, du fonctionnement des services de psychiatrie pour adolescents en
France ; mais elle ne vise pas non plus à dresser le tableau du monde tel qu’il devrait
être, ni à édicter une liste de pratiques aussi idéales que répétitivement irréalisées.
Un certain nombre de fonctions doivent être remplies, du point de vue de la prise en
charge psychiatrique des adolescents et jeunes adultes. Des dysfonctionnements,
notamment dans l’organisation de la collaboration institutionnelle, empêchent qu’elles
le soient de manière satisfaisante. Mais toute la psychiatrie n’est pas défaillante ou
découragée, au contraire la mission a rencontré de nombreuses équipes, effectuant un
travail de grande qualité, elle a enregistré nombre d’idées, de projets, montrant qu’il
existe, sur le terrain, un vrai souci de l’usager.
2 Des investigations très diversifiées
Pour atteindre les objectifs qu’elle s’était fixée, la mission a mené quatre types
d’investigations :
- l’interrogation de personnes ressources pour cadrer le sujet, définir les attentes
d’une telle enquête, tracer les lignes de l’investigation.
Pour ce faire, la mission a rencontré les directeurs ou leurs services des
directions générale de la santé, de l’action sociale, de l’hospitalisation et de
l’offre de soins ; des psychiatres, chefs de service, des associations et
représentant les usagers. (UNAFAM en particulier) ou gestionnaires
d’établissements et services ;
- la lecture d’un certain nombre d’ouvrages et d’articles conseillés pour bien
cerner les troubles mentaux et les modes d’intervention appropriés ; une
bibliographie des ouvrages et articles utilisés figure en annexe du présent
rapport ;
- le déplacement dans trois départements, dans lesquels différents acteurs de la
psychiatrie, publique et privée, des secteurs médico-social, social et judiciaire
ainsi que de l’Education nationale furent réunis par les services déconcentrés
(DDASS ou DRASS) autour des thèmes de la détection, de l’évaluation et de la
prise en charge des adolescents et jeunes adultes souffrant de troubles
psychiatriques ;
- la visite d’un certain nombre de réalisations de la psychiatrie, tant du point de
vue de la prévention que de la prise en charge, notamment pour tout ce qui était
articulation entre le soin et la formation.
- Deux déplacements en milieu carcéral (Centre de jeunes détenus de Fleury
Mérogis et SMPR de Fresnes)
La mission a disposé de l’aide de deux relecteurs de l’IGAS et de l’appui du Comité des
pairs santé.
Pour l’Education nationale, Catherine Bizot, inspectrice générale de l’éducation
nationale a apporté son appui technique.
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3 Les troubles psychiatriques des adolescents et jeunes adultes :
importance et spécificité.
La mission a souhaité établir dès le début de sa mission les contours de celle-ci : les
troubles psychiatriques font partie de ce que les psychiatres nomment les troubles
psychiatriques avérés et non pas de ce qu’on nomme un peu partout et dans tous les
contextes, souffrance psychique. Certes les formes que prennent les maladies mentales
modernes, voire même les nouvelles pathologies qui apparaissent ne sont pas
indépendantes du contexte socio-anthropologique dans lequel vivent les jeunes. Il faut
prendre garde néanmoins de ne pas confondre l’évolution sociologique d’un certain
nombre de comportements des jeunes, vers plus d’implication dans le présent, moins
d’importance accordée à la verbalisation par rapport à l’image, une moindre habitude de
la frustration et de l’attente, voire un comportement parfois excité ou agressif
verbalement (incivilités) et les troubles psychiatriques avérés.
Si le taux de prévalence des troubles psychiatriques, définis ainsi de manière restrictive,
n’en demeure pas moins important, l’INSERM estimant qu’un enfant ou adolescent sur
huit souffre ou souffrira d’une pathologie psychiatrique, le taux d’incidence, c’est à dire
le nombre de nouveaux cas chaque année, reste relativement faible, rapporté au nombre
total de jeunes que côtoie chaque intervenant de première ligne, médecin généraliste,
enseignant, travailleur social.
Les grandes catégories de troubles psychiatriques dont souffrent les jeunes sont les
troubles anxieux, les troubles du comportement alimentaire (1% des jeunes filles de 17
à 19 ans pour la boulimie, 0,2% des jeunes filles de 13 à 19 ans pour l’anorexie), les
troubles de l’humeur, dont certains, non dépistés, conduisent à des tentatives de suicides
(40% des adolescents déprimés feraient des tentatives de suicide d’après les études
américaines, un quart des personnes souffrant de troubles bipolaires non détectés
mourraient d’un suicide) ; la schizophrénie enfin, dont le pic d’incidence pour les
hommes se situe entre 16 et 19 ans, chez les femmes, quoique moins fréquente, entre 30
et 39 ans. Le taux d’incidence global de cette maladie est d’environ 0,13 pour mille,
dans une acception large de la pathologie.
La mission a enfin estimé, à la suite de nombreux intervenants, qu’il fallait rajouter à
ces catégories de la nosographie psychiatrique classique, celle des jeunes qu’on nomme
psychopathes, pour plusieurs raisons. En effet, leurs troubles de la conduite ne sont
contenus par aucune autre stratégie, que ce soit une thérapeutique psychiatrique, ou un
enfermement en prison, qui quand il est sans soin, ne fait qu’aggraver le tableau. De
plus, de nombreux psychiatres repèrent les tableaux de traumatismes psychiques très
précoces, à l’origine de ces pathologies. Enfin elles restent accessibles à des traitements
psychiatriques, notamment médicamenteux (antipsychotiques de dernière génération)
accompagnés de traitements psychothérapeutiques et de rééducations scolaires et
éducatives. Il faut noter que dans ces troubles de la conduite entrent d’une part les
violences contre soi ou autrui, les agressions sexuelles, mais aussi les délits très
répétitifs contre les biens, commis par des jeunes qui, comme le disait Ph. Jeammet à la
mission, souffrent d'une pathologie des limites.
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des adolescents et jeunes adultes souffrant de troubles psychiatriques
Quelle est la spécificité des troubles psychiatriques chez les jeunes ?
Il faut noter tout d’abord la gravité de ces troubles : pour les jeunes, pour leurs familles,
pour les institutions qui ne savent pas comment réagir face à ces troubles.
Qu’ils s’agissent de symptômes de souffrance individuelle, (perte de sommeil,
angoisses, troubles de l’alimentation, retrait social et dysfonctionnements scolaires de
divers ordres, notamment absentéisme scolaire) ou de symptômes positifs, de troubles
de la conduite, tels qu’une production délirante, des agressions, des tentatives de
suicide, des violences, ils sont graves, soudain, très intenses.
La souffrance causée par ces troubles n’est jamais de l’ordre de la crise adolescente
simple, elle se traduit par un abandon scolaire, une mise en danger, une perturbation
totale de la vie familiale ou institutionnelle.
En revanche, la gravité des troubles dont souffrent les jeunes n’est jamais prédictive de
leur chronicité. Au contraire, nombre de troubles psychiatriques majeurs, y compris des
symptômes de délire, de violence, de mise en danger extrême, sont susceptibles d’une
nette amélioration, voire dans un nombre important de cas, d’un retour complet à la
normale.
La précocité de la prise en charge est de bon augure.
La réponse doit être rapide, simple et crédible.
Elle doit surtout s’inscrire dans la continuité, car contrairement à une opinion répandue,
si les jeunes ont facilement accès, pour une première fois à un service de psychiatrie,
s’ils hésitent beaucoup moins qu’autrefois à consulter, fréquentant même les urgences à
plusieurs, ils ont du mal à s’inscrire dans une continuité de soins, que d’ailleurs le
secteur n’est pas toujours organisé pour leur offrir.
Deux phénomènes caractérisent les jeunes souffrant de troubles psychiatriques : pour un
certain nombre d’entre eux, notamment les jeunes souffrant de schizophrénie naissante
ou de troubles de la conduite alimentaire, c’est le déni de la maladie et le refus du soin ;
pour d’autres, c’est plutôt une fréquentation erratique des institutions psychiatriques,
errance renforcée par la difficulté des institutions sociales, judiciaires et médico-sociales
à accompagner le jeune vers le soin et par la tendance d’un certain nombre de secteurs
de psychiatrie à pratiquer un tri, sinon clinique du moins social de leur clientèle de
ressort, en pratiquant une conception trop stricte de la domiciliation de secteur.
C’est cette difficulté dans la continuité des soins qui est souvent considérée comme une
défaillance majeure, voire une crise de la psychiatrie.
Les familles, les usagers, mais aussi les autres institutions reprochent à la psychiatrie
son impuissance, parce qu’elle ne guérirait pas tout, tout de suite et demanderait aux
adultes entourant un jeune malade, de lui offrir un environnement sécurisé, apte à
entourer sa guérison.
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