ETUDE SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE/SR/CRF/Niger

publicité
AFRIKCONSULTING
Sonder, Mesurer, Évaluer
Duradeve Consulting
Déterminants socioculturels de l’accès et l’utilisation des services
de santé maternelle et néonatale dans la région de Zinder
(NIGER)
Étude socio–anthropologique Sahel
Programme AFD-Sahel
Rapport pays NIGER
Bouma Fernand Bationo, socio-anthropologue de la santé, chercheur et consultant
Février 2013
Photo couverture :Africa - Freedigitalphotos.ne
SOMMAIRE
Remerciements ........................................................................................................................................ 3
Sigles et abréviations ............................................................................................................................... 4
1.
Caractéristiques sociodémographiques et culturelles des communautés étudiées ........................ 5
2.
Situation de la santé maternelle et néo-natale au Niger ................................................................ 6
3.
Situation sanitaire du pays (secteur public)................................................................................... 6
4.
État de la question des déterminants de la santé maternelle et néonatale (revue des études socioanthropologiques disponibles) ................................................................................................................. 6
5.
5.1.
5.2.
Objectifs de la recherche ............................................................................................................... 7
Objectif principal .......................................................................................................................... 7
Objectifs spécifique....................................................................................................................... 7
6.
6.1.
6.2.
6.3.
7.
Méthodologie de la recherche ....................................................................................................... 7
Processus de collecte des données ................................................................................................ 7
Organisation et déroulement de l’enquête ..................................................................................... 8
Présentation du district sanitaire de Tanout .................................................................................. 9
Recours aux soins en santé maternelle et néo-natale disponibles pour les communautés .......... 10
8.
8.1.
8.2.
8.3.
8.4.
8.5.
8.6.
8.7.
8.8.
8.9.
8.10.
8.11.
9.
Construits socioculturels autour de la planification familiale (PF) ............................................. 11
Besoins exprimés en matière de planification familiale.............................................................. 11
État de l’offre disponible en matière de méthodes contraceptives (MC) dans les sites étudiés .. 12
Produits contraceptifs disponibles dans les sites visités .............................................................. 13
Contraintes socioculturelles dans l’accès et l’utilisation de la PF dans les structures de santé .. 13
La décision de recourir à la PF : Qui décide ? ............................................................................ 14
Accessibilité financière ............................................................................................................... 14
Accessibilité sociale liée à l’offre de soins ................................................................................. 15
Longue attente versus insuffisance de personnel de santé qualifié ............................................. 16
Effets secondaires et utilisation des MCM (méthode contraceptive moderne) ........................... 16
Insuffisance d’informations à l’endroit aux usagers ................................................................... 16
Accessibilité géographique en rapport avec l’offre de soins ....................................................... 17
Construits socioculturels autour de la grossesse, l’accouchement et la période postnatale ........ 18
9.1. Perceptions des signes de danger au moment de la grossesse ou de l’accouchement ................. 18
9.2. Conceptions relatives à la nouvelle naissance............................................................................. 20
10. Attitudes et pratiques communautaires de gestion de la grossesse, l’accouchement et la période
postnatale ............................................................................................................................................... 22
10.1. Déterminants sociaux de l’accès et de l’utilisation des services de santé maternelle et néonatale
22
10.2. Relations d’accueil et qualité de l’offre de soins maternels ........................................................ 23
10.3. Gestion des références obstétricales............................................................................................ 24
10.4. Avortements : un phénomène social en construction .................................................................. 24
10.5. Infections sexuellement transmissibles et VIH/sida : la promotion des préservatifs .................. 25
11. Accompagnement au Changement de Comportement, de l’Information, de l’Éducation et de la
Communication : ................................................................................................................................... 25
Recommandations ................................................................................................................................. 26
Références bibliographiques ................................................................................................................. 29
2
Remerciements
Nous voudrions remercier la Croix Rouge française qui a initié et sa délégation du Niger qui ont
appuyé techniquement et financièrement la réalisation de la présente étude.
Nous remercions particulièrement les responsables des structures de santé, Dr Ferdows ARDEI, les
responsables du programme SR, le chef de sous délégation de la Croix Rouge française à Zinder, les
logisticiens pour leur accueil et qui ont bien voulu accompagner la réalisation de cette étude.
Ces remerciements s’adressent également à tous les enquêtés, notamment les acteurs communautaires,
les personnels de santé, les Représentants des différents niveaux de la pyramide sanitaire et les
représentants des collectivités locales qui ont accepté de participer à cette étude.
Enfin, nos sincères remerciements à M. Adam Issaka et Mme Rabiou/Sakina pour leur disponibilité et
leur participation active à la collecte des données sur le terrain.
3
Sigles et abréviations
ASBC :
ASC :
CS:
CPN :
CRF :
CSI :
DS :
ENSM :
GBB :
HD :
IST :
KKR :
NV :
PF :
PMA :
PTME :
SBK :
SR :
Agent de Santé à Base Communautaire
Agent de Santé Communautaire
Case de Santé
Consultations Prénatales
Croix Rouge française
Centre de Santé Intégré
District Sanitaire
Enquête Nationale Survie Mortalité
Gourbobo
Hôpital de District
Infections Sexuellement Transmissibles
Kokaram
Naissantes Vivantes
Planification Familiale
Paquet Minimum d’Activités
Programme de Transmission du VIH de la Mère à l’Enfant
Sabon Kafi
Santé de la Reproduction
4
1. Caractéristiques sociodémographiques et culturelles des communautés
étudiées
Les localités étudiées sont composées de Haoussas, de Peulhs, de Touaregs et de Kanouri. Il s’agit
notamment de :
 Sabon Kafi qui est occupée en majorité par des Haoussa est un important carrefour commercial et flux
migratoire vers le Nigéria (surtout les jeunes filles), l’Algérie et la Libye.
 Kokaram, occupée en majorité par des Kanouri enregistre un important flux migratoire des jeunes
garçons vers la Libye.
 Gourbobo est composée de Touaregs, Peulhs Bororo, et Haoussa qui connaissent une mobilité sociale
agro pastorale et exode rural des jeunes importants.





Selon le contexte social au Niger les différents groupes socioculturels et linguistiques sont les suivants
(projet Niger, juin 2011):
les Haoussas (49,5 % de la population), établis entre le Dallol Maouri et Zinder, qui vivent dans le
Centre et l'Est du pays avec une aire culturelle largement étendue jusqu’au au Nigéria ;
les Djermas et Songhaïs (23,5 % de la population) qui occupent l'ouest du pays ;
les Touaregs (10 %), Toubous (0,5 %) et Arabes (0,3 %) au nord et nord-est ;
les Kanouris (4,6 %) et les Boudoumas dans l'extrême Est ;
les Peulhs (11 %) disséminés sur tout le territoire malgré une forte concentration dans la région de
Tillabéry.
Hormis les caractéristiques sociales et culturelles des localités étudiées, d’autres phénomènes sociaux
sont observés :
Selon les personnels de santé et des membres de la communauté interrogés, le phénomène des filles
mères appelées « filles sans maris » se développe de plus en plus dans les localités. L’infirmier de
Kokaram (Kanouri) estime que le taux de filles-mères peut être estimé entre 20 et 30 %. Il souligne
aussi la fréquence élevée de divorces avec des jeunes mères démunies qui ont souvent la garde des
enfants (2 en moyenne).
Ce contexte se traduit par des baptêmes fréquents de nouveaux nés que les familles des filles-mères
doivent assumer au nom des principes religieux. Cela entraînerait des dépenses supplémentaires au
sein des ménages (chef religieux). « Il arrive que des jeunes garçons mariés abandonnent leurs
femmes pendant un ou deux ans voire plus. Il y a des cas où la femme tombe enceinte en l’absence du
mari et les parents du celui-ci acceptent. Ils font même le baptême de l’enfant. La femme n’est pas
répudiée puisque le mari est responsable, selon eux » (infirmier).
Les mariages « forcés » ou « arrangés » sont assez courants et concernent en majorité les jeunes,
surtout les jeunes filles. « J’ai refusé deux fois des filles proposées par mon père ; je lui ai dit que je le
respecte, mais de laisser quand le moment va venir je vais lui présenter une fille qui est bien. Il n’a
rien dit » (jeune garçon scolarisé, 22 ans).
En termes d’événements culturels, il est ressorti que les Peulh Bororo organisent chaque année une
fête où la liberté sexuelle (partenaire sexuel non connu) est tolérée. Selon les personnels de santé
« cela favorise entre autres une propagation importante des infections sexuellement transmissibles ».
Selon les acteurs communautaires et les personnels de santé, cette configuration sociale et culturelle
nécessite des interventions en santé sexuelle et reproductive.
5
2. Situation de la santé maternelle et néo-natale au Niger





Taux de mortalité néo-natale 34,3 ‰ (ENSM 2010)
Taux de mortalité Post Néonatal 29 ‰
Taux de mortalité infantile 63,2 ‰
Taux de mortalité infanto juvénile 130,5 ‰
Ratio de mortalité maternelle 554 pour 100000 NV
Selon les données du Recensement Général de la population de 2001, la population totale du Niger
serait estimée à 15.230.822 habitants (INS) en 2010. L’indice synthétique de fécondité serait très
élevé, avec un nombre moyen d’enfants supérieur à 7,1 par femme. Les moins de 15 ans représentent
46,9% de la population totale (3ème RGP 2001) et l’âge moyen au premier mariage pour la fille est de
15,1 ans et 22 ans pour les garçons. La fréquence élevée des mariages « forcés et précoces »
contribuerait à expliquer cette fécondité très élevée observée dans les zones étudiées (jeunesse des
filles mariées et nombre élevé de naissances).
3. Situation sanitaire du pays (secteur public)
Le système de santé au Niger est de type pyramidal, avec trois niveaux :
 Le niveau central
 Le niveau régional
 Le niveau périphérique ou opérationnel (42 Directions Départementales de la Santé Publique (DDSP)
ou Districts Sanitaires (DS)
Concernant l’accès aux structures de santé :
 860 Centres de Santé Intégrés (CSI) fonctionnels (Paquet Minimum d’Activité - PMA)
 2440 Cases de Santé (CS) fonctionnelles pour la prise en charge des soins de santé de bases.
 Politique nationale: PF, Grossesses/suivi et prise en charge des accouchements, soins obstétricaux et
néonataux d’urgence (gratuité du kit d’urgence non compris les frais de transport de la patiente)
 Gratuité des soins aux enfants de 0-5 ans.
Cette situation synthétique est issue de données secondaires de la collecte. Ces informations sont
intéressantes par rapport à la perception de l’offre. Il existe alors une adéquation entre l’offre proposée
et la perception de l’offre par les acteurs interrogés.
4. État de la question des déterminants de la santé maternelle et néonatale
(revue des études socio-anthropologiques disponibles)
Dans la construction sociale des maladies (Jaffré y, et Olivier de Sardan J.P, 1999), des auteurs ont
décrit et analysé entre autres, des nosologies populaires de maladies dans certaines aires culturelles au
Niger. Les analyses portent sur les logiques thérapeutiques et les nominations des maladies culturelles
qui dépendent des représentations sociales relatives aux enfants.
Dans les logiques populaires liées à la procréation, Hadiza Moussa (2012) évoque le problème de la
gestion de la fécondité féminine à travers plusieurs aspects (planification familiale, l’absence et le
refus d’enfant, etc.). L’auteur a analysé la reproduction humaine sous sa double dimension biologique
et sociale à travers des pratiques thérapeutiques modernes et traditionnelles en milieu urbain et
contemporain au Niger. L’auteur montre que les usagers ont recours aussi bien à des méthodes
contraceptives traditionnelles que modernes dans les logiques de procréation. Ou encore la gestion de
l’infertilité dans le contexte sénégalais analysée par Sylvain Faye (2011) et comme le note un jeune
garçon de 25 ans, marié depuis plus de deux ans sans enfant, « je suis marié depuis plus de deux ans et
jusqu’à présent la femme n’a pas pris de grossesse. Je suis allé chez les marabouts, les
tradipraticiens ; l’Imam a fait des prières et nous sommes allés au dispensaire aussi. Pour le moment,
rien ; c’est l’affaire de Dieu ; le jour viendra… ».
6
L’analyse des conditions d’accès à la planification familiale et aux accouchements dans les structures
de santé a été faite par Ouattara F, Bationo, F et Gruénais M-E (2009). L’étude montre que les jeunes
filles célibataires, les femmes enceintes non mariées, les divorcées constituent des groupes spécifiques
qui sont parfois victimes de stigmatisation dans l’accès à la planification familiale,
5. Objectifs de la recherche
5.1. Objectif principal
Identification et analyse des déterminants socioculturels qui influencent les comportements liés à la
santé de la mère et de son nouveau-né, afin d’orienter au mieux les activités et de prendre en compte
les événements socioculturels décisifs pour la prise en charge globale de la population cible.
5.2. Objectifs spécifique




d’identifier les déterminants socioculturels d’accès aux services de santé maternelle et néonatale;
d’identifier les barrières financières à l’accès aux soins par les mères et les enfants ;
d’analyser les contraintes d’accès aux services de santé par les populations ;
d’analyser les dispositifs techniques et organisationnels des services de santé maternels et
néonatals ;
 De définir les actions concrètes à mener et de donner des recommandations pour la
communication pour le changement de comportements.
6. Méthodologie de la recherche
C’est une étude basée sur une approche qualitative. Des guides d’entretiens individuels et en groupes
ont été élaborés pour la collecte des données auprès de différents acteurs (cf. tableau récapitulatif des
acteurs interrogés et les guides d’entretiens en annexes). Quelques observations ont été menées dans
certains lieux tels que des boutiques villageoises ou des dépôts pharmaceutiques populaires.
6.1. Processus de collecte des données
La collecte des données s’est déroulée du 28 novembre au 10 décembre 2012 dans le district sanitaire
de Tanout, situé à environ 150 km de Zinder. Le 26 novembre 2012, nous avons échangé avec a
coordinatrice médico-nutritionnelle de la Croix-Rouge française au sujet des localités et des aires
culturelles à étudier. La détermination des sites (aires de centres de santé intégré : CSI) a été faite par
le chef de projet CRF Santé Maternelle et Néo Natale et son homologue de la CRNinstallés à Zinder.
Ils ont retenu les localités de Gourbobo, de Kokaram et de Sabon Kafi pour mener les investigations.
Ce choix a tenu compte des caractéristiques socioculturelles des populations. Des entretiens
individuels ont été réalisés à Tanout avec des personnels de santé (cf. tableau ci-dessous).
 Gourbobo (CSI type I, situé à 60 km de Tanout) : pas de sage-femme et case de santé (Kékéni) ;
 Kokaram (CSI type I, situé à 35 km de Tanout) : pas de sage-femme et une case de santé (Kandilwa) ;
 Sabon kafi (CSI type II, situé à 30 km de Tanout) : deux sages-femmes et une case de santé (Maja).
7
Tableau 1 : Localités et organisation de la collecte des données
CSI Sabon kafi
Maja (case de
santé)
CSI Guirbobo
Kekeni (case
santé)
CSI Kokaram
Kandilwa (Case
de santé)
1 focus
1 focus
1 focus
Entretien de groupe
1 focus
1 focus
1 focus
Entretien de groupe
1 focus
1 focus
1 focus
5 entretiens individuels
2 entretiens
individuels
(jeunes filles)
2 entretiens
individuels
(jeunes
fille/garçon)
PF, grossesses et
accouchements,
Santé nouveaux nés
Grossesses et santé nouveaux
nés
PF et soins aux nouveaux nés
PF et soins aux nouveaux nés,
grossesses et accouchements
PF et soins aux nouveaux nés,
grossesses et accouchements
PF, grossesses et accouchements
PF et soins aux nouveaux nés,
grossesses et accouchements
PF, grossesses et accouchements
PF, grossesses et accouchements
PF, grossesses et accouchements
PF, grossesses et accouchements
PF, grossesses et
accouchements, IST et PTME,
avortements
PF, grossesses et
accouchements, IST et PTME,
avortements
Communication sociale
Activités sur la santé de la mère
et de l’enfant
PF/méthodes contraceptives
PF, PTME avortements
3 entretiens individuels
2
2
1 entretien en
groupe (4 jeunes
garçons)
1 entretien
individuel (jeune
fille mère)
2
3 entretiens individuels
1
1
1
3 entretiens individuels
2 entretiens individuels
1
1
1
0
1
1
3 entretiens individuels
(3 localités)
3 entretiens individuels
2 entretiens individuels
1
1
1
1
1
1
1
1
0
3 entretiens individuels
1 entretien individuel
1 Focus (2 localités)
2 Entretiens en groupe
2 entretiens individuels
1
1
Néant
1 (2 participants)
Tanout
1
0
Néant
1
Tanout
1
1
Néant
1 (2 participants)
Tanout
2 entretiens individuels
3 localités
3 IDE
2 sages femmes
1
1
Tanout
Tanout
Tanout
Tanout
Tanout
Tanout
Tanout
Tanout
3 entretiens localités
1 entretien
1
0
1
0
1
0
Formation
Méthodes contraceptives
Objectifs de la mission,
détermination des sites et
restitution
Objectifs de la mission,
détermination des sites et
restitution
1 entretien individuel
1 entretien individuel
Entretiens à deux
Zinder
Sabon Kafi
Cibles
Thèmes
Techniques
6 femmes accouchées récentes et 6
femmes enceintes (6 mois au plus)
PF, grossesses et
accouchements,
Santé nouveaux nés
PF, grossesses et
accouchements,
Santé nouveaux nés
PF, grossesses et
accouchements,
Santé nouveaux nés
PF et avortements
Entretien de groupe
Belles-mères/grands-mères
Conjoints/maris
Jeunes filles et garçons (20-30 ans)
Accoucheuses traditionnelles/matrones
Tradipraticiens (homme/femme)
Marabouts
Leader coutumier
Leader religieux
ASC
ASB
Relais/communautaires/ASBC
Volontaires CRN
Ecole des maris
COGES
MCD et sage femme
ICP, sage femme
Assistant en communication (Tanout)
Mairie de Tanout
Gérants de dépôts
Représentant district SR (UNFPA)
(Tanout) : absent
ENSP/Zinder (Directeur des études)
Vendeur d’un dépôt privé populaire
Responsables du programme SR
(CRF/CRN
Sous chef délégation CRF
Entretien individuel
Zinder
Sabon Kafi
Zinder
Zinder
Sabon Kafi
Zinder
6.2. Organisation et déroulement de l’enquête
Les entretiens individuels et en groupes avec les acteurs communautaires se sont déroulés sous des
hangars ou sous des arbres non loin des CSI. Les entretiens avec les personnels de santé et les
représentants des collectivités locales ont été réalisés dans leurs bureaux. Au total 50 entretiens
individuels ont été réalisés.
L’organisation des focus group (par exemple à Gourbobo) a coïncidé avec le jour de marché de la
localité. Cela fut un atout dans la constitution des groupes de femmes (enceintes et allaitantes) et
8
d’hommes venus de localités lointaines (plus de 15 km) permettant de recueillir une diversité
d’opinions sur l’accessibilité aux structures de santé. Au total 9 focus group ont été effectués.
Les observations ont concerné des boutiques villageoises, un dépôt privé populaire de vente de
médicaments et de produits contraceptifs, les dépôts pharmaceutiques des CSI et des locaux des CSI
(salles de soins, salles d’accouchements, suites de couches, espace d’attente/d’accueil).
Les données ont été dépouillées manuellement, classées par thématiques et nous avons procédé par
une analyse de contenu.
Nous tenons à mentionner que certaines personnes ressources n’ont pas été interrogées pour des
raisons d’indisponibilité il s’agit des personnes suivantes: le responsable programme SR (Direction
régionale de Zinder), le responsable en communication au sein de HD/Tanout (Assistant rencontré), le
responsable SR/hôpital de district/Tanout, la sage-femme major du CSI urbain de Tanout. Ces acteurs
auraient pu par leurs expériences diverses contribuer à enrichir nos données. Cependant, nous
estimons que l’ensemble des acteurs interrogés (diversité des catégories sociales) ont fourni des
informations de qualité pour contribuer à l’atteinte de l’objectif visé par l’analyse et la compréhension
des déterminants visant l’amélioration de la SMNN
Pour des raisons d’éthique, nous avons choisi de ne pas mentionner les noms des enquêtés dans les
extraits d’entretiens reproduits dans le texte.
6.3. Présentation du district sanitaire de Tanout
Le District Sanitaire de Tanout est situé dans la partie Nord de la région de Zinder. Il regroupe les CSI
du département de Tanout et ceux du département de Belbédji. Il est limité au Nord par le DS de
Tchirozerine, au Sud par celui de Mirriah, à l’Est par le DS de Gouré et à l’Ouest par celui de Mayahi,
Tessawa et Dakoro. Il couvre 31 CSI repartis en CSI de type I et CSI de type II avec une superficie
totale de 34 000 Km2 étendue sur 2 départements administratifs (Tanout et Belbedji) composés d’une
commune urbaine (Tanout) et 5 communes rurales (Belbedji, Tenhya, Olléléwa, Gangara et Falenko).
Au plan démographique, la population du district sanitaire de Tanout est estimée à 490 619 habitants
(source INS 2010) avec une densité de 13 Hts/Km2.
Au plan sanitaire, le district réalise des activités curatives, préventives et promotionnelles.
 Activités curatives :
- Prise en charge des affections courantes y compris les infections respiratoires aiguës, les diarrhées, le
paludisme, les infections sexuellement transmissibles courantes,
- Références des cas (consultation de référence et urgences)
- Disponibilité des médicaments essentiels génériques pour les besoins du traitement.
- Dépistages de la malnutrition par les volontaires
- Prise en charge des infections opportunistes
- Conseils spécifiques (toxicomanie, délinquance etc.).
 Activités préventives :
- vaccination des enfants et des femmes enceintes ;
- suivi nutritionnel des enfants ;
- suivi prénatal et post natale ;
- assistance à l’accouchement ;
- référence des accouchements à risque et des accouchements compliqués ;
- planification familiale (PF).
 Activités de laboratoire simple ;
- Examen d’urine avec les bandelettes urinaires ;
9
- Test de diagnostic rapide paludisme par le paracheck.
 Activités promotionnelles
- hygiène du milieu et assainissement ;
- promotion de comportement nutritionnel positif pour la mère et l’enfant ;
- activités d’éducation sanitaire ;
- IEC, CCC sur les mutilations génitales néfastes (excision, tatouages …, lutte contre les effets négatifs
du tabagisme et des stupéfiants, éducation sexuelle, les violences faites aux femmes, etc.) ;
- counseling VIH/SIDA, Promotion des examens prénuptiaux, Promotion du dépistage volontaire ;
- distribution des préservatifs ;
- Activités d’appui au développement communautaire.
 Activités en stratégies foraines dans les villages de l’aire de santé y compris les cases de santé :
- vaccination, suivi nutritionnel ;
- consultation prénatale (CPN) ;
- planification familiale (PF) ;
- soins curatifs
- promotion de renforcement des relations avec les relais locaux ou agents de santé communautaire (au
moins 4 sorties par mois).
 Activités de gestion :
- Gestion des dépôts de médicaments essentiels ;
- monitorage des activités et tenue des supports du système d’information (tableau de bord) ;
- surveillance épidémiologique ;
- comptabilité de centre de santé avec le comité de gestion ;
- PV de réunion des organes de gestion de santé communautaire ;
- Production et transfert des rapports d’activités vers les districts sanitaires ;
- Supervision des cases de santé, intégrée ou non aux activités foraines ;Elaboration et mise en place du
micro-plan du CSI
7. Recours aux soins en santé maternelle et néo-natale disponibles pour les
communautés
Le recours aux soins de santé en général et d’une manière spécifique en santé maternelle et néonatale
représente plusieurs possibilités. Il ne s’agit pas d’établir un ordre de priorité dans les recours aux
soins, mais de donner les différents recours utilisés par les usagers.





Les acteurs interrogés ont cité plusieurs recours thérapeutiques sollicités dans le traitement des
maladies. En fonction de la maladie et de sa représentation, les ménages ont recours aux :
soins traditionnels (connaissance de pratiques thérapeutiques ou recettes de grands-mères ou des
matrones) ;
Tradipraticiens ou tradithérapeutes ;
Marabouts/Imams : incantations, prières, ports d’amulettes, etc.
Marchés parallèles (pharmacie par terre, médicaments vendus aux marchés ou encore dans des
boutiques) ;
Structures de santé publiques (Case de santé, CSI et Hôpital de district (Hôpital de Tanout).
Cette classification ne correspond pas à une logique de recours aux soins effectués par les ménages ;
d’après les personnes interrogées, les soins traditionnels à domicile constituent le premier recours des
usagers. « Quand mon enfant est malade, je vais voir la matrone ; c’est elle qui va me dire ce qui ne
va pas et qu’il faut faire » (mère, 25 ans ayant un enfant de 2 ans). « En cas de maladie, les gens
viennent souvent nous voir », (Tradipraticien).
10
8. Construits socioculturels autour de la planification familiale (PF)
Les résultats de l’étude montrent qu’il y a au Niger une politique de planification familiale. Les
ménages ont recours aux cases de santé et aux CSI où les méthodes contraceptives sont disponibles et
gratuites. Les résultats montrent également qu’il y a un réel besoin pour l’utilisation des méthodes
contraceptives par la population. Cependant leur accessibilité est confrontée à des barrières
socioculturelles au sein des communautés.
8.1. Besoins exprimés en matière de planification familiale
Les différents acteurs interrogés, hommes, femmes, leaders religieux, chefs coutumiers, marabouts,
tradipraticiens, jeunes filles, jeunes garçons, personnels de santé ont montré qu’il y avait une réelle
demande en PF, en méthodes contraceptives modernes au sein des ménages ou par les individus,
comme le relèvent les diverse opinions.
L’utilisation des méthodes contraceptives est un atout pour éviter les grossesses non désirées,
« Avec l’utilisation des méthodes contraceptives modernes, les grossesses ne sont plus
rapprochées. Oui les gens ont besoin car ils sont conscients du danger des grossesses rapprochées»
(Focus group femmes).
Les conjoints ne constituent pas un obstacle majeur à l’utilisation des méthodes
contraceptives. Ils accompagnent souvent leur femme sur les conseils du personnel de santé,
« Il n’y a aucun problème avec les hommes. Celles qui sont venues, leur mari est au courant. On
leur demande de venir avec le conjoint » (ASC).
Les conjoints ne s’opposent pas à l’utilisation des méthodes contraceptives parce qu’ils
perçoivent les conséquences en termes de grossesses rapprochées « Oui mon mari a accepté sans
problème, car il a vu chez nos voisins des cas de femmes qui ont fait des grossesses rapprochées »
(jeune femme, 25 ans).
L’homme ne s’oppose pas toujours au recours aux MC ; il faut juste partager l’information,
« Je l’ai informé [conjoint] avant, car au premier passage, il faut aller avec son mari pour être
servie. Et donc chaque 2 mois je pars seule prendre », (jeune femme, 22 ans).
Les besoins exprimés ne sont pas toujours couverts, « Les femmes le font car elles viennent
prendre les comprimés, et elles parlent entre elles de ça. Il fut un moment quand il y a eu rupture au
CSI, les femmes étaient inquiètes, elles venaient chaque jour vérifier au CSI, si on a amené;
certaines ont été contraintes d’arrêter la PF » (jeune femme divorcée, 22 ans, 2 enfants).
Les produits contraceptifs doivent être adaptés aux conditions de vie des communautés, « Plus
de 150 implants utilisés par des femmes, surtout avec les femmes Touaregs à cause des
déplacements fréquents » (sage-femme, Tanout).
La peur pour les parents de voir leur fille avec une grossesse non désirée les amène à opter
pour le mariage forcé et précoce « Ce sont les garçons qui choisissent les filles. Si on choisit la
fille, tu es obligé d’accepter car ils seront ensemble et on a peur que la fille tombe enceinte » (jeune
garçon, 25 ans).
Les belles mères sont disposées à encourager les belles filles à l’utilisation des MC, « Oui j’ai
deux belles filles. Les deux belles filles ont déjà sevré leurs enfants et elles ne sont toujours pas
enceintes. Elle prennent les comprimés » (Matrone).
Au-delà de l’espacement des naissances, c’est un épanouissement pour la mère et l’enfant,
« Ça m’a permis d’espacer les naissances de mes enfants et de bien s’occuper d’eux. J’ai vu des
11
femmes qui tombent enceintes après le 3e mois d’accouchement et c’est un problème » (membre
COGES).
La PF présente des atouts pour toute la famille, la mère, l’enfant, le père, « La PF c’est très
important de faire : ça permet aux enfants d’être bien entretenus, sans maigrir et de bien grandir.
C’est un danger, en moins de 8 mois ou un an d’accouchement une femme tombe enceinte. Nous les
hommes aussi on souffre trop car c’est un véritable problème dans le foyer. Et les baptêmes rendent
pauvres » (Chef de village).
« Le nombre des femmes qui font la PF progresse toujours. J’ai commencé il n’y a pas longtemps et
j’ai enregistré 14 femmes » (ASB, case de santé).
Ces discours montrent bien que la demande existe en PF/méthodes contraceptives même si pour
certains acteurs, « avoir beaucoup d’enfants est un signe de prestige pour la famille…C’est Dieu qui
décide du nombre d’enfants » (focus group, femmes enceintes et allaitantes, KKR). L’intérêt accordé à
la PF par les femmes amenait parfois l’animatrice/enquêtrice de l’étude à faire de la sensibilisation
lors des focus group, « une femme me demandait comment faire pour avoir les produits dont on a
parlé ; je lui ai demandé de se rendre au CSI et que les personnels de santé vont bien s’occuper d’elle,
qu’elle n’aura rien à payer ; elle a promis de s’y rendre le lendemain ».
La demande existe, mais l’accessibilité aux méthodes contraceptives est influencée par de nombreuses
contraintes sociales. Notamment le type d’offre dont disposent les structures de santé en PF.
8.2. État de l’offre disponible en matière de méthodes contraceptives (MC) dans les sites
étudiés
Les résultats de l’étude indiquent qu’il y a une offre diversifiée en matière de méthodes contraceptives
au sein des communautés étudiées. La quasi-totalité des enquêtés ont cité les pratiques traditionnelles
communautaires qui consistent au retour de la femme primipare (1er accouchement) dans la famille
parentale pour une durée de 40 jours. « Chez nous, quand une femme accouche de son premier enfant,
elle retourne chez ses parents pour une durée de 40 jours. On peut dire que c’est un moyen pour
éloigner la femme du mari…Rires…On ne sait jamais… », (grands-mères, GBB).
Les tradipraticiens ou les marabouts offrent des amulettes que les femmes mettent autour de la taille,
« Les Touaregs ont des amulettes que les femmes portent autour de la taille ; cela peut durer un an, 2
ans… », (focus group femmes enceintes et allaitantes). Une autre participante au focus group déclare,
« chez nous les Touaregs, on a des médicaments [traditionnels] pour ne pas avoir des enfants chaque
année. Il y a des femmes qui ne voient pas leurs règles jusqu'à 2 à 3 ans. Elles ne viennent pas au CSI
; certaines femmes voient leur règles juste après les quarante jours » (focus group, femmes enceintes
et allaitantes, GBB). « Sur l’espacement de naissances nous faisons un gris- gris qu’on donne aux
femmes ; lorsqu’elles le portent elles ne tombent plus enceintes jusqu’au sevrage de leur enfant. Le
gris –gris est toujours fonctionnel si la femme le porte ; pour tomber enceinte il faut qu’elle l’enlève
de son corps » (Tradipraticiens).
Les marchés, les boutiques villageoises dans les localités constituent des endroits
d’approvisionnements en produits contraceptifs (surtout les pilules) par les utilisatrices. Enfin, il y a
une offre en PF dans les structures de santé publiques.
Cette offre diversifiée en matière de MC est connue par plusieurs acteurs interrogés mais l’utilisation
dépend de l’accessibilité. Quels sont les produits contraceptifs disponibles ?
12
8.3. Produits contraceptifs disponibles dans les sites visités
Les observations et les entretiens menés ont permis d’identifier les produits contraceptifs en fonction
des lieux où il est possible de les obtenir.
Tableau 2 : Lieux de disponibilité des produits
Types
de
produits
Dépôt/injectable
Ovrettes
Microgynon
Combination3
Norplant
CSI
Cases de santé
Maternité HD
disponible
disponible
Disponible
non
disponible
----------
Non disponible
Disponible
Disponible
non disponible
Disponible
Disponible
Disponible
non disponible
Marché
parallèle
Non vérifié
Disponible
Disponible
Disponible
-------------
Disponible
--------------
Au cours des entretiens réalisés avec les différents acteurs, il ressort que les pilules sont plus
demandées par les jeunes filles ou femmes célibataires. « Le microgynon et les ovrettes sont plus
demandés par les jeunes femmes célibataires » (Infirmier CSI). Quant aux femmes mariées, elles
préfèrent les injectables et le norplant. « Il y a non seulement le problème de l’oubli dans la prise des
comprimés, mais aussi la mobilité sociale/déplacements des femmes par rapport à l’utilisation des
comprimés » (sage-femme, Tanout). « Avec les comprimés, ce n’est pas facile, on peut oublier vite »
(focus group, femmes enceintes et allaitantes). Selon les personnels de santé, les injectables sont plus
utilisés par les femmes nomades (Touaregs et Peulh) à cause des multiples déplacements dans des
localités où elles ne fréquentent plus les structures de santé. L’utilisation des produits contraceptifs
dépend des personnes et de leur organisation sociale. Il est donc important de tenir compte de ces
aspects dans le programme de la santé sexuelle et reproductive.
8.4. Contraintes socioculturelles dans l’accès et l’utilisation de la PF dans les structures de
santé
La plupart des acteurs interrogés ont déclaré qu’il y avait des inégalités sociales d’accès aux produits
contraceptifs par certaines catégories sociales, notamment les jeunes filles/femmes célibataires, jeunes
femmes divorcées. « Ce sont des femmes qui vont avec n’importe quel homme. Je suis divorcée, donc
je ne prends plus les comprimés comme avant. Peut-être, je vais recommencer si je me mariais un
jour » (jeune fille, 20 ans, divorcée). Les effets de la stigmatisation liée aux perceptions sociales de
l’utilisation des méthodes contraceptives modernes qui font de la PF « une affaire de femmes
mariées » empêchent ces catégories sociales de recourir aux méthodes contraceptives dans les
structures de santé. Elles préfèrent rendre des visites nocturnes aux personnels de santé pour obtenir
les produits.
La stigmatisation des jeunes filles célibataires quant à l’utilisation des MC les amène au
recours au centre de santé en cachette, surtout la nuit, « Les jeunes filles célibataires viennent
parfois la nuit me voir pour prendre le dépôt; elles se cachent; ce n’est pas facile » (sage-femme) ;
La stigmatisation les conduit à éviter la présence des femmes divorcées parce que la PF serait
réservée aux femmes mariées, « Quand les jeunes filles voient les femmes mariées en attente de la
PF, elles repartent… » (sage-femme, HD Tanout) ;
Ce sont des normes sociales (infidélité, par exemple) qui rappellent sans cesse les filles/femmes
célibataires/divorcées sur leurs comportements sexuels déviants ; cela les amène à l’abandon
de la PF dans une situation de divorce, « Non j’ai cessé maintenant car je n’ai plus de mari, on a
13
divorcé depuis 2 ans ; Il y a celles qui se prostituent. Mais moi je ne prends pas maintenant je ne
veux pas aller avec n’importe quel homme. Je souhaite me remarier et en ce temps je pourrai
prendre » (jeune femme, divorcée, 22 ans) :
La PF est une affaire de femmes mariées dans la mesure où le personnel de santé demande aux
femmes de se présenter avec leurs conjoints. Les agents de santé doivent encourager toutes les
femmes qui expriment le besoin en PF à s’y rendre librement : « La PF concerne surtout les
femmes mariées qui viennent avec l’accord de leurs maris. On ne sert pas une femme sans l’accord
de son mari. Ici les célibataires ne viennent pas pour la PF » (ASB, Case de santé).
Selon des acteurs interrogés, les inégalités d’accès aux pratiques traditionnelles en PF sont aussi
observées dans les localités, « on refuse de donner le gris-gris aux femmes non mariées pour éviter
qu’elles aillent avec d’autres hommes », (Tradipraticien).
8.5. La décision de recourir à la PF : Qui décide ?
La plupart des acteurs interrogés en zones rurales, déclarent que les maris ne constituent pas un
obstacle majeur dans l’utilisation des méthodes contraceptives modernes. Certains conjoints
disponibles accompagnent parfois leurs épouses au CSI ou à la case de santé pour la PF. Ils
reconnaissent que la réticence de certains conjoints et parfois des femmes provient de l’idée que la PF
signifie une limitation des naissances, « j’ai deux enfants et on me demande d’arrêter » (jeune femme,
24 ans). Selon eux, la conception de la procréation est liée au nombre d’enfants qu’on peut avoir, 5, 6,
7 voire plus (signe de prestige social). « Je ne peux pas dire combien d’enfants je veux avoir ; c’est
Dieu seul qui sait ». Cette perception de prestige social entraîne parfois une concurrence chez les
épouses dans les foyers polygames. « Parfois les épouses se font la concurrence entre elles avec le
nombre d’enfants à avoir», (matrone, KKR). En définitive, il faut alors éviter que les messages de
sensibilisation soient orientés sur la limitation des naissances, mais plutôt sur l’espacement pour
garantir une meilleure santé à la mère et à l’enfant.
Les propos d’une sage-femme montrent bien que la réticence des conjoints est observée en milieu péri
urbain, « j’ai été interpellée par deux fois par des conjoints dont les femmes avaient fait placer le
norplant ; ils ont menacé de remettre les femmes à leurs parents, divorcer quoi. J’ai retiré parce que
moi aussi j’ai eu peur », (sage-femme, HD, Tanout).
« Les femmes viennent seules pour les produits ; les maris n’ont rien à voir avec ça. C’est une affaire
de femmes », (sage-femme, SBK)
De l’avis des acteurs communautaires interrogés, les méthodes contraceptives modernes ou
traditionnelles ont toujours été perçues comme une affaire des femmes. « Les hommes viennent nous
voir en cas d’impuissance ou lorsque la femme met du temps pour avoir une grossesse »
(Marabout/Imam). Cette attitude explique parfois le désintérêt des conjoints qui déclarent que ce sont
les femmes qui doivent décider parce que c’est une affaire de femmes. « Avant tout, c’est nous les
femmes qui souffrons avec les enfants. Les hommes ne sont jamais à la maison » (focus group femmes
enceintes et allaitantes, KKR). Cependant dans certains milieux fortement islamisés, les marabouts
sont les décideurs potentiels de pratiques sociales envers les femmes. C’est notamment la pratique de
la « claustration» des femmes qui doivent rester dans les maisons depuis la grossesse jusqu’à
l’accouchement. « Actuellement mon oncle marabout a une jeune femme de 36 ans qui a 9 enfants. Si
tu vois les enfants, ils sont petits…petits », (jeune femme, 38 ans).
8.6. Accessibilité financière
Au Niger, il y a une politique de la gratuité dans l’accès aux méthodes contraceptives modernes dans
les structures de santé publiques (CSI, Cases de santé, HD). Dans les marchés parallèles et les dépôts
pharmaceutiques populaires, le coût d’une plaquette de comprimés est de l’ordre de 100 à 200 FCFA.
14
D’après un vendeur interrogé, « les femmes en achètent beaucoup, surtout les jeunes filles. Parfois ça
manque et on part chercher dans d’autres boutiques ailleurs » (vendeur, dépôt privé populaire). Le
coût des méthodes traditionnelles est évalué en argent (100 FCFA) ou en noix de cola. Pour l’instant,
atteste un agent de santé, l’accessibilité financière n’est pas un déterminant majeur dans le recours aux
méthodes contraceptives. Le problème de l’accès et de l’utilisation est souvent lié à l’offre de soins.
La question de la PF nécessite davantage des campagnes de sensibilisation aussi bien auprès de la
communauté que des agents de santé. Au troisième trimestre de 2012, les indicateurs sur la PF du
district sanitaire de Tanout concernant les trois localités étudiées demeurent faibles.
 Gourbobo : 9,63%
 Kokaram : 10,34%
 Sabon Kafi : 8,91%
Ces données ne concernent que les CSI et les cases de santé. Elles ne prennent pas en compte
l’utilisation de méthodes traditionnelles du marché parallèle.
8.7. Accessibilité sociale liée à l’offre de soins
Les personnels de santé et les usagers déclarent que les structures de santé sont parfois confrontées à
des ruptures de produits contraceptifs. Selon eux, les ruptures sont provoquées par les absences des
personnels de santé ou des agents de distribution à base communautaire, le problème
d’approvisionnement ou le retard dans la réception de la dotation venant du district sanitaire (faisant
référence à la gratuité).
Les ruptures ont été un moyen pour les personnels de santé de proposer aux hommes
l’utilisation des préservatifs ; cela montre que les hommes mariés connaissent les préservatifs
mais ne les intègrent pas dans la PF qui selon eux, demeure une affaire de femmes, « Au
moment où il n’y avait plus de comprimés dans notre CSI, il y avait quelques hommes qui avaient
accepté l’utilisation du préservatif pour quelque temps » (Infirmier, GBB).
La distribution à base communautaire est un facteur important pour l’accès aux MC, mais les
ruptures les obligent à parcourir davantage des distances. Ce qui pourrait être un facteur
démotivant dans le recours aux MC, « Les femmes allaient au CSI pour suivre la PF parce que
pendant 6 mois je n’avais plus de comprimés… » (Agent de santé à base communautaire, ADBC,
case de santé).
La faiblesse dans le système d’approvisionnement ne suffit pas à expliquer les ruptures
constatées. Il y a les absences des agents de distribution à base communautaire, « Il y a des
ruptures, mais pas fréquentes…Par exemple une volontaire ADBC a été absente pendant 6 mois de
son village ; durant tout ce temps, des femmes venaient nous voir au CSI …Certaines avaient
préféré l’injectable aux comprimés», (Infirmier d’État, SBK).
Si la non utilisation des produits contraceptifs peut être liée à une rupture de stocks, elle peut
également être liée aux absences des personnels de santé ou des ABS ou ASC, notamment, par
exemple, l’ASBC de Sabon Kafi qui est seule à intervenir dans sa zone ou localité.
Les observations menées au sein de certaines boutiques villageoises montrent une rupture
accompagnée d’un non approvisionnement des préservatifs. et un non approvisionnement des
préservatifs. De nos observations, il ressort qu’aucun CSI ou cases de santé visitées dans les zones
étudiées ne disposent pas de préservatifs, alors que la demande existe « les jeunes en achètent, mais
c’est fini ; on n’en trouve pas au dispensaire » (vendeur d’une boutique villageoise). La gérante du
dépôt d’un CSI était étonnée lorsque nous avons demandé à acheter des préservatifs. Elle a répondu,
« on ne vend pas ça ici ». « C’est parce qu’il y a un manque, sinon les gens prennent. Avec moi,
c’était gratuit », (ASBC, SBK). Il est nécessaire de faire la promotion et d’encourager les
commerçants à rendre disponibles les préservatifs dans les boutiques, car les dépôts pharmaceutiques
ne sont pas les lieux appropriés pour leur accessibilité.
15
8.8. Longue attente versus insuffisance de personnel de santé qualifié
« Avant j’étais seule: CPN, accouchement, PF. Je mettais celles qui venaient pour la PF en attente et
certaines perdaient de patience et s’en allaient; nous sommes deux depuis 5 mois; maintenant ça va,
on constate qu’elles sont satisfaites » (sage-femme, SBF)
« Avant on restait longtemps au CSI; il y a des femmes qui repartaient… » (focus group femmes
enceintes et allaitantes, SBK)
8.9. Effets secondaires et utilisation des MCM (méthode contraceptive moderne)
Les personnels de santé et les utilisatrices reconnaissent que l’utilisation des injectables entraîne
souvent des effets secondaires (saignements et perturbation du cycle menstruel). « Il y a l’exemple
d’une femme qui est passée du dépôt/injectable aux comprimés à cause des effets secondaires » (sagefemme, SBK) ; « Oui, certaines femmes se plaignent du fait qu’on ne peut pas prendre une grossesse
au moment voulu et il y a aussi les saignements » (ASC). Ces désagréments nécessitent que les
personnels de santé fassent un counseling de qualité dans la promotion des méthodes contraceptives
choisies par les utilisatrices.
8.10. Insuffisance d’informations à l’endroit aux usagers
La plupart des personnes interrogées estiment que les structures de santé ne fournissent pas
suffisamment d’informations sur la planification familiale.
L’information sur les méthodes contraceptives n’est pas toujours fournie de façon satisfaisante
à la population. Les canaux d’information et de sensibilisation doivent être mieux explorés et
exploités, « C’est la première fois que j’entends parler de comprimés qu’on donne au
dispensaire… », (participante, focus group femmes).
La communication entre personnels de santé et usagers présente parfois des défaillances, « Les
sages-femmes ne parlent pas assez aux femmes qui viennent aux CPN ou à la PF ; il y a une
insuffisance dans les informations données aux femmes » (sage-femme, HD, Tanout) ;
L’affluence des usagers au CSI impose parfois une absence de communication entre les deux
acteurs, « En tout cas, parfois on n’a pas le temps pour expliquer…Par exemple, les jours de
marchés, il y a tellement d’affluence qu’on n’a pas le temps pour donner plus d’informations sur la
PF » (Infirmier, GBB)
L’insuffisance de la sensibilisation devient une barrière à l’accès à l’information sur les
méthodes contraceptives, « C’est aujourd’hui que j’ai appris qu’il y a des produits qu’on donne
pour ne pas faire des enfants chaque année ; je n’avais pas entendu parler » (participante focus
group GBB)
Pour les agents de santé interrogés, la méconnaissance du corps « procréateur », du cycle menstruel en
rapport avec la période féconde, l’analphabétisme en relation avec un faible accès à l’information
suivant les canaux de sensibilisation constituent des barrières sociales dans le recours à la PF.
Et la conclusion d’un IDE :« pour la PF, il y a beaucoup de boutons à toucher ».
16
8.11. Accessibilité géographique en rapport avec l’offre de soins
Les distances à parcourir (à pied ou à dos d’âne) sont parfois trop longues pour atteindre les structures
de santé. Les personnels de santé interrogés sont unanimes sur le fait que l’accessibilité géographique
est un véritable frein à la fréquentation des services de santé.
« On leur donne le choix entre les comprimés et l’injectable. Mais pour l’injectable il faut aller au CSI
de Gourbobo parce qu’ici nous ne disposons que de la voie orale » (ASC, Kékéni, 14 km du CSI de
Gourbobo). « Mais je ne peux pas vous dire combien de femmes se sont rendues effectivement au CSI
pour prendre le produit. Il faut voir aussi la distance » (ASC, Kékéni)
Aux distances à parcourir, il faut ajouter les aspects physiques des voies qui sont difficilement
praticables aussi bien en saison sèche (dunes de sable) qu’en saison des pluies. Cela s’accompagne
d’une inégale répartition des infrastructures sanitaires, « il faut reconnaître que les villages éloignés ne
fréquentent pas beaucoup le CSI » (IDE, KKR). Par exemple, Kokaram (17 942 habitants à la date du
01/12/2012) couvre environ 42 villages avec une distance moyenne de 20 km. La répartition est la
suivante :
0-5 km : 3 localités
6-15 km : 20 localités
Plus de 15 km : 17 localités
La localité de Kokaram compte un CSI et 4 cases de santé dont trois sont implantées au nord.
Les trois CSI visités sont confrontés à cette réalité d’ordre géographique qui traduit une véritable
inégalité d’accès aux méthodes contraceptives et surtout à l’information.
« L’accès à l’offre de PF est plus accessible aux femmes qui habitent dans un rayon de 0-5 km du CSI
ou de la case santé que celles qui sont au-delà » (personnels de santé).
« On vient de loin, 4 h de marche; je n’ai pas eu l’information sur les comprimés qu’on donne au
CSI », (focus group femmes enceintes et allaitantes, GBB).
La question des distances à parcourir pose aussi le problème de la sécurité des femmes qui souhaitent
se rendre au CSI, « il faut signaler que les femmes ne sont pas en sécurité dans la zone lorsqu’elles
doivent parcourir des distances importantes pour venir au CSI. Elles sont parfois victimes d’attaques
et de viols…donc elles se méfient beaucoup surtout si elle est seule » (infirmier, SBK). « Il faut penser
à la couverture géographique en construisant d’autres cases de santé » (infirmiers, KKR). Dans ce
contexte social, il est plus que nécessaire de développer des stratégies de santé communautaire, non
seulement pour renforcer le nombre des cases de santé, mais aussi impliquer les acteurs
communautaires (associations, agents de santé communautaire, leaders, collectivités locales, etc.) pour
accompagner les femmes. Cet aspect doit être intégré dans les campagnes de sensibilisation.
L’accessibilité géographique demeure une barrière primordiale pour accéder aux structures de santé
pour la majorité des usagers. « La distance est un vrai problème pour la plupart des patientes… »,
(Infirmier, CSI).
17
9. Construits socioculturels autour de la grossesse, l’accouchement et la
période postnatale
Il s’agit dans ce point de développer les perceptions sociales liées à la gestion des grossesses, des
accouchements et de la santé de l’enfant. Les données collectées montrent que plusieurs acteurs
interviennent dans la gestion de la santé du couple mère-enfant dans les zones étudiées.
-
Il s’agit notamment des:
Matrones ;
Marabouts/Imams ;
Tradipraticiens ;
Personnels de santé publique ;
Belles-mères ;
Beaux pères (de façon indirecte) ;
Époux/conjoints ;
Patientes.
9.1. Perceptions des signes de danger au moment de la grossesse ou de l’accouchement
Selon les personnels de santé, la notion de gravité dans l’association entre maladie et grossesse n’est
pas toujours perçue par les parturientes ; « c’est le cas du paludisme grave parfois observé chez des
parturientes », (personnels de santé).
La perception des signes de danger liés à la grossesse influence la décision de quitter le domicile au
moment du travail dont la durée moyenne est estimée à cinq heures avant de se rendre au CSI ou à la
case de santé. Ce retard est parfois prolongé parce que les conjoints préfèrent solliciter la présence de
la matrone pour accompagner la parturiente au CSI. Un tel fait s’est produit lors de notre présence
dans un CSI lorsqu’une famille est allée chercher une matrone qui s’était rendue dans son champ de
brousse.
« Au cours de l’enquête, une patiente a été conduite dans un CSI à 9 h du matin pour un
accouchement; ce n’est qu’à 16 h qu’elle a pu être évacuée à l’hôpital de Tanout pour une césarienne
; après la césarienne, le mari a demandé une ligature des trompes, parce que quatre enfants vivants
sur huit grossesses… » (sage-femme, HD, Tanout)
La représentation sociale de la grossesse relève d’une conception naturelle. Cette logique explique,
entre autres, pourquoi le recours au CSI n’est fait que pour les cas estimés graves dans le cadre de la
grossesse. « C’est en cas de problème de santé pendant la grossesse que certaines femmes se rendent
au CSI ou à la case de santé », (ASB et infirmier CSI, KKR).
Pour les matrones, lorsqu’une femme enceinte a le corps qui s’enfle par endroits (pieds, bras, visage),
elles lui recommandent de s’abstenir de consommer du sel. « Ce n’est pas bien de manger trop de sel
pendant la grossesse », (matrones).
Les pratiques thérapeutiques des tradipraticiens et leur référence sociale influencent ces
comportements à risques au sein des ménages,
« La grossesse se situe à plusieurs niveaux. Il y a des moments dès que la femme tombe enceinte elle
fait des vomissements. À ce niveau, nous aussi, les tradipraticiens, nous avons des traitements pour
arrêter les vomissements. Certaines viennent se traiter chez nous d’autres vont jusqu’à
l’accouchement avec ce problème de vomissements, mais avec nos traitements ça cesse. Il y a des
femmes aussi sans traitement arrêtent de vomir après quelques mois de grossesse. Si l’enfant est mal
positionné, on apprend aux femmes comment ramener à une position normale. Traditionnellement
18
même nous disposons des méthodes pour bien positionner l’enfant, ce n’est pas seulement dans les
centres de santé » (Tradipraticien).
La difficile perception des signes de danger liés à la grossesse ne relève pas seulement des
communautés, il y a aussi certains personnels de santé, notamment les infirmiers dont la formation ne
permet pas toujours de donner des soins de qualité en obstétrique.
« Je pense que les signes de danger ne sont pas toujours perçus par les infirmiers ; c’est aussi une
cause du retard mis pour évacuer les femmes du CSI à l’hôpital de district ; les infirmiers n’ont pas la
formation requise pour identifier parfois les signes de dangers relatifs à la grossesse », (sage-femme).
Les renforcements des compétences de certains agents de santé en obstétrique s’avèrent une nécessité
sur le terrain.
Le données montrent que l’homme doit apporter un accompagnement moral à son ou à ses épouses qui
sont enceintes.
L’accompagnement dans la satisfaction des besoins sexuels exprimés par la femme enceinte est
nécessaire pour entretenir l’évolution de la grossesse, « Pour entretenir la grossesse, l’homme doit
avoir des relations sexuelles avec la femme ; tout dépend aussi de l’état de santé de la femme ; il y a
aussi des femmes qui demandent. Ce n’est pas interdit d’avoir des relations sexuelles avec sa femme
pendant la grossesse, mais il faut faire attention » (Tradipraticien).
Le soutien ou les aides apportées par le conjoint pour réduire les charges de travail est utile pour
aider la femme à bien gérer la grossesse, « Pendant la grossesse, les maris nous aident ; ils cassent
le bois de chauffe ; ils achètent parfois des oranges…rires », (focus group, femmes enceintes et
allaitantes).
Les conjoints doivent assurer une protection sociale de la grossesse, « C’est les maris qui vont
consulter les marabouts pour la santé de la mère et de l’enfant. Ils peuvent faire des offrandes et faire
des prières pour protéger la grossesse », (focus hommes/maris).
Les conjoints veillent à la satisfaction des besoins alimentaires des femmes enceintes en leur
procurant si possible des nutriments pour assurer la santé de la mère et de l’enfant « Oui, ils
nous achètent… Ils achètent des aliments riches pour nous, pour bien manger », (focus femmes
enceintes et allaitantes).
Il ressort des discussions avec les maris/conjoints, qu’il y a des comportements culturels à risque dans
la gestion de la grossesse. « Lorsqu’une femme enceinte va entrer dans une chambre, elle doit le faire
sans hésitation donc sans se retourner, car si elle fait ça au moment d’accoucher, ce cas peut se
produire en elle. Elle aura des difficultés aussi pour faire sortir l’enfant », (tradipraticien).
Une gestion sociale de la grossesse est tout aussi appréciée qu’une prise en charge médicale (CPN)
« Une femme enceinte ne doit pas monter sur un mortier, parce que certains disent que cela peut
retarder l’accouchement. Elle ne doit pas trop regarder des personnes infirmes car elle prend le
dessein de ces personnes », (membres COGES, CSI).
La nécessité des formes de soutien apportées aux femmes enceintes permettent de limiter les risques
liés aux grossesses et de minimiser aussi les risques au moment de l’accouchement.
Concernant les signes de danger liés à l’accouchement, les acteurs interrogés évoquent le plus souvent
l’hémorragie post partum, « les saignements prolongés après l’accouchement » selon les termes des
femmes interrogés. Pour le personnel de santé, si la position souhaitée par la parturiente au moment de
l’accouchement peut l’aider à mieux gérer la délivrance, il l’accompagne dans ce sens, « à domicile les
femmes préfèrent se mettre sur les genoux pour accoucher. Au CSI, si elles souhaitent la position
accroupie, je les accouche comme ça » (sage-femme).
19
La perception du travail pendant la grossesse et l’éloignement de la structure de santé favorisent
les accouchements non assistés. « Certains accouchements se font rapidement car le travail ne dure
pas, d’autres cas c’est l’éloignement qui fait que les femmes accouchent même en cours de route »,
(focus group femmes enceintes et allaitantes, GBB).
« Après l’accouchement, il faut rester à côté de la femme pour voir si elle respire bien, parce qu’il y a
la fatigue », (matrone).
Des données recueillies, nous retenons des points importants sur lesquels le programme SR devrait axer
des actions de sensibilisation et de formation
 La nécessité d’assurer un soutien global à la femme enceinte (moral, alimentaire, social…) pour limiter
les risques liés à la grossesse
 La difficulté de reconnaitre les signes annonçant l’imminence de l’accouchement ;
 La difficulté à identifier les grossesses à risque ;
 Les pratiques culturelles pouvant mettre en danger une femme enceinte et/ou son bébé ou accentuer
un danger lié à la grossesse
 L’insuffisance de formation des équipes ou personnels de santé
9.2. Conceptions relatives à la nouvelle naissance
Selon les acteurs communautaires, après le premier accouchement de toute femme primipare, celle-ci
doit regagner le domicile parental/familial pour une durée de 40 jours. Une telle pratique culturelle ne
garantit pas toujours la continuité des soins dans la formation sanitaire. Le suivi médical de l’enfance
(suivi nutritionnel, consultations postnatales, vaccinations, etc.) peut être interrompu durant cette
période. Lors des focus group avec les belles mères/grands-mères et les maris, il est ressorti que ce
sont les matrones qui s’occupent de la santé de l’enfant.
« C’est la matrone qui s’occupe de l’enfant ; elle lui donne du lait de chèvre, du citron ou tamarin
sucré avant de disposer du lait maternel », (Tradipraticien).
Les recours aux soins au cours de la petite enfance se situent à plusieurs niveaux. L’ordre prioritaire
peut être difficile à établir parce que cela dépend des familles. Selon les données recueillies, les
recours seront en priorité les matrones, les marabouts, les imams, les tradipraticiens, puis les
personnels de santé (structures sanitaires publiques). Tous ces acteurs interviennent d’une manière ou
d’une autre dans la gestion de la maladie de l’enfant.
En fonction des contextes socioculturels, les perceptions sociales des maladies de l’enfant constituent
des facteurs d’orientation à la recherche de la thérapie. Une des questions qui a été explorée avec les
enquêtés communautaires est la notion de la gravité de la maladie. A quel moment les parents pensent
que l’enfant est-il réellement en danger ? Les grands-mères et matrones interrogées attestent qu’elles
sont des décideurs dans les recours thérapeutiques. Ces représentations sociales constituent des retards
à la consultation dans une formation sanitaire, « l’enfant peut passer trois jours en moyenne à la
maison avant de l’amener au dispensaire », (tradipraticien). Voici quelques exemples de maladie à
dimension culturelle : bayamma, madéga, rabat (la rosée a attrapé l’enfant, en référence à la fièvre) »,
tanounou (causé par le premier lait donné à l’enfant/colostrum).
Ces comportements nécessitent une réelle sensibilisation des acteurs et une collaboration entre les
tradipraticiens et les personnels de santé. Dans les localités où s’est déroulée la collecte des données,
les acteurs interrogés n’ont jamais mentionné la pratique de l’excision
Au troisième trimestre de 2012, les données enregistrées sur les taux de consultations postnatales
(CPON) pour protéger la petite enfance sont les suivantes :
 Gourbobo : 5,55%
 Kokaram : 0,00%
20
 Sabon Kafi : 12,82%
De ce qui précède, nous retenons que les représentations et les pratiques socioculturelles limitent le
recours aux structures de santé pour la prise en charge de la petite enfance.
 Conception des maladies dites culturelles ;
 Perception de la gravité ;
 Ordre établi dans le recours aux soins ;
 Retard dans le recours aux structures de santé.
Ces éléments doivent faire l’objet de sensibilisation en impliquant les acteurs communautaires.
21
10. Attitudes et pratiques communautaires de gestion de la grossesse,
l’accouchement et la période postnatale
Si la femme est enceinte, chaque famille prend des dispositions pour l’accompagner.
De plus en plus les conjoints s’impliquent dans la gestion familiale des activités lorsque la
femme est enceinte. Cela marque un changement dans le suivi de la grossesse ; les conjoints sont
davantage conscients des risques qui peuvent survenir pour une femme enceinte par rapport à
l’exécution de certaines activités sociales. Cela peut être des signes de dangers sur lesquels les
hommes doivent être davantage sensibilisés. « Il y a des choses à faire ; tu l’amènes aux CPN, tu
casses le bois ; il faut éviter qu’elle s’adonne à des travaux pénibles. Vous savez, nous sommes en
brousse et on ne trouve pas beaucoup de choses pour manger. Mais, ce qu’il y a, oui on les assiste
vraiment oui…mais maintenant, il y a un changement, oui de nos jours, il y a beaucoup de
changements... », (focus group maris).
« Quand le ventre devient gros, on l’aide dans certains travaux pénibles; on casse du bois pour
elle…rires; on les aide quand on est à la maison… », (focus conjoints).
La protection sociale de la future mère et de l’enfant pendant la grossesse implique
l’environnement familial. « Elle ne doit pas faire des travaux pénibles et doit manger des aliments
légers. La famille est là pour la soutenir », (chef coutumier, KKR).
10.1. Déterminants sociaux de l’accès et de l’utilisation des services de santé maternelle et
néonatale
Plusieurs facteurs sont évoqués aussi bien par les acteurs communautaires que les personnels de santé
pour expliquer le recours aux services de santé.
L’accessibilité géographique (en termes de déterminant physique) est constamment citée comme un
facteur important, « Les femmes viennent nombreuses aux CPN. Celles qui sont proches de la case de
santé ou du CSI fréquentent le CSI », (personnels de santé).
La question du genre liée au sexe des personnels de santé a été mentionnée au cours de nos entretiens
avec les femmes, les hommes et les agents de santé,
Les femmes adoptent de plus en plus des comportements favorables aux accouchements dans
les CSI, mais elles disent être confrontées à un problème de genre, c’est-à-dire lorsque les
accouchements sont réalisés par des personnels de santé masculins. « les femmes dans la plupart
des cas ne voulaient pas accoucher dans les CSI ; maintenant elles veulent accoucher au
dispensaire, mais, il y a le problème de manque de sage-femme dans tous nos centres. C’est un
homme qui fait les accouchements. C’est un problème qui préoccupe beaucoup les femmes et elles
se plaignent toujours », (tradipraticien).
Cette relation au genre est liée parfois à la relative jeunesse des femmes qui accouchent. Le
problème semble interpeller plus les primipares que les multipares. « Ce qui nous gêne parfois,
c’est l’homme [infirmier] qui nous regarde » (focus group femmes enceintes et allaitantes)
Les risques liés aux accouchements relèvent de conceptions sociales, ce qui pourrait aggraver
le risque médical. Les signes de danger liés au postpartum ne sont pas perceptibles. Ces
logiques sociales ne favorisent pas le recours au CSI pour les accouchements. « Oui, elles
viennent pour les CPN à partir de 4 mois jusqu'à l’accouchement. Mais à l’accouchement, il n’y a
pas beaucoup de femmes. Parfois 4 ou 5 par mois, alors que les CPN, elles sont nombreuses »
(ASB, case de santé).
22
Le recours au CSI est effectué pour réparer ou pour prendre en charge le risque rendu visible.
« C’est lorsqu’il y a un problème à l’accouchement que les femmes se rendent au CSI » (Infirmier
CSI ».
On peut dire que le risque médical perçu dans la gestion de la grossesse prend place de plus en
plus dans les logiques populaires. « Pour les CPN, on constate que les femmes fréquentent le
centre de santé, mais les accouchements se font en majorité à domicile », (agent de santé, CSI).
10.2. Relations d’accueil et qualité de l’offre de soins maternels
Selon la plupart des enquêtés, l’absence d’une sage-femme dans les CSI de type I pose un problème
dans la qualité des soins offerts ; pour d’autres, le problème est lié à l’accueil, à la relation de
communication avec les patientes.
« Les femmes refusent les touchers vaginaux avec les personnels de santé masculins… mais, même
avec les sages-femmes, le problème est parfois posé. C’est l’accueil des parturientes qui pose des
problèmes; il n’y a pas suffisamment de communication/dialogue entre les personnels de santé et les
patientes ; une fois, j’ai observé la consultation d’une sage-femme lors d’une supervision. La SF ne
faisait pas de toucher vaginal et ne parlait pas aux femmes de ce qu’elle va faire; ici les femmes
refusent le TV, me dit-elle. J’ai proposé de consulter une femme en lui expliquant ce que j’allais faire
pour sa santé et celle de l’enfant ; ensuite, une deuxième, une troisième…Ce sont les femmes ellesmêmes qui ont apprécié la relation; elles se disaient qu’il y avait une nouvelle femme [sage-femme en
supervision] qui nous regarde bien… » (Sage-femme, Tanout)
Il ressort de l’entretien réalisé avec la sage-femme d’un CSI que les patientes refusent
systématiquement l’examen clinique, c’est-à-dire le toucher vaginal, « ha, ici les femmes refusent le
toucher vaginal ; elles ne veulent même pas entendre parler de ça ; si tu fais le toucher, elles ne vont
plus venir » (sage-femme, CSI).
De l’avis de l’IDE d’un CSI, c’est la relation d’accueil qui explique souvent le comportement des
patientes, « moi, je pense que c’est l’accueil; parfois, je remplace la sage-femme pour les CPN sans
problème. Ce que j’ai remarqué, ce sont les femmes Touaregs qui refusent qu’on voit leur sexe; elles
portent parfois 7 pagnes; c’est leur culture…mais avec le temps, elles vont comprendre… » (IDE,
SBK).
Les comportements des groupes cibles vont changer si les structures de santé acceptent d’intégrer du
personnel féminin à leur sein. Ces structures de santé seront de véritables canaux d’information pour
accueillir davantage les femmes pour les accouchements assistés. La barrière n’est pas liée uniquement
à la présence du personnel masculin, mais à la qualité relationnelle d’accueil des femmes. « Oui, elles
viennent aux consultations prénatales, mais on enregistre 3 à 4 accouchements par mois. Le fait d’être
homme ne cause pas de problème majeur pour faire les accouchements au centre de santé » (ASC,
case de santé).
Le refus des patientes du toucher vaginal a été renforcé par les comportements de certains personnels
de santé « C’est vrai que par le passé certains agents de santé ont eu des comportements déplacés sur
les femmes lors des CPN; les gens en parlaient ; c’est aussi des éléments à prendre en compte par
rapport aux comportements des femmes…Mais il faut travailler à ramener la confiance par la
communication » (IDE, SBK).
Les rapports hommes/femmes dans une logique de sexualité et de honte ne doivent pas être occultés
dans l’accès aux structures de santé par les femmes, « moi-même je suis parfois gênée de faire un
accouchement en présence de l’agent de santé homme », (matrone, GBB).
23
Au troisième trimestre de 2012, les données enregistrées sur les CPN 1 et les accouchements assistés
au district sanitaire de Tanout sont les suivantes :
Tableau 3 : CPN1 et Accouchements assistés
Rubriques
CPN1
Accouchements assistés par un personnel qualifié
Gourbobo Kokaram
36,50%
57,77%
2,77%
13,51%
Sabon kafi
68,46%
23,43%
Les données du tableau ci-dessus montrent que le faible d’accouchements assistés Cette situation peut
se traduire par des risques de complications obstétricales qui nécessitent des évacuations à l’hôpital de
référence de Tanout.
10.3. Gestion des références obstétricales
Les personnels de santé sont unanimes sur le fait qu’il y a des difficultés à assurer convenablement les
évacuations obstétricales.
« Les évacuations obstétricales constituent un problème sérieux ; du domicile au CSI et ensuite du
CSI à HD. Des CSI vers l’hôpital de références, les difficultés peuvent être levées, mais souvent du
domicile à la case de santé puis au CSI, il faut mettre en place des initiatives communautaires pour
faciliter l’accompagnement de la parturiente », (MCD).
Voici deux cas d’évacuations obstétricales dont les causes sont liées aux trois retards: pour le premier
cas, le personnel de santé du CSI a estimé que la famille a attendu trop longtemps avant de
conduire les femmes au CSI. Selon les explications de l’infirmier, l’évacuation à partir du CSI
n’a pas été pensée immédiatement, parce qu’il y avait de l’espoir pour un accouchement. Après
plusieurs heures d’hésitation, la décision d’une évacuation à l’hôpital de référence (35 km) fut
prise. L’ambulance est sollicitée, mais n’est pas disponible, parce qu’elle s’était rendue dans un
autre CSI. L’évacuation a pu se réaliser, mais, ce fut trop tard pour la patiente qui décéda avant
d’accéder au bloc opératoire.
Pour le second cas, la patiente a pu être évacuée à l’hôpital de district (heure d’arrivée 9 h au CSI et
heure d’évacuation 16 h) et a subi une intervention obstétricale, mais l’enfant n’a pas survécu. Cette
parturiente était à sa 8ème grossesse. Pour la sage-femme interrogée, c’était une grossesse à risque qui
nécessitait un référencement à l’hôpital de district pour une prise en charge. Mais cela n’a pas
été notifié par le personnel infirmier.
« L’absence d’une sage-femme dans un CSI peut poser un problème dans la reconnaissance des
signes de danger liés à des grossesses à risque au cours des CPN par certains infirmiers (par exemple
la femme avec 8 grossesses…est dans une situation de risque, c’est-à-dire celle qui a subi la
césarienne. Il y a là un retard dans la prise de décision d’évacuer la patiente par les infirmiers qui
n’ont pas assez de compétences requises en obstétrique ; il y a là un problème dans la qualité de prise
en charge», (sage-femme, HD, Tanout).
10.4. Avortements : un phénomène social en construction
Selon les personnels de santé interrogés, les avortements clandestins ne constituent pas pour le
moment un phénomène important dans les localités. Mais, « cela ne veut pas dire que ça n’existe pas
lorsqu’on observe la fréquence des grossesses non désirées », (Infirmier, KKR). Ni les agents de santé
ni les acteurs communautaires n’ont mentionné cette question relative aux avortements. Il faut préciser
que l’étude a concerné des localités rurales où ces questions ne semblent pas occuper la vie sociale.
Seulement deux avortements spontanés ont été notifiés par une sage-femme à Tanout (milieu péri
urbain). Par exemple, le contexte social à Kokaram ne prévoit pas de normes sociales excluant la jeune
fille enceinte du milieu familial. Ce sont des normes culturelles qui contribuent à favoriser parfois le
24
recours aux avortements clandestins. « La PF est aussi une solution pour éviter le développement du
phénomène », (infirmier GBB).
10.5. Infections sexuellement transmissibles et VIH/sida : la promotion des préservatifs
La quasi-totalité des personnels de santé déclare qu’il y a un développement du phénomène des IST
dans les localités étudiées à cause du phénomène des migrations et aussi l’absence de mesures de
protection par les partenaires du fait de la non disponibilité et la non utilisation systématique des
préservatifs).
« Les IST sont surtout observées chez les nomades ; surtout avec les peulh Bororo qui ont une fête
annuelle ouverte à la sexualité; ils viennent me parler à l’oreille…qu’ils ont des problèmes dans leur
sexe; la femme ne doit pas être au courant » (ASB, case de santé).
Selon un agent de santé, la présence des IST chez les femmes, surtout les Touaregs s’explique par le
manque d’hygiène « pas de toilette intime, sauf si le mari le signale » (Infirmier, CSI). Les
comportements à risque qui favorisent la transmission des IST pourraient constituer une porte d’entrée
du VIH/sida dans le corps biologique et dans le corps social.
La prise en charge du VIH/sida dans sa composante PTME est fonctionnelle dans les CSI de Kokaram
et de Sabon Kafi. Cependant, le CSI de Kokaram a suspendu son activité pour des problèmes de
rupture de réactifs. « Nous avons eu à faire des références à Zinder (au moins 200 km de Kokaram)
pour la prise en charge d’une femme ; les contre références ne marchent pas toujours » (IDE, CSI).
Le problème majeur, d’après une sage-femme reste l’annonce de la séropositivité dans le couple.
Néanmoins, pour une société contemporaine qui est confrontée de plus en plus à des divorces
fréquents et à des flux migratoires importants, l’aspect PTME ne doit pas être négligé par le
programme SR.
11. Accompagnement au Changement de Comportement, de l’Information,
de l’Éducation et de la Communication :
Pour l’accompagnement aux changements de comportements, les acteurs interrogés proposent :
 Sorties foraines de sensibilisation (au cours des séances de vaccinations) ;
 Développement de la distribution à base communautaire (Agents de distribution à base
communautaire (ADBC) utilisés dans le cadre de la PF) ;
 Invitation des Agents volontaires de la croix rouge sur la malnutrition à s’impliquer dans la
sensibilisation des familles ;
 Ecoles des maris pour diagnostiquer les problèmes de santé ;
 Sensibilisation dans les écoles sur la base de cours animés par des agents de santé qualifiés ;
 Implication des tradipraticiens, marabouts/Imam, chefs coutumiers dans les activités
d’accompagnement des femmes enceintes, allaitantes et les nouveaux nés pour une plus grande
accessibilité aux structures de santé ;
 Formation des personnels de santé dans l’accueil et l’accompagnement dans l’accès aux services de
santé spécifiques (par exemple, la PF).
Au cours de l’enquête, il est ressorti l’existence de stratégies communautaires de sanction pour
contribuer à améliorer les comportements. Par exemple à Sabon Kafi, l’auteur reconnu de la grossesse
d’une fille célibataire est passible d’une amende de 200 000 FCFA. Dans le cas échéant, il est déféré à
la prison de Tanout.
À Kokaram, tout accouchement à domicile est passible d’une amende de 5 000 FCFA à reverser à un
comité de femmes mis en place à cet effet. Cela reste valable pour les ménages qui sont proches du
25
CSI. « Actuellement, la caisse compte 50 000 FCFA. Le comité n’a pas décidé de l’utilisation de
l’argent encaissé », (Infirmier, CSI, KKR).
Recommandations
1. Amélioration du recours et de l’utilisation de la PF
Au niveau communautaire
 Sensibilisation des hommes pour un meilleur accompagnement des femmes dans le recours aux
méthodes contraceptives au sein des structures de santé ;
 Élaboration de messages de sensibilisation sur la PF en rapport avec la santé des femmes, des enfants,
les grossesses rapprochées, les grossesses non désirées, la pauvreté des ménages liée aux dépenses des
cérémonies successives de baptêmes des nouveaux nés en évitant la stigmatisation de certaines
catégories sociales en matière de sexualité « non contrôlée ».
Offre de soins
 Réorganisation des services de PF pour un plus grand accès aux jeunes filles (heures d’ouverture,
lieux d’attente) et de certaines catégories sociales (divorcées, multiples déplacements de certains
groupes sociaux);
 Non considération de la PF par les personnels de santé comme un enjeu de limitation de naissances,
d’infidélité ou de contrôle de la sexualité de la femme (perceptions sociales des acteurs
communautaires des messages habituels sur la PF) ;
Offre de soins au niveau communautaire
 Recrutement des ASBC en binôme (H/F): titulaire et assistant pour éviter les absences qui créent des
ruptures de distribution des produits contraceptifs.
2. Canaux de communication
 Identification, renforcement et diversité des canaux de communication communautaires: groupements
de femmes, radios locales; ADBC; sorties foraines concernant la vaccination; les
animateurs/volontaires de la malnutrition ; impliquer tous les acteurs intervenant dans de différents
programmes (possibilité de donner une information sur la PF pour contrôler les fausses informations) ;
 Renforcement des causeries individuelles (Counseling) sur la PF selon les demandes ;
 Développement des expériences des écoles des maris (expériences en réussite dans d’autres CSI) ;
 Renforcement du tissu associatif pour en faire de véritables canaux de communication ;
 Création de centres jeunes (activités de sensibilisation sur le corps procréateur à l’endroit des jeunes
filles/garçons, bibliothèques) en évitant que ces centres ne soient assimilés à des lieux de
développement d’une liberté sexuelle ;
 Participation des utilisatrices de méthodes contraceptives modernes pour participer aux
sensibilisations (débats radios, causeries…) ;
 Implication des mairies pour dégager des maisons de jeunes de la culture.
À l’endroit des personnels de santé
 Renforcement des compétences techniques (néonatologie) et de l’accueil (sociologie/anthropologie de
la santé ; les modules existants sont à renforcer pour prendre en compte les aspects « interactions entre
les personnels de santé et les usagers »)
 Renforcement des supervisions formatives du personnel de santé en counseling concernant la PF
(effets secondaires), les consultations prénatales ;
 Présence des agents de santé féminins qualifiés dans les CSI et dans les cases de santé ;
26
 Discussions (counseling) avec les femmes ayant au moins 2 enfants pour connaître les stratégies
habituelles/traditionnelles utilisées en PF pour en savoir davantage sur ses besoins en matière de
méthode contraceptive moderne (MCM) ;
 Renforcement des registres d’information des ADBC pour disposer davantage de données sur les
utilisatrices (par ex âge, statut matrimonial, nombre d’enfants, résidence, etc.) ;
 Régularisation des statuts des agents de santé « contractuels, volontaires, bénévoles » afin
d’encourager ces derniers à travailler davantage.
3. Accompagnement des femmes en grossesses/accouchements
 Identification de matrones assistantes pour la relève des matrones actuelles ayant un âge trop avancé
pour les activités. Il ne s’agit pas de remplacer la matrone âgée, mais de l’assister pour éviter une
remise en cause d’une notoriété sociale acquise au sein du village ;
 Renforcement du nombre des cases de santé ;
 Négociation avec l’État pour la possibilité d’une intégration des infirmiers volontaires CRF/CRN à la
fin du programme (forme de motivations et de qualification dans le domaine).
 Créer une caisse de solidarité inter CSI du district pour financer les urgences obstétricales (ex
« partage des coûts » au Burkina Faso) ;
 Instauration de primes aux matrones qui auront conduit davantage de femmes à une formation
sanitaire pour les accouchements ;
 Renforcer le système de références et de contre références y compris au niveau communautaire.
4. Des propositions d’actions pour le changement des comportements
 Identification de leaders organisateurs (hommes/femmes) de la fête annuelle chez les Peulh Bororo
pour sensibiliser les acteurs ;
 Mise à la disposition des acteurs des préservatifs au moment de la fête ;
 Messages de sensibilisation (affiches par exemple) dans les lieux de la fête.
5. Grandes lignes pour les enquêtes CAP
Les grandes lignes pour les enquêtes CAP devraient suivre les trois retards décrits:
 Prise de décision au niveau communautaire ;
 Accès aux services de santé
 Prise en charge au sein des structures.
 Prise de décision
Dans un contexte national de gratuité des soins, il serait plus indiqué d’analyser les facteurs
socioculturels et géographiques en rapport avec la prise de décision d’utiliser les structures de santé. Il
ressort des investigations menées sur le terrain que les facteurs géographiques, socioculturels (risques
liés aux grossesses et aux accouchements, stigmatisation) et l’insuffisance d’information (pratiques de
la planification familiale) ont été couramment cités par les acteurs interrogés communautaires. Les
problèmes financiers ont été très peu relevés, sauf pour les cas des références obstétricales, ont
déclaré, les personnels de santé. De nombreuses femmes utilisent le centre de santé pour les CNP,
mais c’est une infime minorité qui y accouche. Les perceptions sociales des signes de dangers liés aux
grossesses et aux accouchements pourraient aggraver les risques de complications obstétricales. Dans
un tel contexte, il sera important de développer des stratégies adaptées à chaque groupe social
impliquant des acteurs proches et influents pour développer des stratégies appropriées pour le
changement de comportements. La communauté doit être mise à contribution (leaders religieux,
27
coutumiers, responsables d’associations, groupements, tradipraticiens, matrones, etc.) pour la
sensibilisation des usagers.
 Accès aux soins de santé de qualité (centres de santé intégrés)
Les usagers et les personnels de santé ont déclaré que le taux d’utilisation des CPN est encourageant ;
cependant celui des accouchements à domicile reste élevé. Il ressort que la qualité des soins délivrés
dans les centres de santé n’est pas toujours satisfaisante : l’accueil des usagers, examens cliniques des
parturientes en CPN parfois non effectués, retard dans les références vers l’hôpital de district (CSI vers
l’hôpital de district), insuffisance d’information sur les effets secondaires de certains produits
contraceptifs. Des cas de ruptures de stocks de produits contraceptifs ont été constatés avec un système
d’approvisionnement non performant. Ce contexte requiert que soient renforcées les campagnes de
sensibilisation et la formation des personnels de santé des CSI. La prise en compte des inégalités
sociales d’accès aux services de planification doit s’inscrire dans une approche qui prend en compte
certaines catégories sociales vulnérables (veuves, jeunes filles célibataires, divorcées).
 Prise en charge dans les structures de santé (structures de santé de références, HD).
La prise en charge médicale dans les structures de santé nécessite un plateau technique adéquat, une
fourniture en médicaments et consommables médicaux, un personnel qualifié et spécialisé, etc. Par
exemple, les personnels de santé ont constamment évoqué la question des évacuations obstétricales
rendues souvent tardives à cause de la non disponibilité de l’ambulance. Une identification des besoins
en ressources matérielles, humaines et logistiques, disponibilité de sang pour les transfusions, etc.
permettrait de disposer de données sur la prise en charge médicale de la santé maternelle et néonatale.
En définitive
La politique nationale d’offre et d’accès aux soins est une des préoccupations pour l’atteinte des
objectifs du millénaire. La santé de la reproduction est donc au cœur des préoccupations de partenaires
techniques et financiers.
Les résultats de l’étude ont montré que la demande en soins pour l’amélioration de la santé de la mère
et de l’enfant existe au sein de la communauté. Ceci explique les efforts des populations à recourir aux
structures de santé. Cependant, les représentations sociales, l’accessibilité géographique, les pratiques
socioculturelles, les formes de stigmatisation, la qualité de l’offre de soins constituent des facteurs
importants dans l’accès et l’utilisation de certains services spécifiques (PF, grossesses/accouchements,
nouvelles naissances, etc.).
La dimension genre dans la santé reproductive demeure un aspect dans la reconnaissance du droit à
l’accès à la SR par toutes les catégories sociales qui en expriment le besoin. Les relations entre les
personnels de santé et les usagers ne doivent constituer des barrières à l’utilisation des structures de
santé. Les sensibilisations des communautés, les formations des personnels de santé, l’amélioration du
plateau technique constituent des facteurs favorisant la réduction de ces obstacles.
C’est pour faire face à ce défi lié à l’accessibilité aux structures de santé que le programme AFD-Sahel
va s’installer dans la région de Zinder et plus précisément dans le district sanitaire de Tanout. L’enjeu
de ce programme est de contribuer à relever les indicateurs en santé et de réduire les facteurs de
vulnérabilités et de précarité socioéconomiques des ménages.
28
Références bibliographiques
Faye S L, 2011, « Quand les tradithérapeutes ouest-africains soignent l’infertilité conjugale à Dakar
(Sénégal) : recompositions et dynamiques entrepreneuriales », Anthropologie et santé [En ligne],
3 | 2011, mis en ligne le 28 novembre 2011, consulté le 11 décembre 2011. URL :
http://anthropologiesante.revues.org/755
Jaffré y, Olivier de Sardan J.P, 1999, La construction sociale des maladies : les entités nosologiques
populaires en Afrique de l’Ouest, Paris, PUF.
Moussa H, 2012, Entre absence et refus d’enfant : socio-anthropologique de la gestion de la fécondité
féminine à Niamey, Niger, Paris, L’Harmattan.
Ouattara F, Bationo, F et Gruénais M-E., 2009, « Pas de mère sans un « mari ». La nécessité du
mariage dans les structures de soins à Ouagadougou (Burkina Faso) », Autrepart (52), pp. 81-94.
Soumana, O, Djibir, 2012, Évaluation des besoins des 18 CSI et HD de Tanout, Rapport de mission,
septembre 2012.
Documents de projet :
 2011, Amélioration de la santé maternelle et néonatale dans quatre pays du Sahel, juin 2011. Projet
Niger
 2011, Amélioration de la santé maternelle et néonatale dans quatre pays du Sahel, 2011, Cellule de
Gestion et de Coordination du Programme (CGCP), juillet 2011.
 Programme « Amélioration de la qualité de l’accès aux soins obstétricaux d’urgence – Aquasou »
(FSP 2001-149) financé par le Ministère français des affaires étrangères (2002-2006],
 « Projet d’approche solidaire en santé génésique–Passage» (Union européenne
EuropeAid/120804/C/G, 2006-2009). Rapports disponibles sur le site http:/www.uonn.org.
–
 Rapport d’activités du district sanitaire de Tanout, 2012.
29
Téléchargement