Master Intégrer à Genève, inclure en Finlande : qu'en pensent des élèves à besoins éducatifs particuliers ? MEULI, Natalina, ZUCCONE, Cecilia Abstract Ce mémoire de maîtrise universitaire en enseignement spécialisé comprend deux recherches réalisées par chacune des deux auteures. Les deux études contribuent à résoudre une problématique commune. Le mouvement en faveur de l’école inclusive suppose en effet que les élèves présentant des besoins éducatifs particuliers soient scolarisés en classe ordinaire. Or, peu d’études tentent de comprendre les faits d’inclusion et d’intégration sous l’angle de l’activité et des perceptions qu’ont les élèves à besoins éducatifs particuliers du contexte et des situations didactiques en classe ordinaire... Reference MEULI, Natalina, ZUCCONE, Cecilia. Intégrer à Genève, inclure en Finlande : qu’en pensent des élèves à besoins éducatifs particuliers ?. Maîtrise : Univ. Genève, 2013 Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:31221 Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. Intégrer à Genève, inclure en Finlande : qu’en pensent des élèves à besoins éducatifs particuliers? MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAITRISE UNIVERSITAIRE EN ENSEIGNEMENT SPECIALISE PAR Natalina MEULI Cécilia ZUCCONE Directrice du mémoire Greta PELGRIMS Jury Jérôme Laederach Katia Lehraus GENEVE JUIN 2013 Résumé Ce mémoire de maîtrise universitaire en enseignement spécialisé comprend deux recherches réalisées par chacune des deux auteures. Les deux études contribuent à résoudre une problématique commune. Le mouvement en faveur de l’école inclusive suppose en effet que les élèves présentant des besoins éducatifs particuliers soient scolarisés en classe ordinaire. Or, peu d’études tentent de comprendre les faits d’inclusion et d’intégration sous l’angle de l’activité et des perceptions qu’ont les élèves à besoins éducatifs particuliers du contexte et des situations didactiques en classe ordinaire. Ainsi, la première étude vise à étudier les perceptions d'élèves à besoins éducatifs particuliers dans un contexte scolaire dit inclusif, en Finlande ; l’analyse sémantique des données recueillies à l’aide d’entretiens semi-dirigés révèle la perception et le sentiment d’intégration d’élèves affiliés à une classe ordinaire tout en bénéficiant d’un soutien en classe de ressource. La deuxième étude se focalise sur les perceptions d'élèves à besoins éducatifs particuliers dans un contexte intégratif, à Genève ; les analyses statistiques des données recueillies par des questionnaires in situ indiquent les perceptions et le sentiment d’intégration qu’ont des élèves malentendants durant des activités didactiques de mathématiques et d’éducation physique. À travers l'étude des dimensions socio-affectives de l'apprentissage, nous interrogeons donc l'intégration et l'inclusion du point de vue des élèves à besoins éducatifs particuliers. Le but de ce mémoire de maîtrise, par la reprise et l’actualisation de nos résultats initiaux au vu de l'évolution du contexte politique, est de s’intéresser au plus près aux perceptions et sentiments des élèves pour mieux définir l’intégration et l’inclusion du point de vue de l’activité des élèves. Finalement, nous élaborons quelques pistes de mesures pédagogiques et didactiques à l'intention des professionnels. TABLE DES MATIERES 1 INTRODUCTION ................................................................................................................ 3 2 DE LA NOTION D'HANDICAP A LA NOTION D'INCLUSION ................................................... 5 2.1 La notion de handicap ................................................................................................................................ 5 2.2 De la notion d'intégration à l'école inclusive .................................................................................... 8 2.2.1 De la ségrégation à l'intégration à l'école publique ............................................................................... 8 2.2.2 De l'intégration vers l'inclusion ..................................................................................................................... 8 2.2.3 Controverses a propos de l'inclusion scolaire ...................................................................................... 12 2.2.4 Formes d'intégration ou d'inclusion scolaire ........................................................................................ 14 3 LES DIMENSIONS SOCIO-AFFECTIVES DE L'APPRENTISSAGE .......................................... 17 3.1 L'estime de soi : une notion multidimensionnelle ........................................................................ 17 3.1.1 Le sentiment de compétences scolaires .................................................................................................. 19 3.1.2 Le sentiment de compétences sociales .................................................................................................... 23 3.1.3 Sentiment d'appartenance et inclusion scolaire .................................................................................. 28 4 ANNONCE DES DEUX ETUDES ......................................................................................... 30 4.1 Problématique générique aux deux recherches ............................................................................ 30 4.1.1 Questions soulevées par la mise en place de pratiques intégratives ou inclusives dans différents contextes scolaires : contradictions théoriques et pragmatiques ........................................... 30 4.1.2 État des études de l'activité des élèves à besoins éducatifs particuliers scolarisés en classe ordinaire ............................................................................................................................................................................... 31 4.2 Annonce des deux contextes de recherche ...................................................................................... 32 4.2.1 École dite inclusive : contexte de l'étude menée en Finlande ........................................................ 32 4.2.2 École dite intégrative : contexte de l'étude menée à Genève .......................................................... 36 4.2.3 Similitudes et spécificités des deux systèmes ....................................................................................... 40 4.3 Annonce des deux démarches de recherche.................................................................................... 40 4.3.1 Étude des sentiments et des perceptions des élèves en contexte dit inclusif.......................... 41 4.3.2 Étude des sentiments et perceptions des élèves en situations didactiques ............................. 41 5 COMMENT LES ELEVES A BESOINS EDUCATIFS PARTICULIERS PERÇOIVENT-ILS LEUR ENVIRONNEMENT SCOLAIRE DIT INCLUSIF ? ETUDE DE CAS EN FINLANDE............................ 42 5.1 Questions de recherche ........................................................................................................................... 42 5.2 Démarche méthodologique.................................................................................................................... 44 5.2.1 Méthode de récolte de données .................................................................................................................. 44 5.2.2 Le guide d'entretien ......................................................................................................................................... 45 5.2.3 Echantillon d'étude .......................................................................................................................................... 47 5.3 Démarche d'analyse des données........................................................................................................ 48 5.4 Perception d'élèves intégrés dans une école en Finlande : présentation et discussion des résultats .................................................................................................................................................................. 48 5.4.1 Le sentiment d'appartenance des élèves ................................................................................................ 48 5.4.2 Perceptions des relations entre pairs ....................................................................................................... 51 5.4.3 Sentiment de compétence et perception de l'aide .............................................................................. 53 5.4.4 Perception de la fonction des enseignants et des assistants et les relations avec eux......... 55 5.4.5 Perception du système finlandais et de l'organisation de l'école ................................................. 59 5.5 Conclusion de la recherche menée en Finlande ............................................................................. 61 1 6 SENTIMENT D'INTEGRATION DES ELEVES PRESENTANT UNE DEFICIENCE AUDITIVE EN SITUATIONS DIDACTIQUES EN CLASSE ORDINAIRE ................................................................ 65 6.1 Problématique et questions de recherche ....................................................................................... 65 6.1.1 Problématique .................................................................................................................................................... 65 6.1.2 Questions de recherche .................................................................................................................................. 67 6.2 Démarche méthodologique.................................................................................................................... 69 6.2.1 Échantillon d’étude .......................................................................................................................................... 69 6.2.2 Instruments de recueil de données ........................................................................................................... 73 6.2.3 Procédure de recueil des données et difficultés rencontrées......................................................... 74 6.2.4 Démarche d'analyse des données .............................................................................................................. 77 6.3 Présentation et discussions des résultats ........................................................................................ 77 6.3.1 Sentiment d’être intégré en général : résumé des résultats............................................................ 78 6.3.2 Sentiment d’être intégré en situations didactiques ............................................................................ 78 6.4 Éléments de réponses à la question générale de recherche ...................................................... 90 6.5 Conclusion de la recherche menée à Genève ................................................................................... 91 7 CONCLUSION COMMUNE ................................................................................................ 93 8 BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................. 98 2 1 INTRODUCTION Après avoir accompli une formation d'enseignantes primaires, nous avons toutes deux choisi de poursuivre notre cursus académique par une maîtrise en enseignement spécialisé. S'est alors posée la question du travail de fin d'études pour l'obtention de ce diplôme. Nous avons pris l'option de mettre en commun certaines parties de nos recherches respectives réalisées comme mémoires de Licence en Sciences de l'Education, mention Enseignement primaire, et de les présenter et discuter sous une problématique commune. C'est l'objet de cet ouvrage publié dans les Cahiers de la Section des Sciences de l'Education. En effet, nous avions toutes deux axé nos précédentes recherches de mémoire dans le domaine thématique de l'intégration et de l'inclusion scolaire d'élèves à besoins éducatifs particuliers. En outre, les deux recherches concernent l'activité de l'élève intégré en classe ordinaire dans les dimensions socio-affectives. Ces dimensions sont étudiées en lien avec les contextes et les situations dans lesquels des élèves déploient leur activité. Dans son travail intitulé « Intégration des élèves présentant une déficience auditive en classe ordinaire : étude de la variabilité des dynamiques socio-affectives en fonction des situations scolaires », Zuccone (2011) a mené son étude à Genève dans le contexte d'intégration d'élèves malentendants en classe ordinaire de l'école primaire. Dans son travail intitulé « Comment les élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent-ils leurs environnement scolaire inclusif ? Une étude de cas en Finlande1 », Meuli (2011), quant à elle, a choisi de se pencher sur les perceptions des élèves à besoins éducatifs particuliers d'une école dite inclusive en Finlande. Ce nouvel ouvrage est ainsi l'occasion de contribuer à élucider une problématique commune, sous deux angles différents et dans deux systèmes scolaires différents, mais aussi à différents niveaux contextuels de l'activité des élèves intégrés. Tout d'abord, en Finlande, contexte scolaire déclaré comme inclusif, Meuli (2011) a étudié les perceptions des élèves à besoins éducatifs particuliers en relation avec deux contextes d'enseignement, à savoir la classe ordinaire et le groupe restreint de soutien d'enseignement spécialisé. Puis, à Genève, contexte davantage intégratif, Zuccone (2011) a étudié les perceptions des élèves malentendants et de leurs pairs ordinaires dans deux situations didactiques différenciées, en éducation physique et en mathématiques. Nos deux recherches concernent l’intégration scolaire du point de vue des élèves. Nous ne nous focaliserons pas sur des aspects cognitifs, mais davantage sur les dimensions socio-affectives de l’apprentissage. À l'aide de différentes méthodes de récoltes des données, ces études ont pour objectif d’interroger les élèves sur leur sentiment d’intégration ou d’inclusion en classe ordinaire. Les démarches méthodologiques sont également différentes puisqu'il s'agit d'une étude qualitative menée sous formes d'entretiens avec des élèves en Finlande, et d'une méthode quantitative sous forme de questionnaires complétés par des élèves dans le contexte genevois. La proximité de nos cadres théoriques et de nos questionnements nous a permis de réunir certains apports de nos deux travaux de mémoire de Licence afin d'arriver à la présente publication. Cet ouvrage comporte sept chapitres. Les deux chapitres qui suivent cette introduction sont réservés à une revue de la littérature incluant des apports conceptuels et des résultats d'études sur les thématiques du handicap, de l’inclusion et de l’intégration scolaire (chapitre 2), de l’estime de soi, du sentiment de compétence et d'appartenance (chapitre 3). Dans le deuxième chapitre, le regard conceptuel est mené selon un fil historique, puis nous présenterons quelques controverses qui ont amené ces concepts à évoluer, ainsi que les controverses encore d’actualité. Le troisième chapitre théorique portera quant à lui sur les dynamiques socio-affectives à partir du concept multidimensionnel d’estime de soi et du sentiment de compétence. Cet ancrage théorique nous permet de cerner les 1 Traduit par Natalina Meuli. Ce mémoire de licence a été rédigé en anglais de façon à ce que l'école où les entretiens ont été menés puisse accéder aux résultats. C'est pour cette même raison que de nombreuses traductions apparaîtront tout au long de cet ouvrage. 3 connaissances produites et d'en dégager notre problématique commune ainsi que les indicateurs de l’inclusion ou de l’intégration. Ces deux chapitres sont rédigés conjointement à partir des notions théoriques que nous avions toutes deux abordées dans nos mémoires respectifs. Il a parfois été nécessaire de situer précisément certains éléments en regard de nos deux études, et plus particulièrement en fonction des différents contextes dans lesquelles celles-ci ont été menées. À la suite de cet ancrage théorique, nous présenterons tout d'abord la problématique commune à nos deux études. Ce quatrième chapitre comprendra aussi la description des deux contextes de recherche. La fin de ce chapitre est consacrée à l’annonce des deux projets de recherche et des questions particulières qui les guident. Dans le cinquième et le sixième chapitre, les deux études respectivement menées en Finlande et à Genève seront présentées. Celles-ci seront exposées de manière singulière puisque des éléments de problématique et questions de recherche, les méthodologies et les résultats sont propres à chaque étude. Seuls les résultats les plus significatifs et contribuant à la problématique commune ont été retenus pour cet ouvrage. Ainsi, pour plus d’informations au sujet de ces études et la présentation détaillée de l’ensemble des résultats, nous renvoyons le lecteur aux recherches initiales (Meuli, 2011 ; Zuccone, 2011). Les résultats sont ensuite exposés et discutés en regard des problématiques de recherche. Enfin, le septième chapitre étant conclusif, nous confronterons les résultats issus des deux études, et nous montrerons l’importance de considérer le point de vue des élèves comme indicateur des pratiques d'intégration et d'inclusion scolaire effectives. Cela nous permettra finalement d’ouvrir un nouveau questionnement avec de nouvelles pistes d’investigation. 4 2 DE LA NOTION DE HANDICAP A LA NOTION D'INCLUSION Dans cette partie théorique, après avoir défini la notion de handicap, les concepts d’intégration et d’inclusion seront présentés et discutés. Nous mettrons également en évidence les aspects de mises en œuvre de l'inclusion et de l'intégration, tout en présentant leurs limites. 2.1 La notion de handicap Tout élève présentant une déficience, un trouble, une difficulté peut se trouver en situation de handicap dans un contexte scolaire. Ainsi, dans ce paragraphe, il conviendra tout d’abord de définir les notions de handicap, de situation de handicap dans leur évolution. Cela nous permettra donc d’inscrire la notion de handicap dans les concepts plus généraux d’intégration et d’inclusion scolaire qui seront présentés dans la suite de cet ouvrage. Une ancienne définition désigne le handicap comme un désavantage social résultant d’une cause biologique. On retrouve d’ailleurs cette notion étymologique dans l’essence même du mot « hand in cap » qui signifie « main dans le chapeau » en anglais. À l’origine, ce terme était employé pour donner un avantage à des candidats qui présentaient éventuellement une infériorité. Ce terme a alors été repris pour désigner les personnes présentant une infériorité, un écart par rapport à la norme, au niveau physique, moteur, mental, sensoriel, etc. Sous la responsabilité de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), un groupe de travail a eu en charge de caractériser, de définir et de classer les handicaps, dans le but de développer des conventions internationales sur la santé. En 1980, une classification des handicaps voit le jour ; la Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages (CIH-1) (OMS, 1980, traduit en français en 1988). Cette dernière place le concept de maladie au centre de sa réflexion, et détermine une suite logique de composantes du handicap. Effectivement, selon l’OMS, le handicap « désigne les difficultés qu’est susceptible de rencontrer un individu dans sa vie sociale ou personnelle du fait d’une altération corporelle ou d’une invalidité » (Rossignol, 2007, p. 2). Wood (OMS, 1980) propose un modèle linéaire représentant les relations entre causes étiologiques et handicaps. Causes Déficiences Incapacités Désavantages Selon cette définition, l’étiologie (différentes causes biomédicales) entraine une ou plusieurs déficiences. Ces déficiences créeraient ensuite, pour la personne atteinte, des incapacités à accomplir certaines tâches socialement attendues. Ces déficiences et ces incapacités entrainent alors des désavantages qui concernent directement les conséquences sociales dans les contextes de vie de l’individu. En résumé, une personne est dite handicapée lorsqu’elle ne peut, en raison d’une maladie, accomplir certaines tâches socialement attendues compte tenu de sa culture et de son âge. Dans cette définition, les déficiences sont « une perte, une malformation ou une anomalie d’un organe, d’une structure ou d’une fonction mentale, psychologique, physiologique ou anatomique » (Petit, 2001, p. 36). La déficience concerne neuf catégories répertoriées par l’OMS: les déficiences intellectuelles, physiques, langagières, de l’appareil auditif, de l’appareil visuel, des autres organes, du squelette, de l’esthétique et des fonctions générales. Les incapacités induites par les déficiences se répercutent directement sur le fonctionnement quotidien d’une personne. L’incapacité correspond donc à toute réduction (partielle ou totale) de la 5 capacité d’accomplir une activité dans les limites considérées comme la norme. Ces incapacités ont elles aussi été répertoriées dans différents domaines touchant principalement : le comportement, la communication, les soins corporels, la locomotion, l’utilisation du corps, les maladresses et l’intolérance à certaines situations. Finalement, les désavantages représentent les conséquences sociales des incapacités et des déficiences, et l’adaptation de l’individu et de ses interactions avec son milieu social. Ce premier modèle proposé par la CIH-1 est linéaire et ne comprend pas l’environnement en tant que tel comme composante déterminante du handicap. D’après cette définition de l’OMS, une personne présentant une déficience auditive serait handicapée car sa déficience auditive entrainerait une incapacité à communiquer selon les normes attendues. Par exemple, elle ne peut communiquer oralement avec des personnes entendantes. Cependant, nous savons aussi que cette incapacité à communiquer n'est pas systématique, les prises en charge éducatives, logopédiques, et scolaires permettent d'accéder à d'autres modes de communication (lecture labiale, langage parlé-complété). Il en résulte une nette réduction des incapacités à communiquer. En outre, quand cette personne est placée dans un contexte social avec des interlocuteurs sourds et malentendants qui utilisent tous la langue des signes, peut-on affirmer qu’elle est toujours dans une situation ne lui permettant pas l’accès à la communication ? La réponse bien sûr est négative, puisqu’elle pourra s’exprimer en langue des signes par exemple, et de fait sera tout à fait capable de s’exprimer et de communiquer. Ainsi, comme le propose Gillig (2006), il est plus pertinent de parler de « handicap en situation » (p. 114), puisqu’un individu n'est pas limité dans ses capacités à accomplir des tâches dans toutes les situations sociales. L'usage prédominant de « personne handicapée » traduit « une confusion permanente entre l’existence d’une déficience et la réalité individuelle et sociale de ses conséquences » (Petit, 2001, p. 36). Un élève présentant une déficience auditive serait donc en situation de handicap lorsqu’il doit par exemple écouter son enseignant car les conditions ne sont pas adaptées (n'entend pas, ne peut pas lire sur les lèvres, etc.), mais ne le serait pas quand il s'agit de réaliser un exercice de mathématiques où l’oral n’est pas nécessairement convoqué. Dans l’évolution de la notion de handicap, de nombreux chercheurs dont Fougeyrollas proposent une pensée nouvelle de la notion de handicap. En effet, selon Fougeyrollas (2002), le handicap n’est pas lié à l’individu et à sa déficience, mais réside dans une interaction entre l’individu et l’environnement dans lequel il évolue. Il s'agit donc d'un processus multidimensionnel. Cette approche conçoit l'environnement social et physique comme facteur déterminant du handicap. Si l’environnement n’est pas adapté à l’individu présentant une déficience ou une incapacité à accomplir une tâche attendue, alors cette personne est confrontée à une situation de handicap. À l’opposé, il n'y a pas de situation de handicap si l’environnement est adapté. La classification des handicaps est alors modifiée et prend corps sous le nom de CIH-2, puis de CIF, soit la Classification Internationale du Fonctionnement des handicaps et de la santé (OMS, 2001). Dans le modèle fondant cette nouvelle classification, les concepts incapacité et désavantage sont respectivement relayés par ceux de limitation d’activités et de restriction de participation. L’activité désigne « l'exécution d'une tâche ou d'une action par un individu. Elle constitue la dimension individuelle du fonctionnement » (OMS, 2001, p. 167). La limitation d’activité se réfère au fait que l’individu ne peut pas ou de façon insuffisante réaliser une ou plusieurs activités attendues dans un environnement déterminé et selon des conditions habituelles. La participation est définie comme étant l’« implication de l'individu dans une situation vécue. Elle constitue la perspective sociétale du fonctionnement » (OMS, 2001, p. 167). Dès lors, la restriction de participation se rapporte à la notion de performance, de réalisation de son rôle dans un environnement social, et réside plus particulièrement « dans les problèmes qui peuvent se poser à un individu lorsqu'il s'implique dans des situations vécues » (OMS, 2001, p. 167). 6 Avec cette nouvelle classification, un nouveau concept voit le jour pour définir les situations d'activités en lien avec les facteurs personnels de l'individu et avec les facteurs environnementaux. Le handicap est donc perçu de manière situationnelle et non seulement en termes de déficience. La terminologie situation de handicap est alors préconisée. « La situation de handicap concerne toute situation dont les conditions sociales, matérielles et temporelles données empêchent une personne d'accomplir les tâches attendues et de remplir le rôle social attendu dans un contexte socioculturel donné » (Pelgrims & Cèbe, 2010, p. 113). Sous l'influence de cette approche interactionniste, une nouvelle terminologie est utilisée pour nommer les différents besoins des élèves se trouvant en situation de handicap dans le contexte scolaire. On parle alors d'élèves à besoins éducatifs particuliers. Pour répondre à ces besoins, le système scolaire met en place des mesures matérielles, thérapeutiques, pédagogiques et didactiques afin que tous les élèves puissent accomplir leur rôle. À l'école, une situation de handicap scolaire résulte donc de l’inadéquation entre les besoins éducatifs, pédagogiques et didactiques particuliers d’un élève et les caractéristiques du contexte de classe dans lequel il doit accomplir ses tâches et son rôle d'élève (Pelgrims & Cèbe, 2010, p. 114). Toutefois, il est important de préciser qu'actuellement « l'usage du terme [besoins éducatifs particuliers] en dévie le sens premier et besoins éducatifs particuliers est de plus en plus utilisé pour désigner des individus, pour qualifier ceux et celles, des personnes, des élèves, qui présentent un handicap, une déficience » (Pelgrims, 2011, p. 8). Dans la suite de ce travail, la meilleure appellation pour désigner ces élèves serait élèves déclarés en difficultés ou présentant une déficience. Toutefois, cette appellation n'est pas communément employée. Les chercheurs comme les professionnels du domaine utilisent principalement les termes de situation de handicap et de besoins éducatifs particuliers pour désigner ces personnes. Nous n'utiliserons pas l'appellation situation de handicap puisque ce concept a été détourné au profit d'un besoin constant de désigner des personnes différentes. En effet, cette formule se réfère à la fois à la personne présentant une déficience et à la situation dans laquelle elle se trouve. Le langage commun et la littérature font usage du terme personne en situation de handicap pour nommer l'appartenance au groupe de personnes présentant une déficience. Pour des raisons de convenance et au regard du langage actuel dans le domaine, nous utiliserons la notion d'élèves présentant des besoins éducatifs particuliers, même si celle-ci ne peut pas être employée comme un attribut de personne, dans la mesure où elle dépend des situations. À ce sujet, beaucoup de sourds refusent d’ailleurs le qualificatif de « personne en situation de handicap » car ils estiment qu’ils ne sont pas dans la norme officielle, à savoir la langue oralisée, mais qu’ils peuvent cependant communiquer dans leur propre langue. Ainsi, le fait d’avoir mis en place des processus de compensation, comme la langue des signes ou la lecture labiale par exemple, ne place pas toujours les personnes malentendantes et sourdes dans une situation de handicap. On voit donc bien à quel point la notion de handicap est situationnelle et nécessite d’être prise en compte dans un environnement particulier. Dethorre (2006) rappelle qu’« on n’est sourd que pour ceux qui entendent et parlent, de même qu’on n’est entendant que pour ceux qui entendent peu ou pas, et n’utilisent la langue orale que fort difficilement » (p. 42). Ainsi, la situation de handicap dépend de l’environnement physique d’une part, et de l’environnement social d’autre part. La notion de norme doit être remise en question puisqu'à certains moments la déficience passe inaperçue alors qu'à d'autres moments, elle est mise en avant dans des situations qui ne sont pas adaptées. On peut s’interroger sur les limites de cette norme, à savoir quand est-ce qu’une personne est considérée dans la norme ou hors-norme. Cette construction sociale et environnementale met donc en évidence la relativité de la norme, dans la mesure où, comme le dit Goasmat (2008) : une même déficience n’entraîne pas le même handicap et ce sont des modes d’organisation sociale et politique qui feront de la déficience tantôt un handicap léger, tantôt une marginalisation, une exclusion. En ce sens, le handicap est, au contraire de l’infirmité, un produit de l’organisation sociale (p. 48) 7 Finalement, tous ces besoins éducatifs particuliers ont été identifiés au regard d'une certaine norme scolaire et sociale qui a reconnu l'élève tout-venant, dit ordinaire, et ses caractéristiques (rythme de travail, autonomie, encadrement, atteintes de fin de cycles, …) comme étant la norme. Un élève sortant des balises ordinaires devient alors, par définition, un élève hors-norme, c'est-à-dire un élève présentant des besoins éducatifs particuliers. Gillig (2006) explique d’ailleurs que « cette définition du handicap renvoie à la fois à la norme, comme étant un écart à la norme, et à la catégorisation » (p.111). Des catégories sont créées socialement de façon à pouvoir savoir qui entre dans la norme et qui est en marge de celle-ci. Au regard des éléments discutés ci-dessus, nous nous interrogerons par la suite sur la place que les élèves présentant des besoins éducatifs particuliers occupent dans le système scolaire. En effet, la désignation de ces élèves a impliqué une réorganisation des systèmes éducatifs pour leur permettre une scolarisation. Au départ, celle-ci était totalement isolée des structures d'enseignement ordinaires alors qu'aujourd'hui, les volontés politiques tendent à vouloir intégrer ou inclure ces élèves dans les écoles publiques. 2.2 De la notion d'intégration à l'école inclusive 2.2.1 De la ségrégation à l'intégration à l'école publique Durant les soixante dernières années, la terminologie propre à l'enseignement spécialisé a changé et a évolué, ce qui signifie que les valeurs et la philosophie sous-jacentes ont elles aussi évolué. Jusque dans les années 1960, presque tous les pays pratiquent une politique de ségrégation. En d’autres termes, cela signifie que les élèves présentant une déficience sont isolés des environnements scolaires ordinaires et même publics ou de toute école, et donc des autres élèves. Les enfants et les adolescents étaient généralement accueillis dans des institutions, des asiles, ou dans des écoles spécialisées. Ces pratiques institutionnelles reposaient sur le postulat selon lequel environ 3% de la population en âge scolaire était « incapable » de suivre l’école régulière, n’était pas « scolarisable », ni même « éducable » (terminologie de l’Assurance Invalidité en Suisse, en vigueur dans les années 1970-1980). De même, en Finlande, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, « l'idéologie du système finlandais parallèle d'éducation reposait sur l'inéquitable distribution de l'intelligence dans la population2 » (Kivirauma, Klemelä & Rinne, 2006, p. 118). L'enseignement spécialisé était également basé sur cette supposition. Les élèves dits « déficients » étaient considérés comme ayant une structure mentale différente, ou un retard de développement mental qui impliquait, comme solution logique, un environnement scolaire ou éducatif séparé. La rupture avec cette approche pédagogique et ce système s'est faite en Finlande entre 1972 et 1977. C'est alors le début du système de l'école obligatoire qui a rapproché l'enseignement ordinaire et l'enseignement spécialisé. 2.2.2 De l'intégration vers l'inclusion Intégration : définition conceptuelle Dès les années 1960 débute un mouvement revendiquant le droit et l’accès à l’école publique pour les enfants handicapés. Ce droit est acquis dans différents pays occidentaux à partir des années 1975. Dans certains systèmes (Suède, Italie…) on privilégie d’emblée l’intégration à l’école et en classe ordinaire. Dans la majorité des pays, on met en place des structures différenciées d’enseignement spécialisé allant de l’intégration en classe ordinaire vers une scolarisation en institution ou en école séparée, toute forme de classe à effectif réduit plus ou moins proche de 2 Traduit par Natalina Meuli 8 l’ordinaire. On assiste alors aux politiques dites « intégration » ou « normalisation » (integrationmainstreaming) (Doré, Wagner & Brunet, 1996). Doré et al. (1996) le résume par les propos suivants : « La notion d'intégration scolaire est un construit historique qui est apparu à la fin des années 60, qui se révèle tributaire des façons nouvelles de considérer la société, l'école et, tout particulièrement, certaines populations historiquement marginalisées » (p. 30). Dans les pratiques scolaires, le concept d’intégration se traduit par différentes niveaux. En effet, les pratiques intégratives en classe ordinaire peuvent être très différentes et plus ou moins effectives. Les auteurs proposent de distinguer trois niveaux d'intégration : l'intégration physique, l'intégration fonctionnelle et l'intégration sociale (Fuster & Jeanne, 2003, pp. 165-170). La première est élémentaire; il s'agit d'un placement scolaire. Dans un contexte scolaire, une intégration physique revient à placer un élève à besoins éducatifs particuliers dans le même espace que ses pairs ordinaires. L'intégration est une décision structurelle. Un ou plusieurs élèves avec des déficiences sont placés dans des classes ordinaires pour effectuer des tâches différentes de leurs pairs, ou parfois même pas de tâches scolaires. Comme Doré (2001) le spécifie, « ce niveau d'intégration n'implique pas nécessairement des interactions entre les individus physiquement réunis » (p. 4). Cette intégration d’ordre physique est alors déterminée par le fait que des personnes différentes se trouvent dans les mêmes lieux physiques. Gillig (2006) définit d’ailleurs cette intégration par des « temps communs où les uns et les autres se côtoient physiquement » (p. 176). Ce type d’intégration se résume donc à la présence d’individus différents dans un même lieu au même moment. L'intégration fonctionnelle est plus complexe parce qu'en plus d'être dans le même espace, les élèves à besoins éducatifs particuliers doivent réaliser des tâches d’apprentissage comme les autres élèves. La fonction de leur placement est d'effectuer des tâches dans le même environnement que d’autres élèves dits « ordinaires ». Ces tâches n’étant pas nécessairement les mêmes que celles assignées aux autres élèves, l’élève ainsi intégré n’apprend pas avec les autres. Ces deux formes d’intégration comprennent : l’enseignement en commun d’enfants en situation de handicap et d’enfants dit normaux dans le cadre de classes ordinaires, tout en leur proposant le soutien nécessaire (pédagogique, thérapeutique) pour faire face aux besoins spécifiques de leur environnement sans avoir recours à la séparation scolaire. (Bless, 2004, p. 14) Cette définition conçoit l’intégration comme étant tout d’abord physique, puisque un ou plusieurs élèves sont placés avec des élèves de classes ordinaires. Elle présente également un caractère fonctionnel car l’élève doit pouvoir évoluer comme ses camarades dans cet environnement social qu’est la classe et l’institution scolaire en générale. La définition de Bless (2004) ne sous-entend cependant pas le fait que l’intégration doit permettre à l’élève en situation de handicap de travailler avec ses camarades ordinaires. En somme, intégrer un enfant ayant des besoins éducatifs particuliers revient à aménager l’environnement pédagogique et didactique dans lequel il se trouve, pour répondre à ses besoins spécifiques. Bless (2004) affirme que « l’intégration est une mesure pédagogique qui est appliquée en garantissant une prise en charge adéquate et individualisée de tous les enfants » (p. 14). Finalement, l'intégration sociale, que certains appellent également intégration scolaire, implique que les élèves à besoins éducatifs particuliers réalisent de réelles tâches d'apprentissages dans des conditions leur permettant d'assumer leur rôle social : être un élève, et apprendre avec et parmi les autres. Cette intégration est aussi appelée intégration pédagogique par certains chercheurs (voir Doré, 2001). Cela consiste en des relations sociales positives entre les élèves, c'est-à-dire entre les élèves à besoins éducatifs particuliers et les élèves ordinaires. Ce type d’intégration implique également des interactions didactiques entre les enseignants et tous les élèves dans le but de favoriser les apprentissages scolaires de tous les élèves ordinaires ou intégrés (Pelgrims, 2009, 2011). Bien que la notion d’intégration scolaire ait été définie précédemment, il nous parait important de pointer une confusion conceptuelle à propos de celle-ci. Cette confusion théorique apparait souvent 9 dans les pratiques scolaires ainsi que dans la littérature. Les pratiques d'intégration qui ne sont pas sous-tendues par des attentes spécifiques d'apprentissages scolaires, mais plutôt par des interactions sociales tout venantes, sont souvent désignées par intégrations sociales. De ce point de vue, certains enseignants essaient d'offrir à leurs élèves à besoins éducatifs particuliers un espace, hors situations d’enseignement-apprentissage, pour créer des relations sociales positives avec les autres élèves. Généralement, cette forme d’intégration a lieu durant les leçons de musique, d'éducation physique ou de travaux manuels, par exemple. Il ne s'agit donc pas d'une intégration sociale au sens scolaire décrite ci-dessus, puisque les élèves dits « intégrés » interagissent avec leurs pairs sans assumer le même rôle social d’élève-apprenant attendu par l'école et par l'environnement socio-culturel (Pelgrims, 2009). De notre point de vue, nous réservons l’intégration sociale pour désigner les pratiques visant à intégrer des élèves à besoins éducatifs particuliers dans une classe ordinaire avec des attentes et des objectifs d'apprentissage clairement définis dans des disciplines socialement reconnues et valorisées (par exemple dans le domaine de la communication orale, des langues et des sciences). Celle-ci peut alors être appelée intégration scolaire par certains enseignants. Même si l'élève est bien intégré dans la classe ordinaire, il est toujours rattaché à la classe spécialisée. C'est comme une étiquette. L'élève est toujours vu et reconnu comme quelqu'un de différent dans la classe. Dans chaque classe ordinaire, l'appartenance administrative à l'enseignement spécialisé et l'appellation de l'élève à besoins éducatifs particuliers intégré exacerbe les différences de statuts entre élèves; des différences inter-individuelles existent. La continuité des pratiques ségrégatives est une des raisons pour laquelle les professionnels, durant les années 1990, ont commencé à parler d'inclusion scolaire plus que d'intégration scolaire (Doré et al. 1996). La définition de l’intégration montre que ce concept revient à scolariser un individu dans un autre groupe en lui apportant l’aide dont il a besoin pour y parvenir. En somme, il s’agit de « maximiser la participation (potentielle) d’une personne dans le courant de la culture principale de sa société » (Doré et al., 1996, p. 32). Ces propos mettent en évidence l’objectif principal de l’intégration qui est de ne laisser personne en marge de la société, puisqu’elle tend à les intégrer dans des conditions les plus proches de la norme. Grâce aux mesures d’intégration, les élèves présentant certaines difficultés ou handicaps sont donc intégrés à l’école, lieu adapté en fonction de leurs besoins spécifiques. Cette définition de l’intégration renvoie alors à la norme. Doré et al. (1996) nous éclairent à ce sujet : La notion clé en matière d’intégration est la normalisation. Pour l’essentiel, le principe de normalisation vise, dans la mesure du possible, à rendre accessibles aux personnes socialement dévalorisées des conditions et des modèles de vie analogues à ceux que connaissent, de façon générale, l’ensemble des personnes d’un milieu ou d’une société donnés. (p. 32) L’intégration tend donc à réduire les inégalités de traitement entre les élèves présentant une déficience et les élèves ordinaires. Inclusion : définition conceptuelle Dans les années 1990, un autre modèle s’est mis en place. Effectivement, des chercheurs OutreAtlantique proposent le terme d’inclusion scolaire qui est « une démarche visant à repousser les limites du programme d’enseignement et de gestion de classe pour y inclure une plus grande diversité d’élèves aux caractéristiques différentes » (Elliot, Doxey & Stephenson, 2009, p. 17). Dans cette démarche, « tous les enfants doivent être inclus dans la vie sociale et éducative de leur école et classe de quartier et pas seulement placés dans le cadre scolaire normal (mainstream) » (Doré et al., 1996, p. 36). Autrement dit, selon cette optique il s’agit d’aménager entièrement l’environnement de l’élève de façon à ce que celui-ci trouve tout ce dont il a besoin au même 10 endroit que ses camarades ordinaires. Cela se traduit par le fait que les élèves sont ensemble afin d'accomplir des tâches scolaires, en permettant à tous d'assumer leur rôle social, ce qui est un pas de la ségrégation vers l'inclusion. Celle-ci permet aux élèves de vivre, d'apprendre et de se développer au sein d'un même contexte et à travers des interactions d'enseignement-appprentissage capables de prendre en compte les besoins spécifiques de chacun. L’école inclusive serait une école accessible à tous : la classe ordinaire devient alors « le lieu principal ou exclusif de scolarisation des élèves en difficultés » (Doré et al., 1996, p. 39). Ainsi, « sans être incompatible avec la notion d’intégration, celle d’inclusion institue l’intégration de façon plus radicale et plus systématique, et met l’accent sur les applications pratiques de l’intégration » (Doré, et al., 1996, p. 37). Le modèle inclusif reproche à l’approche intégrative de vouloir intégrer un individu qui fait déjà partie du groupe. L’inclusion scolaire vise alors essentiellement à créer un milieu scolaire adapté à tous les individus d’une population, en accordant à chacun d’eux d’être scolarisés dans un même lieu, selon leur âge et leur quartier de domicile. En somme, « c’est à l’institution scolaire de s’ouvrir, de se mettre à portée d’enfants singuliers, et non le contraire » (Bertin, 2007, p. 241). Dans le système inclusif, il s’agit alors non seulement de prendre en compte les différences, mais de proposer un milieu, un environnement pédagogique qui puisse répondre aux besoins de tous. Très souvent, l'inclusion est perçue comme étant un synonyme de l'intégration, mais la littérature nous montre que c'est une confusion terminologique. L'inclusion est une étape supplémentaire à l'intégration. Elle est éminemment procédurale et structurale (Pelgrims, 2009, 2011). Selon Doré et al. (1996), l'inclusion signifie une instruction adaptée et différenciée ainsi que des ressources pour répondre aux besoins spécifiques des élèves. En Finlande, l'inclusion scolaire est le principe fondateur de l'éducation puisque, en effet, les discours politiques énoncent que « le système éducatif finlandais est basé sur l'égalité, la valeur de l'apprentissage et sur le principe de l'inclusion 3 » (Järvinen, 2007, p. 1). De manière plus précise, « l'inclusion se réfère au placement d'élèves avec une ou plusieurs déficiences dans une classe ordinaire d'âge équivalent avec les supports et accompagnements nécessaires. L'inclusion est basée sur la conviction que tous les élèves sont capables d'apprendre » (Arzola, 2007, p. 1086). Comme nous l’avons mentionné plus haut, il s’agit du principe d'éducabilité. Le bureau national finlandais d'éducation déclare que « la première alternative pour attribuer des mesures d'enseignement spécialisé est d'inclure les élèves à besoins éducatifs particuliers dans les classes ordinaires et, si nécessaire, d'offrir de l'enseignement spécialisé dans des groupes restreints4 ». C'est un important changement de perspective. Effectivement plutôt que d'appartenir à la classe spécialisée et d'être intégrés en classe ordinaire pour quelques leçons, les élèves appartiennent à la classe ordinaire et reçoivent un soutien spécifique dans ou en dehors de la classe en fonction de leurs besoins. La classe de référence, d’appartenance scolaire du moins administrative, est la classe ordinaire. Dans le système finlandais, selon le bureau national d'éducation, l'inclusion scolaire signifie que « l'évaluation des élèves se base sur des critères du programme ordinaire ou selon un programme individuel d'éducation5 ». Bien que les politiques actuelles et les systèmes ne soient plus si ségrégatifs, mais plutôt déclarés comme intégratifs voire inclusifs, des situations ségrégatives peuvent encore avoir lieu, spécialement lorsque les élèves à besoins éducatifs particuliers sont détachés des classes ordinaires pour se retrouver dans un petit groupe ou une classe ressource comme cela peut être le cas en Finlande. Dans le contexte de l’enseignement spécialisé genevois, la plupart des institutions localement dits Centres médico-pédagogiques, sont séparées de l’enseignement ordinaire rendant l’éloignement des écoles ordinaires plus saillant. D’autres situations de ségrégation peuvent aussi avoir lieu en classe ordinaire quand les élèves à besoins éducatifs particuliers reçoivent un soutien 3 Traduit par Natalina Meuli 4 Traduit par Natalina Meuli 5http://www.oph.fi/english/education/educational_support_and_student_wellbeing/special_needs_education, consulté le 15 avril 2013, 12:37, traduit par Natalina Meuli 11 individuel. Une étude menée en Norvège a démontré que les élèves à besoins éducatifs particuliers se sentent plus étiquetés pendant les leçons que les chercheurs ne l'avaient imaginé. Selon eux, « l'utilisation accrue de mesures d’appui hors de la classe ordinaire peut être interrogée particulièrement si celles-ci sont utilisées à des fins de drill qui pourraient être menées dans le contexte de la classe ordinaire 6 » (Nes Mordal & Strømstad, 1998, p. 115). Même en classe ordinaire dite « inclusive », des élèves dits « inclus » peuvent vivre des situations d’exclusion des activités sociales, pédagogiques et didactiques de la classe. Ceci a conduit à proposer différents niveaux d’intégration, concepts utiles à l’once de pratiques effectives d’intégration. 2.2.3 Controverses a propos de l'inclusion scolaire Bien que l’inclusion scolaire semble un modèle très pertinent et porteur de sens, plusieurs auteurs émettent des critiques et révèlent certaines incohérences à son sujet. Tout d’abord, le terme même d’inclusion n’est pas un terme propre à l’enseignement spécialisé. En effet, plusieurs domaines scientifiques utilisent ce terme pour décrire différents phénomènes. La plupart des chercheurs préfèrent parler d’« une école inclusive », c’est-à-dire d’une école qui s’adapte aux besoins de tous ses élèves plutôt que de parler d’inclusion de manière générale. Cela amène certains chercheurs à penser à un changement de paradigmes en identifiant les besoins spécifiques et particuliers de l’école (Guyotot, 2013). Au-delà de la terminologie, une première contradiction conceptuelle concerne le terme « intégration » qui n'a pas donné de réelle satisfaction à l’ensemble des professionnels. En effet, l'intégration a été pensée pour donner le droit aux élèves à besoins éducatifs particuliers d’avoir accès à l’école, et, dans la mesure du possible avec les autres. En outre, certains auteurs rapportent que le terme intégrer « suppose qu’un élève ait déjà été exclu » (Petit, 2001, p. 38). Dans cette optique l’élève est rejeté d’un système social de par ses caractéristiques personnelles en inadéquation avec ce système ordinaire. La ségrégation serait alors renforcée. Autrement dit, les élèves ont été sortis de l'enseignement ordinaire au préalable pour être scolarisés dans une structure de l’enseignement spécialisé. Ils sont par la suite réintégrés dans le domaine de l’enseignement ordinaire. L’élève que l’on veut intégrer peut dès le même moment être rejeté par ses camarades de classe ordinaire puisque celui-ci a été stigmatisé, étiqueté et scolarisé dans un autre système scolaire. En effet, il est important que l'élève soit accepté et pris en considération par les autres élèves. Comme pointé plus haut par Kivirauma et al. (2006), des situations ont été observées où les élèves ne semblaient pas tirer profit de leur intégration. Des micro-phénomènes d’exclusion peuvent aussi avoir lieu entre l’enseignant et l’élève que l’on souhaite intégrer. En effet, des études (Jordan & Stanovich, 2001; Pelgrims, 2001) révèlent que les élèves à besoins éducatifs particuliers peuvent avoir moins d'interactions efficaces avec l'enseignant ordinaire alors que l'enseignant spécialisé offre des opportunités de remédiations directement à l'élève présentant des besoins éducatifs particuliers et dans d'autres classes. Une deuxième contradiction conceptuelle se rapporte au fait que « le dilemme fondamental de l’éducation inclusive provient de l’exigence des écoles de fournir une éducation foncièrement semblable à tous les élèves, tout en répondant simultanément leurs besoins individuels. » (Dyson & Millward, 2000, cité par Elliot et al., 2009, p. 38). Autrement dit, le système inclusif souhaite fournir un enseignement similaire à tous ses élèves, alors que ces derniers n’ont pas nécessairement tous les mêmes besoins. Gillig (2006) ajoute que c’est « dans la modification prioritaire de l’environnement scolaire qu’est placé le combat pour l’école inclusive, ignorant sur le plan méthodologique que les capacités du sujet à inclure doivent également être prises en compte et faire 6 Traduit par Natalina Meuli 12 l’objet d’actions appropriées » (pp. 205-206). Doré et al. (1996) répondraient alors que l’école inclusive s’adapte aux besoins des élèves, en leur proposant notamment les ressources nécessaires, sans pour autant produire des inégalités. En somme, le modèle intégratif consisterait, par exemple, à recourir à un auxiliaire de vie scolaire pour aider l’enseignant titulaire à intégrer un élève, alors que le modèle inclusif opterait plutôt pour le co-enseignement, un enseignement à deux voix, capable d’offrir les meilleures conditions à tous les élèves de la classe. Gillig estime malgré tout que dans un modèle inclusif, le risque serait d’occulter les différences entre élèves, et de générer un système « où il n’est plus possible de distinguer les besoins de la personne handicapée » (Gillig, 2006, p. 203). Pour cet auteur, les discriminations positives offertes aux élèves intégrés sont le fondement de l’intégration, et ne peuvent être éliminées sous peine de rendre les élèves intégrés invisibles. Effectivement, « l’intégration est le droit à la compensation » (Gillig, 2006, p. 204). Au sens de normalisation, l’intégration revient à scolariser le plus d’élèves possibles dans des structures les plus proches de la normale. Il en résulte des scolarisations possibles dans diverses structures telles que les classes ordinaires ou spécialisées. En intégrant des élèves à besoins éducatifs particuliers, l’école vise ainsi à réduire la différenciation structurale. Or, Bless (2004) montre que le système scolaire qui tend vers un modèle homogène fondant l’intégration sur le principe de normalisation, maintient en réalité des formes de différenciation structurale. Toutefois, l’intégration d’élèves implique une certaine hétérogénéité dans les classes. Pour répondre à celle-ci, une différenciation structurale est alors nécessaire, c’est-à-dire une scolarisation dans différents lieux d’enseignement. Malgré l’essor du mouvement en faveur de l’inclusion scolaire, celui-ci se heurte à des obstacles idéologiques, à des contradictions conceptuelles et à des arguments paradoxaux. Certains chercheurs s’opposent à l'idée et à la pratique de l'inclusion qu'ils considèrent basée sur une morale et une philosophie absente d'évidences empiriques. Bien que nous partagions le principe d’éducabilité pour tous, la conviction que tous les enfants peuvent apprendre est parfois décrite comme du libéralisme naïf (Arzola, 2007, p. 1086). Cette position peut même être soutenue, voire renforcée, par les difficultés que certains enseignants ordinaires rencontrent dans leur pratique quand ils essayent d'intégrer des élèves à besoins éducatifs particuliers, spécialement ceux qui ont des déficiences intellectuelles modérées à sévères. Cette rupture du postulat d’éducabilité est une forme de réaction observée chez les enseignants ordinaires qui se sentent insuffisamment préparés et peu compétents professionnellement (Doré et al., 1996). Il est important de garder en tête que l'inclusion ne rencontre pas un soutien total et inconditionnel. En effet, le succès de ce type d'organisation scolaire requiert l'implication des enseignants, des élèves, des parents, et surtout un soutien instrumental de la part des autorités scolaires et des directions d’établissement (Doudin, Curchod-Ruedi & Baumberger, 2009). Même si la politique, les lois et les règlements scolaires sont faits dans l'optique d'une école inclusive, nous pouvons toujours trouver des formes de ségrégation dans les pratiques actuelles genevoises d'enseignement. Un des inconvénients de la ségrégation dans l'enseignement réside dans le fait que les élèves à besoins éducatifs particuliers n'ont pas de contact avec les élèves de l'enseignement ordinaire, ce qui pourrait rendre difficile le retour à une scolarisation dans un contexte ordinaire. La question de savoir s'il s'agit d'une erreur de protéger ces élèves des conditions ordinaires en les considérant comme inadaptées à leur développement et leurs apprentissages est un autre débat. À l’autre extrême idéologique, certains enseignants défendent « une école où aucun n'a besoin ni d'intégration, ni d'inclusion » (Booth, Ainscow & Dyson, 1998, p. 120). Au lieu de parler d'une école inclusive, ils adoptent l'idée d' « une école pour tous » comme un système scolaire antiségrégatif. Cette formulation aurait « une connotation plus positive dans le sens qu’elle garantit que personne ne soit scolarisé séparément en début de scolarité et, de plus, elle impose le défi de 13 maintenir tout le monde au sein de l'école ordinaire7 » (Nes Morsal & Strømstad, 1998, p. 104). Ce point de vue « devrait encourager la conviction que nous pouvons atteindre un idéal au-delà de l'existence de discriminations négatives basées sur les différences entre les élèves ». (Booth et al., 1998, p. 120). Mais comme le soulèvent ces mêmes auteurs, « si nous pensons l'inclusion comme un état réalisable, ceci pourrait nous faire ignorer ou échouer dans l'analyse de la réalité des processus et pressions d'exclusion, et l'intervention demande de les dépasser8 » (p. 120). En effet, il ne suffit de loin pas d’être convaincu d’une position idéologique pour voir l’inclusion prendre forme dans toute l’activité et les interactions des professionnels et des élèves, au fil du quotidien de la classe. Toujours sur le plan conceptuel, une controverse concerne la pertinence, au regard de l’inclusion, de certaines stratégies de différenciation. Nous pouvons alors nous demander ce qu’est réellement une école inclusive. Selon Booth et al. (1998), Une école inclusive pourrait être une école qui inclut et valorise équitablement tous les élèves des communautés environnantes ou du quartier ou du secteur, et qui développe des approches d'enseignement et d'apprentissage qui minimisent le regroupement selon les acquis et les déficiences9. (p. 194, souligné par nous) Si l'on se réfère à cette définition, nous pouvons relever que l'inclusion n'est pas incompatible avec l'idée de dispenser un enseignement en groupes restreints pour certaines leçons ; ainsi ces groupes sont des groupes de niveaux, de besoins, c’est-à-dire des stratégies de différenciation pédagogique qui peuvent répondre de manière appropriée à des besoins pédagogiques et didactiques spécifiques. De telles stratégies répondent à un enseignement inclusif, à condition que les groupes formés, et souvent institués, ne deviennent pas le dispositif privilégié d'enseignement, risquant alors de conduire à la ségrégation. Néanmoins, la tendance est de garder autant que possible les élèves dans leur classe ordinaire, même s'ils ont des difficultés d'apprentissage, des problèmes émotionnels ou sociaux ou encore d'autres difficultés. Il semble important que les enseignants aient la possibilité d'adapter leur environnement, leurs moyens d'enseignements (livres audio, ordinateurs adaptés, autres méthodes d'enseignement et autre matériel si certains élèves ont des difficultés en lecture, par exemple) et de demander un soutien pour l'enseignement. D’ailleurs dans le système finlandais, cette approche qui consiste à demander un soutien supplémentaire est une pratique courante, comme nous l'expliquerons dans la seconde partie de cet écrit. 2.2.4 Formes d'intégration ou d'inclusion scolaire Cette dernière section se focalise sur les formes que peuvent prendre l’intégration et l’inclusion scolaire dans les pratiques effectives. Comme nous l’avons déjà mentionné à plusieurs reprises, le système finlandais est considéré comme inclusif car il permet à tous les élèves d’être inclus dans le système ordinaire moyennant quelques aménagements spécifiques. En revanche, le système genevois est quant à lui un système dit intégratif puisqu’actuellement les élèves relevant du domaine de l’enseignement spécialisé ne sont pas tous scolarisés dans une classe ordinaire ; certains le sont, pour la plupart lors d’intégrations à temps partiel. Dans la suite de ce paragraphe nous utiliserons donc le terme intégration de façon générique, bien que certains systèmes, comme la Finlande, soient davantage inclusifs. L’intégration scolaire peut se réaliser sous différentes formes pour s’adapter aux besoins des élèves. Elle peut donc être individuelle ou collective, à temps plein ou à temps partiel. 7 Traduit par Natalina Meuli 8 Traduit par Natalina Meuli 9 Traduit par Natalina Meuli 14 L’intégration partielle est une intégration où l’élève présentant des besoins éducatifs particuliers fréquente deux groupes-classe : sa classe ressource (classe spécialisée) et sa classe d’intégration. L’élève se rend donc uniquement pour certaines périodes isolées dans sa classe d’intégration. Au contraire, quand l’élève fréquente sa classe d’intégration pour l’ensemble de l’enseignement on parle alors d’intégration à temps plein. Selon Gillig (2006) l’intégration à temps partiel présenterait de nombreux avantages puisque « celle-ci vient tempérer la ségrégation ressentie en milieu spécialisé et peut fort bien se combiner aux actions techniques de traitement de la déficience et de l’incapacité » (p. 115). En d’autres termes, cette forme permettrait à l’élève de suivre un enseignement en classe ordinaire tout en lui permettant de bénéficier dans sa classe ressource des aides et du soutien dont il a spécifiquement besoin. À l’inverse, pour Doré et al. (1996), l’intégration partielle accentuerait la ségrégation entre classe ordinaire et classe spécialisée, dans la mesure où l’élève n’appartient alors pas réellement à une classe. Cette présence partielle marquerait davantage les différences entre élèves de la classe ordinaire et l’élève en intégration, au lieu de les réduire. Ces observations renforcent les propos précédents et nous amènent alors à dire que la forme d’intégration doit être pensée en fonction des besoins spécifiques de l’élève et de l’environnement pédagogique, dans le but de maximiser la réussite individuelle de chacun. Effectivement, les besoins éducatifs de chaque enfant sont différents bien qu’une catégorisation des besoins semble nécessaire et déjà mise en place. Cela montre donc combien il est indispensable de penser l’intégration comme un phénomène singulier qui nécessite d’être conçu principalement à travers un projet individualisé de l’élève à intégrer. En Finlande, afin de mieux répondre aux besoins de tous les élèves, il est courant de faire appel à des assistants d'enseignement. Leur formation dure 40 semaines et est sous la responsabilité du bureau national d'éducation. Le programme de formation développe les connaissances sur l'environnement de travail de l'assistant, en tenant compte de la loi et du système de services de la société; les aptitudes pour accompagner le développement de l'enfant, pour l'aider dans les habiletés fonctionnelles et pour guider les apprentissages10 (Takala, 2007, p. 59). Si les assistants d’enseignement collaborent avec la classe, les assistants personnels sont assignés quant à eux à un ou plusieurs élèves présentant des déficiences sévères. Par exemple, les élèves en chaise roulante ont un assistant en raison de leurs besoins d’aide dans les activités motrices de la vie quotidienne. L’assistant personnel s'occupe d’un élève spécifique pendant toute l'année et suit cet élève dans ses déplacements scolaires. Si cet élève a, de surcroit, des difficultés d'apprentissage et bénéficie de mesures d'enseignement spécialisé, il est accompagné par son assistant dans le petit groupe (classe ressource). C'est également cet assistant personnel qui est la personne ressource quand l'élève doit aller aux toilettes, au moment des repas, lorsqu'il faut s'habiller, etc. Les assistants d'enseignement ne travaillent pas avec un élève spécifiquement. Selon Takala (2007), leur fonction est clairement définie : En Finlande, les assistants sont engagés afin d'aider les élèves à besoins éducatifs particuliers dans leurs études et dans des situations variées à l'école. Leur travail concerne toutes sortes de tâches qui rendent l'enseignement accessible et possible pour une grande variété d'enfants. Selon le département de la ville d'Helsinki, le but principal de leur travail est d'assister et de soutenir l'élève durant le processus d'apprentissage. Il est attendu des assistants et des enseignants qu'ils collaborent étroitement dans cette entreprise en faisant preuve de bonnes aptitudes de communication11 . (p. 50) Takala (2007) explique que selon la loi sur la scolarité obligatoire (adoptée par le parlement Finlandais en 1998), les enfants à besoins éducatifs particuliers ont le droit de recevoir gratuitement des services auxiliaires leur permettant de suivre l'enseignement ordinaire, comme un assistant, par exemple. Dans les classes, le travail de l'assistant consiste à aider l'élève, aider l'enseignant, guider 10 Traduit par Natalina Meuli 11 Traduit par Natalina Meuli 15 la situation d'apprentissage, travailler en tant que substitut de l'enseignant, faire partie de l'équipe pédagogique élargie. Les assistants peuvent avoir des responsabilités pour différentes sortes de tâches. Ce système de soutien peut paraître surprenant en ce qui concerne la répartition des tâches entre les adultes, ainsi que dans la relation entre l'assistant et l'enseignant. Des observations menées dans le cadre d’une école en Finlande (Meuli, 2011) ont soulevé certains questionnements : à quel point est-ce que l'assistant n'est-il pas un frein aux relations entre l'élève à besoins éducatifs particuliers et les autres élèves ? Ainscow (2000) rejoint les mêmes préoccupations : si la présence constante d'un assistant peut faciliter les relations entre les élèves, elle peut aussi parfois mettre une barrière entre l'élève à besoins éducatifs particuliers et ses camarades de classe. Dans l'école finlandaise où la recherche pour ce travail a été menée, les relations entre les enseignants et les assistants semblent être une relation de partenariat où les rôles de chacun sont clairement identifiés. Les interventions sont différenciées mais vont dans la même direction. Ainscow (2000) affirme que « l'idée d'utiliser un adulte supplémentaire pour faciliter la participation des élèves est une excellente idée, mais beaucoup d'écoles doivent maintenant trouver un moyen de le faire efficacement12 » (p. 77). Ces assistants d’éducation finlandais se rapprochent des ressources mises en place dans le système français où des auxiliaires de vie scolaire effectuent globalement le même type de tâches. 12 Traduit par Natalina Meuli 16 3 LES DIMENSIONS SOCIO-AFFECTIVES DE L'APPRENTISSAGE Pour définir les dimensions socio-affectives liées à nos recherches, il est nécessaire d’évoquer la notion d’estime de soi. Il conviendra donc de faire un détour par le concept générique d’estime de soi, pour définir ensuite le sentiment de compétences scolaire et sociale, et d'autres dimensions socio-affectives, telles que le sentiment d'appartenance scolaire, importantes dans l'activité d'apprentissage en contexte scolaire. 3.1 L'estime de soi : une notion multidimensionnelle Lorsqu’on entre dans une classe et que l’on interroge de plus près l’enseignant sur les élèves en difficulté, celui-ci évoque souvent le fait que les élèves ne croient pas en eux, et qu’ils ont une mauvaise image d’eux-mêmes, ou encore une faible estime d’eux-mêmes. Mais que comprend ce terme très global d’estime de soi ? Depuis de nombreuses années, les chercheurs étudient l’estime de soi. Elle a d’abord été considérée comme unidimensionnelle. Mais, depuis les années 1980, un corpus de recherches réalisées tout d'abord par Harter (1982, 1998), puis par L’Ecuyer (1994) montre que l’estime de soi doit être considérée comme un concept aux composantes multiples. Sur la base de différentes études, l’estime de soi peut être définie de la sorte : L’estime de soi désigne l’entité multidimensionnelle qu’est le système dynamique des perceptions et des appréciations de soi, incluant la perception et l’appréciation de ses différentes caractéristiques, de ses compétences dans divers domaines, et de sa propre valeur en tant que personne. L’estime de soi comprend donc un ensemble de dimensions, chacune correspondant à l’appréciation d’une caractéristique précise (p. ex., soi en tant qu’être social) ou d’une compétence spécifique (p. ex., compétence en musique). (Pelgrims, 2007, p. 10) Cette définition prend donc en compte plusieurs dimensions, liées d’une part à la perception de soimême et à la perception que l’on a de ses différentes compétences d’un point de vue social, physique et scolaire. Il existe deux usages différents chez les enseignants du terme estime de soi. Le premier est générique et désigne le concept de soi multidimensionnel qui regroupe de multiples dimensions représentant chacune une sous-catégorie de soi (Pelgrims, 2007). Comme l’indique Pelgrims (2007), l’estime de soi est aussi envisagée de façon très particulière désignant alors « l’évaluation globale de la valeur de soi en tant que personne. Il s’agit de l’évaluation qu’un individu fait de sa propre personne, c’est-à-dire son degré de satisfaction de lui-même » (Harter, 1998, pp. 57-58). Cette définition implique de fait que l’individu ait des sentiments d’acceptation de soi, de respect de soi et d’amour-propre. On voit donc combien cette conception de l’estime de soi est globale et se focalise sur les perceptions que le sujet fait de sa propre personne. Cette signification se borne à une facette où l’estime de soi est synonyme de valeur de soi, une composante du concept de soi multidimensionnel (Pelgrims, 2007). La valeur de soi est ainsi une dimension particulière de l’estime de soi. Pelgrims (2011) résume d’ailleurs le concept d’estime de soi par un schéma (voir figure 1) qui représente le système multidimensionnel et dynamique de perceptions de soi. Cette représentation est en partie issue du modèle de Harter (1998) et des résultats de différents travaux réalisés avec des élèves de l'enseignement primaire (Harter, 1982, 1998) et leurs pairs déclarés en difficulté (Maltais & Herry, 1997) ou encore scolarisés en classe spécialisée (par exemple, Ninot, Bilard, Delignières & Sokolowski, 2000; Pelgrims, 2007; Pierrehumbert, Tamagni Bernasconi & Geldof, 1998). 17 Figure 1 : Système multidimensionnel et dynamique de perceptions de soi (Pelgrims, 2011). Ces dimensions particulières composant l’estime de soi au sens générique de concept de soi, sont définies par différents auteurs. La revue des travaux de Pelgrims (2003) conduit à définir ces dimensions: [L’estime de soi est] un concept multidimensionnel composé de différentes perceptions ou évaluations de soi, chacune correspondant à un domaine d’attributs ou d’activités (Harter, 1998). Différents travaux indiquent en effet qu’il convient de distinguer la perception de la valeur de sa personne et les perceptions de soi dans les domaines des relations sociales, de l’apparence physique, des activités scolaires (Harter, 1982 ; Tafarodi & Swann, 1995). Pour le domaine scolaire, le sentiment de compétence inclut la connaissance de soi et l’autoévaluation de ses aptitudes, actions et performances. (Pelgrims, 2003, p. 218) Harter (1998) identifie cinq dimensions du concept de soi : le concept de soi scolaire, le concept de soi social, le concept de soi athlétique, la perception de son apparence physique, et la perception de ses comportements sur le plan moral; auxquelles la valeur propre de l’individu, ou valeur de soi, a été ajoutée. Dès lors, nous recensons six dimensions du concept de soi. Le concept de soi scolaire désigne le sentiment de compétences scolaires des apprenants, à savoir « la perception que l’élève a de ses capacités et compétences à accomplir les actions requises pour accomplir une tâche ou atteindre un but dans une discipline scolaire » (Pelgrims, 2009, p. 141). Quant au concept de soi social, il indique le sentiment de compétences dans le domaine des relations sociales. Le concept de soi athlétique concerne le sentiment de compétence de l’élève dans le domaine des activités sportives en dehors de l’école. La perception de l’apparence physique comprend l’autoévaluation de ses propres caractéristiques physiques (taille, poids, beauté, allure, etc.). La perception de ses comportements – ou de ses conduites selon certains auteurs – se réfère à l’adéquation ou à l’inadéquation que l’individu pense présenter avec les normes du groupe. Enfin, la valeur propre désigne la satisfaction générale qu'un enfant, qu'un individu a d'être la personne qu'il est; elle concerne le respect personnel, l'amour propre (Harter, 1998; Pelgrims, 2007). Toutes ces dimensions sont étudiées dans un système de perceptions, de représentations, d’appréciations et d’évaluations de soi. Harter rapporte également que l’estime de soi est un construit social. En effet, celle-ci s’édifierait dans la relation à autrui, et plus particulièrement dans les interactions sociales au cours des différents domaines d’activités de la vie quotidienne. Cooley (1902, cité par Bolognini & Prêteur, 1998) soutient cette hypothèse lorsqu’il affirme que « le sentiment de valeur de soi serait une construction sociale. Les évaluations que l’on ferait de soi-même seraient ainsi façonnées par les interactions sociales et linguistiques avec les autres, déjà durant l’enfance » (pp. 59-60). Ainsi, c’est 18 à travers les interactions avec des personnes affectivement ou socialement significatives, d’abord la famille, puis les enseignants et les pairs à l’école, et à travers les opinions que des derniers ont de lui, que l’individu se percevrait et s’évaluerait pour intégrer et infléchir la perception qu’il a de luimême. Toutefois, cet autrui évalue l’individu à travers un système de normes sociales et collectives construites dans un groupe et contexte donné. Le jugement d’autrui et l’auto-évaluation ont ainsi plus de probabilités d’être positifs si l’individu entre en conformité avec ces normes sociales, mais a par contre plus de probabilités d’être négatifs si l’individu va à l’encontre des normes établies dans le groupe. Lorsque la perception de l’autre est positive, elle conduit à la valorisation de soi. Aussi, Harter (1982, 1998) a mis en évidence le fait que les dimensions de l’estime de soi sont discriminées par l’enfant de manière distincte au fur et à mesure qu’il étend ses contextes et domaines d’activités. L’appréciation qu’il fait de lui-même dans un domaine peut être différente de celle dans un autre. En somme, le sujet peut avoir une perception globale de lui très élevée, mais une perception de ses compétences en musique plutôt faible : « un enfant, un adolescent peut se percevoir plutôt compétent dans un domaine d’activités de la vie quotidienne et moins compétent dans un autre, tout comme il peut être satisfait de ses comportements à l’égard d’autrui et déprécier son apparence physique » (Pelgrims, 2007, p. 10). Les perceptions que fait l’individu de lui-même dépendent des contextes et des situations dans lesquels il mène ses activités. L’enfant peut par exemple estimer négativement son apparence physique lors d’une activité d’éducation physique en raison de sa tenue vestimentaire de sport, alors que ce même enfant peut juger positivement son apparence physique globale. Les dimensions de l’estime de soi étant peu ou pas dépendantes l’une de l’autre, il est abusif de qualifier l’estime de soi ou d’un individu ; comme l’argumente Pelgrims (2007), les affirmations courantes en enseignement spécialisé de type « il a une faible estime de lui-même » sont peu fondées conceptuellement et empiriquement. L’approche multidimensionnelle de l’estime de soi impose l’étude simultanée de plusieurs composantes de l’estime de soi et de leurs interrelations. Différentes recherches sur l’estime de soi montrent également que ces composantes dépendent d’une part d’autres dimensions individuelles et, surtout, du contexte dans lequel l'individu évolue. Effectivement, ses perceptions semblent se construire à la fois dans les interactions sociales, le regard d’autrui, mais aussi dans le jugement, l’auto-évaluation que fait l’individu des effets, des résultats, des relations produits par son activité. Il en résulte que, pour parler d’estime de soi, il est indispensable de prendre en considération l’individu et ses perceptions, ainsi que le contexte social et institutionnel dans lequel ce dernier évolue. Nous reviendrons plus loin sur le rôle des différents aspects du contexte, notamment scolaire, dans différentes dimensions de l’estime de soi. 3.1.1 Le sentiment de compétences scolaires Comme nous l’avons montré dans les paragraphes précédents, l’estime de soi est un terme générique qui comprend plusieurs dimensions, dont la perception des compétences scolaires. Cette dernière fait référence à l’autoévaluation que font les élèves de leurs propres compétences ainsi qu’au sentiment qui l’accompagne. Par compétences scolaires, nous entendrons dans cet exposé les connaissances, les procédures, les stratégies et les processus d’autorégulation que l’élève active pour atteindre un but, pour accomplir une tâche telle qu’il la perçoit. Dans la suite de ce paragraphe, nous nous centrerons donc sur le sentiment de compétences scolaires, et de fait, sur le sentiment de compétence des élèves. Plusieurs auteurs ont défini le sentiment de compétences scolaires, mais ont toutefois élargi ce terme à celui des compétences scolaires et cognitives, car il s’agit des compétences et des ressources cognitives mises en œuvre pour atteindre ce but. Selon Pelgrims (2009), la perception 19 des compétences scolaires désigne « la perception que l’élève a de ses capacités et compétences à accomplir les actions requises pour accomplir une tâche ou atteindre un but dans une discipline scolaire » (p. 141). Le sentiment de compétence scolaire englobe ainsi la perception qu’a l’élève de ses capacités à accomplir une tâche, mais également les perceptions qu’il a du degré de difficulté de cette tâche, ainsi que du résultat ou degré de réussite qu’il pense atteindre, c’est-à-dire du degré d’expectative de réussite (Pelgrims, 2006). Bandura (1998, cité par Pelgrims 2006) associe le sentiment de compétences scolaires au « sentiment d’efficacité personnelle [qui] désigne la croyance en ses propres capacités à organiser et à exécuter une suite d’actions requises pour produire un niveau désigné de performances » (p. 53). En somme, il s’agit de la perception que l’élève a de ses capacités à réussir ou à échouer dans une tâche donnée. Ce même auteur nomme « croyances » les expectatives de réussite, qu’il caractérise comme étant « ce que les individus pensent produire comme résultats dans leurs actions » (Bandura, 1998, p. 53, cité par Pelgrims 2006). En conséquence, nous concevons le sentiment de compétences scolaires dans cette étude, comme comprenant les probabilités des élèves à atteindre un but donné par l’élève lui-même, par la tâche et/ou par l’enseignant. Aussi, Bandura (2004) explique qu’il est possible d’avoir un sentiment d’efficacité faible et en même temps une forte estime de soi au sens de valeur de sa personne. Il montre ainsi qu’il ne faut pas confondre estime de soi et sentiment d’efficacité personnelle. Il illustre d’ailleurs ces propos de la manière suivante : Quelqu’un peut s’estimer être un très mauvais cuisinier, sans que cela n’entame le moins du monde son estime de soi. Ceci est l’occasion de souligner qu’on ne peut pas stricto sensu, parler de sentiment d’efficacité dans un sens général. Il n’y a que des sentiments spécifiques d’efficacité, liés à telle ou telle activité. Même l’expression sentiment d’efficacité sportive, par exemple, n’est pas assez précise. On peut avoir un fort sentiment d’efficacité en football et un très faible sentiment d’efficacité au tennis. (Bandura, 2004, pp. 61-62) Pelgrims (2006) soutient cette conception puisqu’il convient selon elle « de distinguer le sentiment de compétence spécifique à une discipline, les élèves discriminant, à partir des expériences encourues dès leur entrée à l’école, le statut et les enjeux scolaires de chaque discipline » (p. 85). En effet, le sentiment de compétences scolaires est différencié selon les branches scolaires et les domaines de savoirs. Un élève peut se sentir très compétent dans un domaine et, au contraire, avoir une vision amoindrie de ses compétences dans un autre domaine. Le « sentiment de compétence est variable selon les disciplines : un ensemble de travaux montre en effet qu’un élève, qu’il soit scolarisé en classe ordinaire ou spécialisée, peut se sentir tout à fait capable d’apprendre et de réussir en mathématiques et éprouver un sentiment d’incompétence en français » (Pelgrims, 2007, p. 11). Des études ont d’ailleurs montré que le degré de corrélation entre les différents sentiments de compétences des élèves déclarés en difficulté et scolarisés en classe ordinaire ou spécialisée dans les disciplines scolaires, est faible (Maltais & Herry, 1997 ; Pelgrims, 2006, 2007). Un sentiment de compétence élevé dans un domaine n’influence pas systématiquement le sentiment de compétence dans un autre. En outre, des travaux réalisés en classe ordinaire (Boekarts, 2001) et en classe spécialisée (Pelgrims, 2006) montrent clairement que le sentiment de compétence varie en fonction de situations didactiques et de tâches à accomplir. Dès lors, quand nous interrogeons des faits liés au sentiment de compétence, il est primordial de le discerner selon les disciplines et en fonction des situations d’activité didactique. L’approche située de l’activité d’apprentissage en contexte scolaire consiste précisément à saisir la sensibilité des dimensions socio-affectives de l’apprentissage, dans les micro-contextes scolaires et situations dans lesquelles les élèves déploient leur activité. Le sentiment de compétence se construit à travers un processus complexe de perceptions, d’appréciations et d’autoévaluations. Effectivement, le sentiment d’être compétent dans une 20 discipline donnée se construit sous l’effet de plusieurs facteurs, notamment liés à l’élève lui-même et à l’environnement scolaire dans lequel il se trouve. L’élève accorde à ses compétences une certaine valeur, valence ou orientation : son sentiment d’être compétent peut être faible, moyen ou élevé. Toutefois ces orientations sont largement déterminées et influencées par les caractéristiques des expériences vécues, des actions, du contexte et des interactions sociales. L’élève intériorise un référentiel de critères subjectifs sur lequel il se base pour évaluer ses compétences. Ces repères internes à l’élève se construisent à travers les normes, les attentes de l’enseignant et des camarades. Le contrat didactique instauré en classe, le décodage des attentes et les pratiques évaluatives vont donc jouer un rôle majeur dans l’intériorisation de ce référentiel (Pelgrims, 2006). À titre d’exemple, si l’élève perçoit une pression à réussir constante en classe, et que la place accordée à l’erreur est faible, alors il éprouvera certaines craintes et appréhendera l’expérience de l’échec, et son sentiment de compétence pour accomplir et réussir des tâches s’en trouvera de fait négativement infléchi. Aussi, comme il a été montré dans la partie sur l’estime de soi, le regard porté par autrui contribue nettement à infléchir la perception de soi, et de fait, de la perception de ses compétences. Ainsi, le jugement d’autrui et plus particulièrement celui des personnes significatives, comme les acteurs pédagogiques et les personnes à qui l’élève accorde de l’importance (amis, famille...), contribue à l’évaluation qu’il fait de ses propres capacités. Si une personne affirme à un élève que ses compétences sont très élevées en arts visuels par exemple, celui-ci entend et interprète ce commentaire à la lumière de ses propres attentes et critères de réussite, et les associera à ses compétences dans ce domaine. L’élève colore donc son sentiment de compétence en fonction de « l’intégration des représentations et expériences nouvelles, positives ou négatives » (De Léonardis & Oubrayrie, 1995, p. 237). De plus, les comparaisons interindividuelles appuient les jugements personnels. Un élève évalue ses compétences aussi par référence aux attentes du milieu, et en comparaison avec les compétences de ses pairs. Ces processus d’interprétation, de comparaisons intra-individuelles et inter-individuelles contribuent à réorienter le sentiment de compétence. La construction du sentiment de compétence relève donc de processus dynamiques et est en constante évolution en fonction des jugements d’autrui, des expériences vécues, et des normes situées. Néanmoins, certains biais peuvent inférer dans ce processus. Le référentiel interne de l’élève peut en effet comporter des critères soit trop, soit pas assez exigeants. De tels biais entraînent alors une sous-évaluation de ses compétences dans le premier cas, une surévaluation dans le second cas. En effet, l’élève peut se construire un référentiel de critères irréalistes, inatteignables, conduisant à une dévalorisation systématique de ses compétences. C’est ce que Bouffard, Vezeau, Chouinard et Marcotte (2006) appellent « l’illusion d’incompétence ». À l’opposé, l’élève peut abaisser les attentes généralement attendues par l’enseignant dans une discipline donnée, et de fait surévaluer ses compétences. De tels biais dans l’internalisation du référentiel de critères relèvent notamment des pratiques d’enseignement (Pelgrims 2006). Des pratiques peu explicites sur les objectifs à atteindre et sur les critères de progression et de réussite sont peu décodables par les élèves précisément en difficulté. Certains d’entre eux tendent aussi à uniquement sélectionner des expériences de réussite, ce qui les conduit donc à évaluer plus positivement leur sentiment de compétence alors que d’autres élèves se focalisent essentiellement sur les échecs et les erreurs qu’ils ont rencontrés dans la discipline. À la lumière des processus de construction du sentiment de compétence, on voit donc que le contexte scolaire et les pratiques d’enseignement peuvent largement affecter les perceptions des élèves. L’élève construit son référentiel de critères par rapport aux attentes du système scolaire. Pour que ce référentiel soit proche des attentes et des critères de l’enseignant, des pratiques plus explicites sont préconisées (Allal, 1999 ; Pelgrims et Wegmuller, 2009). Il s’agit pour l’enseignant de rendre ses attentes claires, grâce notamment à des démarches d’évaluation formative. C’est donc 21 à travers des exigences, des objectifs, des critères de maîtrise, de réussite ou d’échec manifestes que l’élève pourra juger ses propres compétences de façon plus réaliste et nuancée. D’autre part, autrui étant essentiel dans la construction de soi et de la perception de ses compétences, l’attitude de l’enseignant envers les capacités, ou encore ses pratiques d’évaluation, influencent aussi les perceptions des élèves. Des commentaires évaluatifs négatifs et dévalorisants n’aideront évidemment pas l’élève à mieux estimer ses compétences. Valeur de soi et sentiment de compétence scolaire des élèves déclarés en difficulté D’après la revue d'études de Pelgrims (2006) sur les dimensions motivationnelles socio-affectives de l'apprentissage, les élèves de l'école primaire intégrés (ou maintenus) en classe ordinaire auraient une valeur de soi similaire à leurs pairs de classes ordinaires et spécialisées. En ce qui concerne le sentiment de compétences scolaires, plusieurs recherches ont comparé le sentiment de compétence des élèves scolarisés en classes ordinaires, des élèves scolarisés en classes spécialisées et enfin des élèves déclarés en difficulté, intégrés en classe ordinaire. Les élèves à besoins éducatifs particuliers intégrés en classe ordinaire tendent à avoir un sentiment de compétence scolaire plus faible que leurs pairs en classe spécialisée et que leurs pairs sans difficulté en classe ordinaire. Cette différence pourrait être expliquée selon Pelgrims à l’aide d'aspects contextuels dans lesquels sont placés ces élèves. Effectivement, les élèves intégrés sont maintenus dans des conditions pédagogiques et didactiques similaires à celles de leurs camarades sans difficulté déclarée ; les critères de réussite, les moyens d'enseignement et d'apprentissage, les conditions, les démarches d'étayage, sont en effet peu différenciés. Face à des normes uniques, ces élèves intégrés sont dès lors exposés à plus de comparaisons ascendantes avec des pairs plus compétents, et exposés aux jugements sociaux de la part des enseignants d’une part, et de leurs camarades d’autre part. En outre, comme nous l’avons signalé à plusieurs reprises, les jugements d’autrui infléchissent la perception que nous avons de nos propres compétences (Harter, 1998). Si, de plus, l'élève est institutionnellement déclaré en difficulté, il prend le statut d'élève en difficulté, ce que les relations en classe risquent de renforcer. Toutefois, ces effets négatifs sur le sentiment de compétences scolaires des élèves déclarés en difficultés intégrés ou maintenus en classe ordinaire sont nuancés, atténués par des pratiques de différenciation pédagogique explicite (Pelgrims 2009, 2010). Il apparaîtra en effet que l’enseignant qui met en œuvre des stratégies de différenciation des conditions (démarches d'évaluation formative, modalités d'apprentissage coopératif,…) augmente ses interactions à caractère didactique avec l’élève intégré (Jordan & Stanovich, 2001). En somme, les croyances des enseignants sur les difficultés d’apprentissage et sur l’éducabilité de tous leurs élèves, les pratiques de différenciation explicites et les modalités de gestion des ressources d’appui (co-enseignement) réduisent les comparaisons ascendantes par rapport à une seule norme et, ainsi, contribuent à maintenir un meilleur sentiment de compétences scolaires des élèves intégrés en classe ordinaire. Dans une classe inclusive, les élèves à besoins éducatifs particuliers doivent atteindre des hauts standards, ce qui est n'est pas réalisable si les pratiques d'enseignement ne sont pas adaptées aux besoins spécifiques (Pelgrims, 2010). Pourrait-il en être différemment dans un système inclusif sans classe spécialisée ? Peut-être que oui, aussi longtemps que les attentes scolaires correspondent aux habiletés des élèves. Un système inclusif d'éducation permet peut-être d'éviter les effets de la classe spécialisée quand celle-ci ne fait pas partie du système scolaire ordinaire. Dans ces classes ségréguées, on trouve généralement une pédagogie du succès, une réduction des évaluations formelles et une baisse des attentes. Ces pratiques ont un impact parce qu'elles influencent moins le sentiment de compétences des élèves à besoins éducatifs particuliers en classe spécialisée que lorsqu'ils sont intégrés en classe ordinaire. Différentes recherches (Ninot et al., 2000 ; Pierrehumbert et al., 1998) mettent en évidence que le sentiment de compétences des élèves de classes spécialisées est plus élevé que celui de leurs 22 camarades de classes ordinaires avec ou sans difficulté. Les élèves scolarisés en classes spécialisées, en institutions ou en filières parallèles se perçoivent plus positivement que des élèves de même âge scolarisés dans le milieu ordinaire. Effectivement, Pierrehumbert et al. (1998) soutiennent que « les élèves suivant un cursus retardé [classes spécialisées] ne se dévalorisent pas forcément sur le plan des compétences scolaires » (p. 189). Plusieurs auteurs ont alors cherché à comprendre pourquoi ces élèves de classes spécialisées qui ont, pour la plupart vécu des situations d’échec, perçoivent de manière plus positive leurs compétences scolaires que les élèves scolarisés en classe ordinaire. Ils rapportent alors que le contexte de classe et l’environnement pédagogique dans lequel sont placés les élèves influencent incontestablement la perception de soi et de ses propres compétences. Effectivement, « les caractéristiques de la filière spécialisée (pédagogie de la réussite, diminution des évaluations formelles, assouplissement des exigences) altéreraient moins le sentiment de compétence des élèves en échec que les caractéristiques de filières ordinaires, peu prestigieuses, accueillant des élèves à faibles performances » (Pelgrims, 2003, p. 219). Pierrehumbert et al. (1998) plaident également pour cette thèse en expliquant que « peut-être la pédagogie pratiquée dans ces classes, orientée vers le renforcement des succès davantage que celui des échecs, contribue à restituer aux élèves une réelle satisfaction d’eux-mêmes » (p. 190). On voit donc combien le contexte de scolarisation a une influence considérable sur les différentes composantes de l’estime de soi des élèves. Contrairement aux idées reçues, le sentiment de compétence scolaire des élèves avec des difficultés d'apprentissage est plus en relation avec les pratiques scolaires, les expériences et les performances qu'avec l'estime globale personnelle dans le domaine des relations sociales (Pelgrims, 2003). Le sentiment de compétence selon les disciplines scolaires Pour Pelgrims, un problème des études comparatives de Pierrehumbert et al. (1998) et s’inspirant des travaux de Harter (1998) réside dans le fait que les auteurs considèrent le sentiment de compétences de façon globale sans lien avec des dimensions contextuelles tel le statut scolaire de chaque discipline scolaire. Considérant les disciplines, Pelgrims (2006, 2007) rapporte que il ressort des différents travaux comparatifs que les élèves scolarisés en classes spécialisées se sentiraient moins compétents en français et en mathématiques que les élèves sans difficulté ; leur sentiment de compétence dans les autres disciplines n’apparaît par contre pas systématiquement différent (p. 85) Effectivement, les résultats relatifs aux classes spécialisées tendent à montrer que les élèves de classes spécialisées se disent aussi compétents que les élèves de classes ordinaires pour les disciplines secondaires telles que l’éducation physique, la géographie et l’histoire qui sont peu sélectives. En revanche, ils se perçoivent nettement moins compétents dans les disciplines majeures telles que le français et les mathématiques, qui sont plus sélectives. De plus, ces deux disciplines sont sélectives dans le passage d’un degré à l’autre, et jouent « un rôle prédominant dans le signalement pour les mesures spécialisées » (Pelgrims, 2006, p. 86). 3.1.2 Le sentiment de compétences sociales L’école est un environnement où les échanges verbaux ou non-verbaux, les jeux, les exposés... sont très fréquents. Chaque jour les élèves doivent en effet entrer en relation avec une multitude d’individus que ce soit lors des activités du parascolaire, lors de la récréation, dans les travaux de groupe, dans les leçons frontales en classe, dans les corridors... L’école et la classe peuvent être considérées comme un micro-contexte social où les interactions sont incontournables. Les élèves sont-ils alors tous égaux dans ces relations à autrui ? Éprouvent-ils tous les mêmes facilités à interagir avec leurs camarades ? Ont-ils le sentiment d’être comme les autres dans ce domaine ? Ces 23 compétences qui permettent à l’enfant d’interagir avec autrui à l’école sont-elles nécessaires à la construction de l’individu ? La classe serait selon Cohen (2002) « un système social puissant qui véhicule des évaluations fortes » (p. 151). Aussi, comme il a été évoqué dans les paragraphes précédents, l’estime de soi est un terme générique qui comprend plusieurs dimensions, dont la perception des compétences sociales. Cette dernière fait référence au sentiment qu’éprouvent les élèves face à l’évaluation de leurs propres compétences dans la relation à autrui. De nombreuses études se sont intéressées à la perception qu’ont les élèves de leurs compétences sociales et ont cherché à comprendre quelles sont les dynamiques qui permettent à l’élève d’évaluer ses capacités dans ce domaine. Puisque Cohen (2002) montre que la classe entraine généralement de nombreuses évaluations entre protagonistes scolaires, on peut d’ores et déjà penser que l’individu évalue ses propres compétences, mais qu’autrui évalue aussi les compétences propres à cet individu. On peut alors se questionner quant à l’intégration des élèves dans le groupe-classe, et aux sentiments qu’éprouvent les élèves face à ce groupe. Compas (1991) définit les compétences sociales comme étant « l’ensemble des conduites, des attitudes, des représentations et des sentiments prêtés à autrui, et que celui-ci renvoie au sujet dans les rapports interindividuels » (p. 94). La perception de ses compétences sociales se trouve donc être la manière dont l’individu perçoit ses propres comportements et interactions avec autrui. En d’autres termes, c’est la manière dont l’individu évalue sa relation aux autres à travers sa compétence à se faire des amis, à résoudre des conflits, à aller vers les autres, à être inclus dans le groupe, à prendre la parole en public restreint par exemple. Le sentiment de compétences sociales relève d’appréciations de type auto-évaluatif et de comparaisons. Comme pour le sentiment de compétences scolaires, le regard porté par autrui joue un rôle dans la perception que l’individu a de ses propres compétences sociales. D’ailleurs, l’hétérogénéité inhérente à toute classe et la présence d’autrui entraine des comparaisons sociales entre individus. Ces comparaisons peuvent porter sur différents aspects comme l’apparence physique (la taille, le poids, les cheveux, le matériel dont on dispose, etc.) ou l’activité sociale (comportement face à autrui, le nombre d’amis, la capacité à jouer avec ses camarades, etc.). En somme, l’estime qu’un élève a de lui-même et plus particulièrement la perception de ses compétences sociales, se construit en fonction d’autrui. C’est en fonction des autres que l’individu peut élaborer ou estimer son rapport à soi. Des études, notamment celle de Ziller (cité par De Léonardis & Oubrayrie, 1995), ont montré cette dépendance à autrui pour se construire : « l’étude de l’estime de soi sociale, proposée par Ziller, est alors principalement fondée sur la comparaison sociale, sur la nécessité pour le sujet de se situer par rapport à d’autres personnes ou à des valeurs » (De Léonardis & Oubrayrie, 1995, p. 239). Russo (2007) affirme en regard de la citation précédente que « l’estime de soi contribue donc bien à l’identité personnelle, elle est significative et nécessaire à l’individu pour qu’il puisse avoir une position qui lui soit propre dans le système social » (p. 10). Pour trouver sa place dans le groupe, l’élève se compare donc à ses pairs. D’après De Léonardis et Oubrayrie (1995), la place d’un individu dans un groupe social se réalise à quatre niveaux : la visibilité sociale qui consiste à « exister aux yeux des autres » (p. 240), le besoin d’inclusion à un groupe, le besoin d’approbation qui réside dans la présentation « d’une image positive de soi dans toute interaction sociale (Goffman, 1973) » (p. 240) et le besoin d’individualisation qui signifie le fait qu’il soit reconnu par autrui tel qu’il est. En résumé, les compétences sociales englobent un ensemble de perceptions de soi impliquées dans les relations et en interaction avec autrui, elles se construisent principalement grâce aux individus qui nous entourent, et qui nous renvoient une image positive ou négative de nous-mêmes. On peut ainsi imager la perception des compétences sociales par la symbolique du miroir, puisque le sujet évalue ses compétences à travers le regard de l’autre. 24 L’acceptabilité sociale par les pairs Dans un groupe, certains membres sont toujours préférés de tous alors que d’autres sont systématiquement victimes de rejet. Ces différences sont aussi constatées dans les classes : on y observe fréquemment des élèves en retrait, qui prennent peu la parole et qui sont souvent seuls, alors que, d’autres élèves sont au centre du groupe-classe, et sont admirés, adulés par leurs pairs. Certains sont donc fortement acceptés par de nombreux pairs de la classe, alors que d’autres ne sont pas ou peu acceptés. Un certain degré d’acceptabilité entre membres d’un groupe existe donc dans la création des catégories sociales. Dans les exemples mentionnés ci-dessus, le premier élève est en marge parce qu’il ne correspond pas aux normes établies par le groupe-classe, alors que le second respecte les codes du groupe et n’est pas en marge. On peut alors supposer que le degré d’acceptabilité par les pairs du premier élève est très faible alors que le second est plutôt élevé. Toutefois, ces propos doivent être nuancés, car les individus en marge du groupe-classe ne sont pas toujours en inadéquation avec les normes du groupe. Effectivement, l’étude de Bays (2001) stipule que le degré d’acceptabilité défini par le statut sociométrique des élèves peut se traduire par des traits de caractères inhérents à l’élève tels que la timidité ou un besoin de solitude. Un élève peut appartenir pleinement au groupe selon son statut sociométrique, en restant tout de même à l’écart du groupe. À l’opposé, dans les classes ordinaires et spécialisées de l’école primaire qu’elle a considérées, Bays a montré que « plus un sujet a des attitudes négatives ou peu adéquates socialement, plus il est accepté par ses pairs » (p. 94). En conséquence, il semble ne pas y avoir de norme et de code unique sur lesquels se basent les individus pour accepter ou rejeter un élève du groupe-classe ou d’un sous-groupe de la classe. Il peut, dans certains groupes, s’agir de normes scolaires proches de celles attendues par les adultes, dans d’autres groupes de normes scolaires antiscolaires revendiquées de façon prédominante dans le groupe-classe. On ne peut donc pas généraliser ces normes, elles sont issues d’un processus spécifique au groupe en question. De la sorte, dans nos recherches, il conviendra de porter une attention particulière aux différentes classes, en gardant à l’esprit que chacune d’entre elles est unique et que chaque groupe-classe édifie des codes sociaux qui lui sont propres. Plusieurs ouvrages et études ont développé des pistes pédagogiques pour tenter de favoriser la cohésion de groupe, et de fait encourager le sentiment d’appartenance au groupe des élèves. C’est notamment à travers un enseignement qui prône la coopération et qui l’enseigne, que les élèves se sentiront acceptés. En effet, enseigner la collaboration et les pratiques d’apprentissage coopératif (p. ex, Lehraus, 2001 ; Abrami et al., 1996 ; Rouiller & Lerhaus, 2008) permet aux élèves d’apprendre à être et à travailler ensemble, mais permet également de mettre en évidence les compétences et qualités de chacun. C’est, pour certains (Pelgrims 2009, 2010), en désignant, en respectant et en faisant valoir l’identité, les qualités, les compétences et les intérêts de chacun que tous les élèves peuvent acquérir une place dans le groupe. Le sentiment d'appartenance au groupe Dans le système scolaire, le groupe est au départ imposé par l’institution aux élèves par leur répartition en classes. Toutefois, dans ces classes, on observe des regroupements d’élèves qui s’effectuent généralement par affinités dès le début de l’année scolaire. Ces sous-groupes sont d’ailleurs souvent appelés par les élèves, les groupes d’amis. Cependant, le groupe n’est pas la juxtaposition d’individus dans un même lieu, mais est davantage la co-construction d’un ensemble de règles auquel chacun adhère. Effectivement, Fisher (2005) donne la définition suivante du groupe : 25 Une entité sociale caractérisée par un nombre restreint de personnes liées entre elles par des activités soit communes, soit interdépendantes et qui développent entre elles des interactions déterminées par des normes de conduites et des valeurs communes dans la poursuite de leurs objectifs. (p. 250) Le groupe se construit et évolue donc autour de valeurs. Dans la classe, on retrouve également ce phénomène, puisqu’on voit que d’une classe à l’autre les règles, l’organisation, l’aménagement varient. L’enseignant établit en effet des règles et élabore avec ses élèves un contrat didactique, pour permettre à ces derniers d’entrer dans les apprentissages dans les meilleures conditions. Les règles conçues sont nécessaires au bon fonctionnement du groupe d’une part, mais sont également, selon de nombreux auteurs, ce qui permet au groupe d’exister. Perrenoud (2004) a d’ailleurs mis en évidence cette organisation : Tout groupe social un peu durable et organisé construit sa propre culture, autrement dit un ensemble de savoirs, de savoir-faire, de règles, de valeurs, de croyances, de représentations partagées qui contribuent à affermir l’identité collective et le sentiment d’appartenance de chacun et à permettre le fonctionnement stable du groupe ou de l’organisation. Lorsqu’on devient membre d’un groupe ou d’une organisation, on est conduit à en assimiler la culture pour en devenir un membre à part entière. (p. 54) La notion de sentiment d’appartenance au groupe procèderait, selon Perrenoud, du partage de la culture commune au groupe d’appartenance. Pour qu’un individu se sente membre du groupe, il est nécessaire que celui-ci ait le sentiment d’y appartenir véritablement, dans le but ultime de pouvoir créer une relation ou une amitié avec les différents membres, ou même encore, de pouvoir s’identifier aux valeurs véhiculées par celui-ci. De plus, l’appartenance au groupe contribue à la construction de l’identité personnelle. « L’appartenance sociale est une aspiration essentielle de l’humain. Elle lui procure un effet de reconnaissance et constitue un élément de son identité. L’appartenance est le signe d’un lien humain et d’une place parmi les autres» (Devillard, 2000, p. 40). Ainsi, tout individu a besoin de développer un sentiment d’appartenance au groupe. En effet, le "besoin d'appartenance" est un besoin humain fondamental; c'est ce à quoi les enfants font souvent référence à l'école et en dehors de l'école quand ils parlent de leurs amis, de leurs relations, quand ils aiment être à l'école ou qu'ils aiment ou non un enseignant. (Hunter-Crash, Tiknaz, Cooper & Sage, 2006, p. 267) Le sentiment d’appartenance est saisi à partir de différents aspects. Boucher et Morose (1990) proposent la définition suivante : Le sentiment d’appartenance, c’est ce que ressent un individu concernant son appartenance à un groupe, à une organisation ou à une institution. Le fait de se sentir bien chez soi ou à l’école, le fait de se sentir utile au groupe et solidaire des autres constituent des indicateurs du sentiment d’appartenance d’une personne. (p. 417) Le sentiment d’appartenance au groupe est donc un processus interactif par lequel les individus sont reliés et se définissent les uns par rapport aux autres. L’individu peut évaluer son appartenance en fonction de son adéquation ou inadéquation aux normes et valeurs du groupe. Ainsi, plus l’individu est conforme aux attentes du groupe, plus le groupe aura tendance à l’accepter. D’autre part, « plus un individu a un fort sentiment d’appartenance à un groupe, plus il a tendance à adopter les valeurs, les normes et les règles de conduite de ce groupe » (Boucher & Morose, 1990, p. 417). Cela est d’autant plus marqué chez les jeunes en phase de préadolescence et d’adolescence qui tentent de se détacher peu à peu du cercle familial et qui accordent une importance considérable à d’autres groupes, en particulier celui de leurs amis. Mucchielli (1980) résume la notion d’appartenance au groupe par les propos suivants : 26 L’appartenance n’est pas le fait de se " trouver avec ou dans ce groupe " puisqu’on peut s’y trouver sans le vouloir; elle implique une identification personnelle par référence au groupe (identité sociale), des attaches affectives, l’adoption de ses valeurs, de ses normes, de ses habitudes, le sentiment de solidarité avec ceux qui en font aussi partie, leur considération sympathique. (p. 99) Ainsi, pour savoir s’il est en adéquation avec le groupe auquel il semble appartenir, l’individu a besoin de connaître le degré d’acceptabilité sociale de ses pairs, soit la manière dont les autres l’acceptent en tant qu’individu à part entière. Le sentiment d'appartenance à l'école Selon Smerdon (2002), le sentiment d'appartenance des élèves à leur établissement scolaire est l'une des trois dimensions utilisées pour mesurer leur appartenance perçue à l'école. Les deux autres sont leur engagement envers l'école et leur engagement envers le travail scolaire. Au niveau méthodologique, le sentiment d'appartenance à l'école d’un élève est évalué par des items opérationnalisant des facettes comme le sentiment que l’enseignant s'occupe de l’élève, le sentiment de bien s’entendre avec les autres élèves de l'école, le sentiment d’être écouté, considéré, utile. Le sentiment d'appartenance a été démontré comme étant une caractéristique essentielle d'appartenance par les recherches psychologiques et éducatives. Baumeister et Leary (1995) défendent l'idée que le besoin d'appartenance est fondamental dans la motivation et le comportement humain. La corrélation positive entre le sentiment d'appartenance à l'école, l'engagement dans le travail et la persévérance (voir Bowen, Chouinard & Janosz, 2004. ; Pelgrims, 2008, 2013) souligne son rôle motivationnel dans l'apprentissage des élèves ordinaires et des élèves à besoins éducatifs particuliers. Les conditions sociales et environnementales influencent la manière dont les élèves se perçoivent eux-mêmes comme membres de l'école ou de la classe. Le contexte scolaire, les relations entre les membres de l'école, ainsi que le climat scolaire de justice et de respect, ont été identifiés comme des facteurs importants dans le sentiment d'appartenance des élèves (revue de la littérature de Pelgrims, 2010). Une étude menée avec des élèves adolescents ayant des besoins éducatifs particuliers et des difficultés de comportement a montré que leur sentiment d'appartenance à leur classe est fortement associé aux perceptions qu’ils ont des pratiques d'enseignement : plus les élèves perçoivent que les pratiques sont explicites, que l'enseignant enseigne les savoirs requis, et que l’activité d’apprentissage est étayée, plus ils se sentent appartenir au groupe classe, sont intéressés et disposés à acquérir des nouvelles compétences langagières et en lecture (Pelgrims, 2008, 2013). En revanche, la perception négative des pratiques d'enseignement est liée avec un faible sentiment d'appartenance et un manque d'intérêt et d'engagement pour l'apprentissage. Plusieurs études montrent des liens entre le sentiment d'appartenance et les résultats scolaires. DeGroot (cité par Smerdon, 2002, p. 289) trouve que « les environnements scolaires qui ont un haut niveau dans les caractéristiques comme le soutien aux enseignants sont associés avec un développement académique et social positif pour tous les élèves ». Un sentiment d'appartenance positif a des effets positifs sur l'efficacité académique des élèves, sur leurs connaissances académiques, et sur leurs résultats (Smerdon, 2002, p. 289). D'autres travaux montrent que l'appartenance perçue peut être affectée quand les élèves ont un faible statut scolaire dans leur école. L'impact du redoublement à l'école est particulièrement négatif sur le sentiment d'appartenance. Ce point est essentiel dans le contexte de l'intégration et de l'inclusion des élèves à besoins éducatifs particuliers puisque beaucoup de ces élèves ont généralement redoublé une ou plusieurs classes au cours de leur scolarité avant d’être orientés vers l’enseignement spécialisé. Les caractéristiques de la dynamique sociale et relationnelle en classe peuvent favoriser ou handicaper le sentiment d'appartenance à la communauté scolaire. En effet, 27 « le contact social avec des amis de longue date va offrir des satisfactions, y compris un sentiment de compétence qui ne pourrait pas se retrouver dans des relations avec des étrangers ou des nouvelles connaissances » (Baumeister & Leary, 1995, p. 500). Les répercussions pour les élèves qui ne se sentent pas complètement appartenir à leur école peuvent contraindre ces élèves à « choisir de se retirer de l'école psychologiquement et éventuellement physiquement. Ce retrait peut inclure une diminution des motivations, une alliance aux groupes de pairs avec des normes nonacadémiques, sécher l'école et ou abandonner leur scolarité » (Finn, cité par Smerdon, 2002, p. 290). Les écoles qui sont fortement différenciées et spécialisées sont souvent décrites sur le modèle d'écoles dans lesquelles les individus ne sont pas capables de faire des liens entre leurs propres intérêts et ceux des autres. A l'inverse, les écoles inclusives devraient illustrer un modèle commun où les individus sont reliés aux autres. Les relations entre pairs et avec les enseignants devraient être structurées et contractuelles. Il est nécessaire de penser à l'organisation de l'école. Celle-ci est importante parce qu'elle influe sur le sentiment des élèves de mise à l'écart de leur école ou de leur appartenance à la communauté scolaire. Les caractéristiques de l'école peuvent améliorer la perception qu'ont les élèves de l'appartenance à l'école. Par exemple, la composition du groupe d'élèves peut influencer l'appartenance à l'école et à la classe. La concentration dans un même groupe-classe des élèves avec des difficultés scolaires peut créer des problèmes spécifiques et une dynamique conflictuelle peu propice au sentiment d’appartenance. Une école dite inclusive et la pédagogie inclusive devraient se traduire par la constitution du groupe-classe auquel chaque élève avec et sans besoins éducatifs particuliers, se sente clairement appartenir. Comme nous l'avons expliqué précédemment dans ce travail, il est établi que le sentiment d'appartenance procède par la co-construction et l’intégration des règles scolaires par les élèves. Plus ils se sentent appartenir à la classe, plus leur comportement devrait être en adéquation avec les normes, les valeurs, les codes du groupe-classe. Chaque classe se constitue sur un ensemble de règles internes qui doivent être explicites et claires pour les élèves. La conformité à ce cadre scolaire est un des moyens de garantir le sentiment d'appartenance à l'école. L'école est une communauté de normes et de valeurs. Ces valeurs ont à être partagées par tous les membres de la communauté. Cette conformité des membres assure les bases pour une identité commune et collective. Si chaque membre partage ces normes et ces valeurs, « les individus sont intégrés dans le groupe par la création de sentiments de soutien mutuel » (Durkheim, cité par Smerdon, 2002, p. 190). 3.1.3 Sentiment d'appartenance et inclusion scolaire Le sentiment d'appartenance n'est pas seulement un besoin mais aussi un droit pour les élèves dans une école inclusive. Ce droit est exprimé par le slogan « une école pour tous », parfois utilisé pour désigner l'école inclusive. Derrière ce slogan, l'idée est le droit pour chaque élève d'avoir « une éducation équitable et appropriée […] les élèves ont le droit d'appartenir indépendamment de leurs différences mentales ou de leur aptitudes physiques. Le même principe s'applique aux différences culturelles, de race ou sexuelles » (Nes Mordal & Strømstad, 1998, p. 105). En Finlande, les écoles essaient d'agir dans cette voie et l'idée est de scolariser les élèves ensemble quels que soient leurs besoins. Le système de soutien d'enseignement spécialisé en groupe restreint qui est encore en pratique dans quelques écoles finlandaises évolue vers une optique préconisant moins de temps d'enseignement hors de la classe ordinaire. En attendant, des formes de différenciation structurale demeurent. Dès lors, des élèves à besoins éducatifs particuliers pourraient se sentir appartenir à un groupe scolaire spécifique. En outre, un élève peut aussi se sentir appartenir à un groupe de pairs mais ne pas se sentir membre de l'école. Outre l'école et ses 28 structures, l'organisation sociale caractérisant la différenciation de l’enseignement en groupes de niveau à l'intérieur de la classe peut aussi infléchir le sentiment d'appartenance des élèves. Ils « pourraient percevoir une appartenance plus forte dans les écoles où ils sont impliqués dans leur travail scolaire ou où ils peuvent apprendre ensemble » (Smerdon, 2002, p. 295). Toutefois, bien que l’école se déclare inclusive, certains enseignants de Finlande rapportent que les élèves avec des difficultés de comportement ne sont parfois pas en adéquation avec les règles scolaires, et que leurs difficultés semblent avoir des impacts sur leur sentiment d'appartenance (Meuli, 2011), ce qui pourrait aussi être le cas à Genève. Comme certains auteurs le disent dans leurs recherches (Nes Mordal & Strømstad, 1998), les camarades de classe ordinaire ont plus de tolérance envers les élèves à besoins éducatifs particuliers qui ont des difficultés d'apprentissage qu'envers ceux qui ont des difficultés de comportement. En effet, les élèves avec des problèmes de comportement fréquentent habituellement des périodes de soutien pédagogique hors de leur classe ordinaire ; sans leurs pairs : nous nous demandons dès lors comment les élèves qui se sentent parfois rejetés, peu acceptés par leurs pairs se sentent appartenir à la classe, comment ils se sentent membres à part entière d’un groupe, d’une équipe, devant accomplir un travail ensemble. 29 4 ANNONCE DES DEUX ETUDES Ce chapitre annonce les deux études respectivement conduites par Meuli et par Zuccone. Les problématiques que chacune de nos deux études contribuent à élucider sont tout d'abord énoncées. Les politiques et pratiques intégratives et inclusives dans les deux contextes scolaires (Finlande et Genève) sont présentées dans la deuxième partie de ce chapitre. Cette deuxième partie présente aussi en détail les contextes spécifiques dans lesquels les deux recherches sont réalisées. Enfin, nous résumerons les dimensions étudiées dans chaque recherche ainsi que les spécificités méthodologiques de chacune. 4.1 Problématique générique aux deux recherches 4.1.1 Questions soulevées par la mise en place de pratiques intégratives ou inclusives dans différents contextes scolaires : contradictions théoriques et pragmatiques L'école inclusive est un changement dans les structures et pratiques scolaires. Même si certains pays, comme la Finlande, ont décidé de changer leurs écoles en écoles inclusives, plusieurs pays travaillent encore selon des modèles plus ou moins intégratifs, voire toujours ségrégatifs (OCDE, 2007). Comme il a été expliqué dans le premier chapitre, l'inclusion est une décision antiségrégative qui implique une scolarisation de chaque élève dans l'enseignement ordinaire, dans l'école de son quartier de domicile, quels que soient les besoins particuliers des élèves. Bien que l'inclusion ne soit pas incompatible avec l'idée de dispenser certains enseignements, soutiens ou appuis en groupes sous la responsabilité de l'enseignant spécialisé, le temps que passent les élèves dans des mesures d'appui, de soutien ou de ressources joue un rôle important pour intégrer complètement et socialement la classe ordinaire. L'inclusion prend sens si l'on est capable de garder autant que possible les élèves en classe ordinaire en apportant les ajustements à l'environnement scolaire, ainsi que le soutien pédagogique nécessaire. Mais il ne s'agit pas de se limiter, en classe ordinaire, à de l'intégration physique. Les conditions devraient garantir que tout élève participe aux activités de la classe, joue un rôle d'apprenant parmi et avec les autres. À cet effet, l'activité différenciée, voire individualisée d'élèves à besoins éducatifs particuliers doit être articulée à l'activité collective (Pelgrims, 2011) à l'aide notamment des différentes modalités de différenciation pédagogique, de tutorat, d'apprentissage coopératif, de régulation ciblée en profondeur ou intégrée dans des tâches collectives (Doré et al. 1996, Berger, Kummer, Moulin & Pelgrims, 2010). Avec des conditions pédagogiques et didactiques optimales à l'intégration scolaire, l'inclusion devrait induire un climat de classe positif, un sentiment d'appartenance à l'école ordinaire et au groupe classe, des relations positives entre élèves ainsi qu’un sentiment de compétence scolaire et de confiance face aux apprentissages attendus. Effectivement, si les autorités politiques décident de prescrire l'inclusion comme ligne directrice de son système scolaire, on s'attend à des conséquences positives sur les résultats scolaires de tous les élèves, mais aussi sur les dimensions sociales et affectives qui contribuent à l'activité d'apprentissage et, ainsi, à l'intégration du rôle social d'élève attendu. Si les bons résultats obtenus par la Finlande dans les études internationales ne sont plus à présenter, la question maintenant est d'examiner, de manière qualitative, l'impact de ces décisions politiques sur l'activité des élèves, et plus particulièrement sur les perceptions et les sentiments des élèves à besoins éducatifs particuliers. Dans le contexte de la recherche réalisée en Finlande, il est apparu (Meuli, 2011) que les services proposés peuvent parfois contribuer à la stigmatisation de certains élèves, ce qui démontre la complexité des mises en œuvre d'une école inclusive. Le sentiment d'appartenance est une dimension centrale quand on parle d'inclusion, d'intégration sociale et d'école. Il contribue à révéler comment l'environnement scolaire et les pratiques d'enseignement 30 amènent un élève présentant des besoins éducatifs particuliers à accomplir des tâches d'apprentissage et à assumer son rôle d'élève avec et parmi les pairs. Comme il a précédemment été montré dans le cadrage théorique, le sentiment d'appartenance est lié aux perceptions que les élèves ont du contexte, de l'école, des tâches scolaires, à la valeur qu'ils accordent aux savoirs à apprendre ainsi qu'à la perception qu'ils ont de leurs compétences scolaires. Les pratiques inclusives ont donc aussi leur importance dans le sentiment de compétence des élèves. En effet, l'inclusion suppose des attentes scolaires explicites, un soutien individuel correspondant aux besoins de l'élève, ainsi que des pratiques d'enseignement encourageant l'apprentissage et les progrès sans pour autant stigmatiser l'élève à besoins éducatifs particuliers en lui donnant un statut différent de celui de ses pairs. Des pratiques d'enseignement inclusives devraient clairement limiter les comparaisons ascendantes et descendantes; et leurs conséquences parfois négatives sur le sentiment de compétences des élèves « dits » et perçus par autrui comme élèves en « difficultés, handicapés » (revue in Pelgrims, 2006). Néanmoins, certaines pratiques étiquètent, comme le fait de retirer un élève à besoins éducatifs particuliers de sa classe, ou de lui assigner une personne de soutien, et risqueraient d'amplifier le statut d'élève en difficulté. Dans ces conditions, le sentiment d'inclusion, le sentiment d'appartenance et le sentiment de compétence pourraient être affectés. Finalement les mesures pédagogiques et didactiques mises en place dans les contextes inclusifs ou intégratifs peuvent elles-mêmes générer de nouvelles problématiques amenant un étiquetage ou une stigmatisation de l'élève à besoins éducatifs particuliers. 4.1.2 Etat des études de l'activité des élèves à besoins éducatifs particuliers scolarisés en classe ordinaire Le cadrage théorique de cet ouvrage montre que beaucoup de travaux ont été réalisés concernant la motivation à apprendre, l’estime de soi des élèves, d'une part, l’inclusion et l’intégration, d'autre part. Toutefois, nous relevons un manque de travaux qui étudient ces dimensions et examinent plus particulièrement l’activité socio-affective des élèves à besoins éducatifs particuliers en fonction de différents contextes et situations scolaires en classe ordinaire. Par ailleurs, nous notons que l'activité des élèves présentant une déficience auditive en situation d'apprentissage effective en classe d'intégration est peu étudiée. En effet, depuis plus d’une cinquantaine d’années, les acteurs scolaires tentent de ne pas laisser en marge les enfants à besoins éducatifs particuliers. Des mesures d’intégration dans le contexte suisse ou des mesures d’inclusion dans le contexte finlandais se sont alors progressivement mises en place. Il en résulte que de nombreux chercheurs tentent d’en observer les effets et de mettre en place des guides de l’intégration, des recommandations en termes de pratiques efficaces (best practices, European Agency for the Development of Special Needs Education, 2001; Rousseau, 2010). Le domaine thématique de l’intégration scolaire est vaste et fait l'objet de nombreux écrits. Toutefois, malgré le vif intérêt qu'on lui prête, peu d'études concernent l’activité de l'élève intégré ou inclus, son degré d’intégration en classe ordinaire, ses perceptions et son affectivité. Effectivement, les travaux réalisés sur la question de l’intégration ou l’inclusion scolaire sont essentiellement centrés sur les raisons, les bienfaits et les méfaits en termes d’apprentissages; ils s'attachent surtout à la mise en œuvre concrète de celle-ci et aux conceptions, perceptions et attitudes des enseignants. En outre, les chercheurs se sont considérablement préoccupés de l’intégration ou l’inclusion des élèves ayant une déficience intellectuelle, un handicap physique ou encore des difficultés d’apprentissage. Malgré tous les apports qui ont pu être présentés dans le chapitre dédié à la revue de la littérature, peu de travaux permettent de comprendre comment les élèves présentant des besoins éducatifs particuliers se sentent et perçoivent des différentes situations en classe ordinaire et plus particulièrement en situations didactiques. Quelques recherches ont toutefois été menées pour mesurer l’efficacité de l’intégration des élèves à besoins éducatifs particuliers en contexte ordinaire, en analysant entre autres leur réussite scolaire 31 au niveau des savoirs et au niveau social. Les recherches concernant les savoirs sont très nombreuses et témoignent d’une grande réussite scolaire de ces élèves (voir par ex. la revue de Doudin et Lafortune, 2006). En revanche, les aspects socio-affectifs de l’intégration sociale étudiés sont relativement restreints et se limitent, pour beaucoup, à l’étude de l’acception sociale de ces élèves de manière générale, moins en contexte et situation d'activité scolaire effective (voir par ex. la revue de Vienneau, 2010). En somme, la majorité des travaux examinent les effets de l’intégration ou de l’inclusion sur l’élève intégré/inclu en considérant l’intégration comme un tout indissociable. Les chercheurs étudient les phénomènes d’acceptabilité par les pairs et le sentiment d’appartenance sociale sans lien avec les situations scolaires effectives: les questions posées aux élèves sont globales, et impliquent de fait un avis général sur la question sans référence à des situations d’enseignement et d’apprentissage effectives L'approche située de la motivation à apprendre (Boekaerts, 2001; Pelgrims, 2006) montre combien les dimensions socio-affectives de l'apprentissage sont en lien avec des contextes et des situations d'action particulières. Ainsi, nous pensons qu’un élève présentant des besoins spécifiques intégré ou inclu peut se sentir bien accueilli, respecté et jugé comme un élève comme les autres en se sentant appartenir au groupe dans certaines situations scolaires, mais que dans d’autres au contraire, l’élève pourrait se sentir exclu à cause de sa différence. Nous nous demandons alors dans quelle mesure les dynamiques interactionnelles et socio-affectives se modifient en fonction des contextes et des situations scolaires dans lesquelles les élèves à besoins éducatifs particuliers déploient leur activité. Nous contribuerons à élucider cette question sous l'angle des perceptions qu'ont des élèves devant agir en clase ordinaire et en groupe restreint dans une école finlandaise d'une part, ou devant agir dans différentes situations didactiques en classe ordinaire dans une école genevoises d'autre part. 4.2 Annonce des deux contextes de recherche 4.2.1 École dite inclusive : contexte de l'étude menée en Finlande Le système d'école inclusive en Finlande Le système finlandais d'éducation est composé de neuf années scolaires qui constituent la scolarité obligatoire, précédée d'une année d'école préscolaire facultative. Tous les élèves ont la garantie de bénéficier de conditions d'apprentissage et de développement indépendamment de leurs habilités, de leur lieu de résidence, de leur langue maternelle ou de leur statut socio-économique13. En Finlande, le droit à l'éducation est un droit de base garanti dans la Constitution. Effectivement chaque résident en Finlande doit bénéficier d'égales conditions de scolarisation. Les autorités publiques doivent également garantir la possibilité d'effectuer une formation après l'école obligatoire. La situation socio-économique ne doit pas être une barrière à l'accès à l'éducation et à la formation. La loi garantit la gratuité de l'année préscolaire et de la scolarité obligatoire (7 – 16 ans) pour tous les élèves. La plupart des structures post-obligatoires sont gratuites, y compris les universités. Un élève résident en Finlande commence généralement sa scolarité à l'âge de 7 ans. Toutefois, l'année facultative précédant la scolarité obligatoire est fréquentée par la plupart des enfants (96%), selon le ministère de l’Education et de la Culture14. Cette année a pour objectif de développer les interactions sociales des élèves, leur langage et leur motricité. Tous les enfants vivant en Finlande ont donc le droit et l'obligation d'accomplir l'intégralité de la scolarité obligatoire, ce qui est le cas pour 99.7% des élèves. Le gouvernement détermine les objectifs généraux de la scolarité obligatoire et fixe l'allocation de temps pour chaque discipline enseignée. Les deux premières années de la scolarité obligatoire font le pont entre l'année préscolaire et la suite de l'école obligatoire. Ces 13 14 http://www.minedu.fi/OPM/Koulutus/perusopetus/?lang=en, consulté le 14.04.13, 14:30. http://www.minedu.fi/OPM/Koulutus/esiopetus/?lang=en, consulté le 07.06.13, 09 :40. 32 années visent en effet à développer les compétences requises dans la suite de la scolarité. En principe, les enseignants exerçant dans ces deux premières années ont une formation spécifique. Le bureau finlandais d'éducation décide des buts et des contenus d'enseignement qui figurent dans un curriculum national sur lequel s'appuient ensuite les équipes pédagogiques. Ceci ressemble au Plan d'études romand (PER) que l'on trouve en Suisse romande. L'organisation effective, matérielle et logistique des écoles revient néanmoins aux autorités locales ou municipales. Les autorités locales ont alors le devoir de garantir l'instruction des élèves vivant dans leur province. Un élève qui a des difficultés d'apprentissage ou des difficultés d'adaptation est signalé par l'enseignant ordinaire à sa hiérarchie afin que l'élève puisse bénéficier d'un soutien tout au long de sa scolarité. S'il n'est pas possible pour l'élève de suivre la scolarité ordinaire en raison d'une déficience, d'une maladie, d'un retard de développement ou autre raison, il peut bénéficier de mesures d'enseignement spécialisé. Dans la mesure du possible, les prestations d'enseignement spécialisé sont dispensées en classe ordinaire ou alors dans une autre classe au sein de l'établissement. À la fin d'une année scolaire, les élèves passent au degré supérieur. Il n'y a que très peu de redoublement (2% des élèves en âge de scolarité obligatoire). Crahay (2003) remarque que le système finlandais recourt peu au redoublement, bien que la législation l'autorise. Refaire une année scolaire est une décision exceptionnelle et généralement, « la promotion automatique est généralisée » (p. 17). Ce choix politique a plusieurs conséquences. Premièrement, les élèves suivent le même groupe-classe durant toute leur scolarité, hormis certaines situations particulières comme les déménagements. Deuxièmement, si les enseignants remarquent qu'un élève éprouve des difficultés dans l’atteinte des objectifs, ils considèrent cet élève comme ayant des besoins éducatifs particuliers. C'est une pratique assez habituelle en Finlande ou, en 2009, 23% des élèves de l'ordinaire étaient identifiés comme élèves présentant des besoins éducatifs particuliers (Statistiques Finlande, juin 2010). Actuellement, les chiffres sont toujours identiques, à savoir entre 20 et 25%. La raison pour laquelle les enseignants signalent autant d'élèves réside en partie dans le soutien financier dont leur école bénéficiera afin d'allouer des ressources (enseignants spécialisés ou assistants travaillant avec l'enseignant ordinaire, par exemple) permettant de répondre aux besoins de ces élèves. Penser ainsi le signalement permet de garder ces élèves en classe ordinaire. Cela permet aussi d'offrir aux élèves à besoins éducatifs particuliers des périodes d'enseignement spécialisé, bien que ces derniers soient toujours scolarisés au sein de l’enseignement ordinaire. Ces périodes-là sont sous la responsabilité des enseignants spécialisés et ont été introduites dans les années 1960, au moment de la réforme de la législation afin de répondre à l'hétérogénéité des élèves. Selon Kivirauma et Ruoho (2007), ces mesures de soutien pédagogique semblent être un des facteurs clé expliquant les résultats d'égalité, de réussite scolaire accrue dans le système finlandais. Cette politique et son organisation subséquente permettent à la plupart des élèves de fréquenter leur école de quartier de domicile, indépendamment de leurs besoins particuliers ou de leurs difficultés scolaires. Le système scolaire finlandais insiste particulièrement sur la détection précoce des difficultés tout au long de la scolarité, mais particulièrement au début de celle-ci. Le développement des enfants est consciencieusement observé. Une attention particulière est portée aux dispositions des élèves pour les attentes scolaires, c'est-à-dire leurs dispositions émotionnelles, sociales et leur développement cognitif. L'identification précoce des difficultés d'apprentissages ou dans d'autres domaines est essentielle durant l'année préscolaire. Il y a plusieurs formes de soutien et souvent, cela suppose une coopération entre les secteurs sociaux et de santé. Ceux-ci dispensent différentes thérapies ainsi que du soutien à la famille. Les enfants sont soutenus de manière à leur permettre de participer aux mêmes activités que leurs pairs. (bureau finlandais d'éducation ; http://www.oph.fi/english/education/pre-primary_education, 14.04.13, 15:53) 33 Tout au long de la scolarité, l'élève peut recevoir des mesures d'enseignement spécialisé pour une durée plus ou moins longue. Ces mesures peuvent être dispensées en classe ordinaire ou en groupe de soutien d'enseignement spécialisé hors de la classe ordinaire. Généralement, les élèves en première ou en deuxième année ne sont pas signalés pour des mesures d'enseignement spécialisé hors de la classe ordinaire. Les élèves restent à temps plein en classe ordinaire à moins d'un retard mental. Si nécessaire, l'enseignant ordinaire peut faire appel à un assistant. En Finlande, tout élève bénéficiant de mesures d'enseignement spécialisé est au bénéfice d'un projet pédagogique individualisé. Ces projets fixent des attentes en tenant compte des compétences des élèves et de leurs besoins. Contexte scolaire de la recherche réalisée en Finlande L'école finlandaise où la recherche a été menée est une école publique de Laponie, située dans un environnement urbain plutôt privilégié. La population est mixte au niveau socio-économique. Il y a peu d'élèves étrangers. Au niveau socio-économique, les groupes restreints dans lesquels est fourni le soutien d'enseignement spécialisé sont plus hétérogènes que les classes ordinaires. Il s'agit d'une école accueillant les élèves du premier degré primaire à la neuvième, soit pour l’ensemble de la scolarité obligatoire; les élèves relèvent de l'enseignement primaire pour les degrés un à six. La première correspond à la 3P Harmos. L'école où se déroule la recherche compte 420 élèves et différents corps professionnels y travaillent. Il y a en effet 5 enseignants spécialisés, 11 assistants d'enseignement et personnels, 35 enseignants ordinaires, 1 travailleur social, 1 infirmière et 1 concierge. L'école comprend 20 classes : Neuf concernent les degrés primaires et neuf autres les degrés secondaires. Il y a également deux classes intégrées d'enseignement spécialisé pour les élèves présentant un retard intellectuel. Pour les autres élèves à besoins éducatifs particuliers, il n'y a pas de classes spécialisées en tant que telles. En revanche, il y a deux salles de classe réservées au soutien d'enseignement spécialisé en groupes restreints. Les élèves appartenant aux deux classes intégrées d'enseignement spécialisé viennent de toute la ville. En raison des besoins des élèves, l'effectif de ces classes ne peut pas être supérieur à huit. Les deux classes sont réparties en fonction des groupes d’âges des élèves : des élèves dont les âges correspondent aux degrés un à six, et la seconde des élèves plus âgés des degrés sept à neuf. Les élèves en âge de scolarité secondaire sont à temps plein dans leur classe d'enseignement spécialisé; il n'y a pas d'intégration en classe ordinaire en raison de la sévérité de leur handicap et de la particularité de leurs besoins éducatifs, thérapeutiques et pédagogiques. Par contre, au sein de la classe accueillant les élèves en âge de scolarité primaire, certains d'entre eux sont intégrés en classe ordinaire, à raison de deux à six leçons par semaine. L'enseignante spécialisée travaille avec deux assistants. Deux des huit élèves ne bénéficient d'aucune intégration individuelle. Néanmoins, l'enseignante spécialisée se rend une fois par semaine avec tous ses élèves dans une classe ordinaire pour travailler tous ensemble, sous la responsabilité des deux enseignantes. Il s'agit d'une forme d'intégration collective, L'enseignante spécialisée collabore avec les enseignants ordinaires, particulièrement avec ceux qui intègrent ses élèves ou toute sa classe. Elle trouve les intégrations collectives importantes parce qu'elles offrent aux élèves à besoins éducatifs particuliers des conditions leur permettant d'apprendre des savoirs sociaux et à interagir avec leurs pairs sans handicap, et elle permet aux élèves « ordinaires » de travailler avec des pairs « différents ». La principale difficulté réside dans le manque de temps. Effectivement, l'enseignante spécialisée souhaiterait accorder plus de temps à la discussion et à l’organisation de ces intégrations avec les enseignants de l'ordinaire. Les deux groupes restreints d'enseignement spécialisé accueillent des élèves de plusieurs classes ordinaires. Les élèves sont répartis entre ces deux groupes en fonction de leur âge. Le premier 34 groupe, accueille 13 élèves des degrés trois à six, le second 11 élèves des degrés sept à neuf. Ce sont certains élèves fréquentant ces deux groupes qui ont été interrogés dans la recherche. Les élèves sont présents dans ces groupes en fonction de leurs besoins éducatifs particuliers. Des mesures de soutien d'enseignement spécialisé sont demandées pour ces élèves-là pour différentes raisons: difficultés de lecture et d'écriture, trouble de l'attention avec ou sans hyperactivité, problèmes émotionnels, troubles du comportement, syndrome d'Asperger, déficience motrice et retard intellectuel. Ces élèves fréquentent les groupes restreints entre 5 et 25 leçons par semaine. Ils passent le reste du temps dans leur classe ordinaire. La loi finlandaise limite le nombre d'élèves simultanément dans le « petit groupe » à dix, mais cela reste flexible dans les pratiques effectives. Les groupes observés, accueillent jusqu'à neuf élèves simultanément. Dans cette école, comme dans beaucoup d'écoles finlandaises, il y a un enseignant spécialisé travaillant comme enseignant de soutien. Cet enseignant n'est pas responsable d'une classe ou d'un groupe restreint mais il travaille avec les élèves à besoins éducatifs particuliers en classe ordinaire. Cependant, il peut arriver que l'enseignant prenne l'élève à part pour un enseignement ou un appui pour répondre à un besoin spécifique. Les enseignants spécialisés responsables du soutien en groupes restreints que nous avons interrogés (Meuli, 2011) se considèrent eux-mêmes comme des coordinateurs, des coopérateurs essayant d'organiser le meilleur enseignement possible pour leurs élèves. Ils ont beaucoup de contacts avec les enseignants ordinaires ainsi qu'avec les assistants d'enseignement. Toutefois, ces contacts relèvent d'avantage de discussions informelles dans les couloirs et les enseignants doivent souvent donner des conseils à leurs collègues. Ils ont parfois l'impression de faire plus de la coordination que de l'enseignement. L'enseignant spécialisé responsable du groupe restreint qui accueille les élèves de la troisième à la sixième travaille avec trois assistants. Ceux-ci opèrent la plupart du temps dans les classes ordinaires lorsque les élèves à besoins éducatifs particuliers y sont. L'enseignant spécialisé travaille également dans un groupe lors d'un décloisonnement de lecture avec les deux classes de deuxième année. Dans ce moment-là, les élèves sont répartis selon leurs niveaux et besoins dans l'apprentissage de la lecture. Néanmoins, il est difficile pour l'enseignant spécialisé d'être plus présent dans les classes ordinaires, parce qu'il y a toujours des élèves dans le groupe. C'est une des raisons pour lesquelles ce sont généralement les assistants qui interviennent en classe ordinaire comme enseignant de soutien, laissant ainsi l’opportunité à l’enseignant spécialisé de se focaliser sur l'activité en groupe restreint dont il a la charge. Les enseignants interrogés ont des opinions mitigées à propos de ce système de « petits groupes » (Meuli, 2011). Ils réalisent que le soutien pédagogique apporté hors de la classe ordinaire ne permet pas nécessairement d'atteindre les buts fixés. Ils reconnaissent quelques avantages à travailler en groupe restreint, comme le fait que les élèves apprennent à travailler ensemble et aient la possibilité de prendre confiance en eux. Les parents semblent d’ailleurs satisfaits de cette organisation où leurs enfants reçoivent un soutien adapté à leurs besoins. D'un autre côté, « réunir des élèves avec des difficultés et des besoins très différents génère en tant que tel des difficultés d’enseignement ; en outre, les conditions d’accomplissement des tâches - plus d’individualisation, plus d’aides - ne sont pas les mêmes qu’en classe ordinaire ce qui peut rendre difficile le transfert des savoirs acquis » (Meuli & Pelgrims, 2010, p. 32). Les enseignants ont parfois un groupe relativement hétérogène sur le plan scolaire; ils ont donc à enseigner en parallèle plusieurs disciplines scolaires au sein de la même période d'enseignement. En raison des besoins individuels des élèves, il est parfois difficile de leur répondre à tous de la manière la plus adéquate. Les élèves du petit groupe n'ont pas le même âge, ce qui peut complexifier la tâche de l'enseignant. De plus, la présence simultanée de différentes problématiques dans un seul et même groupe restreint pourrait générer une problématique centrale dans la dynamique de groupe, ce qui ne se 35 retrouvera pas nécessairement dans la classe ordinaire dont l'effectif est plus important et plus homogène. Les enseignants spécialisés des deux groupes restreints pensent qu'il serait plus pertinent d'avoir des élèves du même degré ou de degré scolaire proche (Meuli, 2011). Selon eux, plusieurs élèves ne semblent pas tirer profit de l'enseignement spécialisé en groupe restreint trop hétérogène qui exacerbe les besoins individuels. Les enseignants spécialisés disent vouloir préférer des classes ordinaires avec moins d'élèves et pratiquer encore plus d'inclusion à l'aide notamment, de pratiques de co-enseignement. Ils ne savent actuellement pas s'il s'agit d'un projet réalisable, mais ils souhaitent travailler dans ce sens les prochaines années. Un des enseignants garde en mémoire l'exemple d'une école dans le sud-est de la Finlande où les élèves à besoins éducatifs particuliers et les élèves ordinaires sont toujours ensemble, et où l'enseignant différencie selon les apprentissages des élèves et les besoins pédagogiques et didactiques. Dans ce type d'écoles, il n'y a pas de classe spécialisée ni de petits groupes d'enseignement spécialisé. Le but est en effet de prévenir les difficultés scolaires ou d'apprentissage pour tous les élèves. Ces derniers sont tous encouragés à trouver leurs points forts et à recevoir de l'aide quand cela est nécessaire et dans le domaine concerné (lecture, expression, mathématiques, langues, …). Ces moments de soutien peuvent être conduits en classe ou en petit groupe, pendant ou hors des heures scolaires. L'enseignant spécialisé peut travailler comme deuxième enseignant dans la classe ordinaire et pratiquer le co-enseignement, ou il peut être seul dans un autre local avec quelques élèves, si nécessaire. Cette décision d'abolir les classes spécialisées et les « petits groupes » éviterait aux élèves d'appartenir à l'enseignement spécialisé ou à l'enseignement ordinaire; tous appartiendraient à l'école. Il n'y a de ce fait plus d'étiquetage, ce qui semble se rapprocher au plus près de la définition même de l’inclusion scolaire. Les enseignants travaillent évidemment en collaboration étroite avec les enseignants ordinaires et pratiquent le co-enseignement. Comme Doré (2001) le souligne dans son article, l'inclusion est réalisée lorsqu'il y a fusion du système d'enseignement spécialisé et du système d'enseignement ordinaire. La classe ordinaire est alors le seul lieu possible d'appartenance sociale et d'apprentissages scolaires pour tous les élèves. 4.2.2 École dite intégrative : contexte de l'étude menée à Genève Le système scolaire à Genève En Suisse, chaque canton est responsable de l’organisation de la scolarisation obligatoire et publique des jeunes âgés de 4 à 15 ans. Des liens entre cantons, notamment au niveau des plans d'études, ont tout de même été établis grâce à un programme d’harmonisation, nommé Harmos. À Genève, le Département de l’instruction publique (DIP) régit l’enseignement ordinaire ainsi que l’enseignement spécialisé. Toutefois, ces deux types d’enseignement sont séparés. Effectivement, l’enseignement spécialisé dépend intégralement de la direction de l’Office Médico-pédagogique (OMP), alors que l’enseignement ordinaire dépend de la direction de chaque ordre d’enseignement (direction de l’enseignement primaire, secondaire, etc.). L'entrée à l'école obligatoire se fait à l'âge de 4 ans à Genève, comme dans tous les cantons ayant adopté Harmos. Les élèves intègrent donc le système scolaire à cet âge en première année primaire et suivent leur scolarité en primaire de la première (1P) à la huitième (8P). À la suite des huit années de primaire, les élèves sont scolarisés pour une durée de trois ans au Cycle d’Orientation (CO), jusqu’à la fin de leur scolarité obligatoire. Leur orientation future peut être diverse selon les compétences, les résultats scolaires et les projets individuels des élèves. En parallèle, un système d’enseignement spécialisé prend en charge la scolarisation des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers de 4 à 20 ans. Outre l’enseignement spécialisé, l’OMP offre aussi des prestations d’éducation précoce spécialisée et psychomédicales (logopédie, psychomotricité…) 36 dans des jardins d’enfants spécialisés, des classes spécialisées, des institutions spécialisées ou dans des écoles de formation professionnelle. Des liens existent tout de même entre l’enseignement ordinaire et celui de l’enseignement spécialisé, et ce notamment par le biais des mesures d’intégration d’élèves à besoins éducatifs particuliers en école ou en classe ordinaire. Actuellement, le DIP promeut la scolarisation des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers en classe ordinaire. Effectivement, l’intégration des enfants et adolescents porteurs d’une déficience ou déclarés en difficulté fait partie des 13 priorités éditées par le DIP : L'instruction publique appliquera avec résolution et discernement le droit à l'intégration des enfants handicapés. Il consiste à favoriser l'accès au système scolaire et à ses prestations dans toutes les filières de formation. Les modalités d'accueil et de formation des jeunes souffrant d'un handicap seront adaptées en fonction des demandes et des besoins. (DIP, 2005) En somme, le DIP s’attache à rendre possible la scolarisation de tous les enfants en proposant les mesures nécessaires à cette intégration. En outre, il nous parait judicieux de relever que le DIP ne contraint pas cette intégration puisqu’il s’agit uniquement de « favoriser l’accès au système scolaire ». Par ailleurs, le DIP énonce fréquemment la perspective d’une « école inclusive » or la terminologie employée dans les textes officiels révèle des contradictions. Pour parler de personnes ayant des besoins éducatifs particuliers, le DIP emploie le terme d’« enfants handicapés » ou de « jeunes souffrant de handicap », en confondant clairement les termes handicap et déficience, trouble, difficulté. Il y a clairement un désaccord entre les concepts liés au handicap et le langage de l’instruction publique. À travers ces termes, la vision du handicap du DIP semble réduire le handicap uniquement à des facteurs personnels, à l’instar des modèles précédant les années 1970. Ce langage peut suprendre les professionnels du domaine ; toutefois il a peut-être été vulgarisé de manière à ce qu'un large public puisse avoir accès au sens de cette dixième priorité. En ce qui concerne les lieux de scolarisation préconisés, il s’agit des structures de l’enseignement ordinaire mais aussi de l’enseignement dans des structures différenciées d’enseignement spécialisé (Règlement sur l’intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés, 2011). L’organisation scolaire pour les élèves à besoins éducatifs particuliers relève plus de la différenciation structurale et du système en cascade propre à l’intégration au sens de normalisation. En conséquence, nous estimons que le DIP inclut des mesures intégratives en ordinaire parmi d’autres mesures spécialisées pour l’intégration à l’école publique tout en restant sur la notion même de handicap. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2010, une nouvelle loi genevoise est entrée en vigueur. Cette loi s'intitule « Loi genevoise sur l’intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés » (LIJBEP) qui a pour but de « favoriser l’intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés » (LIJBEP, 2010). Par cette loi, l’Etat souhaite favoriser l’intégration, mais ne la contraint dans aucune mesure. Effectivement, il s’agit davantage de faire en sorte que l’enfant ou le jeune n’entre pas dès son plus jeune âge dans le système de l’Assurance Invalidité, mais de travailler en amont en proposant des mesures intégratives et des moyens spécifiques pour que la personne ne soit pas dépendante de cette assurance. Cette loi offre un cadre commun tant au législateur qu'aux professionnels ou encore aux familles concernées afin d'offrir aux élèves à besoins éducatifs particuliers une prise en charge adaptée.Le DIP s’efforce donc de créer le cadre et l’environnement pédagogiques adéquats pour accueillir les élèves présentant des besoins éducatifs particuliers. Modalités d’intégration des élèves malentendants à Genève 37 La déficience auditive entraîne entre autres une limitation de participation au niveau de la communication. Effectivement, « la surdité est un handicap de communication » (Dethorre, 2006, p. 42). Le propre de l’enfant déficient auditif est d’avoir une capacité réduite de communication dans un groupe social entendant. Cela se répercute notamment sur ses capacités à lire et à comprendre le code écrit. En résumé, les élèves présentant une déficience auditive ne produisent généralement pas ou très peu de discours oral, et éprouvent des difficultés à accéder au monde le l’écrit. Cependant, les obstacles rencontrés par ces enfants ne sont pas identiques pour tous en raison de leur degré de surdité et des progrès techniques. Effectivement, les enfants dont le degré de surdité est très faible accèdent plus facilement au langage oral que leurs camarades dont le degré de surdité est plus élevé. De plus, depuis quelques années, le dépistage précoce et le perfectionnement des appareillages (implant cochléaire, prothèse auditive) ont permis aux enfants de découvrir plus aisément le monde entendant. Par conséquent, les formes d’intégration des élèves présentant une déficience auditive sont variées, et le choix de scolarisation des ces élèves se réalise en fonction de leurs capacités, du type de surdité autour d’un projet individualisé. Trois modalités d’intégration en milieu ordinaire sont recensées à Genève : - Scolarisation dans une institution spécialisée et intégration partielle en classe ordinaire: l’élève fréquente majoritairement une institution spécialisés qui est dès lors sa structure de référence, et il est partiellement intégré dans une classe ordinaire d’une école du quartier. Cette modalité permet d’une part à l’élève de suivre des apprentissages dans la classe ordinaire, et d’autre part, de recevoir les prestations et le soutien pédagogique dont il a besoin (logopédie, soutien éducatif et psychologique, etc.) dans son établissement référent. Notons néanmoins que la classe ordinaire n’est pas systématiquement dans le même bâtiment que l’établissement de référence, ce qui implique dès lors de nombreux déplacements. - Scolarisation dans une classe intégrée d’enseignement spécialisée et intégration en classe ordinaire: les élèves sont dans une école ordinaire, mais sont scolarisés dans deux types de classes. Effectivement, les élèves présentant une déficience auditive sont regroupés dans une classe d’enseignement spécialisé dite intégrée dans l’école primaire, et sont intégrés à temps partiel dans les classes ordinaires correspondantes à leur niveau scolaire. L’intégration en classe ordinaire se fait uniquement dans certaines disciplines. L’enseignement spécialisé en classe intégrée permet alors aux élèves malentendants de se retrouver pour certains domaines d’apprentissages nécessitant un enseignement et un matériel adaptés à leurs besoins spécifiques. - Intégration en classe ordinaire à temps plein : l’élève est intégré à 100% dans la classe ordinaire tout en bénéficiant des services spécialisés (séances de logopédie, soutien psychologique hebdomadaire). Ce type d’intégration évite alors tout type de ségrégation en proposant à l’élève intégré de réaliser toutes les activités scolaires au même titre que ses camarades entendants. Notons que cette forme d’intégration concerne essentiellement les enfants dont les compétences langagières sont proches, voire similaires, à celles des enfants entendants. Ainsi, les enfants intégrés disposent généralement d’un implant cochléaire ou leur degré de surdité est peu élevé. Ces différentes formes d’intégration ont donc des finalités similaires, à savoir permettre aux élèves malentendants d’effectuer des apprentissages scolaires, tout en stimulant la communication et les interactions en milieu ordinaire. En somme, cette intégration est bien sociale car elle devrait permettre à l’élève malentendant de se développer, d’acquérir les connaissances et les compétences scolaires attendues et d’assumer le rôle social attendu d’élève. Goasmat (2008) nous rappelle à cet effet que : 38 L’intégration sociale des enfants et adolescents déficients auditifs se trouve sous-tendue, au-delà d’une maîtrise de la langue orale sous forme écrite, par leur acquisition maximale de savoirs et savoir-faire scolaires et culturels, par leur appropriation des valeurs du groupe social auxquelles ils sont appariés et par le tissage de relations avec les membres de ce groupe ». (p. 180) En ce sens, l’intégration implique que l’élève accueilli en classe ordinaire puisse réaliser des apprentissages cognitifs. L’élève suit ainsi le programme scolaire attendu pour son âge, tout en se socialisant et en intégrant le groupe entendant. Contexte scolaire de la recherche réalisée à Genève La modalité d’intégration impliquée dans la recherche menée à Genève avec des élèves malentendants est la scolarisation dans une classe spécialisée avec intégration en classe ordinaire. Les élèves sont scolarisés dans une classe spécialisée pour enfants sourds et malentendants qui se situe dans une école primaire ordinaire. Les élèves sont donc regroupés dans une classe d’enseignement spécialisé (classe intégrée à l’école ordinaire), et sont, à partir de là, partiellement et individuellement intégrés en classe ordinaire, dans le degré qui correspond le plus à leurs acquis et à leurs compétences. Ces élèves relèvent de l’enseignement spécialisé bien qu’ils passent une grande partie de leur temps scolaire en classe ordinaire. L’équipe pédagogique est composée d’enseignants ordinaires et d’enseignants spécialisés, d’interprètes en langue des signes, de logopédistes, d’un psychomotricien et de plusieurs psychothérapeutes. Elle veille à ce que ces intégrations soient réalisées de manière à respecter globalement l’âge des élèves malentendants et celui des élèves de classe ordinaire. Lors des périodes en classe ordinaire, les élèves sont accompagnés d’un enseignant spécialisé qui parle la langue des signes. Ce dernier est chargé d’une part, de traduire les échanges verbaux (consignes, discussion, commentaires...) du français vers la langue des signes, des différents partenaires de la classe. Il assure d’autre part une fonction de soutien pédagogique en situation, afin d’aider l’élève intégré à réaliser au mieux les activités attendues dans sa classe d’intégration. Il adapte parfois les tâches, mais veille tout de même à ce que l’élève intégré puisse réaliser les mêmes tâches que ces camarades dits ordinaires. Les rôles de l’enseignant qui accompagne les élèves malentendants en classe ordinaire peuvent être rapprochés de ceux des assistants en Finlande décrits auparavant dans cet ouvrage. En effet, il s’agit de mettre en place des aides pédagogiques permettant à l’élève malentendant d’éviter d’être en situation de handicap. L’activité des enseignants consiste essentiellement à traduire les échanges verbaux de la classe, de façon à ce que l’élève malentendant puisse, lui aussi, interagir avec les différents partenaires de la classe. Cet aménagement devrait permettre ainsi d’intégrer des élèves malentendants ne maîtrisant pas ou peu le langage oral. Toutefois, en qualité d’enseignant spécialisé formé, il apporte aussi un soutien pédagogique et didactique sous différentes formes, proactive en classe intégrée ou de façon rétroactive aux activités de la classe ordinaire en classe intégrée. Ainsi, les notions étudiées en classe ordinaire sont préparées ou revues en dehors et de façon plus individualisée. Dans le contexte de cette étude, on peut donc comparer le fonctionnement des assistants finlandais à ces enseignants spécialisés sans pour autant dire que leurs rôles sont identiques. Bochatay et Kamerzin (2006) décrivent l’école impliquée dans notre étude de la sorte : La solution de la classe spécialisée dans une école ordinaire comprenant plusieurs camarades malentendants ou sourds peut sembler être une solution assez séduisante. L’élève est d’une part, entouré de ses camarades ayant le même handicap qui lui permet d’éviter un minimum l’isolement. D’autre part, il est intégré pour certains apprentissages ce qui lui permet de rencontrer des pairs entendants et ainsi avoir un contact social avec ce monde si différent du sien. (p. 36) 39 Cette intégration permet ainsi aux élèves malentendants de se construire dans un contexte entendant en les préparant à la vie future qui les attend, tout en favorisant la culture sourde d’autre part. L’appartenance des élèves et des adultes à deux communautés sociales et culturelles est un phénomène connu dans la littérature. Il est donc important que les élèves puissent construire leur identité multiple en tissant des liens étroits entre ces deux communautés. 4.2.3 Similitudes et spécificités des deux systèmes Malgré deux appellations différentes, école dite inclusive en Finlande ou école dite intégrative à Genève, nos deux contextes de recherche comportent des similitudes sur de nombreux points. Effectivement, nous constatons que le système intégratif de cette école genevoise est proche du système inclusif au niveau des moyens mis en œuvre. Il s’agit dans les deux cas de scolariser tous les élèves à besoins éducatifs particuliers dans un cadre ordinaire en proposant les ressources et les dispositifs de soutien afin que chaque élève puisse suivre une scolarité dans le même lieu que tous leurs pairs de même âge. Les élèves malentendants font entièrement partie de l’école ordinaire, des enseignants spécialisés sont présents dans l’école pour favoriser leurs apprentissages en contexte ordinaire et des moyens supplémentaires sont octroyés pour permettre à tous de suivre l’enseignement régulier. Nous pourrions donc quasiment dire que ces élèves présentant une déficience auditive sont « inclus » dans l’école ordinaire au même titre que tout autre élève sans déficience ou difficulté déclarée. Il nous est pourtant difficile de parler d’inclusion puisque ces élèves relèvent administrativement toujours de l’Office médico-pédagogique, et plus particulièrement de l’enseignement spécialisé, et que les mesures de soutien et d’aides sont spécialisées et uniquement fournies à ces élèves institutionnellement désignés. De plus, ces élèves ne sont pas nécessairement domiciliés dans le quartier, puisque les mesures pédagogiques proposées pour des élèves malentendants ne le sont que dans cette école-là. Par ailleurs, l’intervention des enseignants spécialisés en classe ordinaire est essentiellement focalisée sur les élèves malentendants, et ce sont d’ailleurs les seuls élèves à pouvoir bénéficier d’un enseignement en classe intégrée. Un contexte inclusif serait organisé de façon à pouvoir proposer à tout élève, indépendamment d’un diagnostic psychomédical, des mesures d’enseignement spécialisé en fonction de besoins spécifiques à un moment de leur scolarité et en lien avec certains objectifs à atteindre. En somme, des élèves dits ordinaires pourraient, à un moment donné, présenter des difficultés en mathématiques et de fait avoir besoin d’un appui spécifique dans un groupe restreint. Finalement, malgré les ressemblances entre les deux contextes, nous ne pouvons dire que le contexte genevois relève d’un système inclusif, même s'il y tend sur plusieurs aspects. La grande différence se situe essentiellement dans la nature des ressources mises à disposition dans chaque contexte et plus particulièrement au niveau du personnel encadrant. Dans le contexte genevois qui est centré sur les besoins pédagogiques et didactiques des élèves malentendants, les enseignants ordinaires bénéficient du soutien des enseignants spécialisés, les enseignants spécialisés ne bénéficient par contre d’aucun soutien pédagogique et didactique en classe intégrée. Les partenaires intervenant dans la structure spécialisée, comme par exemple les interprètes, n’interviennent pas dans les tâches pédagogiques. Ils se limitent à traduire les échanges oraux. À l’inverse, en Finlande, le rôle des assistants d’enseignement est de soutenir l’activité des enseignants ordinaires et spécialisés, ainsi que l’activité d’apprentissage des élèves en groupe restreint de soutien et en classe ordinaire. 4.3 Annonce des deux démarches de recherche 40 4.3.1 Étude des sentiments et des perceptions des élèves en contexte dit inclusif Comme nous l'avons préalablement présenté dans cet ouvrage, la Finlande est un pays qui pratique une politique d'éducation inclusive depuis les années 70. En effet, la quasi totalité des élèves est scolarisée à l'école ordinaire, dans son quartier de domicile. Grâce aux mesures mises en place, un des effets escomptés est la diminution de l'étiquetage de « l'élève en difficulté ». Par là-même, le but des pratiques inclusives est de répondre de manière adéquate et suffisante aux besoins pédagogiques et didactiques de tous les élèves. Le passage par l'enseignement spécialisé n'est pas une mesure spéciale ou extraordinaire dans l'enseignement finlandais, mais bel et bien un moyen de répondre de manière ponctuelle ou sur une durée plus longue à un besoin spécifique de l'élève pour lui permettre d’intégrer et d’assumer son rôle d’apprenant. La recherche menée en Finlande examine dans quelle mesure les élèves à besoins éducatifs particuliers se sentent inclus dans la classe ordinaire. En interrogeant leurs sentiments d’appartenance et de compétence ainsi que la perception qu’ils ont de leur contexte scolaire, la recherche contribue à voir si l’école dite inclusive se manifeste effectivement dans ces dimensions socio-affectives du rôle d’élève. Une démarche qualitative d'entretiens semi-structurés a été choisie afin de répondre, grâce à des entretiens individuels réalisés avec 11 élèves (scolarité primaire et secondaire), aux questions suivantes : dans quelle mesure les élèves à besoins éducatifs particuliers se sentent-ils appartenir au groupe ? Se sentent-ils compétents pour leurs apprentissages ? Comment perçoivent-ils leurs relations avec leurs enseignants et les pairs ? Comment perçoivent-ils les mesures d'enseignement spécialisé et leur système scolaire en général ? 4.3.2 Étude des sentiments et perceptions des élèves en situations didactiques Les élèves malentendants scolarisés en classe ordinaire peuvent éprouver des difficultés à communiquer avec leurs pairs entendants. La communication est handicapée lorsque les élèves malentendants utilisent peu la langue française orale et favorisent une communication en langue des signes, alors que leurs camarades emploient uniquement un français oralisé. Or, la classe constitue un milieu social où l’interaction verbale entre les différents partenaires joue un rôle essentiel. Il est dès lors commun de penser que les élèves malentendants, ne pouvant interagir directement avec les pairs d’une classe ordinaire dans la langue normée de l’école, sont souvent exclus du groupe entendant et donc pas ou peu intégrés. C’est cette croyance commune que nous mettons à l’épreuve en examinant le sentiment d’être intégrés d’élèves malentendants durant des situations didactiques en classe ordinaire, c’est-à-dire au moment même où leur activité d’élève se déploie. Afin de saisir ce degré d’intégration scolaire effective d’élèves malentendants lors d’une situation de travail de groupe en mathématiques et d’une situation de jeu d’équipe en éducation physique, nous considérons plusieurs dimensions socio-affectives : le sentiment de compétence et l’intérêt pour la tâche, le sentiment d’être accepté par les pairs du groupe et l’acceptabilité par les pairs, le sentiment d’appartenance au groupe de travail, et enfin la perception du climat relationnel du groupe. Les dimensions socio-affectives précitées sont saisies en situation didactique, à l’aide d’un questionnaire adapté du Questionnaire d’orientation motivationnelle en situation d’apprentissage (QOMSA) de Pelgrims (1999/2006). Le recueil et l’analyse de données relèvent d’une démarche quantitative. En somme, dès que l’enseignant lance la tâche, les élèves remplissent la première partie du questionnaire qui capte les différentes dimensions avant de commencer la tâche; les élèves réalisent ensuite la tâche et remplissent la seconde partie du questionnaire qui saisit les dimensions au terme de la situation. La première situation concerne un problème de mathématiques à résoudre en groupe, la seconde un jeu d’équipe de ballon prisonnier en éducation physique. 41 5 COMMENT LES ELEVES A BESOINS EDUCATIFS PARTICULIERS PERÇOIVENT-ILS LEUR ENVIRONNEMENT SCOLAIRE DIT INCLUSIF ? ETUDE DE CAS EN FINLANDE Dans cette partie nous allons présenter la recherche menée en Finlande. Elle contribue à étudier comment les élèves à besoins éducatifs particuliers se perçoivent et perçoivent leur environnement scolaire déclaré inclusif. Nous étudions ces perceptions sous l'angle du sentiment d'appartenance, des perceptions des relations entre pairs, des perceptions de la fonction des enseignants et des autres professionnels, du sentiment de compétence, de l'identification de l'aide reçue, de la connaissance de l'organisation de l'école et du système scolaire finlandais, comme définis au chapitre 2. La première partie est réservée à l'énonciation des questions principales et secondaires de recherche. Nous présenterons ensuite la démarche méthodologique choisie pour récolter et analyser les données, puis pour les analyser. Finalement, les résultats seront présentés et discutés. Les résultats les plus significatifs et les apports de cette recherche seront rappelés dans une dernière partie conclusive. 5.1 Questions de recherche L'étude menée en Finlande est guidée par la question générale de recherche : Comment des élèves à besoins éducatifs particuliers finlandais perçoivent-ils leur environnement scolaire inclusif ? Les perceptions des élèves concernent cinq dimensions socio-affectives spécifiques, correspondant respectivement à cinq questions de recherches spécifiques. Question de recherche 1 Dans quelle mesure des élèves à besoins éducatifs particuliers dans une école inclusive se sententils appartenir au groupe-classe ordinaire ? Il s'agit dès lors d'examiner si les élèves à besoins éducatifs particuliers ont le sentiment d'appartenir à la classe ordinaire ou plutôt au « petit groupe ». Puisque l'école suit un courant inclusif, la recherche menée en Finlande nous permet d'examiner si ce contexte se reflète dans le sentiment d'appartenance des élèves à besoins éducatifs particuliers : se sentent-ils bien appartenir à la communauté de la classe ordinaire ? Dans une école inclusive, les élèves devraient avoir le sentiment d'appartenir à la classe ordinaire; c'est pourquoi nous pouvons faire l'hypothèse que la classe ordinaire est le groupe d'appartenance des élèves. Si ce n'est pas le cas, alors l'enseignement spécialisé dispensé sous forme d'appui à l'intégration, et bien qu'il soit dit intégré, contribuerait à discriminer les élèves en les assignant à un contexte scolaire saillant et différent du point de vue des activités scolaires, des normes, des valeurs et du fonctionnement. Comment l'école peut-elle prétendre être inclusive si les élèves à besoins éducatifs particuliers n'ont pas l'impression d'appartenir au groupe social ordinaire ? Néanmoins, on peut s'attendre à des nuances. En effet, comme il a été démontré dans d'autres recherches, une possible différence pourrait apparaître entre les perceptions des élèves qui ont des difficultés d'apprentissage et ceux qui ont des troubles du comportement. En outre, on peut aussi faire l'hypothèse de différences entre les élèves qui bénéficient uniquement de quelques leçons par semaine dans la classe ressource et ceux qui fréquentent cette dernière pour une part importante du temps scolaire. Nous vérifierons donc si le type de difficultés déclarées (apprentissage versus comportement) et le taux de fréquentation de la classe ressource contribuent à infléchir le sentiment d'appartenance des élèves à besoins éducatifs particuliers à la classe ordinaire. 42 Question de recherche 2 Comment des élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent les relations entre pairs ? Il s'agit d'examiner si les élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent différemment les relations entre pairs du « petit groupe » et celles entre pairs de la classe ordinaire. Comme il a été démontré par plusieurs études (voir revue in Pelgrims, 2001, 2006), les pratiques d'enseignement sont assez différentes entre les classes ordinaires et spécialisées : le travail individuel est plus fréquent et le travail sous forme d'interactions entre pairs est rare en classe spécialisée. En classe ordinaire, on observe plus de travail collectif et de situations de collaboration et de coopérations entre élèves. Nous examinerons dès lors si ces différences de pratiques et d'expériences se reflètent dans les perceptions qu'ont les élèves à besoins éducatifs particuliers des dynamiques relationnelles dans chacun des deux contextes qu'ils fréquentent. En raison du nombre d'élèves dans le « petit groupe » restreint de soutien, nous pouvons imaginer que les élèves sont proches les uns des autres, particulièrement pour ceux qui y sont souvent. Nous analyserons également si la perception qu'ils ont des relations entre pairs est différente en fonction du contexte d'activité (groupe restreint ou classe ordinaire). Cet angle d'analyse nous permettra aussi de repérer d'éventuels phénomènes liés à la présence d'un assistant personnel sur les relations entre pairs. En effet, la revue de recherche de Pelgrims (2001) montre comment l'enseignement spécialisé est individualisé et mène à de nombreuses interactions entre l'enseignant ordinaire et l'élève à besoins éducatifs particuliers. Dans cette perspective-là, nous nous demandons si la présence d'un assistant d'enseignement pour aider les élèves dans la classe ordinaire pourrait entraver les interactions sociales et scolaires des élèves à besoins éducatifs particuliers avec leurs pairs en classe ordinaire. Question de recherche 3 Dans quelle mesure des élèves à besoins éducatifs particuliers dans une école inclusive se sententils compétents et comment perçoivent-ils l'aide reçue ? Le but ici est d'examiner si les élèves, malgré leur statut d'élèves à besoins éducatifs particuliers, se perçoivent compétents pour différentes disciplines scolaires et comment ils les perçoivent. Nous cherchons à savoir si les élèves peuvent percevoir les disciplines pour lesquelles ils ont besoin d'aide, et les objets de savoir où ils réussissent avec ou sans aide. En outre, nous affinerons les perceptions qu'ont les élèves à propos des différents intervenants qui ont des fonctions « d'aide » et comment les adultes procèdent concrètement avec eux. Nous interrogerons les perceptions que les élèves à besoins éducatifs particuliers ont à propos de l'aide qu'ils reçoivent, dans quelle mesure cette aide est nécessaire à leurs yeux. Cet axe d'analyse devrait permettre d'indiquer dans quelle mesure les pratiques en classe ordinaire et en groupe restreint participent au sentiment de compétence de l'élève dans différentes disciplines, incluant celles pour lesquelles il a des besoins de soutien plus approfondi. Question de recherche 4 Comment des élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent-ils les relations et les fonctions des enseignants et des autres professionnels ? Quelles sont les différences que les élèves avec des besoins éducatifs particuliers peuvent identifier entre le travail de l'enseignant ordinaire, celui de l'enseignant spécialisé ou celui de l'assistant ? Identifient-ils des différences entre leur enseignant ordinaire et l'enseignant spécialisé ? Le but ici est de découvrir les perceptions des élèves, de leurs contextes d'activités scolaires sous l'angle des intervenants en classe ordinaire et en groupes restreints d'enseignement spécialisé. Il s'agit de voir si les différents adultes, qui ne sont pas toujours des enseignants, sont identifiés et différenciés par les élèves, et dans quelle mesure leur rôle est perçu comme important dans leurs 43 apprentissages et leur vie scolaire. Comme rapporté dans le chapitre 3, les assistants d'enseignement et les assistants personnels sont particulièrement présents pendant les leçons et aussi durant les moments hors enseignement (pauses, repas, sorties, …). Nous analyserons si les élèves perçoivent des différences entre le travail des assistants et le travail des enseignants. Il est difficile de présumer si les élèves opèrent cette discrimination. Nos observations montrent en effet qu'en classe, enseignants et assistants font presque tous le même travail avec les élèves, du moins en apparence. Les différences résident peut-être plus dans le statut que portent les élèves à ces différents intervenants. L'enseignant est d'ailleurs appelé « ope », ce qui signifie « maître », alors que les assistants sont appelés par leurs noms. Mais il n'est pas certain que cet aspect modifie fondamentalement le regard des élèves sur leur fonction dans le travail scolaire. En corollaire, nous examinerons aussi si, selon les élèves, tous ces intervenants sont nécessaires à leurs apprentissages. Question de recherche 5 Comment des élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent-ils l'organisation de leur école inclusive et le système finlandais d'éducation ? L'organisation de l'école et des ressources a pour but de répondre aussi bien que possible aux besoins des élèves. Cela concerne le soutien scolaire mais aussi les personnes qui peuvent œuvrer hors de la classe (travailleur social, infirmière, psychologue,…). Nous examinerons dans quelle mesure les élèves à besoins éducatifs particuliers sont conscients du système scolaire dans lequel ils sont, et comment perçoivent-ils les aspects de l'enseignement spécialisé (contexte, professionnels, procédures, organisation, services). Comment des élèves qui y évoluent depuis des années comprennent-ils l'organisation de leur école ? Repèrent-ils l'organisation en termes de soutien ou « des petits groupes » ? Etant donné leurs expériences quotidiennes, leurs perceptions révèlent-elles des aspects d'intégration ou d'exclusion, de séparation ? 5.2 Démarche méthodologique 5.2.1 Méthode de récolte de données Afin de répondre aux questions de recherche, nous avons opté pour une démarche de recherche qualitative incluant des entretiens semi-structurés. L'entretien permet en effet d'examiner les perceptions des élèves et leurs sentiments. Il permet également de relancer l'élève afin d'affiner la compréhension des dimensions socio-affectives étudiées à l'aide de questions plus ou moins ouvertes. Selon Tremblay (cité par Dépelteau, 2003, p. 315): L'entrevue est une technique d'observation qui comporte l'utilisation de questions, plus ou moins directes, adressées à un informateur rencontré fortuitement ou choisi en fonction de critères préalablement établis. Le but en est de recueillir des données essentielles sur une question, d'analyser l'informateur comme représentant d'un milieu particulier, ou de connaître sa personnalité, sa mentalité et sa conduite. Des questions ouvertes offrent à l'interviewé une liberté considérable de réponse, bien sûr déterminée par les questions de l'intervieweur. En raison du contexte spécifique de la recherche en Finlande, l'entretien semble le meilleur outil pour recueillir sous forme d'un corpus discursif des indications sur les perceptions des élèves. En effet, « l'entrevue est une bonne technique pour découvrir le sens et les finalités que des acteurs associent à leur situation ou à leurs actions » (Dépelteau, 2003, p. 334). Les questions semi-dirigées permettent de centrer les propos sur des thèmes ou, dans notre cas, des dimensions prédéfinies. Quelques questions plus ouvertes encouragent l'interviewé à parler ouvertement et en détail à propos d'un thème spécifique. Néanmoins, l'inconvénient de cette méthode de recueil de données 44 est lié aux données parfois superficielles ou orientées que l'entretien peut produire, d'autant plus si les questions ne sont pas contextualisées. Il est important de garder en tête que l'entretien ne capture pas la réalité, dans notre cas la « réalité » de pratiques inclusives, ni des « effets » sur les dimensions socio-affectives de l'activité scolaire des élèves. Il permet seulement de saisir des perceptions de cette réalité, et, pour nous, dans quelle mesure ces perceptions sont positives et reflètent des pratiques inclusives. En outre, le contexte finlandais était un nouveau contexte scolaire pour la chercheuse. Ce statut d'étrangère a permis de poser des questions « naïves », appelant de façon « naturelle » l'explicitation, non seulement avec les adultes, mais aussi avec les élèves. Néanmoins, des observations préalables concernant les pratiques en vigueur dans l'école ont été nécessaires pour compléter les questions à poser aux élèves et mieux rebondir sur leurs réponses (Meuli, 2011). Afin de mettre les élèves à l'aise, il a été indispensable qu'ils puissent rencontrer « la chercheuse venue de Suisse » avant et d'établir un contact avec elle, notamment en raisons d'une éventuelle barrière linguistique. Il convient de préciser que cette barrière est franchie par la communication en anglais, ce qui est habituel en Finlande. La conduite des entretiens a donc requis un important travail de traduction (finnois-anglais / anglais-français). La collecte des données est l'étape suivante et précède l'étape de retranscription. Quand les données collectées sont sur un support écrit, le chercheur peut alors procéder à l'analyse et aboutir aux résultats (Dépelteau, 2003). 5.2.2 Le guide d'entretien La particularité des entretiens menés dans le cadre de cette recherche réside principalement dans les contraintes linguistiques. En effet, si l'idée première était de les mener en anglais, l'option a rapidement été prise, pour des raisons de faisabilité, de les mener en finnois avec un traducteur. Il était ainsi plus aisé pour les élèves de répondre aux questions. Par contre, ce choix rendait impossible les interventions de la chercheuse pendant les entretiens afin de rebondir sur les propos des élèves et les relancer. Le traducteur a ensuite retranscrit les entretiens en anglais pour permettre à la chercheuse d'accéder aux données verbales des élèves. Le guide d'entretien comporte cinq parties de questions opérationnalisant les cinq questions de recherche et les différentes dimensions socio-affectives (voir ci après). Dans chaque partie, la première question est une question générale sur la perception globale de l'élève. Plusieurs questions sont alors prévues pour relancer la discussion, d'autant plus en raison de l'habitude culturelle de fournir des réponses très brèves. Sans avoir pu obtenir d'explication scientifique à ce constat, il semble s'agir d'un aspect culturel auxquels les enseignants finlandais avaient rendue la chercheuse attentive. Les questions présentées en italique dans le guide d'entretien sont des questions complémentaires, en cas de mécompréhension par les élèves. Informations générales : situation scolaire de l'élève Questions d'entretien Quel est ton nom ? Quel âge as-tu ? Dans quel degré es-tu maintenant ? Quelle est ta classe ? As-tu toujours été dans la même école ? As-tu toujours été dans la même école avec les mêmes élèves ? Dimensions étudiées Identification de l'élève Classe d'appartenance Scolarité de l'élève 45 Question de recherche 1 : Dans quelle mesure des élèves à besoins éducatifs particuliers dans une école inclusive se sentent-ils appartenir au groupe-classe ordinaire ? Questions d'entretien Est-ce que tu travailles avec plusieurs adultes ? Qu'est-ce qui est différent entre le travail que tu fais avec chacun d'entre eux et le travail que tu fais avec ton maître principal ? Qu'est-ce que tu fais avec chacun d'entre eux ? Si ces adultes n'étaient pas là, aurais-tu l'impression qu'il manque quelque chose ? Comment te sens-tu avec tes enseignants? Qui te permet de progresser à l'école et comment ? Avec quel enseignant est-ce que tu apprends le plus ? Dimensions étudiées Identification de l'encadrement Différences entre les professionnels de l'enseignement ordinaire et de l'enseignement spécialisé. Nécessité de la pluralité des intervenants Relation entre les élèves et les enseignants. Spécificité de certains enseignants. Relation entre l'enseignant, la discipline et l'apprentissage. Question de recherche 2 : Comment des élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent les relations entre pairs ? Questions d'entretien Comment te sens-tu avec les autres élèves de l'école ? Est-ce que tu joues avec tes camarades de classe pendant les récréations ? Est-ce que tes camarades de classe ont changé depuis que tu es dans cette école ? Est-ce qu'ils ont changé dans le petit groupe ? Est-ce que tu sais que dans certains pays, les élèves changent de camarades de classe presque chaque année. Qu'en penses-tu ? Es-tu heureux dans cette école ? Dimensions étudiées Sentiment d'appartenance à l'école – relations avec les élèves de l'école. Sentiment d'appartenance à l'école – relations avec les camarades de classe. Continuité dans la classe. Continuité dans le petit groupe. Sentiment d'appartenance à la classe. Effets de la quasi absence de mesures de redoublement. Sentiment générale Question de recherche 3 : Dans quelle mesure des élèves à besoins éducatifs particuliers dans une école inclusive se sentent-ils compétent et comment perçoivent-ils l'aide reçue ? Questions d'entretien Quelle est la discipline où tu es le meilleur ? Pour la/les discipline(s) où tu te sens moins fort, est-ce que tu reçois de l'aide ? Peux-tu m'expliquer comment ça se passe quand tu reçois de l'aide ? Est-ce que ça arrive souvent ? Est-ce que les autres élèves reçoivent aussi de l'aide ? Est-ce que tu penses que l'aide reçue est utile ? Dimensions étudiées Identification des forces. Identification des besoins. Identification de l'aide. Différences entre la classe ordinaire et le petit groupe. Fréquence de l'aide reçue. Utilité de l'aide reçue. Question de recherche 4 : Comment des élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent-ils les relations et fonctions des enseignants et des autres professionnels ? Questions d'entretien Est-ce que tu as de bonnes relations avec les élèves de ta classe ? Du petit groupe ? Comment ça se passe quand tu dois faire un exercice de maths avec un camarade ? Est-ce qu'il y a un élève avec lequel tu travailles le plus ? Peux-tu décrire comment c'est quand vous devez travailler ensemble ? Dimensions étudiées Relations entre pairs. Différences entre la classe ordinaire et le petit groupe. Identification du travail entre pairs. Elève ressource. Description précise du travail entre pairs. 46 Question de recherche 5 : Comment des élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent l'organisation de leur école inclusive et le système finlandais d'éducation ? Questions d'entretien Peux-tu me dire ce qu'est le petit groupe ? Peux-tu me dire ce qu'est un « enseignant spécialisé » ? Dans certaines écoles, les élèves sont tout le temps dans un petit groupe, comment est-ce que ça se passe dans ton école ? Dans ton école, tu peux recevoir de l'enseignement spécialisé, est-ce que tu sais ce que c'est ? Fin de l'entretien : Si tu avais une baguette magique et que tu pouvais changer quelque chose dans ton école, que changerais-tu ? Dimensions étudiées Représentation de l'organisation de l'école. Représentation de l'enseignant spécialisé et des particularités de sa fonction. Représentation de l'organisation de l'école. Représentation de l'enseignement spécialisé. Désirs de changement. Pendant deux semaines, les élèves ont été interrogés un à un, dans un autre local que celui de la classe ordinaire. Les élèves connaissaient la chercheuse et parfois aussi le traducteur. De plus, les enseignants spécialisés avaient expliqué aux élèves quelles tâches ils auraient à effectuer durant l'entretien. L'entretien commençait en disant aux élèves ce que la chercheuse cherchait à savoir. Le traducteur expliquait alors le principe de confidentialité, et mettait les élèves en leur rappelant qu'il n'y avait pas de mauvaises réponses possibles. Le lancement de l'entretien en tant que tel se faisait par la chercheuse, le reste étant sous la responsabilité du traducteur. 5.2.3 Echantillon d'étude Onze élèves, des degrés scolaires trois à neuf, ont été interrogés. Leur âge varie entre 9 et 15 ans (voir tableau 1). Il n'y avait pas d'élèves plus jeunes puisque, pour rappel, l'école finlandaise ne désigne pas des élèves comme « élèves à besoins éducatifs particuliers » pendant les deux premières années d'école primaire (à l'exception des élèves avec une déficience congénitale ou une maladie). Ces 11 élèves ont été choisis parce qu'ils bénéficient d'un soutien en groupe restreint. Comme l'indique le tableau ci-dessous, sept élèves ont le soutien dans le premier groupe restreint de l'école, et quatre élèves dans le deuxième. Parmi les 11 élèves, il y a 2 filles et 9 garçons, révélant la surreprésentation des garçons bénéficiant de mesures d'enseignement spécialisé dans toutes les écoles et systèmes scolaires. Tableau 1 : Caractéristiques de l'échantillon d'étude Prénoms fictifs Liisa Lenni Dinh Roope Jani Jalo Sami Valtteri Trai Hamza Virva Genre Ages Degré scolaire F M M M M M M M M M F 9 ans 9 ans 10 ans 10 ans 11 ans 12 ans 12 ans 14 ans 14 ans 15 ans 15 ans 3 3 4 4 5 6 6 7 8 9 9 Nombre d'années au bénéfice de soutien en groupe restreint 1 1 1 2 2 4 1 5 1 3 1 47 Finalement, 6 élèves bénéficient du soutien d'enseignement spécialisé en groupe restreint pour la première année au moment de l'étude, alors que les 5 autres en bénéficient depuis 2 à 5 ans. 5.3 Démarche d'analyse des données « Analyser le contenu c'est, par des méthodes sures, […] rechercher les informations qui s'y trouvent, dégager le sens ou les sens de ce qui y est présenté, formuler et classer tout ce que « contient» ce document ou cette communication » (Mucchielli, 2006, p. 24). L'analyse qualitative donne de l'importance à des expressions sémantiques ou à des unités dont la fréquence d'apparition n'est pas nécessairement élevée, mais qui semblent révéler des indices significatifs contribuant à répondre aux questions de recherche, et qui corroborent ou réfutent les hypothèses de recherche (Dépelteau, 2003). Nous avons choisi d'analyser le corpus verbal obtenu à l'aide d'une méthode d'analyse horizontale, celle-ci a pour but de décortiquer le contenu des entretiens par des dimensions directrices (Dépelteau, 2003). L'analyse de contenu horizontale a quelques avantages, comme l'exhaustivité, la comparaison entre les individus, l'examen de différentes facettes. Le but ici est de découvrir la signification avec une méthode rigoureuse et objective qui requiert le respect de différents principes. L'analyse doit en effet être méthodique et doit respecter certaines règles récurrentes pour chacun des interviewés. La méthode choisie pour mener l'analyse de notre corpus verbal consiste en quatre étapes : 1. la traduction de la totalité des transcriptions, du finnois en anglais 2. la traduction de ce corpus verbal en français 3. l'identification, dans chaque protocole, des extraits sémantiquement reliés à une des questions spécifique de recherche, c'est à dire les dimensions conceptuelles (sentiment d'appartenance, perception des relations entre pairs, perception de la fonction des enseignants et autre professionnels, sentiment de compétence et identification de l'aide reçue, connaissance de l'organisation de l'école et du système scolaire finlandais). Certains extraits des protocoles d'entretiens ne sont donc pas retenus si leur teneur sémantique n'est pas en relation avec les dimensions et thèmes de recherche tels que définis à priori, ou s'ils ne relèvent pas de facettes contribuant à affiner les perceptions des élèves ou notre compréhension 4. L'analyse et l'interprétation des extraits; la mise en relation des différentes dimensions dans le but d'extraire des explications, des compréhensions, des résultats de par des mises en relations avec d'autres dimensions telles que l'âge, le parcours ou les difficultés déclarées des élèves. Ainsi ces quatre étapes ont permis de passer des données verbales obtenues par le guide d'entretien aux résultats qui sont dans présentés dans la partie suivante. 5.4 Perception d'élèves intégrés dans une école en Finlande : présentation et discussion des résultats Le corpus de données a été analysé dans le but de contribuer à répondre à la question générale de recherche : Comment quelques élèves à besoins éducatifs particuliers intégrés dans des classes ordinaires d'une école finlandaise se perçoivent-ils et perçoivent-ils leur environnement scolaire inclusif ? Pour présenter les résultats, nous considèrerons les questions de recherche une à une et vérifierons certaines hypothèses formulées initialement. 5.4.1 Le sentiment d'appartenance des élèves 48 La première question de recherche s'intéresse au sentiment d'appartenance des élèves à besoins éducatifs particuliers intégrés, voire inclus en classe ordinaire. Il est ici question du groupe ou de la micro-communauté scolaire à laquelle ces élèves se sentent appartenir, étant donné qu'ils bénéficient de périodes de soutien d'enseignement spécialisé en groupe restreint à l'extérieur de la classe ordinaire. Les résultats figurent dans le tableau 2. Tableau 2 : Sentiment d'appartenance et pourcentage du temps scolaire passé en groupe restreint Pourcentage du temps Nombre d'années au Age et degré scolaire hebdomadaire Classe d'appartenance bénéfice de soutien scolaire passé en groupe déclarée par l'élève en groupe restreint restreint Liisa 9 ans / 3ème 1 26.0 % Classe ordinaire Lenni 9 ans / 3ème 1 26.0 % Classe ordinaire Dinh 10 ans / 4ème 1 75.0 % Petit groupe Roope 10 ans / 4ème 2 62.5 % Petit groupe Jani 11 ans / 5ème 2 40.0 % Petit groupe (?) Jalo 12 ans / 6ème 4 60.0 % Petit groupe Sami 12 ans / 6ème 1 52.0 % Petit groupe Valterri 14 ans / 7ème 5 56.6 % Petit groupe Trai 14 ans / 8ème 1 63.0 % Classe ordinaire Hamza 15 ans / 9ème 3 76.0 % Petit groupe Virva 15 ans / 9ème 1 38.7 % Petit groupe Lorsque l'on demande aux élèves dans quelle classe ils sont, les résultats montrent que la totalité d'entre eux répondent par le degré scolaire, comme par exemple, « je suis en quatrième ». Ces réponses indiquent le degré administratif de l'organisation scolaire; tous les élèves recourent à cette terminologie socialement convenue pour indiquer la « classe dans laquelle ils sont ». Comme l'indique le tableau 2, au moment de cette recherche, les élèves sont dans les petits groupes entre six et vingt-deux leçons par semaine, ce qui représente entre 26% et 75% de leur temps hebdomadaire d'enseignement. En effet, 4 élèves passent moins de 50% de leur temps scolaire hebdomadaire en groupe restreint. Les 7 autres élèves y passent plus de 50% de leur temps scolaire hebdomadaire et, parmi eux, 2 élèves y sont jusqu'à 75% du temps hebdomadaire. Quand on demande aux élèves « quelle est ta classe », 8 élèves sur 11, soit plus de 70%, se sentent appartenir au « au petit groupe », c'est-à-dire au groupe constitué pour le soutien d'enseignement spécialisé. Les 2 élèves qui se sentent clairement appartenir à leur classe ordinaire sont des élèves de troisième primaire (ou 5P Harmos en Suisse) qui fréquentent le groupe restreint seulement six heures par semaine sur vingt-trois, soit à raison de 26% du temps Pour quelques élèves, le petit groupe est une situation temporaire en raison de leurs besoins spécifiques momentanés. Pour d'autres élèves, il s'agit d'un soutien à long terme toujours adapté à leurs besoins. Chaque élève est considéré selon une situation unique qui demande des adaptations personnalisées. Ce qui est décidé au début de l'année scolaire peut être modifié en cours d'année en fonction des besoins spécifiques de l’élève. Or, une école inclusive essaie de favoriser la participation de tous les élèves, autant que possible, aux activités de la classe ordinaire. Si les élèves répondent qu'ils appartiennent au « petit groupe », cela signifie qu'ils ne se perçoivent pas euxmêmes comme membre de la classe ordinaire. Les résultats montrent que quand le ratio du temps scolaire hebdomadaire dévolu au soutien à l'extérieur de la classe est supérieur à 30% du temps hebdomadaire, le groupe scolaire d'appartenance devient le « petit groupe » d'enseignement spécialisé. Nous pouvons supposer qu'il est relativement normal que les élèves s'identifient comme membre de ce groupe lorsqu'ils y passent plus de 50% de leur temps. Néanmoins, deux élèves qui passent environ 40% de leur temps dans le petit groupe, et donc par conséquent plus de 50% du temps dans leur classe ordinaire, s'identifient aussi comme appartenant au « petit groupe ». Des analyses plus fines des propos des élèves 49 permettent de comprendre qu'il s'agit non seulement du temps, mais avant tout du contexte qui, selon les élèves, est celui qui permet d'intégrer le rôle d'élève. En effet, Virva est dans le « petit groupe » pour environ un tiers du temps, mais elle se définit comme appartenant au « petit groupe » puisque c'est la classe où elle apprend le plus. Elle rapporte que c'est le contexte où elle se sent le plus confortable et où elle reçoit le plus d'aide : « A mon avis, il [l'enseignant spécialisé] enseigne mieux […] il explique de la bonne manière. D'une certaine façon, je comprends mieux ses manières […] C'est quelqu'un de détendu. Il est drôle et joyeux... Il est plus... Il est juste meilleur. Je comprends mieux [ce qu'il explique] ». Concernant Jani, ses réponses sont plus confuses. Il est difficile d'identifier à quelle classe il appartient. Il énonce les deux classes, expliquant qu'il apprend le plus avec son enseignant ordinaire mais reçoit le plus d'aide de la part de l'assistant. Il fréquente le groupe restreint 40% du temps hebdomadaire et pour trois disciplines scolairement importantes et sélectives (finnois, anglais et mathématiques). Il est dès lors difficile pour lui de se sentir appartenir à un seul groupe puisque son horaire et ses activités importantes d'apprenant sont est relativement partagées entre les deux contextes. En constatant que la plupart des élèves passent plus de la moitié du temps scolaire hebdomadaire en groupe de soutien d'enseignement spécialisé auquel ils se sentent, par conséquent, appartenir, nous nous demandons dans quelle mesure les expériences scolaires quotidiennes et les activités correspondent à une approche scolaire inclusive. Une pensée commune stipule que l'inclusion concerne d'abord l'éducation d'élèves déficients, ou ceux identifiés comme ayant des besoins éducatifs particuliers dans une classe ordinaire (Ainscow, Booth et Dyson, 2006, p.15). Mais l'inclusion ne se limite pas uniquement aux élèves identifiés. Ces auteurs proposent six étapes conceptuelles pour définir les différents pans de l'inclusion : - l'inclusion en tant que préoccupation pour les élèves déficients et les autres catégorisés comme ayant des besoins éducatifs particuliers - l'inclusion comme réponse à l'exclusion disciplinaire - l'inclusion en réponse à tous les groupes vulnérables sujets à l'exclusion - l'inclusion comme développement d'une école pour tous - l'inclusion comme « éducation pour tous » - l'inclusion comme une approche de principe pour l'éducation et la société. Les résultats de cette recherche ne permettent pas de remettre en question le travail d'inclusion de cette école en raison simplement du temps surprenant que la plupart des élèves à besoins éducatifs particuliers passent en groupes restreints pour bénéficier de mesures d'enseignement spécialisé à l'extérieur de la classe ordinaire dans laquelle ils seraient intégrés scolairement et socialement. Cependant, un regard plus approfondi sur les disciplines que les élèves à besoins éducatifs particuliers travaillent durant le soutien en groupe restreint montre qu'il s'agit, pour 9 élèves, de disciplines sélectives : le finnois et les mathématiques. Seuls Liisa et Lenni n'y sont pas pour ces disciplines-là. Ces 2 élèves sont d'ailleurs aussi les seuls à fréquenter le groupe de soutien à raison de seulement 25% de leur temps hebdomadaire : ils déclarent clairement appartenir au groupe de leurs classes ordinaires. Nous comprenons donc que la classe à laquelle les élèves se sentent appartenir n'est pas celle ou ils passent la majorité de leur temps; c'est avant tout celle où ils accomplissent les tâches scolaires socialement considérées et attendues comme les plus importantes dans le rôle social d'élève. Par ailleurs, les sentiments des 11 élèves ne concernent pas l'appartenance à l'école, mais plus au groupe de pairs. Nous verrons plus loin que les élèves ne se sentent pas pour autant délaissés par leurs enseignants. Leurs perceptions et leur sentiment d'être un membre de la classe ordinaire semblent plus affectés. Sachant que les relations entre les membres de l'école sont un facteur important du sentiment d'appartenance des élèves de l'enseignement ordinaire (Baumeister & Leary, 1995) et spécialisé (Pelgrims, 2013), nous pouvons supposer que les mesures de soutien en groupe 50 restreint d'enseignement spécialisé, avec leurs propres activités et interactions sociales, contribuent à infléchir le sentiment d'appartenance des élèves dans le cas où ils y passent plus de 30% de leur temps hebdomadaire d'enseignement. Synthèse à propos du sentiment d'appartenance Nous cherchions ici à savoir dans quelle mesure les élèves à besoins éducatifs particuliers dans une école inclusive se sentent appartenir à la classe ordinaire. Nos résultats montrent que les élèves à besoins éducatifs particuliers scolarisés dans une école ordinaire ont le sentiment d'appartenir à leur classe ordinaire dans la mesure où ils ne passent pas plus de 30% de leur temps hebdomadaire d'enseignement dans un groupe restreint d'enseignement spécialisé, à l'extérieur de la classe et, surtout, qu'ils y accomplissent les tâches scolaires socialement attendues comme étant les plus importantes. Quand les élèves y passent plus de temps et y travaillent les disciplines significatives, alors le groupe restreint constitué à l'extérieur de la classe ordinaire pour prester des mesures de soutient à l'intégration devient le groupe social d'appartenance des élèves à besoins éducatifs particuliers . Ainsi, bien que le système scolaire finlandais instaure une relative stabilité dans le groupe-classe (par la promotion quasi-automatique), cela n'implique pas systématiquement un sentiment positif d'appartenance à la classe ordinaire et à sa stabilité sociale. Ces résultats tendent à montrer que les élèves à besoins éducatifs particuliers se perçoivent comme membres du groupe social où ils réalisent des tâches significatives. Le sentiment d'appartenance relève donc plus de l'activité que de l'organisation structurelle. 5.4.2 Perceptions des relations entre pairs Les résultats présentés dans le tableau 3 nous permettent de comparer et de comprendre comment les élèves perçoivent les relations avec leurs pairs dans le groupe restreint d'une part, et dans la classe ordinaire, d'autre part. Tableau 3 : Perceptions des relations entre pairs en classe ordinaire et en groupe restreint groupe restreint de soutien d'enseignement spécialisé Liisa Lenni Dinh Roope Jani Jalo Sami Valterri Trai Hamza Virva classe ordinaire Bonnes relations (+). Pas vraiment d'amis hors de sa classe. Joue au football avec ses amis durant les Pas d'amis dans le petit groupe (-) pauses. Pas vraiment d'amis hors de sa classe (mitigé). Relations difficiles avec les élèves de la Plutôt sympa avec quelques classe (-). disputes parfois (mitigé). Amis dans d'autres classes ordinaires. Roope ne peut pas décrire les relations avec ses pairs, mais il se sent maltraité par certains élèves. Très bonnes relations (+). Très bonnes relations (+). Bonnes relations (+). Bonnes relations (+). Plus ou moins bonnes relations, Plus ou moins bonnes relations (mitigé). mais certains élèves l'agacent Amis dans le petit groupe. (mitigé). Amis en 7ème. Il a des amis dans le petit groupe. Bonnes relations (+). Amis dans la classe ordinaire (+). Amis dans le petit groupe. Pas beaucoup d'amis hors de la classe. Bonnes relations aussi hors de sa classe Bonnes relations (+). ordinaire (+). Bonnes relations aussi hors de sa classe Bonnes relations (+). ordinaire (+). Certains le tape, pour rire. Quelques amis (+). Quelques amis avec qui elle est pendant Bonnes relations (+). 51 les pauses. Bonnes relations avec tout le monde (+). Les résultats montrent tout d'abord que 7 élèves rapportent que les relations entre pairs sont bonnes, positives durant le soutien en groupe restreint. Nous notons également que, pour les 4 élèves restants, 1 élève se sent mal traité, 1 élève n'a pas d'amis et les 2 derniers sont mitigés. La façon dont les élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent les relations avec leurs pairs semble similaire en groupe restreint et en classe ordinaire. En effet, les 7 élèves qui rapportent de bonnes relations avec les pairs du groupe de soutien rapportent tout autant des relations positives avec leurs pairs de classe ordinaire. Lorsque certains élèves, Dinh et Roope, rencontrent des difficultés dans les relations avec leurs pairs, celles-ci peuvent être mineures et se dérouler de temps en temps, comme en récréation, par exemple. Cependant, d'autres difficultés sont plus sérieuses et semblent avoir un impact sur la vie quotidienne de certains élèves. Dinh rapporte notamment : « ce que je ressens, c'est parce que je suis dans le petit groupe. Et je sens que quand je vais en classe, je ne suis plus habitué. Je déteste cette classe ». Cet élève expliquera plus tard que les relations avec les autres élèves de la classe sont difficiles et rapportera plusieurs situations d'agression. Ces situations de difficultés relationnelles ont été particulièrement relevées par Dinh et Roope qui ont des difficultés d'apprentissage et des problèmes de comportement. Comme nous l'avons vu auparavant, ces élèves passent un temps considérable dans le petit groupe. Bien que ce contexte leur offre un environnement favorable aux apprentissages, il devient également un lieu de stigmatisation. Puisque ces élèves ont de la difficulté à se comporter de manière adéquate quand ils sont en classe ordinaire, certains pairs les insultent et les agressent. Commence alors une sorte de spirale : lorsque certains élèves à besoins éducatifs particuliers se sentent insultés par leurs pairs de l'ordinaire, leur comportement peut, en réaction, devenir de plus en plus inadéquat en classe. L'augmentation de cette inadéquation pourrait se traduire par une augmentation du temps passé dans le petit groupe, et donc relancer les phénomènes d'insulte, d'agression et générer un sentiment d'exclusion. Très souvent, quand les difficultés des élèves sont « marquées » par un trait visible (comportement hors norme, retard mental, chaise roulante), le « petit groupe » est perçu comme un lieu de stigmatisation par les élèves porteurs de ce trait, notamment en raison du fait que ces élèves y passent beaucoup de temps. Ces élèves expriment alors leurs sentiments de différentes manières : certains se disputent souvent et réagissent très fortement lorsqu'ils sont pris à parti, alors que l'élève en chaise roulante va, lui, plutôt s'isoler lorsqu'il est en dehors du groupe. Il est important de distinguer trois situations. Premièrement, il y a celle des élèves qui rapportent avoir des relations positives avec la majorité de leurs pairs, tant dans le groupe classe ordinaire que dans le groupe restreint d'enseignement spécialisé. Il s'agit, dans cette étude, de la majorité des élèves interrogés. Deuxièmement il y a la situation des élèves à besoins éducatifs particuliers qui disent avoir des problèmes de relations avec leurs pairs de classe ordinaire mais semblent tout de même avoir de bonnes relations avec les autres élèves de l'école; il s'agit ici de Dinh et Roope. Troisièmement, il y a la situation d'élèves en chaise roulante, ici Valterri, qui se perçoivent exclus des relations avec les autres élèves. En effet, cet élève a besoin d'aide pour la plupart de ses mouvements. Il a donc un assistant en permanence à ses côtés. Cet assistant va avec lui en classe ordinaire, s'assied à côté de lui, lui amène son matériel, l'aide à écrire, le conduit aux toilettes, l'aide à mettre ses habits pour sortir, etc. Sans contester le fait que cet élève ait besoin d'une personne qui l'aide, nous pouvons tout de même nous poser la question de savoir si, par moment, l'assistant ne devient pas un obstacle aux relations entre l'élève en chaise et ses pairs de classe ordinaire. Malgré le temps passé en classe ordinaire (plus de 40% du temps scolaire hebdomadaire), cet élève ne se sent pas appartenir socialement à cette classe. Se pose alors la question du rôle de l'assistant personnel. Selon la recherche, un assistant d'enseignement ne devrait pas être un obstacle pour les relations entre pairs, mais au contraire, un facilitateur à l'intégration. Son rôle se définit à travers différentes tâches comme le soutien à l'élève et le soutien à l'enseignant (Takala, 2007). Toutefois, 52 peu d'informations existent sur les assistants personnels. Selon nos observations (Meuli, 2011), nous pouvons toutefois dire que leurs tâches sont plus ou moins identiques à celles d'un assistant d'enseignement, excepté le fait qu'ils agissent plus particulièrement avec un élève qu'auprès du groupe-classe. Dans le cas d'élèves avec des difficultés de déplacement, l'assistant personnel est requis pour un grand nombre de tâches, ce qui éloigne peut-être les camarades de classes. Un élève du groupe restreint, Hamza, déclare passer beaucoup de temps avec l'élève en chaise roulante, à lui raconter des blagues, se rendant compte qu'il n'avait pas d'amis. Le fait que ces deux élèves passent beaucoup de temps ensemble lors du soutien en groupe restreint favorise sans doute des situations d'interactions sociales plus régulières. Synthèse sur les perceptions des relations entre pairs Par cette question de recherche, nous voulions comprendre comment les élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent les relations entre pairs. Les résultats montrent que les élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent les relations avec leurs pairs comme positives, autant en classe ordinaire qu'en groupe restreint. Ces perceptions peuvent être affectées si les élèves à besoins éducatifs particuliers présentent des problèmes de comportement ou s'ils sont accompagnés à tout moment par un assistant personnel. 5.4.3 Sentiment de compétence et perception de l'aide Le tableau 4 présente les résultats concernant le sentiment de compétences scolaires des élèves à besoins éducatifs particuliers ainsi que leur perception à propos des besoins et demandes. Tableau 4 : Sentiment de compétences scolaires et perceptions des moyens pour recevoir de l'aide Sentiment de compétences Identification des Comment recevoir de l'aide ? scolaires besoins Positif pour les maths, les sciences et Difficultés en anglais. Lève la main. L'enseignant aide Liisa les arts visuels. pour la lecture. Travaille avec son N'a pas besoin d'aide quand c'est facile. voisin en anglais. Positif pour l'éducation physique, les Dans le petit groupe Demande à l'enseignant ou à maths, les arts visuels. pour le finnois, l'assistant. Lenni l'anglais et les maths. Positif pour l'éducation physique. Maths et relations avec Ne peut pas expliquer. les pairs. Reçoit de Dinh l'aide très souvent. Positif pour l'éducation physique. / / Roope Positif pour la musique. Anglais, finnois et Ne sait pas. Il demande et peut maths dans le petit ensuite mieux comprendre la tâche. Jani groupe. Positif pour l'éducation physique et les Il demande à un élève de lui maths. expliquer la tâche ou de lui donner / Jalo Peut travailler de manière la réponse. indépendante. Positif pour les maths. Demande à l'assistant comment / résoudre la tâche. Sami Tâches plus faciles. Positif pour la biologie et l'histoire A besoin d'aide pour L'assistant aide à écrire. Valterri écrire. Positif pour l'anglais, l'économie Suédois. Il ne voit pas Appelle l'enseignant qui le conseille. Trai familiale, l'informatique et l'éducation l'utilité de l'apprendre. physique. Ne sait pas le sujet où il est le meilleur, Dans certains sujets, L'enseignant aide pour la lecture et mais il préfère le finnois, l'anglais, les phrases sont la compréhension écrite. l'éducation physique et l'économie difficiles à familiale. comprendre. Hamza Il aime le finnois bien que la Les verbes en finnois. conjugaison soit difficile pour lui, mais c'est la langue qu'il utilise avec ses 53 Virva amis. Positif pour les arts visuels et le suédois. La compréhension en lecture. Anglais. Demande au voisin en classe. Demande à l'enseignant dans le petit groupe. En ce qui concerne le sentiment de compétences scolaires, les résultats montrent que la plupart des élèves sont capables d'identifier une ou plusieurs disciplines où ils se sentent les plus performants. La discipline qu'ils évoquent peut correspondre à celle qu'ils aiment le plus, ou à celle qui est enseignée par le maître qu'ils apprécient le plus. Comme ils se sentent compétents, ils apprécient l'enseignant qui leur permet d'apprendre et la discipline que ce dernier enseigne. Il est toutefois important que l'élève pense qu'il joue personnellement un rôle important dans le processus d'apprentissage et que l'apprentissage découle de ses efforts personnels certes captés et sollicités par les pratiques professionnelles des enseignants. Il ressort aussi des propos des élèves à besoins éducatifs particuliers que la majorité cite plusieurs disciplines. Parmi celles-ci, 4 élèves se sentent surtout compétentes en math, 3 en éducation physique ou artistique, 2 en suédois et en anglais, 1 en biologie et histoire. Finalement, 1 seul élève (Hamza) n'explicite pas la discipline où il se sent le plus compétent. En ce qui concerne l'aide, tous les élèves semblent percevoir qu'ils reçoivent de l'aide. Pour la majorité d'entre eux, le soutien permet d'apprendre. Ils rapportent avoir besoin d'aide dans les disciplines qui sont aussi les plus sélectives : mathématiques, finnois et anglais. Ils perçoivent par ailleurs que cette aide peut être obtenue dès qu'ils en ressentent le besoin. Plus les élèves sont grands, plus ils peuvent préciser et identifier le soutien d'enseignement spécialisé mis en place. Certains élèves rapportent des différences entre l'aide qu'ils reçoivent en groupes restreints et celle qu'ils reçoivent en classe ordinaire; c'est notamment le cas des trois élèves les plus âgés, Trai, Hamza et Virva. Ces élèves expliquent en effet de manière concrète comment leurs enseignants les aident et ils donnent des exemples de situations où ils pourraient avoir besoin d'aide. Trai rapporte notamment : « mon enseignant spécialisé vient près de moi pour m'aider… J'essaie de résoudre un problème et il me supervise et… ensuite je vais m'en souvenir ». Leur recul sur leur vécu d'élève leur permet d'avoir des méta-connaissances à propos de leur propre activité d'apprentissage, et de les convoquer lors de l’entretien. Ils sont capables de verbaliser le processus et peuvent décrire l'organisation de leur environnement pour leur permettre d'apprendre. Nous pouvons voir que les capacités métacognitives sont déjà acquises pour certains élèves, mais pas encore pour tous. Il est important de rappeler ici que ces compétences métacognitives sont des outils importants pour les l'apprentissages (Broyon, 2001), et notamment pour les élèves avec des difficultés d'apprentissage ou des difficultés de concentration (Bouffard & Bordeleau, 1997 ; Pelgrims & Cèbe, 2010 ). Les élèves profitent généralement d'être en groupe restreint pour demander de l'aide, ce qui peut expliquer le fait qu'ils y sont justement pour les disciplines pour lesquelles ces élèves ont besoin d'aide. La composition du groupe restreint permet aux élèves d'avoir plus de ressources, notamment en termes de professionnels à disposition. Les adultes y sont plus disposés à aider les élèves. Dans la classe ordinaire, ces élèves, s'ils demandent de l'aide, vont plutôt solliciter celle de leur voisin de table s'ils rencontrent un problème parce que, comme le rapporte Trai, « il n'y a pas un assistant par classe. Il y a seulement un enseignant. Il ne peut nous aider que pendant un petit moment et peutêtre qu'on ne comprend pas tout de suite. Dans la classe ordinaire, quand quelqu'un ne comprend pas, il demande toujours aux autres élèves s'ils ont compris parce qu'ils ont plus de temps pour répondre ». En groupe de soutien, il semble que l'enseignant et les assistants remplacent les voisins de table et sont donc la personne ressource principale pour les élèves. L'enseignant est le garant d'une aide efficace qui permet aux élèves de réussir leurs tâches. Néanmoins, une aide si individualisée pourrait apparaître comme inefficace en terme d'apprentissage et pourrait affecter leurs compétences d'autorégulation (Pelgrims, 2006; Pelgrims & Cèbe, 2010). 54 Synthèse à propos du sentiment de compétences scolaires et des perceptions de l'aide Les résultats montrent que les élèves à besoins éducatifs particuliers se sentent compétents dans les disciplines scolaires où ils ont une relation étroite et privilégiée avec l'enseignant qui les aide à apprendre. La plupart du temps, cela prédomine sur les savoirs de la discipline en elle-même. Il y a donc un lien étroit entre la relation avec l'enseignant, le sentiment de compétence et l'intérêt que l'élève à besoins éducatifs particuliers entretient pour la discipline. Concernant les aides, les élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent avoir bénéficier d'aides notamment dans les disciplines sélectives. Les élèves plus âgés discriminent d'avantage différentes formes d'aides et traduisent ainsi plus de métaconnaissances. 5.4.4 Perception de la fonction des enseignants et des assistants et les relations avec eux Cette partie présente comment les élèves perçoivent le travail des différents professionnels (enseignants ordinaires, maîtres spécialistes, enseignants spécialisés, assistants), ainsi que la perception qu'ils ont de leurs relations avec ces professionnels. Tableau 5 : Fréquence de l'aide apportée par un enseignant spécialisé, un maître de classe, un maître spécialiste et un assistant Enseignant Maître Maître Assistant Autre Commentaires spécialisé de classe spécialiste LIISA XX XX Différences entre les disciplines. Travaille plus avec le maître de LENNI XX XXX X XX classe. Déteste sa classe ordinaire. DINH XX X XX XXX Apprend le plus avec l'assistant. Apprend le plus avec le maître ROOPE XXX XXX XX spécialiste. Assistants = enseignants. JANI XX XXX XX Apprend le plus avec le maître spécialiste. Autres Différences entre le petit groupe JALO XXX XXX X XX élèves et la classe ordinaire. SAMI XXX XXX XX / Elève avec un assistant VALTTERI XXX XX XX XXX personnel Différences entre le petit groupe et la classe ordinaire. TRAI XXX XX Différences dans les pratiques d'enseignement. HAMZA XXX XX X / Différences dans son comportement dans la classe VIRVA XXX XX XX ordinaire et dans le petit groupe. Différences dans les pratiques d'enseignement. Légende : X = de temps en temps XX = parfois XXX = le plus souvent Le tableau 5 présente les perceptions des élèves à propos des différentes aides qu'ils reçoivent des différents adultes professionnels. Les résultats indiquent la fréquence relative de l'aide que chaque professionnel, selon les élèves, octroie. Ils révèlent tout d'abord que tous les élèves perçoivent le fait qu'ils travaillent avec plusieurs adultes. Néanmoins, ils discriminent la personne avec qui ils travaillent le plus, celle avec qui ils apprennent le plus et celle qui leur enseigne le plus. Pour la plupart des élèves, l'enseignant spécialisé est la personne qui leur enseigne le plus, ce qui est relativement normal du fait qu'ils passent un nombre conséquent de leçons en groupe de soutien où ils côtoient essentiellement 55 l’enseignant spécialisé. Parmi les 8 élèves qui expriment le fait que c'est l'enseignant spécialisé qui est la personne qui enseigne le plus, une seule élève, Virva, passe la majorité de son temps en classe ordinaire. Cependant, elle rapporte par ailleurs avoir une bonne relation avec son enseignant spécialisé, ce qui peut être lié au fait qu'elle le perçoit aussi comme l'adulte qui lui enseigne le plus. Pour la quasi totalité des élèves, on peut remarquer le rôle important que joue la relation puisqu'ils apprennent le plus avec la personne qui leur permet de se sentir sûr et confiant; en retour, les élèves se sentent en confiance avec la personne qui leur enseigne le plus. En conséquence, ils se sentent plus compétents pour la discipline enseignée par l'enseignant avec lequel ils ont une bonne relation. Pour 7 élèves sur 11, l'enseignant spécialisé est perçu comme la personne qui les aide le plus. Néanmoins, si l'on se réfère au tableau, il est intéressant de remarquer que l'enseignant spécialisé est rarement le seul à être perçu comme le plus aidant. Pour la plupart des élèves, la fréquence de l'aide apportée par l'enseignant spécialisé est similaire à celle du maître spécialiste, ou de l'assistant, ou encore du maître de classe. Ce constat peut être compris au regard du temps scolaire passé en groupe de soutien. Parmi les sept élèves qui identifient l'enseignant spécialisé comme la personne, ou une des personnes qui les aident le plus, six passent plus de 50% de leur temps scolaire hebdomadaire en groupe restreint. Les perceptions des élèves révèlent donc qu'ils reçoivent effectivement beaucoup de soutien et d'aide de la part des enseignants spécialisés, mais aussi des professionnels intervenant dans la classe ordinaire. Les trois élèves les plus âgés sont les seuls qui identifient uniquement leur enseignant spécialisé comme étant la personne qui les aide le plus. Ce n'est pas surprenant puisque que ces trois élèves sont aussi ceux qui sont le plus à même d'identifier les différences entre le travail des différents enseignants ou celui des assistants. En outre, ces trois élèves sont au niveau de l'école secondaire, contexte requiérant nettement plus d'autonomie de la part des élèves. Seuls les enseignants spécialisés remplissent une fonction d'aide que ces élèves semblent bien discriminer. Leurs plus longues expériences scolaires, les ont également conduits à vivre et à identifier clairement les différences entre enseignants. Ces résultats à propos de la perception de l'aide montrent aussi la nécessité de la collaboration entre les différents professionnels. En plus de l'enseignant spécialisé, les autres protagonistes sont significatifs pour les élèves. Ils identifient tous ces adultes comme des ressources quand certaines difficultés apparaissent. Ces difficultés peuvent survenir en situation didactique, mais également durant d'autres situations scolaires comme les récréations ou les repas. Un des élèves, Dinh, exprime expressément cette idée en affirmant que c’est l'assistant qui l'aide le plus pour résoudre des conflits pendant les récréations. Par ailleurs, certains maîtres spécialistes sont identifiés comme personne ressource pour certains élèves bien qu'ils n'interviennent que pour quelques heures. Ceci pourrait s'expliquer par l'intérêt positif que les élèves accordent à ces disciplines. En effet, certains élèves se réfèrent fréquemment à l'enseignant de musique ou d'éducation physique. Ces deux disciplines-là, qui diffèrent passablement des leçons traditionnelles, offrent probablement à certains élèves l'opportunité de s'exprimer d'une autre manière, avec moins de pression à réussir. C'est peut-être pourquoi ils perçoivent si positivement les maîtres spécialistes comme personne ressource. Perceptions de différences entre les enseignants spécialisés et les enseignants ordinaires Tableau 6 : Différences entre enseignants spécialisés et enseignants ordinaires; différences entre le groupe restreint et la classe ordinaire Différences entre les enseignants spécialisés et les enseignants ordinaires. Différences entre le groupe restreint d'enseignement spécialisé et la classe ordinaire. Pas de différences dans les pratiques. LIISA Différences entre les disciplines enseignées. Ne peut pas nommer de différences dans les pratiques, mais il résout des tâches LENNI plus difficiles avec l'enseignant spécialisé. 56 DINH ROOPE JANI JALO SAMI VALTTERI TRAI HAMZA VIRVA Travaille plus avec l'enseignant spécialisé. Quelques différences dans les pratiques d'enseignement. Pas de différence dans le travail effectué. Différences entre les disciplines enseignées. Différences entre les disciplines enseignées. Différence dans l'environnement d'apprentissage. Plus bruyant en classe ordinaire. Ne peut pas expliquer les petites différences qu'il a remarquées dans les pratiques d'enseignement. Pas de différence significative dans le travail effectué. Différences entre les disciplines enseignées. Différence dans l'environnement d'apprentissage. Plus détendu dans le « petit groupe ». Différences dans les pratiques d'enseignement. Moins de devoirs dans le « petit groupe ». Se sent bien dans le « petit groupe ». Même travail effectué dans les deux contextes. Différences dans les relations élèves-enseignants. Différences dans son comportement selon le contexte. Les élèves perçoivent plusieurs différences entre les divers contextes dans lesquels ils déploient leur activité. Toutefois, leurs perceptions varient selon leur âge. Les élèves les plus jeunes relèvent plutôt des caractéristiques en relation avec les disciplines que les enseignants enseignent, c'est-àdire qu'ils différencient en fonction la discipline scolaire. Ils ne relèvent par contre pas de différences dans les pratiques d'enseignement, ce qui commence à apparaître chez les élèves en fin de scolarité. Les trois élèves les plus âgés expriment des différences dans les méthodes d'enseignement et dans le comportement des enseignants. Une des élèves, Virva, l'exprime très bien quand on lui demande la différence entre le travail qu'elle fait avec l'enseignant spécialisé et le travail qu'elle fait avec d'autres enseignants. Elle explique donc que l'enseignant spécialisé est tout le temps avec eux et, qu'en cas de difficulté, l'enseignant spécialisé vient et explique, alors que dans la grande classe, les enseignants sont face à la classe et répondent à distance. Les élèves les plus âgés perçoivent également une différence dans l'attitude d'élève qui est requise, celle-ci étant plus détendue dans le petit groupe, alors que dans la classe ordinaire, il est attendu d'eux qu'ils soient calmes et qu'ils écoutent. Trois élèves relèvent des différences dans l'environnement scolaire. Dans la classe ordinaire, il y a plus de bruit et les enseignants restent devant la classe. Ils ne se déplacent pas forcément quand les élèves ont une question. A l'opposé, l'atmosphère en groupe restreint est plus décontractée, les élèves s'y sentent bien et leur comportement est différent. Certaines pratiques d'enseignement frontal que les élèves retrouvent dans la classe ordinaire sont également décrites comme ennuyantes et difficiles à supporter par certains élèves à besoins éducatifs particuliers. Nous remarquons donc que l'âge des élèves est un facteur à considérer dans la perception des attentes des enseignants et des buts de l'école. Les jeunes élèves n'arrivent probablement pas encore à conceptualiser les différences entre les pratiques d'enseignement. La perception de leurs compétences peut aussi être difficile pour les jeunes élèves, de même que celle du rôle que l'enseignant, comme leur propre rôle, peut jouer dans leurs apprentissages. Après avoir examiné les perceptions que les élèves ont de l'utilité de tous les adultes présents autour d'eux, quatre élèves pensent qu'il serait difficile de faire sans ces adultes. Leurs réponses semblent fortement générées par leurs besoins spécifiques du moment, comme pour l'élève qui fait appel à l'assistant pour l'aider à résoudre des conflits à la récréation. Pour cet élève-là, il semble peu envisageable de pouvoir faire face à cette situation difficile sans la présence de l'assistant. Quelques élèves expriment clairement qu'ils peuvent apprendre par eux-mêmes, et qu'ils n'ont pas toujours besoin d'un adulte qui les aide. Il s'agit d'un point important puisqu'il indique la responsabilité des élèves dans leurs apprentissages; de telles pensées encouragent leurs efforts d'engagement personnels et leurs capacités d'autorégulation. Elles disent sans doute aussi la perception que les élèves ont à propos de leurs propres compétences et aspirations, ou l'opinion 57 qu'ils ont concernant la représentation que les élèves ordinaires pourraient avoir d'eux, en tant qu'élèves à besoins éducatifs particuliers. Ils se sentent alors capables de résoudre seuls les tâches avec le sentiment que le succès leur appartient, ce qui indique que les élèves se sentent capables de contrôler leurs apprentissages. Comme le rapportent la plupart des élèves interrogés, l'enseignant a un rôle important à jouer, mais d'autres aspects de l'environnement d'apprentissage sont également à prendre en considération. En effet, le climat de la classe, la dynamique relationnelle entre pairs sont en lien avec les relations entre élèves et enseignants, et contribue également aux apprentissages des élèves en classe ordinaire (Bowen et al., 2004; Galand & Philippot, 2002) et spécialisée (Pelgrims, 2013) Relations entre les élèves à besoins éducatifs particuliers et les enseignants LIISA LENNI Tableau 7 : Perception de relations entre élèves et enseignants Enseignants ordinaires Enseignant spécialisé Ils sont vraiment gentils. Ils sont plus que gentils. DINH Apprécie l'enseignant d'éducation physique. ROOPE JANI JALO SAMI VALTTERI TRAI HAMZA VIRVA Bonnes relations Les enseignants sont gentils. Les enseignants sont gentils. Les enseignants sont drôles, gentils. Ils sont plus que gentils. Bonnes relations avec la plupart d'entre eux. Bonnes relations. Ils sont sympas, Ils parlent avec moi. Apprécie l'enseignant spécialisé. Les résultats montrent clairement que tous les élèves rapportent avoir de bonnes relations avec leurs enseignants. Ainsi, même si les relations avec les pairs peuvent être conflictuelles en classe ordinaire, les élèves ont de bonnes relations avec les enseignants ordinaires. L'unanimité positive envers leurs enseignants n'est pas vraiment surprenante dans un système éducatif où les relations entre enseignants et élèves sont un concept clé reconnu comme composante importante de pratiques pédagogiques positives. La relation pédagogique entre les enseignants et les élèves est chaleureuse, et les compétences professionnelles sont faites de considération et de respect pour les élèves. Comme Felouzis (1997) le décrit dans son ouvrage, les enseignants efficaces partagent plusieurs caractéristiques. La première se traduit par des attentes positives à l'égard des élèves. Les enseignants efficaces apprécient leurs élèves indépendamment de leurs résultats scolaires. Ils estiment les potentialités des élèves et leurs capacités d'apprentissage. Les enseignants traduisent ces attentent positives dans leurs pratiques pédagogiques, ainsi que dans leurs relations quotidiennes avec les élèves. Maintenir les attentes et les exigences est un moyen de montrer aux élèves que leurs enseignants parient sur leurs progrès et leurs capacités d'apprentissage. De plus, les enseignants efficaces enseignent les savoirs à apprendre et valorisent leurs élèves. Ces principes éducatifs encouragent le développement de l'intérêt pour la discipline et les savoirs enseignés à travers des stratégies pédagogiques. Les recherches menées avec des élèves à besoins éducatifs particuliers (voir Pelgrims, 2010; 2013) confirment que les relations avec les enseignants positivement perçues sont associées à l'intérêt pour la discipline, et que l'intérêt dépend également de la perception des pratiques d'enseignement : objectifs clairement définis, enseignement explicite des savoirs requis, soutien de l'activité socio-affective et cognitive durant l'apprentissage des élèves à besoins éducatifs particuliers. L'enseignement explicite comprend des adaptations aux compétences des élèves et répond aux besoins de la majorité des élèves en difficulté (Pelgrims & Cèbe, 2010). Ces pratiques révèlent une attention particulière portée sur leurs connaissances et leurs niveaux de compréhension. Ainsi les enseignants se considèrent eux-mêmes comme responsables 58 de l'enseignement de tous les savoirs requis pour l'accomplissement des tâches scolaires, et de tous les savoirs que les élèves doivent apprendre. Il en est ainsi pour les compétences métacognitives ainsi que les stratégies de compréhension en lecture, comme souligné par Goigoux & Cèbe (2006). Synthèse des perceptions sur la fonction et les relations des enseignants et des autres professionnels Les résultats montrent que les élèves à besoins éducatifs particuliers identifient et discriminent les professionnels qui les aident, tout en notant une différence dans la fréquence de l'aide apportée. Néanmoins, il est plus difficile de saisir concrètement ce qui les aide en termes d'apprentissage effectif. Cependant, les élèves les plus âgés ont une perception plus approfondie des différences entre le travail d’enseignants ordinaires et celui des enseignants spécialisés, surtout sous l'angle des pratiques d'enseignement et au regard de l'autonomie que les enseignants ordinaires attendent d'eux en contexte de scolarité secondaire. La plupart des élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent positivement leurs relations avec les différents professionnels qui évoluent autour d'eux. 5.4.5 Perception du système finlandais et de l'organisation de l'école Il s'agit ici de voir si les élèves ont connaissance des pratiques en cours dans leur école dans le but d'examiner s'ils perçoivent les particularités du système éducatif. Cette dernière partie donne aussi des indications sur la place qu'ils s'octroient dans l'école. La structure de groupes d'enseignement spécialisé semble être présente dans plusieurs écoles finlandaises, bien que le fonctionnement soit propre à chaque école. Les élèves interrogés ont donc dû parler d'abord à propos du fonctionnement de leur école puis ensuite de façon plus distanciée sur le système scolaire en général. Les résultats (Annexe 1) montrent premièrement que les élèves à besoins éducatifs particuliers définissent le soutien en groupe restreint à l'aide de deux caractéristiques principales : d’une part, un groupe restreint, et d’autre part un groupe destiné aux élèves avec des différences (TDAH, handicap, trouble de la concentration, difficultés d'apprentissages, chaise roulante, …). Les définitions données pour le « petit groupe » sont directement liées aux sentiments que les élèves expriment. Plus ils se sentent négativement discriminés dans l'école, plus leur description du groupe restreint présente une connotation négative. Pour ces élèves, le « petit groupe » est un lieu stigmatisant. Une fois encore, les perceptions des élèves évoluent avec l'âge et l'expérience. Pour quelques élèves, le « petit groupe » a une forte réputation négative. Parfois, les élèves qui le fréquentent sont perçus comme des élèves avec un handicap ou comme des élèves TDAH. Ces élèves qui expriment une perception négative du « petit groupe » sont généralement des élèves avec des troubles du comportement. Il semble que ces perceptions négatives que les élèves rapportent traduisent ce qu'ils ont entendu en classe, à la récréation, au réfectoire, ... Dihn l'exprime en disant que : « certains [élèves] disent que [ceux] dans le petit groupe sont TDAH. Mais moi je les ignore parce qu'ils ne sont jamais venus voir dans le petit groupe ». Les élèves présentant des troubles du comportement peuvent être blessés et exacerbés dans leurs comportements par les préjugés véhiculés dans l'école à l'égard des élèves fréquentant le groupe restreint, ce qui pourrait expliquer le sentiment de stigmatisation. Pour les autres élèves, le « petit groupe » peut simplement être un groupe avec moins d'élèves. Il est intéressant de relever que les élèves allophones (Dinh, Trai et Hamza) semblent avoir des représentations plus précises à propos du système finlandais d'éducation du moins à propos de l'organisation de l'école. Trai donne notamment une définition assez précise du groupe restreint de soutien : « c'est un groupe avec peu d'élèves. Ils peuvent avoir des difficultés d'apprentissage ou, par exemple, une chaise roulante, ou encore apprendre lentement… Ils sont mis là [dans les petits groupes] et ils sont aidés. Par exemple, s'ils sont en classe ordinaire et qu'ils ont des difficultés, 59 disons en maths, ils vont être mis ici et l'enseignant [spécialisé] va prendre du temps avec eux pour qu'ils puissent apprendre et rattraper ». Nous pouvons faire l'hypothèse que ces élèves venant d'un autre système sont non seulement décentrés, mais doivent aussi faire le lien entre l'école et leurs parents, ce qui explique leur bonne maîtrise et verbalisation de la structure scolaire. Définition de l'enseignement spécialisé Il a également été demandé aux élèves de définir ce qu'est un enseignant spécialisé (en comparaison à un enseignant ordinaire). Les perceptions des élèves (Annexe 1) varient en fonction de leurs âges et de leurs expériences avec les enseignants spécialisés. Les élèves qui sont moins souvent dans le groupe restreint ont plus de difficultés à décrire l'enseignant spécialisé. Les élèves les plus âgés ont l'idée la plus complète, ou du moins l'idée qui correspond le plus au travail que les enseignants spécialisés font dans cette école. Il est aussi intéressent de relever que certains élèves avec des troubles du comportement (Dihn, Roope, Jani, Jalo et Sami) insistent sur le fait que l'enseignant spécialisé travaille avec des élèves ordinaires, comme le dit Dinh : « [un enseignant spécialisé enseigne pour] les élèves ordinaires. On est tous des élèves ordinaires, sauf certains ». Ils remarquent que l'enseignant spécialisé travaille avec tous les élèves, et non pas uniquement avec eux. Il s'agit probablement d'un autre moyen de réagir et de protester contre la stigmatisation qu'ils ressentent. En combinant les propos des élèves, nous pouvons concevoir une définition plutôt précise de l'enseignant spécialisé : il aide les élèves qui ont besoin de plus d'exercice et il propose des tâches plus faciles. Son aide peut être apportée à tous les élèves, dans la classe ordinaire et dans le groupe restreint en dehors de la classe. Un enseignant spécialisé travaille dans une classe ordinaire et dans une classe d'enseignement spécialisé, et il aide les enseignants ordinaires quand il y a beaucoup d'élèves dans la classe. L'enseignant spécialisé a une spécialisation dans toute sorte de problèmes (retards intellectuels ou développementaux, difficulté en lecture, difficulté de motricité, difficulté de concentration) qui peuvent apparaître chez les élèves des petits groupes. L'enseignant spécialisé aide ses collègues en aidant les élèves. Certains élèves relèvent encore que l'enseignant spécialisé est plus patient que ces collègues de l'enseignement ordinaire et qu'il enseigne en tenant compte des besoins spécifiques de chaque élève. Définir l'enseignement spécialisé est une tâche plus difficile pour les élèves. Ceci peut s'expliquer par le fait qu'il s'agit, à leurs yeux, d'une notion plus abstraite. En effet, cela implique chez les élèves une méta-représentation de l'enseignement qu'ils reçoivent dans le petit groupe, mais aussi à propos des autres services d'enseignement spécialisé. Pour certains élèves, l'enseignement spécialisé est quasiment synonyme du « petit groupe ». Très souvent, l'enseignement spécialisé est relié à l'enseignant spécialisé ou aux besoins personnels de chacun. Tous les élèves semblent relier directement l'enseignement spécialisé à une mesure octroyée lorsque l'on a besoin d'aide. Certains élèves relèvent un lien entre enseignant spécialisé, enseignement spécialisé et tâches plus faciles. Pour certains d'entre eux, être au bénéfice de mesures d'enseignement spécialisé signifie effectuer des tâches plus faciles. Cette perception a été rapportée par plusieurs études sur les perceptions des élèves (Moulin, 2002; Pelgrims, 2001). Reste à savoir si les tâches sont réellement plus simples ou si c'est l'environnement adapté qui permet de les réussir plus facilement. En accord avec de nombreuses études (Pelgrims 2001, 2009), ces tâches plus centrées sur des connaissances et capacités spécifiques sont fréquemment achevées avec de nombreuses aides et sous le contrôle direct de l'enseignant. Quel est alors le lien entre soutien, réussite et apprentissage ? Est-ce que les tâches sont plus aisées parce que les élèves les réussissent ? Est-ce qu'elles semblent plus faciles parce que, dans le petit groupe, l'enseignement est actuellement régi de sorte que les élèves puissent réfléchir et faire la tâche ? Ou est-ce que les conditions se concentrent plus sur la réalisation de tâches que sur l'apprentissage réel, la compréhension et le progrès ? Cela pourrait-il est une explication au fait que certains élèves se sentent mieux dans le « petit groupe » ? 60 Organisation de l'école Les élèves ont été interrogés à propos de leur école afin de savoir qu'elles étaient leurs perceptions de l'organisation de l'établissement concernant les mesures d'aide et les groupes restreints d'enseignement spécialisé. Dans cette école, il y a quatre groupes d'enseignement spécialisé: deux groupes restreint de soutien et deux d'intégration. Pour les deux classes intégrées d'enseignement spécialisé, les élèves ne fréquentent pas de classe ordinaire. Pour les deux autres, ceux impliqués dans la recherche, les élèves alternent entre la classe ordinaire et le groupe restreint. Vu de l'extérieur, cette organisation semble plutôt simple, mais cela ne semble pas si évident pour les élèves, même pour ceux qui fréquentent cette école depuis plusieurs années. En effet, les résultats (Annexe 1) montrent qu'un seul élève (Hamza) mentionne l'existence de la classe intégrée pour les élèves qui n'appartiennent pas à l'enseignement ordinaire. Toutefois, en raison de sa déficience, cet élève se rend quelques fois dans cette classe intégrée pour certaines leçons spécifiques, ce qui pourrait expliquer qu'il soit le seul à en avoir connaissance. La plupart des autres élèves semblent connaître le fonctionnement de leur propre groupe restreint. Ils savent que les élèves du « petit groupe » fréquentent tous une classe ordinaire et sont donc dans le « petit groupe » en fonction de leurs besoins. Trois élèves disent ne pas connaître le fonctionnement du « petit groupe ». Il n'est pas surprenant que les élèves n'aient pas plus de connaissances sur l'organisation plus générale de l'enseignement spécialisé. Néanmoins, le fait qu'ils ne connaissent pas plus précisément les mesures en « petit groupe » pourrait indiquer qu'ils ne sont pas conscients que chaque élève de l'école pourrait être sujet à des mesures d'enseignement spécialisé en groupe restreint. Aussi, ils ne semblent pas être conscients de quels genres d'élèves fréquentent l'école. Que penser alors de ces perceptions partielles ? Elles questionnent l'inclusion parce que l'on pourrait s'attendre, dans un système scolaire inclusif, à ce que les élèves soient plus avertis, de par les expériences effectives, que tout élève de l'enseignement ordinaire peut à un moment donné avoir besoin d'un soutient en groupe restreint. Ce soutien relèverait de formes de différentiation pédagogique pour les élèves sans déficiences déclarées de naissance. Synthèse à propos des perceptions du système finlandais d'écducation et du système de l'école Les résultats montrent que les perceptions des élèves et leurs connaissances sont limitées aux mesures de soutien qu'ils ont eux-mêmes expérimentés. Plus la notion est abstraite, moins les élèves à besoins éducatifs particuliers peuvent en décrire le fonctionnement. 5.5 Conclusion de la recherche menée en Finlande L'étude menée en Finlande a permis de saisir comment des élèves à besoins éducatifs particuliers d'une école déclarée a priori comme inclusive perçoivent leur contexte scolaire. Il ressort tout d'abord que les élèves sont intégrés en classe ordinaire tout en étant pour la plupart plus de 30% du temps scolaire hebdomadaire en groupe restreint pour bénéficier de soutien d'enseignement spécialisé. Or, paradoxalement, ces pratiques qui visent l'inclusion génèrent dans les faits deux contextes scolaires dissociés et les élèves déclarent alors se sentir appartenir non pas à la classe ordinaire, mais bien au groupe scolaire constitué pour les mesures de soutien d'enseignement spécialisé. En outre, les perceptions des élèves révèlent qu'ils se sentent appartenir au groupe avec lequel ils sont amenés à accomplir le plus de tâches scolairement et culturellement attendues comme les plus 61 importantes dans le rôle d'élève : tâches de finnois, de maths, d'anglais, de suédois qu'ils réalisent essentiellement durant le soutien en groupe restreint. Bien que le lien d'appartenance soit le groupe restreint pour la majorité des élèves interrogés, ces derniers déclarent entretenir de bonnes relations tant avec les pairs de la classe ordinaire qu'avec ceux du groupe restreint. Sous cet angle, le contexte est quelque peu moins perçu comme inclusif pour deux raisons. Tout d'abord, les relations avec les pairs en classe ordinaire semblent affectées lorsque les besoins particuliers sollicitent la présence d'un assistant. Sa façon d'être présent en classe et à côté de l'élève peut instituer un statut « d'élève différent » et faire obstacle aux possibilités d'interactions avec les pairs. L'intégration de l'élève à besoins éducatifs particuliers est dès lors plus fonctionnelle, voire physique, que sociale, au sens d'apprendre parmi et avec les autres. La deuxième raison relève du type de difficultés, en particulier les difficultés de comportement. En effet, comme nous l'avons expliqué, ces élèves n'apprécient guère les moments en classe ordinaire où ils se sentent agressés et stigmatisés, sentiment qui s'amplifie sous l'effet « boule de neige » : le sentiment d'être agressé verbalement suscite comme réponse un comportement souvent hors norme, ce qui, en retour, augmente les réactions de rejet et le sentiment de stigmatisation. Les élèves perçoivent pour la plupart les enseignants spécialisés comme étant ceux qui leur enseignent le plus et les aident le plus. Le groupe restreint est perçu comme un lieu de protection où l'enseignant les aide davantage et où les élèves à besoins éducatifs particuliers peuvent apprendre sereinement, tout en ayant l'aide nécessaire à disposition. Si les aides sont importantes, elles risquent aussi d'habituer l'élève à moins se mobiliser et à moins mobiliser d'autorégulation, dimension importante dans la persévérance et les résultats scolaires (Pelgrims, 2006, 2013). Finalement, que nous révèlent les élèves à besoins éducatifs particuliers sur les pratiques d'intégration et d'inclusion ? Premièrement, comme nous pouvons le comprendre à travers les propos des élèves, les pratiques d'enseignement et ce que vivent les élèves ne relèvent pas clairement et systématiquement de l'inclusion. L'inclusion scolaire est complexe et traverse plusieurs étapes de mise en œuvre. Cette école de Finlande est inclusive puisqu'elle tend à développer une école pour tous, une éducation pour tous, menant à moins de ségrégation dans des écoles d'enseignement spécialisé. L'inclusion semble être le but final de l'enseignement. Pour l'atteindre, l'école doit passer par d'autres organisations pédagogiques, comme l'intégration : « sans être incompatible avec la notion d'intégration, l' « inclusion » institue l'intégration de façon plus radicale et plus systématique, et met l'accent sur les applications pratiques de l'intégration » (Doré et al., 1996, p. 37). Le sentiment d'appartenance des élèves à besoins éducatifs particuliers en relation avec l'organisation des mesures d'enseignement spécialisé nous fait penser que cette école se trouve à mi-chemin entre l'intégration et l'inclusion. L'intégration est encore présente dans cette école puisque les élèves à besoins éducatifs particuliers, et seulement eux, sont parfois sortis de la classe ordinaire pour des activités reliées à des disciplines importantes. D'un autre côté, cette école est inclusive dans le sens où chaque élève, peu importe ses besoins et ses spécificités, est inclu dans la même école, celle de son quartier, et est considéré, par les enseignants, comme membre de la vie sociale et éducative de cette école. En outre, les mesures de soutien sont fournies au sein de l'école. Mais l'articulation de l'activité pédagogique et didactique de la classe ordinaire avec les mesures de soutien d'enseignement spécialisé semble peu garantie. L'inclusion stipule encore que les élèves ne se contentent pas uniquement de fréquenter la même école, mais que de réels échanges aient lieu durant les moments formels ou informels. Si l'on considère l'inclusion comme principe pour l'éducation et la société, alors la connaissance des individus présents dans l'environnement est requise. Cette école est encore en réflexion pour être plus inclusive. Les enseignants sont conscients que les interactions entre certains élèves à besoins éducatifs particuliers et leurs pairs de l'ordinaire sont parfois rares et conflictuelles. Même si 62 certains élèves suivent toute leur scolarité dans le groupe restreint de soutien en raison de leurs besoins spécifiques, les relations avec les autres élèves de l'école devraient être plus régulières. En examinant les perceptions de certains élèves à propos de leur « inclusion » dans la classe ordinaire, on est en droit de se demander dans quelle mesure ces moments sont bénéfiques pour ces élèves à besoins éducatifs particuliers, certains paraissant n'en retirer aucun bénéfice. Si, pour certains d'entre eux, « le petit groupe » est la seule communauté où ils se sentent dans des conditions favorables aux apprentissages, faut-il continuer à les garder en classe ordinaire ? Cette question est volontairement polémique mais elle vise à amener un regard critique sur les politiques actuellement débattues qui oublient parfois de prendre en compte les élèves de manière plus individuelle, et qui, en voulant réunir tous les enfant dans une « même école » en arrivent à oublier d'écouter les besoins éducatifs, pédagogiques et didactiques spécifiques non seulement des élèves institutionnellement déclarés à besoins éducatifs particuliers, mais aussi que tout élève peut avoir par rapport à des objectifs scolaires à atteindre. C'est notamment la question posée par l'étude réalisée à Genève. 63 Annexe 1 : perception du système finlandais d'éducation et de l'organisation de l'école LIISA LENNI DINH ROOPE JANI JALO SAMI Perceptions du système finlandais d'éducation Qu'est-ce que « l'enseignement Qu'est-ce qu'un enseignant spécialisé ? spécialisé ? » Avec quels élèves est-ce qu'il travaille ? C'est comme l'enseignante Henna. Ils aident si quelqu'un a besoin de plus de pratique. Ils aident un peu. Peu d'élèves. Organisation de l'école Comment fonctionnent les « petits groupes » dans ton école ? Certains élèves sont plus souvent dans le « petit groupe » mais aucun ne passe tout son temps dans le petit groupe. Il ne sait pas. L'enseignant spécialisé enseigne aux élèves ordinaires. « Nous sommes tous des élèves ordinaires, sauf certains d'entre nous ». Un enseignant pour les élèves dans le « petit groupe » Ils proposent des tâches plus faciles. Certains élèves pensent que les élèves avec TDAH sont dans le « petit groupe » Tous les élèves vont dans la classe ordinaire pour quelques leçons. Certains élèves de classes ordinaires peuvent recevoir du soutien de l'enseignant spécialisé pour certaines disciplines. Si un élève a des difficultés, quelqu'un peu l'aider en classe ordinaire. Ils proposent des tâches plus difficiles. L'enseignant spécialisé travaille dans un « petit groupe » ou dans une classe ordinaire. Un groupe plus petit que la classe ordinaire. Ils aident les enseignants ordinaires s'il y a beaucoup d'élèves. Ils aident les enseignants en aidant les élèves. Comme si on te donne de l'aide. Il enseignant aux élèves qui ont des difficultés d'apprentissage. Une sorte de classe normale, pas une classe pour les élèves handicapés. C'est une classe normale, mais tu y vas si tu as des problèmes de concentration. Moins d'élèves. Quelqu'un peut rester après l'école pour enseigner certains sujets. Ils enseignants aux élèves qui sont dans le « petit groupe ». Ils sont plus patients. Quelqu'un peut apprendre dans le « petit groupe ». Si quelqu'un quitte l'école, il va aller dans le « petit groupe » Les enseignants spécialisés enseignent aux élèves qui ont des difficultés d'apprentissage ou à ceux qui ne peuvent pas se concentrer sur leur travail. Ils peuvent aussi enseigner en classe ordinaire. Ils sont spécialisés dans différents types de difficultés qu'on peut rencontrer dans le petit groupe. Il enseigne aux élèves avec un retard de développement. Ou si ils ont des difficultés à lire. Tu fais des tâches plus faciles et tu reçois de l'aide. Si quelqu'un ne parle pas bien finnois, ou s'il n'a pas de bons résultats dans les autres domaines. / Il ne sait pas. VALTTERI TRAI HAMZA VIRVA Si tu as des difficultés en mathématiques, par exemple, tu peux demander à recevoir un meilleur enseignement. C'est comme un soutien à l'enseignement. Qu'est-ce qu'un « petit groupe » ? De la 1ère à la 2ème primaire. Un groupe pour les élèves handicapés (dit de manière injurieuse) Une petite classe. C'est un groupe avec peu d'élèves. Ils peuvent avoir des difficultés d'apprentissage, une chaise roulante ou ils apprennent plus lentement. Chacun a des problèmes à l'école primaire et c'est pourquoi ils vont dans le petit groupe. C'est un groupe plus petit que la classe ordinaire. Il y a moins d'élèves. / Certains élèves restent tout le temps dans le petit groupe (Jani ne peut pas expliquer de quels élèves il parle). Il ne sait pas. Il n'y a pas d'élèves qui restent tout le temps dans le « petit groupe ». Chaque élève va dans la classe ordinaire pour quelques leçons. Les élèves qui sont dans la classe intégrée ne vont jamais en classe ordinaire. Chaque élève va en classe ordinaire pour quelques leçons. Il ne sait pas comment fonctionnement le groupe de la classe intégrée. Les élèves ne restent pas tout le temps dans le « petit groupe ». Il y a 4 petits groupes. Certains élèves restent toujours dans le « petit groupe ». Ils ne peuvent pas aller ailleurs. Ils ont besoin de plus d'aide. 64 6 SENTIMENT D'INTEGRATION DES ELEVES PRESENTANT UNE DEFICIENCE AUDITIVE EN SITUATIONS DIDACTIQUES EN CLASSE ORDINAIRE Cette partie a pour objectif de présenter l’étude menée à Genève concernant l’intégration des élèves présentant une déficience auditive en classe ordinaire. Il conviendra donc, après avoir défini la problématique et les questions de cette recherche, de présenter la démarche méthodologique qui nous a permis de récolter des données pour évaluer le sentiment d’intégration des élèves malentendants intégrés partiellement en classe ordinaire. Nous présenterons dans une troisième partie les résultats de cette recherche. Ces derniers seront discutés en regard de la problématique de recherche. 6.1 Problématique et questions de recherche 6.1.1 Problématique La problématique que nous avons décidée d’éclairer dans cette recherche concerne le sentiment d’intégration au groupe-classe des élèves malentendants intégrés en classe ordinaire. En effet, suite à la revue de la littérature, nous pouvons constater combien l’intégration des élèves, selon leur point de vue et en situation d’action, est peu étudiée. Or c’est bien au moment même où se déploie l’activité d’apprentissage que se pose la question de l’intégration, non au sens structural (spécialisé versus ordinaire) mais en tant qu’activité cohérente avec les tâches et le rôle social attendus (Pelgrims, 2011). Les personnes atteintes de surdité se trouvent dans certains cas en situation de handicap, c’est notamment le cas des élèves malentendants intégrés en classe ordinaire. Effectivement, ces derniers éprouvent quelques difficultés à communiquer avec leurs pairs entendants. La communication est délicate puisque les élèves malentendants utilisent très peu la langue française orale et favorisent une communication en langue des signes, alors que leurs camarades entendants emploient uniquement un français oralisé. Par ailleurs, on sait que la classe constitue un milieu social spécifique où l’interaction entre les différents partenaires se réalise dans une situation de communication essentiellement orale. On peut alors largement penser que les élèves intégrés soient exclus du groupe entendant en ne pouvant interagir directement avec ce dernier dans la langue normée de l’école. D’ailleurs, Goasmat qui s’est intéressé à l’intégration sociale du sujet déficient auditif relate que « scolariser un enfant handicapé dans un groupe d’enfants exempts du handicap dont il est affecté accentue sa solitude en tant qu’il se retrouve seul de son espèce, support de toutes les projections fantasmatiques des autres, adultes et enfants concernant l’anormalité » (Goasmat, 2008, p. 150). Ces propos renforcent donc l’idée d’un certain rejet des élèves malentendants dans leur contexte d’intégration scolaire en raison de l’écart entre les élèves intégrés et leurs pairs de classe d’intégration. La surdité n’est pas nécessairement considérée par les élèves entendants comme un signe d’infériorité. Toutefois, la langue des signes peut-être perçue de manière néfaste au niveau des relations. Effectivement, « le soupçon d’une langue de moindre valeur ou de moindre statut est le pendant d’un statut d’infériorité sous l’argument d’une différence radicale » (Le Capitaine, 2004, p. 87). La langue des signes interpelle souvent les élèves entendants qui se demandent comment cette langue visuo-gestuelle peut être aussi efficace et aussi complète que la langue orale qu’ils emploient. De cet à priori naît souvent un jugement fréquent de la part des 65 personnes entendantes, sur l’infériorité (intellectuelle, psychique…) des sourds et des malentendants dû à la langue. Ce jugement est néanmoins non fondé puisque la langue des signes est une langue à part entière qui permet d’exprimer autant de choses que les langues orales. Notons toutefois que ce jugement hâtif évolue très souvent au cours des échanges entre les différents protagonistes. On peut alors se demander dans quelle mesure les élèves malentendants intégrés en classe ordinaire sont acceptés par leurs camarades malgré leurs différences, et comment les sujets intégrés perçoivent leur appartenance et leur intégration au groupe classe. En effet, Le Capitaine (2004) met très clairement en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les personnes en situation de handicap dans les relations intersubjectives, ainsi que le degré d’acceptabilité par les pairs des sujets déficients auditifs lorsqu’il affirme : Dans le domaine de la déficience auditive, la langue fait écueil à l’accueil de l’autre. Ce qui constitue la base de la relation pédagogique, la communication, et en particulier à travers ses aspects linguistiques, fait obstacle pour considérer l’autre, sourd ou malentendant, comme ayant sa place parmi les autres. (Le Capitaine, 2004, p. 104) De nombreuses recherches ont été et sont menées pour mesurer l’efficacité de l’intégration des élèves présentant des besoins éducatifs particuliers et identifient les pratiques qui semblent favorables à l’intégration. En revanche, les dimensions socio-affectives sont relativement peu étudiées et se limitent, pour beaucoup, à l’étude de l’acception sociale de ces élèves de manière générale, en dehors d’une situation d’activité scolaire effective. Toutefois, nous pensons qu’un élève malentendant peut se sentir bien accueilli, respecté et jugé comme les autres et se sentir appartenir au groupe avec lequel il doit réaliser une tâche dasn certaines situations d’enseignement-apprentissage, mais que dans d’autres situations au contraire, l’élève pourrait se sentir exclu à cause de sa différence. Nous nous demandons alors dans quelle mesure les dynamiques interactionnelles et socio-affectives se modifient en fonction des situations. Cette recherche aura donc pour objectif de se centrer sur le caractère situationnel de l’intégration en contexte scolaire ordinaire. En ce sens, cette recherche s’inscrit dans une approche située des dimensions socio-affectives et motivationnelles de l’apprentissage (Pelgrims, 2006). Par conséquent, il est important de définir à l’avance quels genres de situations seront observées. Nous ne pouvons en effet considérer toutes les situations de l’intégration scolaire. Nous examinerons l’activité socio-affective dans deux situations dont les enjeux scolaires et les modalités d’interactions sont très contrastés, afin de voir si les relations entre élèves, l’acceptation par les pairs et le sentiment d’appartenance au groupe des élèves changent en fonction de celles-ci. Comme il a été montré dans le cadre théorique, les élèves appréhendent les disciplines de manière singulière. Dans leur parcours scolaire, leur sentiment de compétences et les valeurs telles que l’intérêt et l’utilité, varient en fonction de chaque discipline et sous l’effet des situations et des expériences sociales qu’ils vivent en classe. C’est pourquoi, nous souhaitons étudier les perceptions des élèves autour des deux disciplines contrastées que sont les mathématiques et l’éducation physique. Effectivement, ces disciplines ont des statuts scolaires et sociaux très différents puisque la première fait partie des disciplines majeures et sélectives, alors que la seconde est une matière dite mineure, dont les résultats et les compétences des élèves ne sont pas pris en compte dans les décisions de promotion ou d’orientation vers l’enseignement spécialisé. Certains élèves admettent donc l’importance des mathématiques dans leur cursus scolaire sans pour autant avoir de l’intérêt pour celles-ci. Au contraire, l’éducation physique plait à certains élèves, mais occupe une moindre place dans leur esprit. 66 Différents travaux montrent combien les perceptions et les valeurs varient en fonction de ces disciplines (p. ex, Russo, 2007), corroborant qu’elles présentent des enjeux scolaires différents. D’autre part, puisque les statuts scolaires de ces deux disciplines sont différents, on peut faire l’hypothèse que les dimensions liées à l’acceptation sociale des élèves intégrés soient également variables. Effectivement, on peut supposer que les élèves de classe ordinaire préfèrent travailler en mathématiques avec leurs pairs dits ordinaires en raison des préjugés sur les compétences des élèves intégrés qu’ils pourraient avoir. Au contraire, on peut émettre l’hypothèse que les élèves de classe ordinaire n’accordent pas d’importance à la surdité en situation d’éducation physique puisque cette discipline est secondaire. Il s’agit de suppositions qui renforcent le choix des disciplines à étudier ; il faudra donc, aux vues des résultats d’analyse, les valider ou les invalider. Après avoir déterminé les disciplines scolaires, il est essentiel de définir dans quel contexte social se dérouleront les activités de recherche. La littérature nous indique que le sentiment d’appartenance au groupe classe se construit à travers et grâce au groupe. Ainsi, nous pensons que l’étude de situations où les élèves travailleraient individuellement ne serait pas un indicateur optimal de la dimension traitée dans cette recherche. Nous choisissons donc d’axer cette étude sur des situations didactiques impliquant des interactions entre pairs. Les tâches proposées par les moyens de mathématiques en vigueur en Suisse romande relèvent d’une approche socioconstructiviste et favorisent des activités permettant aux élèves de travailler et d'apprendre en collaborant. Aussi, en éducation physique, les enseignants proposent essentiellement des jeux de balle où l’équipe est indispensable pour pouvoir jouer. Ces deux situations permettent donc des relations entre les élèves. Ces derniers sont, à priori, placés dans une situation pédagogique égalitaire. En somme, la surdité de l’élève intégré serait, a priori, le seul élément qui pourrait conférer un statut scolaire différent et affecter l’activité sociale et affective de l’élève malentendant. De fait, le choix de ces situations semble pertinent afin d’évaluer le sentiment d’appartenance au groupe des élèves malentendants intégrés. Cette recherche s’intéressera donc à un dispositif d’interactions où un groupe hétérogène d’élèves collaborent pour atteindre un but collectif, et où les élèves s’aident mutuellement pour que chacun acquière la notion en jeu dans la tâche proposée, ceci tant en mathématiques qu'en éducation physique. Enfin, la revue de la littérature nous montre les liens entre les composantes du concept de soi et d’autres dimensions socio-affectives. La perception des compétences sociales est liée, notamment, au sentiment d’appartenance au groupe, à la perception de sa propre acceptation sociale et au degré d’acceptabilité par les pairs. Ces trois dimensions évoluent conjointement. Ainsi, dans le cadre de cette étude, c’est directement en situation didactique que nous nous intéresserons à la perception des compétences sociales et à la perception des compétences scolaires pour réaliser une tâche commune. 6.1.2 Questions de recherche Nous examinerons les liens entre le sentiment de compétences, la perception des compétences des pairs, la perception d’être accepté par les pairs, l’acceptabilité par les pairs, le sentiment d’appartenance au groupe, la perception du climat relationnel entre élèves, l’intérêt pour le groupe et la perception de la dynamique du groupe, en fonction de deux situations relevant chacune d’une discipline scolaire différente. Ces dimensions sont considérées comme des indicateurs de l’intégration des élèves malentendants en classe. Comme l'indique Pelgrims (2006 ; 2011), les perceptions qu’ont les élèves de leur contexte de classe et des situations didactiques, ainsi que les dimensions socio-affectives de l’apprentissage, renseignent sur le degré de participation des élèves aux activités d’apprentissage. Nous adoptons ce postulat pour 67 étudier le degré d’intégration d’un élève malentendant en comparaison avec les autres élèves de la classe ordinaire dans deux situations didactiques. Ainsi, cette recherche est guidée par la question générale suivante : Dans quelle mesure l’élève déficient auditif et scolarisé en classe ordinaire se sent-il intégré lors de situations en mathématiques et en éducation physique? Pour répondre à cette question générale, cette dernière est guidée par des questions spécifiques. Cela permettra dès lors d’appréhender chaque dimension en situation de mathématiques et en situation d’éducation physique. Les questions spécifiques sont les suivantes : Question 1 Dans quelle mesure l’élève se perçoit-il en général intégré et accepté par les autres élèves de sa classe ? Dans quelle mesure se perçoit-il différemment des autres élèves ? a. Comment se positionne l’élève intégré selon les dimensions étudiées par rapport à ses camarades de classe ordinaire ? b. Dans quelle mesure le sentiment de compétence varie-t-il en fonction des disciplines ? c. Dans quelle mesure les élèves intégrés sont-ils choisis en premier ou en dernier dans les activités de groupe en éducation physique et en mathématiques ? (Etude du sociogramme) Le rapport de recherche initial (Zuccone, 2011) comprend les résultats des perceptions qu’ont les élèves de leur intégration de manière globale, dans la classe, au travers des dimensions socio-affectives précitées mais sans référence à une situation d’action effective. Pour cet ouvrage, nous avons choisi de nous limiter à l’étude situationnelle de ces dimensions en extrayant les résultats les plus significatifs. Ainsi, dans la suite de ce travail seront uniquement présentés les résultats liés à la seconde question de travail. Nous résumerons toutefois les résultats obtenus concernant la première question de travail qui orientait notre regard sur les perceptions de l’élève de manière plus générale. Question 2 En situation de travail de groupe, en éducation physique et en mathématiques, dans quelle mesure l’élève malentendant se sent-il et se perçoit-il intégré par rapport aux autres élèves de sa classe ? a. Dans quelle mesure les dimensions socio-affectives de l’activité de l’élève malentendant varient-elles en fonction des deux situations de travail de groupe en éducation physique et en mathématiques ? b. Dans quelle mesure les dimensions de l’activité de l’élève malentendant étudiées (sentiment de compétence spécifique à la tâche, la perception des compétences des pairs, et l’intérêt pour le groupe) diffèrent-elles des autres élèves de la classe ordinaire ? 68 6.2 Démarche méthodologique Cette partie présente la démarche méthodologique adoptée dans cette recherche. Elle concerne tout d’abord le contexte de la recherche et l’échantillonnage, puis sur les instruments de recueil de données, à savoir des questionnaires, et la procédure de recueil de données ainsi que quelques difficultés rencontrées lors de la passation des échelles. Et enfin, les différentes étapes de la démarche d’analyse des données seront présentées. 6.2.1 Échantillon d’étude L'échantillon d’étude comprend des élèves de classes ordinaires d’une part, et des élèves malentendants intégrés partiellement en classe ordinaire d’autre part. Il s’agira effectivement d’interroger avec les mêmes outils les élèves de classes ordinaires et leurs camarades malentendants de l’enseignement spécialisé. Puisque nos données sont recueillies à l’aide de questionnaires qui demandent aux élèves de réfléchir sur leur propre activité et d’entrer dans une posture analytique, il est important qu’ils soient suffisamment âgés. Apprécier ses sentiments et les perceptions qu'il fait de soi-même n’est pas une tâche évidente pour de jeunes enfants. C’est pourquoi, il est important que les élèves choisis disposent des compétences de compréhension requises pour accéder au sens des énoncés. De plus, les élèves doivent être lecteurs afin de pouvoir compléter les questionnaires de manière individuelle. Ainsi, nous avons choisi d’interroger des élèves de 6e, 7e et 8e primaire Harmos. Au moment de l’étude, seuls quatre élèves malentendants correspondent aux exigences d’âge et sont dans la modalité de scolarisation et d’intégration visée par cette recherche. Ces quatre élèves sont intégrés dans trois classes différentes : une classe de 6e primaire, une de 7e primaire et une 8e primaire, toutes situées dans le même établissement scolaire. Les enseignants de ces trois classes ont accepté de participer à la recherche. Le nombre d’élèves par classe varie entre 18 à 24. L’échantillonnage total comprend 66 élèves dont 4 élèves malentendants. Caractéristiques pédagogiques des classes impliquées dans l’étude Afin de mieux comprendre dans quels contextes évoluent les élèves de l’étude, il convient maintenant de décrire l’environnement pédagogique des trois classes étudiées. Étant malentendants, les enfants intégrés ne peuvent pas suivre les leçons sans un interprète françaislangue des signes. En règle générale, ce sont les enseignants des classes spécialisées qui incarnent le rôle d’interprète. Toutefois, en fonction des horaires d’intégration de chacun, il n’est pas toujours possible de faire intervenir le même enseignant-interprète à chaque intégration, dès lors des enseignants de l’une ou l’autre des classes ressources ou des interprètes professionnels interviennent ponctuellement dans les classes ordinaires. Bien que cette modalité soit similaire dans chacune des classes, plusieurs caractéristiques pédagogiques les différencient. Pour faciliter le discours cohérent et les comparaisons, nous nommons la classe de 6e primaire « classe 1 », la classe de 7e primaire « classe 2 » et la classe de 8e primaire « classe 3 ». Les caractéristiques des divers contextes d’intégration des quatre élèves malentendants sont recensées dans le tableau 8. 69 Tableau 8 Récapitulatif synoptique de l’échantillonnage Classes Degré Nombre d’élèves Nombre de filles Nombre de garçons Âge des élèves (en mois) 1 6P 2 7P 24 10 14 109 à 129 18 11 7 123 à 155 3 8P 24 14 10 137 à 151 2 (Camille et 1 (Alain) 1 (David) Nombre d’élèves intégrés Richard) 117 mois 155 mois 140 mois/ 11 ans Âge de(s) élève(s) 9 ans 12 ans 151 mois/ 12 ans intégré(s) Mathématiques Mathématiques Mathématiques Education physique Géographie Disciplines d’intégration Education physique Education physique Travaux manuels Travaux manuels Allemand Sciences 25% 25% 50% Taux d’intégration La classe 1 est tenue par une jeune enseignante qui intègre des élèves malentendants depuis quatre ans, et qui s’occupe plus particulièrement d’Alain depuis deux ans. La classe est composée de 24 élèves, dont 10 filles et 14 garçons. L’enseignante favorise les travaux de groupes et la coopération dans sa classe, et a ainsi opté pour les regroupements de pupitres par quatre ou cinq. De fait, les échanges entre pairs sont facilités, laissant alors la possibilité aux élèves d’effectuer de nombreuses activités de recherche en groupe. La classe dispose également d’un coin lecture et les murs nous apparaissent recouverts de supports didactiques tels que des panneaux d’affichage créés par les élèves. Alain, l’élève malentendant accueilli dans cette classe, est spatialement intégré dans un groupe, puisqu’un pupitre lui est réservé dans un groupe durant les périodes où il est présent. De plus, son pupitre reste toujours dans le groupe de façon à ce que l’élève ait réellement une place physique permanente dans la classe, même quand il rejoint sa classe intégrée d’enseignement spécialisé. L’enseignante titulaire de la classe et les enseignants interprètes collaborent aisément. Pour traduire ce que la titulaire dit, l’interprète se place à proximité de cette dernière et s’assoit près d’Alain dès que l’activité commence pour traduire à nouveau les éventuelles consignes incomprises, les questions de l’élève ou les échanges avec ses camarades. La classe 2 est tenue par une enseignante qui accueille des élèves à besoins éducatifs particuliers depuis huit ans. Elle intègre David depuis deux ans. La classe est composée de 18 élèves, dont 11 filles et 7 garçons. Cette classe est également organisée par groupe de pupitres de façon à favoriser la communication entre élèves et les moments collectifs de recherche. David occupe une place bien définie dans la classe, et comme pour la classe 1, son pupitre fait partie d’un groupe. Il n’est donc pas exclu ou en marge, du moins physiquement. L’enseignante interprète se place très fréquemment en face de l’élève pour lui traduire ce que l’enseignante dit ou ce que ses camarades lui transmettent. Elle se déplace à côté de l’enseignante titulaire uniquement quand son temps de parole se prolonge. La collaboration entre les deux enseignants se réalise par des échanges fréquents pendant les leçons, mais principalement au terme de celles-ci pour évoquer les éventuelles remédiations à apporter à l’élève malentendant en classe spécialisée par exemple. 70 La classe 3 est tenue par un jeune enseignant qui intègre des élèves à besoins éducatifs particuliers depuis seulement deux ans. Dans sa classe, deux élèves sont intégrés : Richard et Camille. L’effectif de cette classe est très élevé puisqu’il atteint 24 élèves, dont 14 filles et 10 garçons. Cet important effectif a des répercussions sur la disposition spatiale de la classe. Effectivement, les pupitres de 8e primaire sont larges et la répartition en groupe de ces derniers n’est pas évidente. L’enseignant a donc choisi d’aligner les pupitres en 5 rangées, les unes derrières les autres. Cet aménagement induit un enseignement plutôt frontal où les élèves interviennent ponctuellement en collectif, et où les travaux de groupe ne sont pas facilités. De façon à rendre possible le travail de l’enseignant interprète, les deux élèves intégrés sont assis l’un à côté de l’autre, et l’enseignante dispose d’une chaise en face d’eux. Cette disposition ne favorise guère l’intégration sociale des élèves au groupe classe, puisqu’ils sont à l’écart des rangées d’élèves de la classe ordinaire. Malgré cela, les pupitres sont réservés aux deux élèves malentendants et n’ont aucune autre fonction lors des moments où ils sont dans la classe intégrée d’enseignement spécialisé. Les deux enseignants travaillent en étroite collaboration pour préparer les évaluations à deux voix, et échanger à propos du travail accompli par les élèves intégrés, tant au niveau de leurs réussites que de leurs difficultés. Finalement, on voit combien les contextes d’intégration peuvent être différents d’une classe à l’autre dans un même établissement, et combien ces divers environnements pourront éventuellement avoir des impacts différents sur le sentiment d’être intégré et les perceptions des élèves. Portraits des quatre élèves malentendants intégrés en classe ordinaire Étant donné la faible population d’élèves malentendants visée par notre recherche, il est « impossible » d’apparier plusieurs élèves malentendants suivant le même parcours scolaire, le même niveau scolaire en mathématiques et en éducation physique, et le même degré de surdité. Par contre, cette étude vise un public malentendant n’ayant pas bénéficié d’un implant cochléaire dès leur plus jeune âge. Tous les élèves sont donc malentendants et ne peuvent suivre une leçon orale sans appui en langue des signes malgré leurs prothèses auditives. Alain et David sont intégrés de manière individuelle chacun dans une classe, alors que Camille et Richard sont intégrés ensemble dans une même classe ordinaire. Ainsi, le fait de se rendre à deux en classe leur permet de continuer à échanger entre eux en langue des signes. Cette modalité d’intégration peut donc avoir des répercussions sur les résultats, puisque ces deux élèves ne sont pas intégrés dans les mêmes conditions qu’Alain et David. Portrait d’Alain Alain est un élève âgé de 9 ans et est malentendant depuis sa naissance. Alain communique grâce à la langue des signes ; il émet des sons plus ou moins compréhensibles lorsqu’il souhaite interagir avec des personnes entendantes. Il a conscience des mots en français oralisé, ce qui lui permet de communiquer oralement. Alain peut comprendre le français oralisé lorsque les conditions lui sont favorables, à savoir une articulation accentuée et un niveau sonore élevé. De fait, Alain peut communiquer, de manière très sommaire, avec ses camarades et enseignants entendants. Toutefois, dès que le contexte le permet, il utilise la langue des signes et ne fait plus appel à la communication orale si elle n’est pas sollicitée. Alain est intégré en classe de 6e primaire où il poursuit ainsi qu’en classe spécialisée le programme de ce degré. Lors de notre passage en classe, Alain était intégré à 25% du temps scolaire hebdomadaire, à raison deux périodes en éducation physique, deux périodes en éducation artistique et cinq périodes en mathématiques. Un enseignant spécialisé l’accompagne 71 toujours en classe afin de traduire et de réexpliciter en langue des signes le contenu des divers échanges verbaux de la classe. Alain est un élève qui aime communiquer avec la communauté sourde, mais sait aussi s’adapter à ses interlocuteurs entendants. Portrait de David David est un élève âgé de 12 ans et est malentendant depuis sa naissance. Il communique grâce à la langue des signes, mais est également capable de parler en français oralisé. Son élocution n’est pas toujours très compréhensible, mais grâce au soutien logopédique qu’il reçoit, ses compétences langagières se développent de plus en plus. Il s’appuie néanmoins très fréquemment sur la langue des signes pour renforcer ce qu’il dit en français oralisé. David est intégré en classe de 7e primaire où il poursuit ainsi qu’en classe spécialisée le programme de ce degré. Ses compétences en français, en tant que discipline, sont malgré tout plus faibles que celles attendues pour un élève de son âge, c’est pourquoi il suit en classe spécialisée un enseignement du français relevant du niveau 4P-5P selon les domaines de savoirs. Lors de notre passage en classe, Alain était intégré à 25%, à raison de deux périodes en éducation physique, deux périodes en éducation artistique et cinq périodes en mathématiques. David ne peut pas suivre seul les leçons en classe ordinaire et est donc le plus souvent accompagné par un enseignant spécialisé qui se charge de traduire les divers échanges verbaux de la classe. Toutefois, en raison d’un horaire très complexe dans l’école, il est obligé de se rendre seul aux cours d’éducation artistique. David est un élève très enthousiaste, qui revendique sa surdité mais qui aime aussi communiquer avec des personnes entendantes. Il est très ouvert et aime raconter des blagues à ses camarades. Ainsi, sa facilité de communication et sa joie de vivre lui ont permis d’avoir un cercle d’amis à la fois dans sa classe intégrée et à la fois dans sa classe ordinaire. Portrait de Camille Camille est une élève âgée de 11 ans et malentendante depuis sa naissance. Elle communique grâce à la langue des signes lorsque ses interlocuteurs maîtrisent la langue des signes, mais elle entend suffisamment, grâce à son appareillage, pour avoir une communication orale. Toutefois, son élocution n’est pas toujours compréhensible et un soutien en langue des signes est nécessaire. Grâce au soutien logopédique qu’elle reçoit, ses compétences langagières se développent de plus en plus. Grâce au léger degré de sa surdité, Camille est intégrée en classe de 8e primaire à 50% et poursuit le programme de ce degré dans les deux contextes. Ses compétences en français sont plus faibles que celles attendues pour les élèves de la classe d’enseignement spécialisé, c’est pourquoi elle suit essentiellement les cours de français dans sa classe ressource. Lors de notre passage en classe, Camille était intégrée à raison de deux périodes en éducation physique, deux périodes en éducation artistique, deux périodes en allemand, une période en géographie et six périodes en mathématiques. Camille est toujours accompagnée d’un enseignant spécialisé ou d’un interprète malgré son aisance en français oralisé, puisqu’il est nécessaire qu’elle puisse comprendre chacun des mots énoncés par l’enseignant de classe ordinaire ou par ses camarades. Camille est une élève très réservée qui prend peu la parole de manière spontanée. Elle a en effet tendance à rester en retrait que ce soit en classe intégrée ou en classe ordinaire. Il faut préciser que Camille est la seule fille de la classe spécialisée du groupe des grands. Elle n’a de fait que des amis garçons qui utilisent la langue des signes. La communication n’étant pas toujours évidente avec ses paires entendantes, elle a très peu d’amies dans sa classe ordinaire. 72 Portrait de Richard Richard est un élève âgé de 12 ans et malentendant depuis sa naissance. Il communique uniquement par le biais de la langue des signes bien qu’il soit appareillé. Effectivement, Richard entend grâce à ses appareils, mais ne comprend pas les sons et les mots qu’il perçoit. Sa communication orale est donc restreinte avec des personnes ne pratiquant pas la langue des signes. Son discours oral se résume à quelques mots usuels tels que oui, non, bonjour. Il emploie et développe très difficilement sa communication orale puisqu’il cherche toujours à se raccrocher à la langue des signes ou à des personnes pouvant traduire dès qu’il est en présence de personne entendantes. Richard est tout de même intégré en classe de 8e primaire à raison de 50% puisqu’il peut tout à fait suivre le programme de ce degré avec l’appui d’un enseignant spécialisé ou d’un interprète. Lors de notre passage en classe, Richard était intégré pour les mêmes disciplines que sa camarade Camille (éducation physique, éducation artistique, géographie et mathématiques). Cependant, il ne peut suivre les cours d’allemand puisqu’il ne met pas de sens sur les mots qu’il entend ou lit. Lui enseigner une seconde langue ne lui permettrait donc pas d’acquérir sa langue première, ce qui est déjà une tâche difficile pour lui. Richard est complètement dépendant de l’enseignant spécialisé ou de l’interprète qui l’accompagne en classe d’intégration puisqu’il ne comprend pas le langage oralisé et ne sait pas encore lire. Bien que Richard éprouve de grandes difficultés à communiquer, il s’est fait beaucoup d’amis dans la population entendante de l’école, et les côtoie fréquemment dans la cour de récréation. Malgré cette aisance, Richard a tendance à rester avec ses amis malentendants avec qui il communique plus facilement. 6.2.2 Instruments de recueil de données Cette recherche s’inscrit dans le domaine thématique de la motivation à apprendre en contexte d’enseignement spécialisé et étudie différentes dimensions socio-affectives d’élèves intégrés en classe ordinaire. Ces dimensions socio-affectives n’étant pas directement observables en situation, il est fréquent d’avoir recours à des questionnaires composés de différentes échelles et de sociogrammes. Afin d’obtenir des données sur les dimensions socio-affectives des élèves malentendants et leurs pairs en classe ordinaire et en situation didactique, nous proposons aux élèves deux versions d’un même questionnaire : la première est liée à une activité de mathématique et la seconde à une activité d’éducation physique. Ces deux versions sont intitulées, « Exercice d’éducation physique » et « Exercice de mathématiques ». Le questionnaire reprend la structure, le format et certaines échelles du Questionnaire d’orientation motivationnelle en situation d’apprentissage (QOMSA) élaboré par Pelgrims (1999/2006). Il vise à évaluer les dimensions socio-affectives de l’activité des élèves avant et après des situations de travail en groupe en éducation physique et en mathématiques. Les items font référence aux perceptions des élèves au lancement et durant la tâche à accomplir. Comme l’indique la table de spécification (tableaux), le questionnaire mis au point pour cette recherche est construit en deux parties : la première questionne trois dimensions avant la tâche, et la seconde se focalise sur sept dimensions après la tâche. 73 Tableau 9 : Table de spécification des échelles du questionnaire « Exercice de mathématiques » avant la tâche. Dimensions socio-affectives avant la tâche 1. Sentiment de compétence spécifique à la tâche 2. Perception des compétences des pairs pour la tâche items (n= 18) 7 items : 2 ; 4 ; 5 ; 6 ; 10 ; 17 ; 18 6 items : 7 ; 8 ; 9 ; 12 ; 14 ; 15 5 items : 1 ; 3 ; 11 ; 13 ; 16 3. Intérêt pour le groupe de travail après la tâche 4. Sentiment de compétence spécifique à la tâche – autoévaluation du résultat produit 5. Perception des compétences des pairs pour la tâche 6. Intérêt pour le groupe de travail 7. Sentiment d’appartenance au groupe de travail 8. Sentiment d’être accepté items (n= 41) 5 items : 19 ; 20 ; 23 ; 24 ; 26 9. Acceptation des pairs 7 items : 46 ; 52 ; 53 ; 55 ; 57 ; 58 ; 59 10. Perception de la dynamique du groupe 4 items : 29 ; 30 ; 32 ; 33 5 items : 21 ; 22 ; 27 ; 28 ; 35 5 items : 25 ; 31 ; 36 ; 38 ; 40 7 items : 34 ; 37 ; 43 ; 44 ; 45 ; 47 ; 49 8 items : 39 ; 41 ; 42 ; 48 ; 50 ; 51 ; 54 ; 56 Les échelles du sentiment de compétence spécifique à la tâche, de l’intérêt pour le groupe de travail et l’autoévaluation du résultat produit sont issues du QOMSA (Pelgrims, 1999/2006). Les échelles de perception des compétences des pairs pour la tâche avant et après la tâche sont reprises de Hoffmann & Knüsli (2003). Certaines de ces échelles sont complétées de nouveaux items : il s’agit des items 7, 8, 11, 13, 14, 16, 18, 21, 25, 26 et 27. En outre, ne trouvant pas dans la littérature de questionnaire centré en situation effective d’apprentissage sur le sentiment d’appartenance au groupe, sur le sentiment d’être accepté, sur l’acceptation par les pairs et sur la perception de la dynamique de groupe ou de l’équipe, nous avons composé ces quatre échelles en nous inspirant d’énoncés de niveau général sans référence à une situation d’activité. Les échelles du questionnaire sont des échelles de Likert. Chaque item comprend une échelle d’évaluation à quatre niveaux de réponse allant d’une valence positive à une valence négative, et inversement comme l’illustre l’exemple suivant : Tableau 10 : Item tiré de l’échelle sur l’acceptation des pairs 59. Est-ce que tu as bien respecté tous les élèves de ton groupe ? très bien assez bien un peu bien pas bien 6.2.3 Procédure de recueil des données et difficultés rencontrées Le questionnaire est complété par l’ensemble des élèves dans chacune des trois classes lors de deux séances distinctes : une première séance liée à l’éducation physique, puis lors d’une séance de recherche en mathématiques. 74 Cet ordre a été respecté dans chacune des trois classes. Le choix des tâches a été négocié avec les enseignants en référence au programme officiel des degrés considérés par la recherche, des objectifs visés par les enseignants au moment de l’intervention et aux types de tâches que les élèves ont l’habitude de mener en classe. Nous ne souhaitions pas imposer de tâches afin d’éviter le bouleversement des contrats didactiques instaurés dans chaque classe en mathématiques et en éducation physique. Nous avons néanmoins demandé aux enseignants de convenir de tâches requiérant la collaboration entre pairs pour résoudre le problème en mathématiques et pour remporter la manche en éducation physique. Pour les mathématiques, les trois enseignants ont sélectionné des tâches issues des moyens Corome. Les élèves ont été regroupés par les enseignants par deux ou trois dans la classe 1, par trois ou quatre dans la classe 2 et par deux, trois ou quatre dans la classe 3. Ces groupes de travail ont été construits en fonction des différents types de tâches proposées dans les moyens Corome et en fonction de la disposition de la classe. En ce qui concerne l’éducation physique, la chercheuse a demandé aux enseignants de mener une activité d’équipe qu’ils avaient l’habitude de proposer à leurs élèves, afin que ceux-ci ne soient pas confrontés à de nouvelles règles de jeu. Les trois enseignants ont finalement sélectionné le même jeu de balle, à savoir « la balle au prisonnier ». Comme présenté dans la partie Instruments de recueil de données, le questionnaire comporte deux parties : avant la tâche et après la tâche. La première partie devrait effectivement être complétée avant sa résolution, et après le lancement de la tâche une fois l’activité terminée, selon les consignes de passation de Pelgrims (1999/2006). Toutefois, il n’est pas envisageable de procéder de la sorte dans cette étude. En effet, en salle d’éducation physique, les conditions ne sont pas optimales pour que les élèves prêts à jouer après avoir reçu les consignes et constitué les équipes, concentrent leur attention sur un questionnaire, à lire et à compléter ; en outre la disposition spatiale et le matériel à leur disposition n’est pas adéquat : absence de pupitre et salle exiguë. Ainsi, en anticipant comment ces conditions allaient biaiser et affecter les réponses des élèves nous avons choisi, en éducation physique et en mathématiques, de faire remplir les deux parties du questionnaire à la suite des activités, en demandant bien aux élèves de se rappeler comment ils se sentaient avant de faire l’activité et après. Il est important de spécifier ici que les élèves malentendants intégrés ne sont pas lecteurs, ou pour ceux qui le sont, comprennent insuffisamment les mots qu’ils lisent. Il est donc nécessaire de prévoir un dispositif permettant aux élèves intégrés d’avoir accès aux items. Puisque ces élèves sont accompagnés d’un enseignant spécialisé pratiquant la langue des signes, ce dernier sera chargé de traduire les questions en langue des signes, et indiquera si nécessaire à l’élève où il doit mettre la croix en fonction de sa réponse en langue des signes. Bien entendu, cet enseignant traduira également les consignes de passation afin que les élèves intégrés soient inclus dans le dispositif au même titre que leurs camarades entendants. La chercheuse s’est donc rendue à plusieurs reprises dans chacune des trois classes pour recueillir les données. Lors de la première rencontre, après s’être présentée, elle a longuement insisté sur son rôle d’« étudiante-chercheuse » en mentionnant qu’elle n’était pas enseignante, et qu’elle n’attendait pas de réponses « correctes », que ce qu’ils lui dévoileraient à travers les questionnaires resterait confidentiel. Pour ne pas influencer les élèves lors de la présentation de la recherche et des questions qu’elle se posait, les consignes des questionnaires de Pelgrims (2006) ont été reprises et adaptées au projet et au public d’élèves de cette étude. Afin d’instaurer un climat de confiance réciproque avec les élèves, elle leur a rappelé que ce que pensent et ressentent les élèves n’est pas identique pour chacun d’entre eux, puisque tous vivent différemment les mêmes situations. Elle a ajouté qu’il ne pouvait y avoir de réponses fausses 75 ou justes car il s’agissait de dire ce que l’on pense vraiment chacun pour soi. Pour appuyer ces propos et leur expliquer le fonctionnement des questionnaires, chaque passation était précédée d’un exemple figurant à la première page du questionnaire. Les consignes de passation furent identiques dans les trois classes. Le recueil de données s’est échelonné sur une période d’un mois. Les élèves ont requis environ 30 minutes pour compléter le questionnaire. Nous avons assisté aux activités de mathématiques et d’éducation physique qui précédaient les questionnaires, afin de mieux noter d’éventuels faits significatifs et comprendre dans quel contexte étaient placés les élèves avant de répondre aux items. Difficultés rencontrées La passation des questionnaires s’est globalement bien déroulée malgré quelques obstacles que les élèves et la chercheuse ont rencontrés. La chercheuse s'était au préalable renseignée auprès des trois enseignants pour savoir si tous leurs élèves étaient suffisamment bons lecteurs pour lire les questionnaires individuellement et à leur rythme. Les réponses étant positives, aucun dispositif n'avait été prévu pour d’éventuels élèves entendants dont les compétences en lecture seraient insuffisantes. Il s’est pourtant avéré qu’une élève de la classe 2 lisait beaucoup trop lentement par rapport à ses camarades. Alors que les autres élèves avaient quasiment terminé de remplir le questionnaire, cette élève n’avait pas encore réalisé un quart des items. La chercheuse a donc décidé de les lui lire de manière neutre afin de ne pas l’influencer dans ses choix. Cette option est aussi prévue dans la passation de QOMSA, les résultats d’une étude indiquant qu’elle ne semble pas produire de différence entre les réponses des élèves complétant le questionnaire par eux-mêmes et celles de leurs pairs bénéficiant d’une lecture (Pelgrims, 2006). Nous avons également pu remarquer que dans les questionnaires, certains items ont systématiquement posé des problèmes aux élèves. Bien que la tournure des questions ait été longuement réfléchie afin d’employer des termes simples, certains élèves n’ont pas compris deux mots, dans les items 16 « Est-ce que tu étais content de la répartition du groupe ? » et 29 « Est-ce que tu as l’impression que votre groupe de travail était uni ? », à cause des termes « répartition » et « uni ». Puisque les questions au sujet de ces deux termes se succédaient, nous avons expliqué au groupe classe ce qu’ils signifiaient dans le but d’éviter toute confusion. Enfin, le problème majeur rencontré dans la passation des questionnaires fut lié à la traduction en langue des signes des items. Effectivement, les enseignants des classes spécialisées maîtrisent la langue des signes de façon à pouvoir enseigner et traduire des contenus essentiellement scolaires. Toutefois, certains items dont la formulation est très proche et dont les nuances sont faibles, sont difficilement transposables en langue des signes. Lors de la passation, les enseignants spécialisés m’ont à plusieurs reprises interpellée pour me faire part de leurs inquiétudes quant à la justesse de leur traduction des énoncés. Puisque les réponses des élèves intégrés sont primordiales, nous avons décidé de demander de l’aide à un enseignant sourd de l’Office médico-pédagogique dont la langue maternelle est la langue des signes. Celui-ci a tout de suite compris les enjeux de la situation et a volontiers accepté de nous aider dans la traduction des items. À cet effet, il a rassemblé les élèves intégrés à la suite de leurs activités de mathématiques et d’éducation physique, puis leur a demandé de se rappeler ce qu’ils avaient vécu durant ces activités. Il a ensuite interprété les items, et les élèves malentendants ont pu répondre par eux-mêmes aux questions. Finalement, ces derniers ont 76 répondu aux questionnaires avec un léger décalage par rapport à l’activité, mais, après vérification leurs réponses étaient quasi identiques à ce qu’ils avaient répondu de suite après les activités. Cette difficulté aurait facilement pu être anticipée grâce à l’engagement d’un interprète professionnel. 6.2.4 Démarche d'analyse des données Les données sont traitées à l’aide d’une méthode quantitative. Chaque item comporte une échelle d’évaluation à quatre niveaux de réponse possible. Une fois l’ensemble des réponses de chaque élève codées numériquement, il s’agit de les traiter statistiquement à l’aide notamment, du logiciel SPSS. En ce qui concerne la cotation des réponses, 4 points indique une valence très positive, 3 une valence plutôt positive, 2 une valence plutôt négative et 1 une valence très négative. Puisque chaque item d’une même échelle est considéré comme une facette de la dimension théorique concernée par l’échelle, l’addition des scores de chaque item fournit un score total pour l’échelle. Cette étape requiert tout d’abord d’analyser le degré d’homogénéité de chaque échelle, ou entre autre, d’évaluer dans quelle mesure les résultats (Zuccone, 2011) indiquent un degré d’homogénéité suffisant pour chaque échelle : les coefficients Alpha de Cronbach varient en effet entre .71 et .94. Seule l’échelle Autoévaluation du résultat produit en éducation physique est quelque peu faible (.67). La version de cette échelle en mathématiques est par contre clairement homogène ( = .88). Il s’agit ensuite de positionner les élèves intégrés par rapport à leurs camarades de classe ordinaire. À cet effet, pour chaque classe et chaque situation didactique, la distribution des scores relatifs à chaque dimension sera présentée sous forme de graphique tout en pointant le score de l’élève intégré. Puisque les contextes d’intégration des quatre élèves intégrés sont différents, il s’agira dans un premier temps d’explorer les données par classe, puis dans une seconde phase d’analyse, de comparer les résultats et constats établis en créant des liens entre les trois classes. Nous jugerons ainsi la récurrence des phénomènes dans les trois classes de l’échantillon d’étude. Finalement, les données quantitatives permettront de décrire qualitativement les dynamiques situationnelles de l’intégration à travers les questions de recherche spécifiques établies pour guider cette étude. Pour cet ouvrage, nous choisissons de présenter de manière approfondie les résultats de la classe 3 où deux élèves sont intégrés. Les résultats des deux autres classes seront présentés sous forme d’un tableau plus synthétique qui relatera pour chaque dimension étudiée, le score de l’élève intégré, la moyenne des scores de la classe, ainsi que le nombre d’élèves ayant obtenu un score inférieur ou supérieur à celui de l’élève intégré. Cela nous permettra dès lors de positionner les perceptions de l’élève intégré par rapport à celles de ses camarades. 6.3 Présentation et discussions des résultats Comme nous l’avons mentionné dans la partie concernant les questions de recherche, la partie du travail initial (Zuccone, 2011), relatif aux dimensions socio-affectives des élèves en général (sous référence à une situation effective) a été écartée afin que nous nous concentrions sur l’aspect situationnel de l’intégration sous l’angle de l’activité socio-affective en situation d’activité didactique par les élèves. Toutefois, nous résumons brièvement les résultats obtenus en lien avec le sentiment des élèves d’être intégré en général. Les résultats relatifs aux sentiments en éducation physique et de mathématiques seront ensuite présentés. 77 6.3.1 Sentiment d’être intégré en général : résumé des résultats (Zuccone, 2011) Cette partie de la recherche concerne les perceptions générales des élèves intégrés par rapport à celles de leurs camarades de classe ordinaire. Pour cela, un questionnaire et un sociogramme ont été remplis par l’ensemble des élèves, élèves intégrés et élèves de classe ordinaire. Nous cherchions à répondre à la question de recherche suivante : Dans quelle mesure l’élève se perçoit-il en général intégré et accepté par les autres élèves de sa classe ? Dans quelle mesure se perçoit-il différemment des autres élèves ? Les réponses des élèves malentendants coïncident avec celles de leurs pairs. Elles ne traduisent aucun écart ou statut particulier systématique entre l’élève dit malentendant et dit intégré et les autres élèves de la classe qui l’accueille. De manière générale, et pour l’ensemble des 66 élèves de l’étude, il ressort des analyses corrélationnelles qu’il existe des relations fortes entre le sentiment d’appartenance à la classe, la perception du climat relationnel entre les élèves et le sentiment d’être accepté par les pairs (r = .80 à .83 ; voir Zuccone, 2011). Ces résultats avaient permis de confirmer ce qui a été avancé dans la revue de la littérature, à savoir que les différentes dimensions relatives aux relations sociales et au concept du soi social sont intrinsèquement liées. L’analyse de données sociométriques a quant à elle mis en évidence que les élèves de la classe ordinaire semblent accepter leurs camarades malentendants intégrés dans les situations de groupe en éducation physique et en mathématiques. En effet, les élèves intégrés n’étaient pas moins ou plus choisis pour composer des groupes de travail ou des équipes de jeu que les autres élèves d’une classe ordinaire. Leur statut sociométrique est moyen, et n’indique donc aucun rejet explicite de la part des pairs de classes ordinaires. D’ailleurs ces résultats indiquent aussi que les élèves malentendants se sentent appartenir au groupe-classe et acceptés par leurs camarades. Seul Alain se sent peu intégré de façon générale dans la classe ordinaire. 6.3.2 Sentiment d’être intégré en situations didactiques Dans cette partie seront présentés les résultats relatifs aux situations d’éducation physique et de mathématiques. Les résultats seront exposés par classe et par dimension. Toutefois, seuls les résultats de la classe 3 seront présentés et décrits dans le détail. Les résultats des classes 1 et 2 seront regroupés dans des tableaux récapitulatifs. Pour comparer le sentiment d’être intégré entre les deux disciplines, les résultats pour chaque dimension seront illustrés par deux graphiques : celui de gauche dévoile la distribution des scores obtenus par les élèves en éducation physique, et celui de droite celle de mathématiques. Dans la partie discussion des résultats, nous mettrons en relation les différents constats des trois classes, afin d’examiner la régularité de certains phénomènes. Résultats relatifs à la classe 1 Le tableau 11 présente de manière synthétique les résultats relatifs à la classe 1. Il comprend pour chaque dimension: le score que l’élève intégré a obtenu, le nombre d’élèves de la classe ayant obtenu un score inférieur à celui de l’élève intégré, le nombre d’élèves ayant obtenu un score supérieur ou égal à celui de l’élève intégré, et enfin la moyenne des scores obtenus par l’ensemble des élèves de la classe. Ce récapitulatif des résultats nous permettra ainsi de positionner le sentiment d’être intégré de l’élève malentendant, Alain, par rapport au sentiment de ses camarades de classe ordinaire de 6e primaire. 78 Tableau 11 : Récapitulatif des résultats relatif pour la classe 1 (n = 24) Composantes Score de l’élève intégré - Alain Nb d’élèves ayant un score inférieur Nb d’élèves ayant un score supérieur ou égal Moyenne des scores Avant la tâche Sentiment de compétence spécifique à la tâche Perception des compétences des pairs pour la tâche (item 8) Perception des compétences des pairs pour la tâche (item 12) Intérêt pour le groupe de travail Éducation physique 2.71 2 21 3.46 Maths 2.71 9 14 3.14 Éducation physique 4.00 8 15 3.54 Maths 3.00 5 18 3.17 Éducation physique 4.00 11 12 3.17 Maths 4.00 8 15 3.21 Éducation physique 3.60 12 11 3.2 Maths 4.00 12 11 3.33 Après la tâche Sentiment d’avoir été compétent Perception des compétences des pairs pour la tâche Intérêt pour le groupe de travail Perception de la dynamique du groupe Sentiment d’être accepté par les pairs Degré d’acceptation des pairs Sentiment d’appartenance au groupe de travail Éducation physique 3.4 6 17 3.55 Maths 2.4 4 19 3.09 Éducation physique 2.75 6 17 3.07 Maths 3.25 17 6 2.78 Éducation physique 3.60 10 13 3.33 Maths 4.00 14 9 3.21 Éducation physique 3.50 10 13 3.14 Maths 3.50 9 14 3.16 Éducation physique 3.00 12 11 2.87 Maths 3.38 8 15 3.16 Éducation physique 3.14 9 14 3.07 Maths 2.86 7 16 3.05 Éducation physique 2.86 8 15 2.82 Maths 3.14 8 15 3.04 Ce récapitulatif nous permet tout d’abord de mettre en évidence que les dimensions socioaffectives sont pour l’élève malentendant, Alain, plutôt positivement orientées (scores compris 79 entre 2.4 et 4). Ses perceptions et ses sentiments liés à lui et aux pairs sont positives autant durant l’activité de ballon prisonnier que durant la recherche en mathématiques. En comparaison avec les moyennes de classe, il est intéressant de noter que la position d’Alain est uniquement à sept reprises inférieure à la moyenne. Ses scores s’écartent peu de la moyenne et montrent donc que les perceptions d’Alain ne sont pas en marge. Certains élèves se sentent et se perçoivent de manière plus négative ou d’autres de manière plus positive. Aussi, ce tableau met en évidence que certains élèves de la classe ordinaire perçoivent et se sentent moins intégrés que l’élève malentendant sous l’angle des dimensions socio-affectives étudiées puisque nous observons que le nombre d’élèves se positionnant avec un score inférieur à celui d’Alain est toujours positif. Durant la situation de recherche en mathématiques en groupe, Alain se sent plutôt compétent pour résoudre la tâche (score = 2.7) et plus compétent que 9 élèves de la classe. Tout en percevant ses pairs comme plus compétents que lui et en rapportant avoir de l’intérêt et du plaisir à travailler avec eux (score = 4). Après avoir terminé la recherche en mathématiques, Alain pense avoir été plus ou moins compétent (score = 2.4), perçoit ses co-équipiers comme plus compétents (score = 3.25), tout en maintenant son intérêt élevé pour travailler avec eux (score = 4), et il perçoit la dynamique relationnelle comme étant positive (score = 3.5). Il a d’ailleurs le sentiment d’être accepté par ses pairs (score =3.38) et de les accepter (score = 2.9), se sent bien appartenir à ce groupe de travail (score = 3.14). Certes, c’est le sentiment de compétences de l’élève malentendant pour résoudre la tâche de mathématiques avant de la commencer et après l’avoir terminé qui est le plus « négativement » orienté. Mais bien d’autres élèves de la classe, non désignés comme élèves intégrés, se sentent encore moins compétents. Les perceptions et les sentiments d’Alain par rapport à ses compétences, et par rapport à ses pairs, sont similairement orientés durant le jeu de ballon prisonnier en éducation physique. Certes certaines dimensions particulières présentent des différences dans un sens ou dans l’autre entre les deux situations didactiques. Prenons l’exemple du sentiment d’être accepté par les pairs. En éducation physique, le score moyen de la classe (m = 2.9) est plus faible qu’en mathématiques (m = 3.2). L’acceptation sociale par les pairs semble varier légèrement selon les situations scolaires et les disciplines. Cette variabilité se ressent également sur la position d’Alain, son sentiment d’être accepté par ses co-équipiers du ballon prisonnier étant inférieur (score = 3) à son sentiment d’être accepté par les élèves de son sous-groupe de recherche en mathématiques (score = 3.38). Au vue de ces résultats, on peut conclure qu’Alain se perçoit accepté au terme de la situation d’éducation physique et de mathématiques comme ses camarades de classe ordinaire. En résumé, les résultats révèlent qu’un élève malentendant peut se sentir intégré durant des activités de groupe. Il n’y a pas de relation systématique entre la surdité et une position, un statut marginal en situation de travail et de jeu en groupe. Effectivement, ses scores sont proches de ceux des autres élèves et ne sont nécessairement dans les extrêmes. Toutefois, bien qu’Alain présente des besoins pédagogiques particuliers, nous nous rendons compte ici que d’autres élèves n’ayant pas de difficultés déclarées se sentent peu compétents, accordent peu d’intérêt au groupe, se sentent peu acceptés, et de manière plus négative qu’Alain. Sous cet angle, d’autres élèves semblent avoir des besoins pédagogiques pour intégrer pleinement leur rôle social d’élève (Pelgrims, 2011). 80 Résultats relatifs à la classe 2 Le tableau 12 a pour but de présenter de manière synthétique les résultats obtenus pour la classe 2 et l’élève malentendant, David. Il met en évidence des résultats similaires à ceux de la classe 1. Tableau 12 : Récapitulatif des résultats obtenus pour la classe 2 (n = 18) Composantes Score de l’élève intégré David Nb d’élèves ayant un score inférieur Nb d’élèves ayant un score supérieur ou égal Moyenne des scores Avant la tâche Sentiment de compétence spécifiques à la tâche Perception des compétences des pairs pour la tâche (item 8) Perception des compétences des pairs pour la tâche (item 12) Intérêt pour le groupe de travail Éducation physique 2.71 2 15 3.68 Maths 2.71 3 14 3.23 Éducation physique 3.00 1 16 3.33 Maths 3.00 5 12 2.94 Éducation physique 4.00 5 12 3.61 Maths 3.00 3 14 3.28 Éducation physique 3.60 5 12 3.18 Maths 4.00 16 1 2.78 Après la tâche Sentiment d’avoir été compétent Perception des compétences des pairs pour la tâche Intérêt pour le groupe de travail Perception de la dynamique du groupe Sentiment d’être accepté par les pairs Degré d’acceptation par les pairs Sentiment d’appartenance au groupe de travail Éducation physique 2.80 2 15 3.34 Maths 2.60 3 14 3.10 Éducation physique 2.50 0 17 3.23 Maths 3.25 8 9 3.16 Éducation physique 4.00 13 4 3.49 Maths 4.00 14 3 3.08 Éducation physique 2.75 3 14 3.02 Maths 3.00 7 10 2.98 Éducation physique 3.13 8 9 2.84 Maths 3.13 10 7 2.97 Éducation physique 3.43 8 9 3.27 Maths 3.00 6 11 3.19 Éducation physique 3.86 16 1 3.12 Maths 2.43 1 16 3.09 81 Ce récapitulatif des résultats de la classe 2, nous permet tout d’abord de mettre en évidence que les scores pour l’élève intégré, David, sont compris entre 2.5 et 4. Les différentes dimensions socio-affectives sont donc positivement orientées, autant dans la situation d’éducation physique que dans celle de mathématiques. La position de David est à douze reprises supérieure aux moyennes de la classe. Lorsque sa position est inférieure aux moyennes, nous notons que l’écart n’est pas important, sauf concernant le sentiment d’être compétent en mathématiques et en éducation physique (écart de 0.5 à 1 point avec les moyennes de classe). Toutefois, 2 à 3 élèves se sentent moins compétents dans ces situations que David. Sur l’ensemble des dimensions, David, comme Alain dans la classe 1, ne se situe pas dans les extrêmes, ne parait pas du tout en marge des autres élèves de la classe qu’il intègre. Ses sentiments et ses perceptions se trouvent dans les extrêmes, mais ses perceptions sont cependant proches de la moyenne de classe. D’autres élèves ont des positions bien plus faibles que celles de David sur plusieurs dimensions. Ainsi, comme nous l’avons mentionné pour l’étude des résultats de la classe 1, le fait d’être malentendant en classe ordinaire n’implique pas nécessairement des perceptions de soi et des relations avec autrui négatives. Au contraire, David manifeste de l’intérêt pour son groupe de travail et de jeu dans chaque situation ; il perçoit la dynamique relationnelle plutôt positivement, se sent clairement accepté par ses pairs de recherche et de jeu qu’il déclare aussi accepter et respecter ; il se sent fortement appartenir à son équipe au ballon prisonnier, mais de façon plus mitigée à son groupe de recherche en mathématiques. Il est intéressant de noter que les scores de David surtout plus faibles concernant la perception de ses compétences en mathématiques (2.71 avant la tâche et 2.6 après la tâche) et en éducation physique (2.71 avant la tâche et 2.8 après la tâche). Cette observation ne nous permet pas pour autant de conclure que le statut d’ « élève intégré » implique un faible sentiment de compétences. Effectivement, d’autres élèves de la classe perçoivent leurs compétences de manière similaire à celles de David alors qu’ils n’ont aucune difficulté déclarée institutionnellement. Comme pour les résultats de la classe 1, le statut d’élève malentendant dit intégré en classe ordinaire n’influence pas de manière négative les perceptions des élèves. Sous l’angle des dimensions socio-affectives considérées, David se sent plutôt intégré dans sa classe. 82 Résultats relatifs à la classe 3 Ce volet a pour objectif de présenter en détails les résultats issus de l’analyse des données recueillies dans la classe 3 pour chaque dimension socio-affective étudiée. Dans les graphiques de résultats, les lettres R et C, inscrites sous les scores, indiquent respectivement la position de Richard et de Camille, élèves malentendants dits intégrés dans la classe. Sentiment de compétence avant chaque tâche Figure 2 : Distribution des scores relatifs au sentiment de compétences avant la tâche, classe 3 (n = 24) m = 3.58 médian = 3.78 m = 3.16 médian = 3.14 Le sentiment de compétences en situation d’éducation physique et mathématiques semble plutôt positif pour cette classe car les scores moyens s’élèvent à 3.58 pour la gym, et à 3.16 pour les mathématiques. Ainsi, face à la tâche, les élèves n’ont pas un sentiment de compétences trop faible. En éducation physique, le sentiment de compétences moyen des élèves est légèrement plus élevé que celui en mathématiques. Cela est aussi vrai pour Richard qui juge ses compétences peu élevées pour les mathématiques (score = 2.14), et très positives en éducation physique (score = 3.57). À l’inverse, Camille semble plus à l’aise en mathématiques qu’à la gym. Ainsi, les résultats de Richard vont dans le même sens que les moyennes de la classe, alors qu’on observe le contraire pour Camille. Contrairement aux résultats relatifs aux classes 1 et 2, on constate ici que dans chaque situation didactique c’est un des deux élèves malentendants qui se situe à l’extrême gauche de la distribution. Intérêt pour le groupe de travail avant chaque tâche Figure 3 : Distribution des scores relatifs à l’intérêt pour le groupe avant la tâche, classe 3 (n = 24) m = 3.19 médian = 3.40 m = 3.57 médian = 3.80 83 L’intérêt que portent les élèves à leur groupe de travail ou à leur équipe de jeu est globalement très bon puisque les scores moyens sont élevés (m = 3.19 et 3.57), et que la moitié des élèves ont un score supérieur à 3.40 en gym, à 3.80 en mathématiques. Toutefois, certains élèves ne semblent pas satisfaits du tout de la répartition des élèves dans les groupes de mathématiques : plusieurs scores sont en effet inférieurs à 1.50. Camille porte un intérêt moyen à jouer avec son équipe de gym (score = 2.6), alors que son intérêt pour son groupe de maths est très important (score = 3.8). Quant à lui, Richard accorde bien du plaisir et de l’intérêt au groupe avec lequel il doit travailler en maths (score = 3.2), avec lequel il doit jouer en éducation physique (score = 3.4). Sentiment de compétence après chaque tâche Figure 4 : Distribution des scores relatifs au sentiment de compétence après la tâche, classe 3 (n = 24) m = 3.51 m = 3.13 médian = 3.60 médian = 3.20 Au terme des tâches, le sentiment de compétences moyens est en moyenne similaire dans les deux situations (m = 3.5 et 3.1). Camille a une meilleure perception de ses compétences pour la tâche en mathématiques (score = 3.0) que pour celle en éducation physique (score = 2.8). Pour Richard c’est à nouveau le contraire. Toutefois, les scores de Camille sont quasiment similaires pour les deux situations, alors que Richard perçoit ses compétences d’une extrême à l’autre. En effet, il évalue ses compétences en éducation physique au terme du jeu comme étant très bonnes (score = 3.6), tandis que son appréciation après avoir accompli la tâche de mathématiques est franchement faible (score = 1.8). Il se sent d’ailleurs le moins compétent de la classe au terme de cette recherche en mathématiques. 84 Perception des compétences des pairs après chaque tâche Figure 5 : Distribution des scores relatifs à la perception des compétences des pairs après la tâche, classe 3 (n = 24) m = 3.47 médian = 3.50 m = 3.06 médian = 3.00 Globalement, au terme des situations didactiques, les élèves perçoivent les compétences de leurs pairs positivement puisque les moyennes sont supérieures à 3.00. Toutefois, suite à la recherche en mathématiques, certains élèves estiment les compétences de leurs camarades plutôt moyennes ou inadaptées. En ce qui concerne les élèves malentendants, on remarque que la perception qu’ils ont des compétences de leurs pairs est plus élevée (d’un point quasiment) en éducation physique qu’en mathématiques. Camille et Richard rapportent des scores plutôt proches des moyennes de la classe. Après avoir travaillé en groupe ou joué au ballon prisonnier, ils ne pensent pas que leurs camarades soient très ou plus compétents qu’euxmêmes. Intérêt pour le groupe de travail après chaque tâche Figure 6 : Distribution des scores relatifs à l’intérêt pour le groupe après la tâche, classe 3 (n = 24) m = 3.49 médian = 3.60 m = 3.63 médian = 3.90 Après la situation de travail, une majorité d’élèves perçoit son groupe de manière extrêmement positive, les scores médians étant proches de 4 points. Un seul score (1.6 en mathématiques) indique un intérêt plutôt faible. Bien que l’ensemble des scores soit plutôt élevé en éducation physique, Camille a le score le plus faible (score = 2.4) ; elle semble en marge du point de vue de son manque d’intérêt pour son équipe, alors que Richard accorde un vif fort intérêt à jouer avec son équipe (score = 4.0). 85 Les constats sont opposés en mathématiques : Camille octroie un intérêt important à son groupe de recherche (score = 3.8), alors que Richard rapporte moins d’intérêt à son groupe de mathématiques qu’à son équipe en éducation physique. Nous constatons donc que pour une même situation, Camille et Richard, tous deux élèves malentendants, ont des positions complètement divergentes. Sous cet angle de l’intérêt à travailler en groupe, on peut noter que le sentiment d’être intégré n’est pas similaire d’un élève à l’autre, même d’une situation d’apprentissage à l’autre. Il ne coïncide pas non plus avec le statut « d’élève malentendant intégré ». D’ailleurs, d’autres élèves de la classe apprécient leur groupe souvent de manière similaire, parfois de façon plus négative ou plus positive. Perception de la dynamique du groupe après chaque tâche Figure 7 : Distribution des scores relatifs à la perception de la dynamique du groupe après la tâche, classe 3 (n = 24) m = 3.15 médian = 3.25 m = 3.64 médian = 3.75 Les résultats montrent que la dynamique du groupe de travail en mathématiques est globalement perçue plus positivement (m = 3.64) que celle de l’équipe de jeu en éducation physique (m = 3.15). Les expériences en classe nous laisseraient penser le contraire en raison des dynamiques souvent réjouies dans les équipes de jeu à la gymnastique. Or si les perceptions des 24 élèves de cette dynamique relationnelle sont toutes positives pour les mathématiques, quatre élèves rapportent des perceptions négatives en éducation physique. Camille et Richard se positionnent autour de la moyenne : ils ne sont pas en marge des positions de leurs pairs de classe ordinaire. Par ailleurs, ils perçoivent la dynamique relationnelle de façon différente dans chaque situation. Camille semble plus apprécier la dynamique de son groupe en mathématiques (score = 3.75) qu’à la gym (score = 3.0), alors qu’on observe l’inverse pour son camarade Richard. Ces observations sont similaires à celles pour la dimension « intérêt pour le groupe de travail ». 86 Sentiment d’être accepté par les pairs après la tâche Figure 8 : Distribution des scores relatifs à la perception de sa propre acceptation sociale après la tâche, classe 3 (n = 24) m = 3.01 médian = 3.18 m = 3.32 médian = 3.43 Le sentiment des élèves d’être accepté par les pairs en éducation physique est en moyenne plus faible (m = 3.01) et plus hétérogène qu’en mathématiques (m = 3.32). Effectivement, en éducation physique les scores s’étendent de 1.50 à 4.0, alors qu’en mathématiques l’étendue est moindre et se déploie entre les scores 2.13 et 4.0. Malgré ces différences, les scores moyens et médians indiquent que les élèves se perçoivent comme étant bien acceptés socialement durant les situations de collaboration. En revanche, en éducation physique, certains élèves tels que Camille (score = 1.88), ont une perception plutôt fragile et incertaine de leur propre acceptation sociale. Cependant, il ressort qu’un faible sentiment d’être accepté dans une situation ne conditionne pas nécessairement l’acceptation sociale dans une seconde situation. C’est le cas de Camille et Richard qui se perçoivent différemment acceptés par les pairs d’une situation à l’autre. En effet, Richard a tendance à se sentir très accepté durant le jeu d’équipe en éducation physique (score = 3.88), alors qu’en mathématiques, il rapporte se sentir clairement moins bien accepté (score = 2.88). Acceptation des pairs après chaque tâche Figure 9 : Distribution des scores relatifs à l’acceptabilité par les pairs après la tâche, classe 3 (n = 24) m = 3.27 médian = 3.35 m = 3.47 médian = 3.57 Les résultats révèlent des scores moyens et médians pratiquement similaires pour les mathématiques et l’éducation physique. Le regard que portent les élèves sur leurs camarades de classe semble plutôt positif pour les deux disciplines puisque les scores sont tous supérieurs à 87 2.40. En ce qui concerne Camille et Richard, leurs scores sont égaux en mathématiques (score = 3.29), d’ailleurs proche du score moyen. Dès lors, durant la situation de mathématiques, les perceptions des élèves malentendants ne sont pas en marge de celles de leurs pairs dits ordinaires. En revanche, en éducation physique, les scores de Camille et de Richard sont opposés. Effectivement, Camille semble peu accepter ses camarades puisqu’elle a la position la plus basse de la classe (score = 2.43) qui reste plutôt positive. À l’inverse, Richard accepte grandement ses camarades (score = 3.86). En somme, le fait d’accepter les pairs avec lesquels ces deux élèves doivent travailler ou jouer varient plus en fonction des situations et des tâches à accomplir que du fait d’être un « élève intégré ». Sentiment d’appartenance au groupe après chaque tâche Figure 10 : Distribution des scores relatifs au sentiment d’appartenance au groupe après la tâche, classe 3 (n = 24) m = 3.14 médian = 3.21 m = 3.41 médian = 3.42 L’appréciation moyenne du sentiment d’appartenance est plus élevée en mathématiques (m = 3.41) qu’en éducation physique (m = 3.14) bien qu’ils soient positifs dans les deux situations. On remarque également que la répartition des scores pour les deux disciplines est moins élevée pour les dimensions présentées précédemment puisque très peu d’élèves évaluent leur appartenance au groupe comme optimale. En ce qui concerne les élèves malentendants, on constate à nouveau de grandes divergences similaires aux résultats précédents. Camille évalue très négativement son sentiment d’appartenance à l’équipe en éducation physique (score = 1.57 : le plus bas de la classe), alors qu’en mathématiques elle estime plus appartenir au groupe (score = 3.14). Pour Richard, on observe le contraire comme dans les dimensions précédentes. 6.3.3 Sentiment d’être intégré en situation didactique : discussion des résultats Cette partie consiste à répondre à la deuxième question de recherche énoncée dans la partie problématique : En situation de travail de groupe, en éducation physique et en mathématiques, dans quelle mesure l’élève malentendant intégré se sent-il et se perçoit-il par rapport aux autres élèves de sa classe ? Pour y répondre, nous nous attarderons d’abord sur chacune des questions spécifiques qui ont orienté le travail d’analyse. Enfin, dans un paragraphe conclusif, nous apporterons des réponses à la question générale de recherche. Il conviendra donc ici de prendre en compte l’ensemble des résultats pour les trois classes. 88 a. Dans quelle mesure les dimensions socio-affectives de l’activité de l’élève malentendant varient-elles en fonction des deux situations de travail de groupe en éducation physique et en mathématiques ? b. Dans quelle mesure ces dimensions diffèrent-elles des autres élèves de la classe ordinaire ? Les résultats statistiques montrent globalement que les élèves malentendants intégrés en classe ordinaire ont des perceptions et des sentiments liés à soi en relation aux pairs similaires à ceux de leurs camarades dits ordinaires. Effectivement, les positions des élèves intégrés sont majoritairement proches des scores moyens de la classe qui les intègre. Dans cette partie, il s’agit d’examiner si les perceptions des élèves malentendants varient entre les situations. Les résultats en éducation physique et en mathématiques sont proches, mais ne sont pas pour autant identiques. Les élèves malentendants qui se sentent bien appartenir à leur équipe en éducation physique, ne se sentent pas systématiquement bien appartenir au groupe de recherche en mathématiques. Il est par conséquent possible d’affirmer que l’appréciation des compétences scolaires et sociales, ainsi que le sentiment d’appartenance à un groupe de travail en classe est bien situationnelle, et qu’il est nécessaire de considérer les disciplines et les situations de manière spécifique. Ces résultats sont cohérents avec ceux mis en évidence dans des recherches ultérieures, notamment ceux de Pelgrims (2006, 2013) avec des élèves de classes spécialisées, qui considèrent que les dimensions socio-affectives se construisent en fonction des expériences et interactions didactiques vécues par chaque élève en interaction avec les caractéristiques des situations et pour chaque discipline. Positionner chaque élève malentendant par rapport aux autres élèves de sa classe et sur chaque dimension nous a permis d’examiner la variabilité de leurs appréciations. Camille et Alain se sentiraient globalement mieux intégrés en mathématique, tandis que David et Richard se sentiraient mieux intégrés en éducation physique. Alain, élève malentendant dans la classe 1, se sent globalement bien intégré durant le jeu de ballon prisonnier en éducation physique et durant la recherche en mathématiques. Il se sent toutefois un peu moins accepté par ses camarades et moins appartenir à son équipe de jeu en éducation physique qu’à son groupe de recherche en mathématiques. Il se perçoit mieux accepté socialement par les pairs et se sent plus appartenir au groupe en mathématiques. Nous pouvons supposer qu’Alain se sent mieux intégré en mathématiques puisque les perceptions qu’il a de son groupe de maths (dynamique, climat relationnel et intérêt) sont plus élevées en mathématiques qu’en éducation physique. Or, les élèves malentendants retirent leur appareillage auditif lors des activités d’éducation physique, afin d’éviter tout accident. Puisque l’expression orale d’Alain est alors limitée, nous présumons que lorsqu’il enlève sa prothèse auditive, la communication avec ses pairs est affaiblie. L’enseignant spécialisé qui traduit les échanges oraux, ne peut pas être à proximité de l’élève en situation d’éducation physique puisqu’il risquerait de gêner le jeu. Ainsi, ne pouvant interagir convenablement et dans le même système communicationnel avec ses pairs, nous pouvons alors comprendre que Alain se sente en situation de handicap et moyennement intégré dans l’équipe. En mathématiques, il porte toujours ses appareils et peut donc accéder à la communication par lui-même, et dispose de son enseignant-interprète à proximité si nécessaire. Les résultats de Camille (classe 3) sont plus nets, et permettent d’affirmer qu’elle se sent mieux intégrée dans la situation observée de mathématiques que dans celle d’éducation physique. Durant le jeu de ballon prisonnier, elle se situe en effet souvent à l’extrême gauche, en marge 89 des autres. On pourrait avancer les mêmes hypothèses explicatives que celles énoncées pour Alain. Cependant, Camille a une élocution beaucoup plus élaborée que celle d’Alain, et peut donc communiquer plus aisément avec ses camarades sans avoir systématiquement besoin d’un enseignant spécialisé. Il est possible de convoquer le genre comme hypothèse pour comprendre pourquoi Camille se sent si différemment intégrée en éducation physique qu’en éducation physique. Différentes études (p. ex, Harter, 1998 ; Pierrehumbert, Plancherel et Jankech-Caretta, 1987, cité par Russo, 2007) montrent que les filles se perçoivent plus négativement que les garçons dans les domaines dont l’apparence et les compétences physiques sont en jeu. Effectivement, les garçons auraient une meilleure estime de leurs compétences athlétiques (sportives) que les filles, surtout en phase de préadolescence. Il ne serait pas exclu que ce constat se traduise en situation d’enseignement-apprentissage effective. En outre, Camille est aussi la seule fille de la classe spécialisée pour élèves malentendants, entravant peut-être la possibilité de réguler avec une camarade de même « culture » des perceptions de soi négatives. Sa position marginale, en retrait, durant le jeu de ballon traduit des besoins particuliers. Cette position n’est pas partagée par Richard qui est dans la même classe que Camille. Pour lui, les résultats indiquent qu’il se sent clairement bien intégré dans son équipe de jeu. Pourtant, il se sent un peu moins intégré dans le groupe de recherche en mathématiques. Toutefois, d’autres élèves de cette classe, sans difficulté déclarée, semblent se sentir moins acceptés, intégrés et moins appartenir au groupe que Richard. 6.4 Éléments de réponse à la question générale de recherche Après avoir répondu en détail aux diverses questions qui ont orienté cette recherche, il est temps maintenant de confronter les résultats issus des analyses pour apporter des réponses à la question générale de recherche : Dans quelle mesure l’élève déficient auditif et scolarisé en classe ordinaire se sent-il intégré lors de situations en mathématiques et en éducation physique? Lorsqu’on interroge les élèves malentendants intégrés en classe ordinaire sur les dimensions socio-affectives, qui selon nous, permettent d’apprécier la manière dont ils se sentent intégrés à leur classe d’intégration, plusieurs constats sont mis en évidence. Les résultats de l’étude situationnelle révèlent que ces dimensions socio-affectives de l’activité des élèves sont différemment orientées d’une situation scolaire à une autre. Il en ressort dès lors que les quatre élèves malentendants de cette étude se sentent bien intégrés dans leur classe d’intégration : la valence est majoritairement positive en situation effective d’actions et d’interactions sociales pour accomplir une tâche. Camille semble se sentir plus intégrée dans son groupe de mathématiques, alors que ses pairs semblent tout autant ou mieux intégrés en éducation physique. Le sens commun conduirait à penser que la position des élèves malentendants serait dans les extrêmes, et notamment dans le pôle le plus négatif des appréciations de soi en regard des autres. En somme, selon le sens commun, les élèves intégrés se percevraient très mal acceptés socialement, et que leur rapport au groupe et aux travaux en équipe serait conditionné par leur déficience et statut d’élève malentendant « différent ». Les résultats infirment cette hypothèse de sens commun, puisqu’il a largement été montré que les élèves intégrés rapportent des perceptions socio-affectives similaires à celles de leurs camarades sans difficulté déclarée de classe ordinaire. Aucun clivage n’est donc envisageable entre élèves ordinaires et élèves intégrés. D’ailleurs, il est important de relever que pour la plupart des dimensions, certains élèves scolarisés en classe ordinaire, parfois la majorité, ont des perceptions plus faibles que 90 celles de leurs pairs malentendants intégrés. Cela confirme donc le fait que les élèves malentendant semblent bien intégrés à la classe ordinaire puisqu’ils se sentent acceptés par leurs pairs en situation d’activité, qu’ils se sentent appartenir au groupe, qu’ils perçoivent positivement la dynamique relationnelle. D’autre part, cette étude a permis de montrer que les élèves malentendants intégrés en classe ordinaire ne percevaient pas leur intégration de la même manière en situation d’éducation physique et en situation de mathématiques. Il semblerait effectivement que les trois élèves garçons auraient une tendance à se sentir plus intégrés lors des activités d’éducation physique que dans des situations de travail de groupe en mathématiques. Aussi, plusieurs hypothèses ont été mises en avant pour tenter d’expliquer les différences entre ces appréciations, notamment grâce aux facteurs individuels de l’élève et au contexte matériel de la situation. Les effets des compétences langagières et de l’appareillage auditif des élèves sembleraient provoquer une situation de handicap qui se traduit dans l’activité socio-affective des élèves. Pour conclure, les résultats de la recherche nous permettent d’avancer que l’appréciation du degré d’intégration des élèves malentendants partiellement accueillis en classe ordinaire n’est pas unifactoriel. Effectivement, nous avons constaté que les caractéristiques individuelles de l’élève et les caractéristiques de la situation d’enseignement-apprentissage ont des influences multiples sur les perceptions des élèves. De plus, les analyses corrélationnelles, effectuées pour répondre à la première question de recherche (Zuccone, 2011) ont montré les liens existants entre les différentes dimensions étudiées, ce qui nous pousse à ajouter que la prise en compte et l’examen de facteurs multiples est essentiel pour mesurer et juger la manière dont les élèves se sentent intégrés. Il conviendrait, en plus, d’inclure des dimensions cognitives, ainsi que les interactions sociales effectives pour pleinement saisir ce sentiment d’être intégré en tant qu’élève à part entière dans le groupe-classe. Ainsi, les acteurs pédagogiques qui s’occupent d’intégration ne doivent pas uniquement se focaliser sur certaines représentations et dires des élèves, mais doivent prendre en compte un réseau complexe d’informations et de considérations qui s’articulent autour de l’activité scolaire et sociale du rôle de l’élève. 6.5 Conclusion de la recherche menée à Genève Les résultats présentés dans ce mémoire nous permettent de dire que les élèves intégrés devraient théoriquement s’engager dans les tâches d’apprentissage de mathématiques et d’éducation physique, et plus particulièrement dans les situations de travail de groupe. Effectivement, la revue de la littérature montre que les perceptions des compétences pour la tâche, l’intérêt, le sentiment d’appartenance, la perception de la dynamique relationnelle contribuent à l’intention d’apprendre, l’engagement dans la tâche et la persévérance des élèves (Pelgrims, 2006, 2013). Les élèves considérés pour cette étude semblent avoir des perceptions plutôt positives dans les deux situations étudiées. Cependant, rappelons que toutes ces dynamiques ne sont pas les seuls facteurs motivationnels de l’apprentissage. Par conséquent, il semble plus pertinent d’affirmer que les perceptions positives des compétences scolaires et sociales des élèves intégrés, vont conditionner leur motivation à apprendre en tant que processus complexe. Les facteurs de la motivation sont effectivement multiples (Bourgeois, 2006 ; Bouffard, Mariné & Chouinard, 2004). Au terme de cette étude, nous pouvons donc prétendre que l’intégration du point de vue social et sous l’angle des expressions socio-affectives considérées, de ces quatre élèves déficients auditifs est globalement réussie. Effectivement, s’intéresser à deux situations relevant de deux disciplines aux statuts fort différents et constater que les résultats sont similaires, atteste que 91 l’intégration sociale ne dépend que bien peu du pouvoir ou de la volonté des élèves à s’intégrer dans le groupe. Elle dépend avant tout des dispositifs et des conditions mises en place comme situations didactiques et pédagogiques répondant aux besoins particuliers de tout élève. N’oublions pas que la réussite de cette intégration doit aussi être évaluée en prenant en compte les perceptions des élèves eux-mêmes qui sont au cœur des dynamiques socio-affectives. Au fur et à mesure de l’avancée de cette étude, nous nous sommes rendues compte des limites de cette recherche. La première limite que nous avons constatée réside dans la focalisation sur les quatre sujets malentendants. Effectivement, nous prenons conscience du fait que peu de généralisations sont possibles en raison du faible effectif des sujets interrogés. Un échantillon plus large de situations et de classes permettrait d’étendre les résultats et la récurrence des faits observés. Cependant, les effectifs d’élèves accueillis au centre pour enfants sourds et malentendants sont très faibles. Il n’a donc pas été évident de trouver un échantillon plus large correspondant à la population étudiée. De plus, il aurait été intéressant de pouvoir comparer l’ensemble des dimensions avant et après la tâche de manière plus optimale. Effectivement, cette comparaison aurait pu mettre en évidence des changements de perceptions et ainsi montrer l’importance du contexte sur l’intégration des élèves au groupe-classe. La réalisation de cette étude concernant l’intégration des élèves à besoins éducatifs particuliers en classe ordinaire nous a également fait prendre conscience du fait que certains élèves de classe ordinaire, sans statut de déficience ou difficulté, ne se sentent pas ou très peu intégrés dans leur groupe-classe. Ainsi, nous pensons qu’il est indispensable de ne pas mettre de côté d’autres élèves qui constituent la classe lorsqu’on accueille un élève de l’enseignement spécialisé. Effectivement, tous les élèves peuvent présenter des besoins pédagogiques ou didactiques particuliers à un moment de leur scolarité. Bien que certains besoins soient plus saillants que d’autres, il est nécessaire de s’interroger sur les besoins de tous les élèves. Accorder plus de temps à ceux qui en ont le plus besoins certes, mais attention à ne pas oublier ceux qui ne sont pas désignés institutionnellement pour autant ! 92 7 CONCLUSION COMMUNE En guise de conclusion, nous allons dans un premier temps revenir sur les résultats importants qui peuvent être mis en liens entre nos deux travaux, ceci tant au niveau des relations entre pairs que de l'importance du climat de classe. Nous allons ensuite revenir sur la notion d'élèves à besoins éducatifs particuliers, plus spécifiquement au regard de l'évolution de ce champ dans l'actualité du contexte genevois, en dégageant à la fois des apports utiles issus du contexte finlandais sur cette terminologie. Nous énoncerons brièvement les limites de cette recherche puis, pour conclure, nous présenterons quelques pistes d'action et de réflexion pour les lecteurs. Dans cet ouvrage, nous avons défini l’inclusion scolaire comme les conditions permettant à tous les enfants et à tous les adolescents d’assumer des tâches scolaires et leur rôle d’élève dans un contexte scolaire ordinaire. En somme, il s’agit de permettre à tous les élèves d’assumer leur rôle social attendu dans le système scolaire. En référence à la Classification Internationale du Fonctionnement des handicaps et de la santé (OMS, 2001), l’inclusion scolaire dépasse l’approche catégorielle du handicap en ne ségrégant plus, ou moins, les contextes d’enseignement pour les élèves présentant des besoins éducatifs particuliers. Les élèves dits ordinaires et les élèves dits à besoins éducatifs particuliers sont scolarisés dans un même lieu en bénéficiant de mesures d’aides et de soutien à des moments spécifiques, en fonction de leurs besoins. Il s’agit donc pour tous les élèves, quelles que soient leurs difficultés, d’apprendre avec et parmi les autres. Cette définition de l’inclusion nous amène alors à étudier les perceptions qu’ont les élèves de ce système inclusif au-delà des dimensions cognitives, soit en s’interrogeant sur les dimensions socio-affectives de l’apprentissage inhérentes à l’inclusion scolaire. Les deux études présentées dans cet ouvrage ont donc porté sur les sentiments et les perceptions des élèves, d’une part en Finlande dans un contexte qui se veut inclusif, et d’autre part, à Genève dans une école intégrative. Concernant le sentiment d'appartenance, la recherche menée en Finlande a permis d'identifier un seuil au-delà duquel la classe d'appartenance devient le groupe restreint d'enseignement spécialisé. En effet, il apparaît, pour cet échantillon d'étude, que lorsque les élèves à besoins éducatifs particuliers passent plus de 30% de leur temps scolaire hebdomadaire dans le groupe restreint, celui-ci devient l'entité d'appartenance, au détriment de la classe ordinaire. Il s'agit ici d'un élément important puisque l'on se trouve dans un contexte déclaré comme inclusif, ce qui devrait donc impliquer moins de ségrégation entre le contexte ordinaire et le contexte spécialisé. Or, nous avons pu démontrer que, sur ce point, les mesures de soutien d'enseignement spécialisé, si elles permettent certes de répondre aux besoins pédagogiques et didactiques, entravent le sentiment d'appartenance de certains élèves à leur classe ordinaire en rendant saillant leur retrait régulier de la classe. Dans le contexte genevois, les élèves malentendants ne se sentent pas, pour la plupart, exclus de leur groupe de travail en mathématiques ou de leur équipe en éducation physique. Ils se sentent au contraire appartenir au groupe de manière non différenciée par rapport aux pairs de la classe ordinaire, ce qui est ici le signe d'une intégration scolaire réussie, au sens où nous l'avons définie dans le chapitre 2. Sans avoir cependant demandé aux élèves genevois de comparer leur sentiment d'appartenance en classe spécialisée et en classe ordinaire, nous pouvons supposer, au regard de nos résultats, que le sentiment d'appartenance est fortement corrélé au lieu où les apprentissages significatifs sont effectués, qu'il s'agisse de la classe ordinaire, de la classe spécialisée ou encore du groupe restreint d'enseignement spécialisé. En effet, comme nous l'avons expliqué plus haut, les apprentissages socialement reconnus et 93 valorisés jouent un rôle important dans la définition du rôle social d'élève. Il ressort de nos résultats que le lieu où les élèves à besoins éducatifs particuliers ont le sentiment d'apprendre et donc d'assumer ce rôle-là est souvent celui où ils effectuent ces apprentissages significatifs. Ce lieu devient donc le lieu d'appartenance au regard de l'accomplissement du rôle d'élève socialement reconnu. Ces deux études nous permettent de montrer l’importance des relations entre pairs et du climat de classe dans les points de vue des élèves concernant leur intégration. Effectivement, les élèves à besoins éducatifs particuliers interrogés dans le système inclusif finlandais semblent témoigner de l’importance d’être scolarisés dans un milieu sécurisant, où les relations entre pairs permettent de ne pas se sentir menacé ou stigmatisé, et où les relations avec l'enseignant permettent de répondre de manière adéquate et individualisée aux demandes d'aide de l'élève. Les perceptions de l’environnement immédiat des relations entre pairs contribuent à l'activité d’apprentissage, ceci tant dans le groupe restreint d'enseignement spécialisé que dans la classe ordinaire. Aussi, ces mêmes élèves relèvent le fait que le climat de classe, et plus particulièrement le contrat d’aide instauré par les enseignants et les assistants, est un facteur important dans leur sentiment d'être intégré dans l'école. Dans le contexte genevois, les élèves malentendants se sentent relativement bien intégrés dans leur groupe de travail en mathématiques et dans leur équipe durant les leçons d’éducation physique. Aussi, les résultats statistiques de cette recherche témoignent fortement des relations qui existent entre le sentiment d’appartenance à la classe, les perceptions du climat relationnel entre élèves et l’acceptabilité par les pairs de manière générale. Lorsque l’on se focalise sur des situations didactiques, l’intérêt pour le groupe, ainsi que les perceptions de la dynamique du groupe corrèlent avec les perceptions des compétences sociales des élèves. Ces résultats indiquent de fait que le climat de classe et les relations entre pairs influencent grandement les perceptions que les élèves peuvent avoir de leur sentiment d’être intégrés au groupe-classe qu’ils fréquentent. Dans le cadre de l’intégration des élèves malentendants dans cette école genevoise, il est important de relever l’historique de ce type d’intégration. Effectivement, les élèves malentendants sont regroupés dans cette école depuis de nombreuses années; cette culture et les habitudes contribuent certainement aux perceptions positives qu’ont les élèves de leur intégration. Les enseignants ordinaires et les élèves ordinaires entendants sont fréquemment confrontés aux situations d’intégration et aux particularités du monde malentendant. L’acceptation sociale des élèves malentendants par les élèves entendants peut donc être fortement corrélée à l’historique de ce regroupement spécialisé au sein de cette école. Bien que les relations entre pairs soient présentées ici comme étant positives dans ces deux contextes, celles-ci peuvent rapidement être modifiées pour plusieurs raisons. Effectivement, plusieurs situations font généralement obstacle aux perceptions qu’ont les élèves du climat de leur classe, notamment si les élèves à besoins éducatifs particuliers sont accompagnés à tout moment par un adulte dans leur classe ordinaire. L’exemple de la Finlande montre que les élèves accompagnés en permanence par un assistant personnel se sentent limités dans les interactions et les échanges qu’ils peuvent avoir avec autrui. Cela n’a pas été vérifié dans le contexte genevois, mais nous pouvons supposer que les interactions avec les pairs entendants des élèves malentendants, systématiquement accompagnés par un interprète qui traduit tous les échanges oraux, ou par un enseignant spécialisé qui traduit les échanges oraux et qui fournit de l’aide aux élèves malentendants, soient diminuées en situation d’intégration. L’étude menée en Finlande montre également que ces perceptions peuvent être modifiées en fonction de la nature du trouble ou des difficultés déclarés des élèves, notamment pour les élèves présentant des « troubles du comportement ». Les portraits des élèves malentendants rejoignent cette idée, puisque nous notons que le degré de surdité des élèves joue un rôle 94 fondamental dans la communication que ces derniers entretiennent avec leurs pairs entendants, et de fait, avec la perception qu’ils ont du climat de leur classe d’intégration. En somme, certains aménagements pédagogiques et didactiques, ainsi que certains facteurs personnels des élèves à besoins éducatifs particuliers peuvent entraver les perceptions que les élèves à besoins éducatifs particuliers ont des relations entre pairs et du climat de leur classe. L’étude menée en Finlande montre que l’inclusion scolaire implique de mettre en place un système d’aides permettant de répondre aux besoins pédagogiques et didactiques particuliers des élèves déclarés institutionnellement. Effectivement, les résultats témoignent des bénéfices positifs de ces aides aux yeux des élèves. Toutefois, cette étude s’est focalisée sur ces élèves et n’a pas interrogé des élèves non identifiés institutionnellement sur la perception qu’ils auraient des moyens mis en œuvre pour répondre à leurs besoins. L’étude menée dans le contexte genevois d’intégration met en évidence que les élèves malentendants intégrés en classe ordinaire ne se perçoivent ni plus ni moins intégrés que leurs pairs de classe ordinaire sans difficulté déclarée. Effectivement, leurs perceptions ne sont pas nécessairement négatives et nous ne pouvons attribuer leurs perceptions au simple fait d’être malentendant et dit « intégré » en classe ordinaire. D’autres facteurs sont donc à prendre en compte pour comprendre ce qui induit ces perceptions. Cette étude montre également que certains élèves ordinaires semblent présenter des besoins pédagogiques et didactiques particuliers puisque leurs perceptions sont faibles. Pourtant, ces élèves ordinaires qui semblent présenter des besoins spécifiques pour se sentir totalement intégrés à leur classe, ne bénéficient d’aucun soutien spécifique. Ainsi, en comparant ces deux systèmes, l’un dit inclusif, l’autre dit intégratif, il nous semble important de relever que le but principal de l’école est de permettre à tous les élèves de bénéficier des conditions les plus optimales pour effectuer des apprentissages. Nous observons néanmoins que les systèmes scolaires ne fournissent en réalité pas nécessairement ce type de conditions pour tous. Mettre en œuvre des dispositifs d’aide, de soutien, pour les élèves qui présentent le plus de difficultés nous semble une évidence, mais il nous apparait également important de considérer que d’autres élèves puissent, à un moment de leur scolarité, présenter des besoins pédagogiques et didactiques spécifiques auxquels les enseignants et les intervenants scolaires devraient répondre. Pelgrims et Zuccone (2011) témoignent de cela en affirmant que « le diagnostic de déficience est trop saillant et risque encore et toujours d’influencer le regard du professionnel et d’occulter les besoins pédagogiques et didactiques de tout élève d’une classe ordinaire » (p. 40). En somme, il s'agit pour les enseignants d’essayer de dépasser la déficience puisqu'un élève peut à tout moment de sa scolarité présenter des besoins ponctuels qui nécessitent des mesures d'enseignement spécialisé. Pelgrims et Zuccone (2011) préconisent « des approches et des pratiques résolument inclusives, centrées sur les facteurs scolaires et les besoins pédagogiques et didactiques particuliers des élèves […][pour] aider les enseignants dans l'intégration scolaire de tous les élèves » (p.40). Il convient donc ici de porter un regard sur tous les élèves de la classe en termes de besoins éducatifs particuliers, de façon à y répondre pédagogiquement et/ou didactiquement en prenant en compte leurs spécificités individuelles. Il s’agit de pouvoir répondre collectivement à des demandes individuelles en articulant donc des moments de collectif où tous semblent apprendre ensemble, à des mesures d’enseignement plus individualisées. Dans cette perspective, les pratiques de co-enseignement s'avèrent prometteuses comme le déclarent aussi les enseignants de l'école impliquée en Finlande (Meuli & Pelgrims, 2010). 95 À Genève, la Loi sur l’intégration des jeunes à besoins éducatifs particuliers (LIJBEP) cherche à répondre de manière individualisée aux jeunes à besoins éducatifs particuliers et handicapés. Il est à comprendre que tout élève handicapé est considéré comme ayant des besoins éducatifs particuliers, alors qu’un élève à besoins éducatifs particuliers n’est pas nécessairement handicapé. Paradoxalement, cette loi ne va pas prendre en compte des élèves à besoins éducatifs particuliers étant au bénéfice de mesures spéciales mises en place par le département de l’instruction publique (DIP). Il s’agit notamment ici des élèves au bénéfice de mesures « dys ». Cette loi favorise des réponses aux besoins spécifiques de tous, mais nous relevons toutefois que dans sa mise en pratique elle exclut une certaine population. Comme nous l'avons plusieurs fois annoncé, cette publication est la reprise de certaines parties de deux recherches réalisées pour nos deux mémoires de Licence respectifs. La combinaison de ces deux premiers écrits sous une problématique commune nous a confrontées à certaines difficultés que nous présentons ici comme étant les limites de notre travail. Premièrement, bien que nous partagions certes un cadre théorique initial proche, les dimensions que nous avions chacune étudiées ne se retrouvaient pas nécessairement dans nos deux travaux initiaux et nos publics différaient également. À cela s'ajoute le fait que nous avions utilisé des méthodes de recherche différentes, à savoir une démarche qualitative pour l'une, mettant l'accent sur la finesse des perceptions des seuls élèves à besoins éducatifs particuliers et, pour l'autre, une démarche quantitative cherchant à comparer les perceptions des élèves ordinaires et des élèves à besoins éducatifs particuliers intégrés. Ces aspects n'ont pas rendu le travail de mise en commun et d'articulation évident puisqu'il s'agissait alors pour nous de continuer à garder du sens et de l'objectivité sans extrapoler nos résultats pour faire correspondre les deux contextes. Néanmoins, malgré des angles d'attaque différents, ceux-ci se complètent et permettent de nourrir nos réflexions et nos résultats, sans toutefois faire de comparaisons entre les contextes genevois et finlandais, ce qui n'aurait pas lieu d'être au regard des éléments exposés ci-dessus. Nous retiendrons surtout que ce travail de publication a été pour nous l'occasion de repenser nos deux recherches dans un contexte plus général au regard des réflexions actuelles dans le domaine de l'intégration scolaire et de l'inclusion. Ainsi, nous avons pu relever certains aspects de mise en pratique que nous allons présenter ci-dessous en guise de conclusion de notre travail. Nos deux études ont montré que les intégrations sont généralement associées à des périodes de soutien à l’intérieur ou à l’extérieur de la classe. Il a aussi été mis en évidence qu’une articulation étroite entre l’enseignement ordinaire et l’enseignement spécialisé est nécessaire afin que le groupe restreint, d’appui, d’aide ou de soutien ne devienne pas le lieu d’appartenance scolaire des élèves à besoins éducatifs particuliers. Il s’agit en effet de faire en sorte que la classe ordinaire soit bien le lieu d’appartenance sociale et scolaire de tous les élèves dans le cadre d’intégrations scolaires ou dans une perspective inclusive. Nous retenons de ces observations que la collaboration entre les enseignants (ordinaires et spécialisés) doit être étroite. S'ils ne tentent pas de trouver le sens, le but des intégrations en classe ordinaire, celles-ci deviennent rapidement un non sens puisque l'élève ne sait pas réellement quel rôle et quelles tâches sont attendus de lui en classe ordinaire. Mais, quand les enseignants sont capables de penser ensemble et de prendre en compte ce que l'élève mobilise, réalise et réussit dans l'autre classe, alors cela devient intéressant puisque les enseignants peuvent encourager l'élève à créer des liens entre les classes et entre les activités qui lui sont proposées dans ces deux contextes de scolarisation. Les élèves intégrés n'ont ainsi pas l'impression de vivre dans deux contextes scolaires parallèles sans lien, rendant leur environnement instable. Il convient donc de permettre aux élèves, par divers moyens formels 96 ou informels, de créer des liens entre les différents contextes. Il s’agit ici de la responsabilité des enseignants qui doivent penser, prévoir et organiser ces intégrations de façon proactive et rétroactive pour permettre aux élèves d’effectuer un maximum d’apprentissages dans les meilleures conditions possibles. Les écoles spécialisées sont nécessaires pour répondre au mieux aux besoins de certains élèves, elles devraient être connectées autant que possible avec les contextes d'enseignement ordinaire. Elles devraient encourager les élèves à sortir de l'environnement ségrégué dans lequel ils sont scolarisés afin d'effectuer des activités scolaires et sociales avec des élèves ordinaires dans des contextes ordinaires. Ainsi, même si des raisons matérielles ou organisationnelles incitent les parents, les enseignants et les différents professionnels et partenaires de l’éducation à choisir une institution spécialisée pour scolariser un élève à besoins éducatifs particuliers, il est crucial de planifier et de penser la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers en lien avec celles des élèves dits ordinaires. Le sentiment d'appartenance est un point central quand on parle d'inclusion, il est donc nécessaire de faire en sorte que tous les élèves puissent se sentir appartenir au monde social auxquels ils appartiennent. Ces réflexions nous amènent à nous interroger sur les conditions qui permettent aux enseignants ordinaires et spécialisés d’articuler leurs réponses didactiques et pédagogiques aux besoins spécifiques des élèves et l’activité collective d’apprentissage inhérente au contexte d’une classe. Effectivement, dans une perspective intégrative, des élèves différents, aux compétences et savoirs hétérogènes sont amenés à apprendre ensemble. Comment l’enseignant peut-il alors répondre aux besoins de tous dans ce collectif si différent ? Nous pensons qu’une étude à la fois compréhensive et des pratiques enseignantes pourrait faire suite à cet ouvrage, dans une optique plus prescriptive, permettant ainsi aux professionnels de l’éducation de pouvoir anticiper et réguler les contraintes liées à l’inclusion, notamment au niveau des contextes d’intégration, de l’appartenance au groupe des élèves et au niveau des dimensions qui permettent aux élèves d’entrer dans leur métier d’élève. 97 8 BIBLIOGRAPHIE Abrami, P. C., Chambers, B., Poulsen, C., De Simone, C., d'Apollonia, S., & Howden, J. (1996). L'apprentissage coopératif : Théories, méthodes, activités. Montréal : La Chenelière. Ainscow, M. (2000). The next step for special education. Supporting the development of inclusive practices. British Journal of Special Education, 27 (2), 76-80. Ainscow, M., Booth, T. & Dyson, A. (2006). Improving schools, developing inclusion. Oxon: Routledge. Allal, L. (1999). 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