Eglise Protestante Unie de l`Annonciation Série de prédications « l

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Eglise Protestante Unie de l’Annonciation
Série de prédications « l’Espérance maintenant ! ».
3e prédication « espérer contre toute espérance ».
Romains 4,13-25
(notes de prédication)
Nous voici dans la 3e prédication de cette série « l’Espérance, c’est maintenant ! ».
Dans la première, mon collègue a parlé de l’Espérance comme fondement : une ancre qui nous relie aux
profondeurs de l’Etre et nous empêche d’être à la mercie de tous les vents.
Dans la seconde, nous avons parlé de l’Espérance comme perspective : le Salut ! Avec l’image du casque de
l’espérance du salut.
Aujourd’hui, entre l’origine et la perspective, nous pourrions dire qu’il s’agit de l’espérance en chemin.
« Espérer contre toute espérance».
Une expression difficile à comprendre même si elle est passée dans le langage courant.
« Espérant contre toute espérance, Abraham cru 1 » disent les traductions classiques (Second, TOB, NBS).
« Abraham a cru et espéré, alors que tout espoir semblait vain », traduit la Bible en français courant.
« Il n'y avait plus d'espoir, et pourtant Abraham a espéré. Il a cru en Dieu », traduit la Bible Parole de vie.
« Alors que tout lui interdisait d'espérer, il a espéré et il a cru », traduit la Bible du semeur.
On pourrait traduire « espérant
Essayons de reprendre la logique de Paul dans sa lettre aux Romains, lettre dont on sait qu’elle a été centrale pour le
christianisme (et le protestantisme en particulier) mais plus pour ce qu’elle dit du salut par la Grâce au moyen de la
foi que pour l’espérance.
Or l’Espérance (ou le verbe espérer) n’apparaît pas moins de 11 fois dans la lettre de Paul aux Romains 2.
Sans parler des autres lettres pauliniennes… au point qu’un des plus éminents théologiens du XX e siècle, Jürgen
MOLTMANN, considèrera qu’elle est l’élément central du judeo-christianisme et écrira son épaisse « Théologie de
l’Espérance »3 .
Paul vient de développer plusieurs convictions qui enlèvent au lecteur de son épitre toute illusion
- L’humanité s’est égarée dans l’idolâtrie (1,22-23), nous manquons totalement de jugement (1,28) et sommes
remplis d’injustice, méchanceté, avidité, malfaisance, envie, meurtre, disputes, ruses, vices, diffamations,
médisances, d’opposition à Dieu, d’insolence, d’orgueil, d’ingéniosité au mal, de rébellion pour les parents, sans
compassion, insensibles… et j’en passe (1,29).
- I nous promet : la colère de Dieu, détresse, angoisse pour ceux qui, par ambition personnelle, sont réfractaires à
la vérité (2,8)
- Et finalement, tous, juifs ou non, sommes sous l’emprise du péché, il n’y a pas un seul juste (3,10)
Dans les chapitres qui précèdent notre texte, donc : pas un seul mot sur l’espérance.
Au contraire : Paul ne nous laisse aucun espoir. Il dénonce la corruption de la nature humaine jusque dans ses
racines les plus profondes. Il ne nous laisse entrevoir aucune lumière qui puisse venir de l’humain.
Comme diraient certains « tous pourris ! ». Mais l’apôtre ajoute : « tous ! Et moi, le premier ! »4.
En terme biblique : tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ! 5.
Paul nous emmène ainsi au plus profond de ce que peut être le monde sans Dieu, c'est-à-dire un monde fermé sur
lui-même, sans autre référence que lui-même ; il nous décrit l’humain sans Dieu, c'est-à-dire enfermé sur lui-même,
qui s’autojustifie. Une catastrophe radicale.
C’est seulement lorsqu’on est dans cette radicale désespérance sur le monde, sur l’humain et d’abord sur soimême, lorsqu’on en fait l’expérience, qu’une espérance peut poindre ; une espérance comme une renaissance…
Mais elle ne peut pas venir de nous-mêmes et ne vient pas de nous-mêmes !
1
2
παρ’ ἐλπίδα ἐπ’ ἐλπίδι ἐπίστευσεν : contre (une) espérance dans/au-dessus (une) espérance, il crut…
4,18 – 5,2.4.5 – 8,24-25 – 12,12 – 15,4 – 15,13 3
CERF 1978 Coll. Cogitatio fidei N°50
4
1 Timothée 1,15
5
3,23
Elle est de l’ordre de la divine surprise de Dieu, telle la résurrection : c’est lorsque tout est mort et que l’humain est
sans illusion sur quelque retour à la vie6, que la vie de Dieu peut commencer à prendre place, que l’espérance
commence à éclore, là où on ne l’attendait pas, de la manière la plus inattendue.
L’espérance n’est pas une disposition naturelle qui verrait malgré tout quelque espoir en la nature humaine ! Elle
est une surprise qui vient d’ailleurs, de Dieu, là où l’on ne l’attend pas, quand on a compris qu’il n’y a rien à attendre
de l’humain, de soi-même et du monde.
Au fond, le péché le plus dramatique, c’est de croire en l’humain. Je sais que le dire ainsi est choquant. Mais croire
que l’humain peut s’en sortir par lui-même, c’est exactement ce que Paul combat de toutes ses forces. En terme
théologique, cela s’appelle « le salut par les œuvres »… ou par soi-même.
Voilà la fausse espérance que combat l’apôtre et contre laquelle il s’oppose radicalement.
Comment alors, l’espérance va-t-elle renaître ? Elle va renaître du côté de Dieu, sans aucune justification de la part
de l’homme. En terme théologique traditionnel, cela s’appelle « la Grâce ».
Entre cette désespérance du monde, de l’humain et de soi, que pose Paul dans ses premiers chapitres, et
« l’espérance contre toute espérance » dont il parle à propos d’Abraham, il y a l’acte sauveur de Dieu en JésusChrist7. C’est lui et lui seul qui nous « rachète »8 en plantant au cœur de l’histoire (et de nos histoire) un Dieu qui se
donne jusqu’à en mourir par amour inconditionnel, un Dieu crucifié.
Entre le chapitre 3 qui a extirpé toute illusion sur l’humain, et notre texte qui affirme l’Espérance comme moteur de
l’existence au quotidien, il y a donc l’accueil de cette bonne nouvelle : celle de l’acte de Dieu qui sauve l’humain,
l’humanité, le monde. L’accueil de cette Bonne Nouvelle : c’est cela la foi, au sens de la confiance. Et c’est cela qui
nous sauve et qui sauve l’humain : c’est que nous pouvons avoir foi-confiance non pas en l’humain mais en Dieu
pour l’humain. Et alors, nous pouvons espérer non pas en l’humain mais en Dieu pour l’humain, espérer alors que
rien, dans l’humain, ne permet d’espérer.
Aussi radical qu’il est pour dénoncer l’illusion d’une espérance en l’humain, aussi radical est Paul pour annoncer
l’acte de Dieu qui nous sauve ici et maintenant. Ce Dieu est un Dieu qui, au commencement de la vie, « appelle à
l’existence » ; et il est ce Dieu qui, à l’aboutissement de la vie, « fait vivre les morts »9 . Nous ne sommes plus dans
catégorie des efforts à faire, ni dans une manière d’être, ni dans des valeurs à défendre. Nous sommes dans le DON
à accueillir en confiance (= la foi !) : le don de la vie, le don de l’acte libérateur de Dieu, le don de la justice de Dieu,
c'est-à-dire de son pardon.
Espérer contre toute espérance, c’est s’inscrire dans cette logique de confiance là.
C’est cette espérance là qui motive Abraham dans sa marche, ne sachant pourtant pas où il va.
St Thomas d’Aquin10 souligne qu’Abraham avait deux obstacles qui rendaient impossible la promesse d’être « le
père d’une multitude de nations". Le 1er était qu’il était très vieux (comme mort à cause de sa vieillesse, dit St Thomas
reprenant Paul11). La 2e était que la multitude de nations n’existait pas encore. Mais Abraham eu confiance en Dieu
"qui rend la vie aux morts et qui appelle à l’existence ce qui n'est pas". Ainsi, son espérance est fondée sur sa foiconfiance dans la promesse12 de Dieu, non pas pour lui (car ce n’est jamais pour nous égoïstement que nous
espérons et croyons) mais pour la multitude des nations.
De même, très concrètement, dans nos actes d’Entraide par exemple. La logique de l’Entraide chrétienne est de
dire : nous ne pouvons pas croire en l’humain ni espérer en lui (y compris pour nous et notre capacité à aider les
autres, c’est à dire les sauver !). Mais nous pouvons compter sur l’acte de Dieu qui fait émerger pour l’aidant et
l’aidé (si tant est qu’on puisse les distinguer) un chemin de vie, de relèvement, de résilience, de résurrection (peu
importe les mots !)… puisqu’Il appelle à l’existence et fait vivre les morts que nous sommes.
6
Il faut passer par la détresse, l’endurance, la fidélité éprouvée avant d’aboutir à l’espérance ! (5,3-4)
On pourrait relire les évangiles avec cette grille de lecture : repérer comment Jésus agit lorsque les situations sont réellement
désespérées du point de vue humain : que ce soit dans les guérisons, dans les délivrances, dans le pardon des pécheurs, dans le
salut d’un collecteur d’impôt ou même dans sa propre existence, face à sa propre mort.
8
3,24
9
4,17
10
St Thomas d’Aquin, Commentaire aux Romains
11
4,19
12
ἐπαγγελίαν : où l’on retrouve la même racine que Evangile. Seul le préfixe change.
7
Ou encore dans le rayonnement de l’Evangile qui est la mission de l’Eglise. Nous ne croyons pas en l’Eglise et n’avons
rien à espérer de ceux qui la composent et de ses ministres. Car ils sont pécheurs et privés de la gloire de Dieu13. Mais
nous pouvons, en confiance, nous attendre à l’action de Dieu qui la fait advenir à l’existence, la ressuscite, lui
permet de porter de l’évangile.
Conclusion
On peut dire avec le théologien Moltmann que le christianisme est tout entier (et pas seulement en appendice)
espérance, perspectives et orientation en avant, donc aussi départ et changement du présent. Elle est le centre de la
foi chrétienne. Nous sommes ancrés dans le futur.
Ainsi, le christianisme joue l’espérance contre l’expérience (= ce que nous expérimentons de l’être humain et qui
est… désespérant !). L'espérance n'est pas une sorte de consolation à venir, mais, à cause de l’acte de création et de
la Résurrection du Christ, elle vient s'inscrire comme le moteur même de notre présent14 et de l’acte de Dieu qui
intervient dans l’histoire et dans nos histoires…. Si nous lui faisons confiance.
Permettez moi de terminer en évoquant ces mots de Martin Luther King qui illustrent dans sa personne comme
dans son engagement, que l’espérance contre toute espérance, bien comprise, loin de nous rendre démissionnaires,
décuple nos forces et nous conduit au don de soi :
Aujourd'hui, dans la nuit du monde et l'espérance de la Bonne Nouvelle,
j'affirme avec audace ma foi en l'avenir de l'humanité!
Je refuse de croire que les circonstances actuelles
rendront les hommes incapables de faire une terre meilleure.
Je refuse de croire que l'être humain n'est qu'un fétu de paille,
ballotté par le courant de la vie,
sans avoir la possibilité d'influencer en quoi que ce soit le cours des évènements.
Je refuse de partager l'avis de ceux qui prétendent
que l'homme est à ce point captif
de la nuit sans étoiles, du racisme et de la guerre,
que l'aurore radieuse de la paix et de la fraternité ne pourra jamais devenir réalité.
(…)
Je crois que la vérité et l'amour sans conditions auront le dernier mot effectivement.
La vie, même vaincue provisoirement,
demeure toujours plus forte que la mort.
(…)
Et de conclure : personne n'aura plus raison d'avoir peur.
13
14
3,23
Moltmann : C’est un nouveau commencement et un commencement du nouveau, ici et maintenant, aujourd’hui.
Une vie nouvelle commence. page. 105. Voir aussi la prédication de mon collègue de l’Oratoire :
www.youtube.com/watch?v=xfRzDiD-I1U
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