Ressources et risques volcaniques à travers le temps

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Premier séminaire de Volcanographie « Ressources et risques volcaniques à travers le temps » Programme et résumés des communications 14h
Présentation du séminaire axe transversale volcanographie
14h20‐14h40
Les patrimonalisations d'un géosymbole, les mises en ressource d'un volcan: la Soufrière de Guadeloupe M. Redon
14h45‐15h05
L'éruption du Merapi: un accélérateur de modernité? M. Chenet
Influence de l'exploitation des pierres ponces sur 15h10‐15h35 l'environnement de l'île de Lombok (Indonésie) K. Boillot et B. Wahyu Mutaqin
15h40‐16h00
Dynamique d'écoulement du lahar au volcan Merapi (Indonésie) S. Budi Wibowo
16h05‐16h30
Pause café
16h30‐16h50
Risque, ressource et résilience dans les carrières du Merapi: comment mesurer le danger? E. de Belizal
16h55‐17h15
Du site au gîte: la ressource en obsidienne au Proche‐Orient, l'exemple du Nemrut (Anatolie orientale) AK. Robin
L'exploitaion préhispanique des ressources minérales dans l'ax néovolcanique transmexicain: impacts sociétaux et 17h20‐17h40
environnementaux V. Darras
Cloture du séminaire
17h45
Les patrimonialisations d'un géosymbole, les mises en ressource d'un volcan : la Soufrière de Guadeloupe Marie Redon Résumé :
Autour de l’objet‐géosymbole de la Soufrière, volcan actif de Guadeloupe, différents processus de patrimonialisation sont à l’œuvre. La notion de géosymbole peut être définie, avec Joël Bonnemaison comme « un lieu, un itinéraire, une étendue qui, pour des raisons religieuses, politiques ou culturelles prend aux yeux de certains peuples et groupes ethniques, une dimension symbolique qui les conforte dans leur identité » (1981, p.76). L’Etna pour les Napolitains (Gruet, 2008), le Kilimandjaro en Afrique de l’Est et le Mont Nyiragongo pour celle des Grands Lacs (Bart) ou encore le Piton des Neiges à la Réunion (Germanaz, 2004), les volcans font de solides géosymboles. La Soufrière n’échappe pas à cette identification (Guillaud et Walter, 1998, p.32). Loin du simple marqueur paysager, elle est investie d’une dimension plus qu’identitaire : «Ah non, la Soufrière ce n'est pas un paysage. C'est une montagne. C'est elle qui dirige le pays. Elle est le cœur du pays. Sans elle on ne peut pas vivre » (cité par Benoit, 1988, p.717). En ce sens, elle apparait comme une source d'énergie symbolique permettant la subsistance des habitants, comme une ressource vitale. Quant à la logique de patrimonialisation, elle n’est devenue un objet d’étude pour les géographes que tardivement par rapport aux autres sciences humaines (Veschambre, 2007), notamment l’Histoire et ses Lieux de mémoire qui émergent dès les années 1980 (Nora, dir., 1986). Les premières réflexions sur une approche théorique du patrimoine en Géographie sont dues à Guy Di Méo, à partir de 1992. Processus observé sur les espaces urbains (Melé, 2005, Tomas, 2004) et touristiques (Lazzaroti, 2007 ; 2011), mais aussi naturel (Guichards‐Anguis, Héritier, 2009), la patrimonialisation met en jeu la construction d’une ressource. Ce néologisme de patrimonialisation traduit l’intérêt pour un « processus social de reconnaissance de certains héritages » (Veschambre, 2007, p.367) et c’est précisément le propos de cette contribution : examiner comment les différentes formes de mises en ressources de la Soufrière de Guadeloupe correspondent à des formes de patrimonialisation d’un géosymbole, à la croisée de discours mettant en exergue sa nécessaire protection. L’accent est mis sur le recours à des rhétoriques sur la menace et la sanctuarisation de la Nature comme ressource, d’une part, les formes d’appropriation territoriale, d’autre part. Nous nous proposons de montrer comment la Soufrière fait l’objet de « mises en ressource » concurrentielles par différents acteurs, qui font pourtant tous appel à sa dimension patrimoniale et à son caractère de géosymbole. En croisant « patrimonialisation du territoire » et « territorialisation du patrimoine » (Gravari‐Barbas, 1996), ce sont des rapports de force, et de pouvoir, que nous voulons mettre en lumière. La ressource patrimoniale, ici fortement symbolique, apparait comme un objet politique, au‐
delà du « bien commun ». Dans un premier temps, nous verrons à quel point la Soufrière est un lieu qui représente un bien commun et revêt donc une dimension rhétorique de topos1, puis comment elle est constituée à la fois en ressource du point de vue de la préservation d’un patrimoine naturel mais aussi en tant que 1
En littérature, un argument ou un thème récurrent.
capital économique. Un projet touristique privé sur ses flancs, le Volcano Park (musée et télécabine), cristallise les tensions et fait émerger des prises de paroles autour de ce patrimoine, de cette ressource interprétée et appropriée différemment selon les acteurs concernés, que devient la Soufrière. A ces différents acteurs coïncident différentes territorialités correspondant à des appropriations spatiales distinctes, voire concurrentes. Et à ces territorialités vient se superposer celle du risque volcanique, mais en filigrane. L'éruption du Merapi en 2010, un accélérateur de modernité ? Marie Chenet Résumé : L'éruption du Merapi (Java, Indonésie) en octobre et novembre 2010 a entraîné de profonds changements dans l'organisation du territoire et les modes de vie locaux, notamment sur le flanc sud du volcan. Sur la zone dévastée, les activités touristiques se sont développées, principalement articulées autour d'un "tourisme de catastrophe". Cette nouvelle manne financière a transformé la région en véritable Eldorado, avec ses gagnants et ses perdants. Par ailleurs, les communautés touchées ont été relocalisées hors de la zone à risque. Dans ces nouveaux villages, des problèmes socio‐culturels ont rapidement émergés liés à la modification de la structure des villages et à l'abandon des méthodes d'agriculture traditionnelles. En outre, la relation entre la population et leur volcan a changé. La conception spirituelle du volcan est maintenant contestée par l'islamisation et la modernisation de la société javanaise. Ces changements sont révélateurs des mutations profondes qui touchent l'île de Java depuis une décennie. Influence de l'exploitation des pierres ponces sur l'environnement de l'île de Lombok (Indonésie) K. Boillot et B. Wahyu Mutaqin Résumé : A la suite de l’éruption du Samalas en 1257, l’île de Lombok, en Indonésie, a été en grande partie recouverte sous plusieurs dizaines de mètres de pierres ponces qui ont contribué à un milieu sec et peu propice à l’agriculture. Actuellement, ces pierres ponces sont activement exploitées pour l’exportation mondiale et leur excavation modifie l’environnement terrestre et marin de l’île. Loin d’être une conséquence collatérale, ces modifications s’avèrent souvent voulues notamment dans l’optique de rendre les terres plus propices à la riziculture, cependant leur exploitation entraîne également d’importantes problématiques d’ordre écologique. Dynamiques d’écoulement du lahar au volcan Merapi, Indonésie Sandi Budi Wibowo Résumé Les catastrophes passées liées aux lahars dans le monde ont causé d’au moins 44 252 morts de 1600 à 2010 dont 52 % sont morts à cause d’un seul évènement à la fin du 20ème siècle. La nécessité d’une meilleure compréhension des lahars en écoulement rend le grand public d’aujourd’hui beaucoup plus exigent et curieux. En revanche, la dynamique d’écoulement des lahars sur un chenal actif est encore mal connue car l’acquisition de données sur le terrain est difficile. Cette recherche présente plus particulièrement le lahar de type « coulée de débris » du 28 Février 2014 au volcan Merapi en Indonésie. La dynamique du lahar fut étudiée à partir de l’observation in‐situ et les instrumentations de terrain en amont et en aval. Les résultats d’analyse couplée d’images vidéo et des données sismiques montrent que le comportement de cet écoulement a évolué continuellement pendant l'événement. La vitesse et le débit maximum du lahar ont atteint respectivement 14,5 m/s et 473 m3/s, pour une profondeur d’écoulement maximum de 7 m. Près de 600 blocs de plus de 1 m de grand axe ont été recensés à la surface du lahar. La gamme de fréquence du lahar a varié de 10 à 150 Hz. L’interprétation des caractéristiques sismiques de cet événement a pu être améliorée par les résultats d’analyse des enregistrements vidéo, spécialement pour différencier les phases de coulée de débris et celles d’écoulement hyperconcentré. La vidéo du lahar est accessible en ligne pour le grand public (https://www.youtube.com/watch?v=wlVssRoaPbw). Risque, ressource et résilience dans les carrières du Merapi : comment mesurer le danger ? Édouard de Bélizal Docteur en géographie
Professeur agrégé à l’Université Paris-Ouest Nanterre – La Défense (UFR SSA)
Associé au Laboratoire de Géographie Physique (CNRS UMR 8591)
Les fortes densités de population vivant sur les flancs des volcans javanais sont non seulement à l’origine d’une importante exposition aux aléas volcaniques, mais témoignent aussi d’une certaine attractivité de ces milieux. Les espaces volcaniques javanais contribuent à fixer durablement des populations capables de tirer parti du danger, et de transformer les aléas en ressources, notamment sur le volcan Merapi envisagé ici comme le principal terrain des travaux ici présentés. Les éruptions y ont été très récurrentes, pouvant menacer jusqu’à 1,1 million de personnes, et en ont fait le volcan le plus surveillé d’Indonésie. Traditionnellement, les dépôts laissés dans le fond des vallées par les coulées pyroclastiques ou les lahars (coulées de débris volcaniques) sont utilisés par les populations locales qui les revendent sur l’ensemble de l’île de Java : les blocs d’andésite et les fractions sableuses représentent des matériaux de construction très prisés. Les carrières du Merapi, aménagées dans les corridors de coulées pyroclastiques et de lahars, ont longtemps fonctionné entre les dangers liés aux aléas du volcan, et les matières premières apportées par ces mêmes aléas. Les ressources qui permettaient de fixer et de protéger économiquement les sociétés du Merapi sont ainsi indissociables des processus dangereux qui les mettent en place, qu’il s’agisse des coulées pyroclastiques ou des lahars qui en transportent plus en aval encore les matériaux, en associant d’autant plus de communautés à leur exploitation. La spécificité de cette exploitation in situ des produits volcaniques est qu’elle expose immédiatement aux aléas volcaniques les travailleurs. Si ces derniers sont toujours plus nombreux à investir les carrières, si l’activité s’intensifie et se renforce, c’est bien qu’au final le bénéfice associé à cette ressource vaut plus que le danger encouru. La mesure du danger dans les carrières du Merapi représente un défi méthodologique tant les acteurs, les échelles et les menaces apparaissent démultipliés. La présente communication se présente comme une synthèse de plusieurs années de recherches ayant abordé le problème des risques sous différents angles : la caractérisation des aléas (surtout des lahars), la tentative de quantification du risque à partir d’indicateurs, la qualification de la vulnérabilité et de la résilience d’après une approche systémique, la cartographie des voies d’évacuation, l’analyse des menaces sanitaires auxquelles s’exposent les travailleurs. Enfin, l’émergence de l’activité touristique depuis l’éruption de 2010 produit de nouveaux enjeux, qui relancent la question de la gestion des risques dans ces carrières, qui sont donc des espaces mouvants, en perpétuelle transformation. Là est à la fois leur grande force, car cette rapidité de réponse aux perturbations environnementales ou économiques leur assure une rapide résilience. Mais d’un autre côté, cela en rend la gestion et la protection d’autant plus difficile, et fragilise la sécurité des travailleurs. Du site au gîte, la ressource en obsidienne au Proche‐Orient : l’exemple du Nemrut (Anatolie orientale) Anne‐Kyria Robin Au Néolithique, l’obsidienne constitue une des matières premières d’artefact archéologique retrouvée en Anatolie orientale, au Moyen et Proche Orient. Les sites archéologiques se situant en Mésopotamie (Iraq, Syrie notamment) présentent de nombreux artefacts en obsidienne tels qu’un microlithe géométrique à dos, des éclats, des lames, et des nucleus. Les obsidiennes sont des verres volcaniques, et ont donc une signature propre au volcan dont elles sont issues. En traçant l’origine des artefacts archéologique en obsidienne, il est possible de remonter jusqu’au gite où ce matériau s’est formé, et d’en déduire les axes de diffusion de l’obsidienne du gîte au site. Cette étude se fonde sur une analyse de terrain permettant de contextualiser les affleurements d’obsidienne, l’échantillonnage et la comparaison de la composition chimique des obsidiennes prélevées dans leur contexte géologique et de celle des artefacts archéologiques. Les analyses chimiques sont réalisées par LA‐ICP‐MS (IRAMAT, Orléans) pour les échantillons géologiques et archéologiques. Un traitement statistique par analyse discriminante fondé sur la composition élémentaire des échantillons géologiques (base de données GeObs) et archéologique, permet la constitution de groupe en fonction 1) des provinces volcaniques, 2) des volcans, 3) des évents. Ces analyses de laboratoire couplées à une étude de terrain (géologique et géomorphologique) permettent d’évaluer l’accessibilité et la quantité de cette ressource. Ce travail pluridisciplinaire permet une attribution des artefacts archéologiques pouvant être précisée à différentes échelles spatiale de la plus large (province volcanique) à la plus fine (évent). Notre étude se focalise sur un assemblage de 168 artefacts retrouvés sur 12 sites d’Iraq (Kheit
Qassim, Khirbet Derek, Umm Dabaghiyah, and Arpachiyah), du Kurdistan iraquien
(Surezha), du Golf arabique (Kheit Qassim, Khirbet Derek, Umm Dabaghiyah, et Arpachiyah)
et de Syrie (Khirbat al-Fakhar, Tell Brak/Tell Majnuna, Tell Zeidan), datés de la période Ubaid à Chalcolithique. Ces artefacts sont comparés à la base de données GeObs comportant 646 obsidiennes provenant de 11 provinces volcaniques d’Anatolie orientale. Il apparait que la totalité de ces artefacts peralcalines (de couleur verte), soit 92, proviennent d’une seule et même région volcanique et d’un seul volcan. 92 des 168 échantillons archéologiques proviennent du volcan Nemrut. Nous faisons, ici, le choix de nous intéresser à la réattribution de ces 92 artefacts à une échelle plus fine, soit celle de l’évent, afin de préciser les sites d’approvisionnement de la ressource en obsidienne durant les périodes de l’Ubaid et du chalcolithique. 
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