Elle est de l’ordre de la divine surprise de Dieu, telle la résurrection : c’est lorsque tout est mort et que l’humain est
sans illusion sur quelque retour à la vie
, que la vie de Dieu peut commencer à prendre place, que l’espérance
commence à éclore, là où on ne l’attendait pas, de la manière la plus inattendue.
L’espérance n’est pas une disposition naturelle qui verrait malgré tout quelque espoir en la nature humaine ! Elle
est une surprise qui vient d’ailleurs, de Dieu, là où l’on ne l’attend pas, quand on a compris qu’il n’y a rien à attendre
de l’humain, de soi-même et du monde.
Au fond, le péché le plus dramatique, c’est de croire en l’humain. Je sais que le dire ainsi est choquant. Mais croire
que l’humain peut s’en sortir par lui-même, c’est exactement ce que Paul combat de toutes ses forces. En terme
théologique, cela s’appelle « le salut par les œuvres »… ou par soi-même.
Voilà la fausse espérance que combat l’apôtre et contre laquelle il s’oppose radicalement.
Comment alors, l’espérance va-t-elle renaître ? Elle va renaître du côté de Dieu, sans aucune justification de la part
de l’homme. En terme théologique traditionnel, cela s’appelle « la Grâce ».
Entre cette désespérance du monde, de l’humain et de soi, que pose Paul dans ses premiers chapitres, et
« l’espérance contre toute espérance » dont il parle à propos d’Abraham, il y a l’acte sauveur de Dieu en Jésus-
Christ
. C’est lui et lui seul qui nous « rachète »
en plantant au cœur de l’histoire (et de nos histoire) un Dieu qui se
donne jusqu’à en mourir par amour inconditionnel, un Dieu crucifié.
Entre le chapitre 3 qui a extirpé toute illusion sur l’humain, et notre texte qui affirme l’Espérance comme moteur de
l’existence au quotidien, il y a donc l’accueil de cette bonne nouvelle : celle de l’acte de Dieu qui sauve l’humain,
l’humanité, le monde. L’accueil de cette Bonne Nouvelle : c’est cela la foi, au sens de la confiance. Et c’est cela qui
nous sauve et qui sauve l’humain : c’est que nous pouvons avoir foi-confiance non pas en l’humain mais en Dieu
pour l’humain. Et alors, nous pouvons espérer non pas en l’humain mais en Dieu pour l’humain, espérer alors que
rien, dans l’humain, ne permet d’espérer.
Aussi radical qu’il est pour dénoncer l’illusion d’une espérance en l’humain, aussi radical est Paul pour annoncer
l’acte de Dieu qui nous sauve ici et maintenant. Ce Dieu est un Dieu qui, au commencement de la vie, « appelle à
l’existence » ; et il est ce Dieu qui, à l’aboutissement de la vie, « fait vivre les morts »
. Nous ne sommes plus dans
catégorie des efforts à faire, ni dans une manière d’être, ni dans des valeurs à défendre. Nous sommes dans le DON
à accueillir en confiance (= la foi !) : le don de la vie, le don de l’acte libérateur de Dieu, le don de la justice de Dieu,
c'est-à-dire de son pardon.
Espérer contre toute espérance, c’est s’inscrire dans cette logique de confiance là.
C’est cette espérance là qui motive Abraham dans sa marche, ne sachant pourtant pas où il va.
St Thomas d’Aquin
souligne qu’Abraham avait deux obstacles qui rendaient impossible la promesse d’être « le
père d’une multitude de nations". Le 1er était qu’il était très vieux (comme mort à cause de sa vieillesse, dit St Thomas
reprenant Paul
). La 2e était que la multitude de nations n’existait pas encore. Mais Abraham eu confiance en Dieu
"qui rend la vie aux morts et qui appelle à l’existence ce qui n'est pas". Ainsi, son espérance est fondée sur sa foi-
confiance dans la promesse
de Dieu, non pas pour lui (car ce n’est jamais pour nous égoïstement que nous
espérons et croyons) mais pour la multitude des nations.
De même, très concrètement, dans nos actes d’Entraide par exemple. La logique de l’Entraide chrétienne est de
dire : nous ne pouvons pas croire en l’humain ni espérer en lui (y compris pour nous et notre capacité à aider les
autres, c’est à dire les sauver !). Mais nous pouvons compter sur l’acte de Dieu qui fait émerger pour l’aidant et
l’aidé (si tant est qu’on puisse les distinguer) un chemin de vie, de relèvement, de résilience, de résurrection (peu
importe les mots !)… puisqu’Il appelle à l’existence et fait vivre les morts que nous sommes.
Il faut passer par la détresse, l’endurance, la fidélité éprouvée avant d’aboutir à l’espérance ! (5,3-4)
On pourrait relire les évangiles avec cette grille de lecture : repérer comment Jésus agit lorsque les situations sont réellement
désespérées du point de vue humain : que ce soit dans les guérisons, dans les délivrances, dans le pardon des pécheurs, dans le
salut d’un collecteur d’impôt ou même dans sa propre existence, face à sa propre mort.
3,24
4,17
St Thomas d’Aquin, Commentaire aux Romains
4,19
ἐπαγγελίαν : où l’on retrouve la même racine que Evangile. Seul le préfixe change.