198 Valorisation des ressources marines
la soutenabilité du système humain exploitant l’océan (que nous appellerons les
sociétés humaines, à la fois locales et diverses, mais connectées mondialement par
leurs moyens et leur économie) [BAC 10, GIA 98].
Nous avons constaté que les théories écologiques actuelles ont du mal à justifier
les calculs de flux d’énergie et de matière qui portent l’exploitation halieutique
de l’océan à l’assiette du consommateur. L’unification des approches naturalistes
classiques et des approches en écologie industrielle plus récentes sera nécessaire
pour préciser les conventions éco-énergétiques à appliquer sur la filière complète.
Nous développons une approche en écologie généralisée pour proposer un modèle
nouveau selon lequel l’exploitation halieutique transfère une biomasse, collectée
avec des moyens artificiels, d’un écosystème exploité (océan) vers un système
exploitant terrestre (les sociétés humaines ou leurs économies) dont les métabolismes
et l’évolution ne sont pas les mêmes [FRO 08]. Le tableau 5.1 et l’annexe 2 com-
parent cette approche à celles antérieures. Nous voulons montrer (en théorie et par
une étude de cas) comment des méthodes d’évaluation des impacts environnementaux,
économiques et sociaux des activités humaines découlant des « analyses du cycle de
vie » (ACV) ou LCA (Life Cycle Analysis), peuvent constituer une comptabilité de
la soutenabilité des filières halieutiques et aquacoles [EUR 10, HEN 12, ISO 06,
JOL 10, PEL 06, VAL 11]. Ces évaluations s’effectuent sur un périmètre élargi
aux sociétés humaines « de l’océan à l’assiette » [FRE 10]. Elles donnent de la
consistance et de l’opérationnalité aux paramètres de gestion identifiés sous les
bannières du développement durable, de l’économie soutenable et plus récemment
de la responsabilité sociétale des organisations.
Nous proposons donc de passer d’une logique halieutique (et aquacole) à une
logique d’approvisionnement des sociétés humaines, plus pertinente du point de vue
de l’éco-énergétique, pour juger la soutenabilité et les responsabilités le long des
filières. Il s’agit de légitimer les approches d’exploitation soutenable par rapport
aux logiques de marché aboutissant à une exploitation irresponsable, tant vis-à-vis
du renouvellement des ressources que des dommages collatéraux directs et indirects
causés aux écosystèmes marins et terrestres par l’économie humaine dans son
ensemble. La démarche implique de réorganiser ces filières d’approvisionnement en
sortant de la logique de moyens (production), pour poser celle de la finalité de la
consommation et des arbitrages pour choisir les débouchés les plus efficaces et
durables [FAO 99, FAO 12, OEC 07, PAU 02, VAL 07, WOR 08].
Les résultats de ces évaluations demandent une interprétation politique qui
peut être facilitée par le recours à des scénarios contrastés, en vue d’une aide à la
décision. Cet exercice permet de dessiner les formes possibles d’approvisionnement
des sociétés humaines en produits de la mer pour l’alimentation, ou tout autre usage
auxiliaire. L’évaluation de ces scénarios suit une approche intégrée qui permet à tout
moment de faire le bilan semi-quantitatif des propriétés écologiques, environne-
mentales, économiques et sociales (ou politiques) des filières, par segment ou sur
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