144 L’anorexie mentale : un nouveau champ de pratique
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Vol. 4, no 2, automne 2000 Interactions
L’anorexie mentale
Les individus souffrant d’anorexie mentale se caractérisent par leur peur excessive
de l’obésité, leur recherche obsessionnelle de la minceur et leurs problèmes de
perception corporelle. Ces derniers provoquent, chez plusieurs individus atteints,
une distorsion dans la façon dont ils perçoivent leur corps, ou certaines parties de
celui-ci (Alfred, Heilbrun et Witt, 1990; Bruch, 1975; Hennighausen, Enkelmann,
Wewettzer et Remschmidt, 1999). On parle de “ distorsion de l’image du
corps29 ”, car plus la personne maigrit, plus elle se perçoit comme étant trop grosse
(Cash et Deagle, 1997).
Ces personnes montrent des symptômes qui sont pathognomoniques du trouble.
On observe une diminution substantielle des portions alimentaires avec tri des
aliments, des séances excessives d’activités physiques, une consommation abusive
de laxatifs ou de diurétiques, et une utilisation compulsive du pèse-personne
(Davis, 1999). Des épisodes de boulimie surviennent fréquemment, accompagnés
de vomissements auto-provoqués. Toutes ces manifestations visent à provoquer
des pertes de poids importantes (Leichner, 1987). Avant l’apparition des
symptômes, la personne a tendance à socialiser très peu et à s’isoler (Pauzé et
Lacharité, 1994). Elle vit souvent un sentiment d’impuissance devant l’existence.
La personne manifeste aussi des attentes élevées envers elle-même, elle craint le
vieillissement, la sexualité et l’indépendance (Bruch, 1990; Leichner).
À mesure que l’amaigrissement s’accentue, une symptomatologie physique est
susceptible de survenir : des étourdissements, faiblesses, pertes de conscience,
difficultés de concentration, une peau sèche et pâle ainsi que des douleurs
abdominales (Lena, 1987). Toutes les manifestations précédentes caractérisent la
conduite anorexique. Elles ont été codifiées dans des grilles d’évaluation et sont
utilisées en recherche et en clinique pour faire un diagnostic du trouble (DSM-IV,
1996; Feighner, Robins, Gruze, Woodruff, Winokur et Munoz, 1972).
29 Dans la perspective constructiviste décrite plus loin dans cet article et adoptée par l’auteur, il n’y
pas nécessairement de distorsion ou de bonne image du corps. Puisque dans cette perspective, la
réalité est un construit, il y a la perception de son corps par l’anorexique elle-même, et la
perception de ce corps par autrui. Le cœur du problème semble donc davantage se situer dans
l’écart des perceptions respectives et relatives qui subsistent. On ne peut ainsi présumer qu’il y a
une perception davantage “ normale ” à laquelle devrait adhérer l’anorexique en réponse à un
traitement particulier (Curadeau, 1996).