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Intégrer à Genève, inclure en Finlande : qu'en pensent des élèves à
besoins éducatifs particuliers ?
MEULI, Natalina, ZUCCONE, Cecilia
Abstract
Ce mémoire de maîtrise universitaire en enseignement spécialisé comprend deux recherches
réalisées par chacune des deux auteures. Les deux études contribuent à résoudre une
problématique commune. Le mouvement en faveur de l’école inclusive suppose en effet que
les élèves présentant des besoins éducatifs particuliers soient scolarisés en classe ordinaire.
Or, peu d’études tentent de comprendre les faits d’inclusion et d’intégration sous l’angle de
l’activité et des perceptions qu’ont les élèves à besoins éducatifs particuliers du contexte et
des situations didactiques en classe ordinaire...
Reference
MEULI, Natalina, ZUCCONE, Cecilia. Intégrer à Genève, inclure en Finlande : qu’en
pensent des élèves à besoins éducatifs particuliers ?. Maîtrise : Univ. Genève, 2013
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:31221
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Intégrer à Genève, inclure en Finlande : qu’en pensent des
élèves à besoins éducatifs particuliers?
MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA
MAITRISE UNIVERSITAIRE EN ENSEIGNEMENT SPECIALISE
PAR
Natalina MEULI
Cécilia ZUCCONE
Directrice du mémoire
Greta PELGRIMS
Jury
Jérôme Laederach
Katia Lehraus
GENEVE JUIN 2013
Résumé
Ce mémoire de maîtrise universitaire en enseignement spécialisé comprend deux recherches
réalisées par chacune des deux auteures. Les deux études contribuent à résoudre une problématique
commune. Le mouvement en faveur de l’école inclusive suppose en effet que les élèves présentant
des besoins éducatifs particuliers soient scolarisés en classe ordinaire. Or, peu d’études tentent de
comprendre les faits d’inclusion et d’intégration sous l’angle de l’activité et des perceptions qu’ont
les élèves à besoins éducatifs particuliers du contexte et des situations didactiques en classe
ordinaire. Ainsi, la première étude vise à étudier les perceptions d'élèves à besoins éducatifs
particuliers dans un contexte scolaire dit inclusif, en Finlande ; l’analyse sémantique des données
recueillies à l’aide d’entretiens semi-dirigés révèle la perception et le sentiment d’intégration
d’élèves affiliés à une classe ordinaire tout en bénéficiant d’un soutien en classe de ressource. La
deuxième étude se focalise sur les perceptions d'élèves à besoins éducatifs particuliers dans un
contexte intégratif, à Genève ; les analyses statistiques des données recueillies par des
questionnaires in situ indiquent les perceptions et le sentiment d’intégration qu’ont des élèves
malentendants durant des activités didactiques de mathématiques et d’éducation physique. À travers
l'étude des dimensions socio-affectives de l'apprentissage, nous interrogeons donc l'intégration et
l'inclusion du point de vue des élèves à besoins éducatifs particuliers.
Le but de ce mémoire de maîtrise, par la reprise et l’actualisation de nos résultats initiaux au vu de
l'évolution du contexte politique, est de s’intéresser au plus près aux perceptions et sentiments des
élèves pour mieux définir l’intégration et l’inclusion du point de vue de l’activité des élèves.
Finalement, nous élaborons quelques pistes de mesures pédagogiques et didactiques à l'intention
des professionnels.
TABLE DES MATIERES
1
INTRODUCTION ................................................................................................................ 3
2
DE LA NOTION D'HANDICAP A LA NOTION D'INCLUSION ................................................... 5
2.1 La notion de handicap ................................................................................................................................ 5
2.2 De la notion d'intégration à l'école inclusive .................................................................................... 8
2.2.1 De la ségrégation à l'intégration à l'école publique ............................................................................... 8
2.2.2 De l'intégration vers l'inclusion ..................................................................................................................... 8
2.2.3 Controverses a propos de l'inclusion scolaire ...................................................................................... 12
2.2.4 Formes d'intégration ou d'inclusion scolaire ........................................................................................ 14
3
LES DIMENSIONS SOCIO-AFFECTIVES DE L'APPRENTISSAGE .......................................... 17
3.1 L'estime de soi : une notion multidimensionnelle ........................................................................ 17
3.1.1 Le sentiment de compétences scolaires .................................................................................................. 19
3.1.2 Le sentiment de compétences sociales .................................................................................................... 23
3.1.3 Sentiment d'appartenance et inclusion scolaire .................................................................................. 28
4
ANNONCE DES DEUX ETUDES ......................................................................................... 30
4.1 Problématique générique aux deux recherches ............................................................................ 30
4.1.1 Questions soulevées par la mise en place de pratiques intégratives ou inclusives dans
différents contextes scolaires : contradictions théoriques et pragmatiques ........................................... 30
4.1.2 État des études de l'activité des élèves à besoins éducatifs particuliers scolarisés en classe
ordinaire ............................................................................................................................................................................... 31
4.2 Annonce des deux contextes de recherche ...................................................................................... 32
4.2.1 École dite inclusive : contexte de l'étude menée en Finlande ........................................................ 32
4.2.2 École dite intégrative : contexte de l'étude menée à Genève .......................................................... 36
4.2.3 Similitudes et spécificités des deux systèmes ....................................................................................... 40
4.3 Annonce des deux démarches de recherche.................................................................................... 40
4.3.1 Étude des sentiments et des perceptions des élèves en contexte dit inclusif.......................... 41
4.3.2 Étude des sentiments et perceptions des élèves en situations didactiques ............................. 41
5
COMMENT LES ELEVES A BESOINS EDUCATIFS PARTICULIERS PERÇOIVENT-ILS LEUR
ENVIRONNEMENT SCOLAIRE DIT INCLUSIF ? ETUDE DE CAS EN FINLANDE............................ 42
5.1 Questions de recherche ........................................................................................................................... 42
5.2 Démarche méthodologique.................................................................................................................... 44
5.2.1 Méthode de récolte de données .................................................................................................................. 44
5.2.2 Le guide d'entretien ......................................................................................................................................... 45
5.2.3 Echantillon d'étude .......................................................................................................................................... 47
5.3 Démarche d'analyse des données........................................................................................................ 48
5.4 Perception d'élèves intégrés dans une école en Finlande : présentation et discussion des
résultats .................................................................................................................................................................. 48
5.4.1 Le sentiment d'appartenance des élèves ................................................................................................ 48
5.4.2 Perceptions des relations entre pairs ....................................................................................................... 51
5.4.3 Sentiment de compétence et perception de l'aide .............................................................................. 53
5.4.4 Perception de la fonction des enseignants et des assistants et les relations avec eux......... 55
5.4.5 Perception du système finlandais et de l'organisation de l'école ................................................. 59
5.5 Conclusion de la recherche menée en Finlande ............................................................................. 61
1
6
SENTIMENT D'INTEGRATION DES ELEVES PRESENTANT UNE DEFICIENCE AUDITIVE EN
SITUATIONS DIDACTIQUES EN CLASSE ORDINAIRE ................................................................ 65
6.1 Problématique et questions de recherche ....................................................................................... 65
6.1.1 Problématique .................................................................................................................................................... 65
6.1.2 Questions de recherche .................................................................................................................................. 67
6.2 Démarche méthodologique.................................................................................................................... 69
6.2.1 Échantillon d’étude .......................................................................................................................................... 69
6.2.2 Instruments de recueil de données ........................................................................................................... 73
6.2.3 Procédure de recueil des données et difficultés rencontrées......................................................... 74
6.2.4 Démarche d'analyse des données .............................................................................................................. 77
6.3 Présentation et discussions des résultats ........................................................................................ 77
6.3.1 Sentiment d’être intégré en général : résumé des résultats............................................................ 78
6.3.2 Sentiment d’être intégré en situations didactiques ............................................................................ 78
6.4 Éléments de réponses à la question générale de recherche ...................................................... 90
6.5 Conclusion de la recherche menée à Genève ................................................................................... 91
7
CONCLUSION COMMUNE ................................................................................................ 93
8
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................. 98
2
1 INTRODUCTION
Après avoir accompli une formation d'enseignantes primaires, nous avons toutes deux choisi de
poursuivre notre cursus académique par une maîtrise en enseignement spécialisé. S'est alors posée
la question du travail de fin d'études pour l'obtention de ce diplôme. Nous avons pris l'option de
mettre en commun certaines parties de nos recherches respectives réalisées comme mémoires de
Licence en Sciences de l'Education, mention Enseignement primaire, et de les présenter et discuter
sous une problématique commune. C'est l'objet de cet ouvrage publié dans les Cahiers de la Section
des Sciences de l'Education. En effet, nous avions toutes deux axé nos précédentes recherches de
mémoire dans le domaine thématique de l'intégration et de l'inclusion scolaire d'élèves à besoins
éducatifs particuliers. En outre, les deux recherches concernent l'activité de l'élève intégré en classe
ordinaire dans les dimensions socio-affectives. Ces dimensions sont étudiées en lien avec les
contextes et les situations dans lesquels des élèves déploient leur activité.
Dans son travail intitulé « Intégration des élèves présentant une déficience auditive en classe
ordinaire : étude de la variabilité des dynamiques socio-affectives en fonction des situations
scolaires », Zuccone (2011) a mené son étude à Genève dans le contexte d'intégration d'élèves
malentendants en classe ordinaire de l'école primaire.
Dans son travail intitulé « Comment les élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent-ils leurs
environnement scolaire inclusif ? Une étude de cas en Finlande1 », Meuli (2011), quant à elle, a
choisi de se pencher sur les perceptions des élèves à besoins éducatifs particuliers d'une école dite
inclusive en Finlande.
Ce nouvel ouvrage est ainsi l'occasion de contribuer à élucider une problématique commune, sous
deux angles différents et dans deux systèmes scolaires différents, mais aussi à différents niveaux
contextuels de l'activité des élèves intégrés. Tout d'abord, en Finlande, contexte scolaire déclaré
comme inclusif, Meuli (2011) a étudié les perceptions des élèves à besoins éducatifs particuliers en
relation avec deux contextes d'enseignement, à savoir la classe ordinaire et le groupe restreint de
soutien d'enseignement spécialisé. Puis, à Genève, contexte davantage intégratif, Zuccone (2011) a
étudié les perceptions des élèves malentendants et de leurs pairs ordinaires dans deux situations
didactiques différenciées, en éducation physique et en mathématiques.
Nos deux recherches concernent l’intégration scolaire du point de vue des élèves. Nous ne nous
focaliserons pas sur des aspects cognitifs, mais davantage sur les dimensions socio-affectives de
l’apprentissage. À l'aide de différentes méthodes de récoltes des données, ces études ont pour
objectif d’interroger les élèves sur leur sentiment d’intégration ou d’inclusion en classe ordinaire.
Les démarches méthodologiques sont également différentes puisqu'il s'agit d'une étude qualitative
menée sous formes d'entretiens avec des élèves en Finlande, et d'une méthode quantitative sous
forme de questionnaires complétés par des élèves dans le contexte genevois. La proximité de nos
cadres théoriques et de nos questionnements nous a permis de réunir certains apports de nos deux
travaux de mémoire de Licence afin d'arriver à la présente publication. Cet ouvrage comporte sept
chapitres. Les deux chapitres qui suivent cette introduction sont réservés à une revue de la
littérature incluant des apports conceptuels et des résultats d'études sur les thématiques du handicap,
de l’inclusion et de l’intégration scolaire (chapitre 2), de l’estime de soi, du sentiment de
compétence et d'appartenance (chapitre 3). Dans le deuxième chapitre, le regard conceptuel est
mené selon un fil historique, puis nous présenterons quelques controverses qui ont amené ces
concepts à évoluer, ainsi que les controverses encore d’actualité. Le troisième chapitre théorique
portera quant à lui sur les dynamiques socio-affectives à partir du concept multidimensionnel
d’estime de soi et du sentiment de compétence. Cet ancrage théorique nous permet de cerner les
1 Traduit par Natalina Meuli. Ce mémoire de licence a été rédigé en anglais de façon à ce que l'école où les
entretiens ont été menés puisse accéder aux résultats. C'est pour cette même raison que de nombreuses
traductions apparaîtront tout au long de cet ouvrage.
3
connaissances produites et d'en dégager notre problématique commune ainsi que les indicateurs de
l’inclusion ou de l’intégration. Ces deux chapitres sont rédigés conjointement à partir des notions
théoriques que nous avions toutes deux abordées dans nos mémoires respectifs. Il a parfois été
nécessaire de situer précisément certains éléments en regard de nos deux études, et plus
particulièrement en fonction des différents contextes dans lesquelles celles-ci ont été menées.
À la suite de cet ancrage théorique, nous présenterons tout d'abord la problématique commune à
nos deux études. Ce quatrième chapitre comprendra aussi la description des deux contextes de
recherche. La fin de ce chapitre est consacrée à l’annonce des deux projets de recherche et des
questions particulières qui les guident.
Dans le cinquième et le sixième chapitre, les deux études respectivement menées en Finlande et à
Genève seront présentées. Celles-ci seront exposées de manière singulière puisque des éléments de
problématique et questions de recherche, les méthodologies et les résultats sont propres à chaque
étude. Seuls les résultats les plus significatifs et contribuant à la problématique commune ont été
retenus pour cet ouvrage. Ainsi, pour plus d’informations au sujet de ces études et la présentation
détaillée de l’ensemble des résultats, nous renvoyons le lecteur aux recherches initiales (Meuli,
2011 ; Zuccone, 2011). Les résultats sont ensuite exposés et discutés en regard des problématiques
de recherche.
Enfin, le septième chapitre étant conclusif, nous confronterons les résultats issus des deux études, et
nous montrerons l’importance de considérer le point de vue des élèves comme indicateur des
pratiques d'intégration et d'inclusion scolaire effectives. Cela nous permettra finalement d’ouvrir un
nouveau questionnement avec de nouvelles pistes d’investigation.
4
2 DE LA NOTION DE HANDICAP A LA NOTION D'INCLUSION
Dans cette partie théorique, après avoir défini la notion de handicap, les concepts d’intégration et
d’inclusion seront présentés et discutés. Nous mettrons également en évidence les aspects de mises
en œuvre de l'inclusion et de l'intégration, tout en présentant leurs limites.
2.1
La notion de handicap
Tout élève présentant une déficience, un trouble, une difficulté peut se trouver en situation de
handicap dans un contexte scolaire. Ainsi, dans ce paragraphe, il conviendra tout d’abord de définir
les notions de handicap, de situation de handicap dans leur évolution. Cela nous permettra donc
d’inscrire la notion de handicap dans les concepts plus généraux d’intégration et d’inclusion
scolaire qui seront présentés dans la suite de cet ouvrage.
Une ancienne définition désigne le handicap comme un désavantage social résultant d’une cause
biologique. On retrouve d’ailleurs cette notion étymologique dans l’essence même du mot « hand in
cap » qui signifie « main dans le chapeau » en anglais. À l’origine, ce terme était employé pour
donner un avantage à des candidats qui présentaient éventuellement une infériorité. Ce terme a alors
été repris pour désigner les personnes présentant une infériorité, un écart par rapport à la norme, au
niveau physique, moteur, mental, sensoriel, etc.
Sous la responsabilité de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), un groupe de travail a eu en
charge de caractériser, de définir et de classer les handicaps, dans le but de développer des
conventions internationales sur la santé. En 1980, une classification des handicaps voit le jour ; la
Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages (CIH-1)
(OMS, 1980, traduit en français en 1988). Cette dernière place le concept de maladie au centre de sa
réflexion, et détermine une suite logique de composantes du handicap. Effectivement, selon l’OMS,
le handicap « désigne les difficultés qu’est susceptible de rencontrer un individu dans sa vie sociale
ou personnelle du fait d’une altération corporelle ou d’une invalidité » (Rossignol, 2007, p. 2).
Wood (OMS, 1980) propose un modèle linéaire représentant les relations entre causes étiologiques
et handicaps.
Causes  Déficiences  Incapacités  Désavantages
Selon cette définition, l’étiologie (différentes causes biomédicales) entraine une ou plusieurs
déficiences. Ces déficiences créeraient ensuite, pour la personne atteinte, des incapacités à
accomplir certaines tâches socialement attendues. Ces déficiences et ces incapacités entrainent alors
des désavantages qui concernent directement les conséquences sociales dans les contextes de vie de
l’individu. En résumé, une personne est dite handicapée lorsqu’elle ne peut, en raison d’une
maladie, accomplir certaines tâches socialement attendues compte tenu de sa culture et de son âge.
Dans cette définition, les déficiences sont « une perte, une malformation ou une anomalie d’un
organe, d’une structure ou d’une fonction mentale, psychologique, physiologique ou anatomique »
(Petit, 2001, p. 36). La déficience concerne neuf catégories répertoriées par l’OMS: les déficiences
intellectuelles, physiques, langagières, de l’appareil auditif, de l’appareil visuel, des autres organes,
du squelette, de l’esthétique et des fonctions générales.
Les incapacités induites par les déficiences se répercutent directement sur le fonctionnement
quotidien d’une personne. L’incapacité correspond donc à toute réduction (partielle ou totale) de la
5
capacité d’accomplir une activité dans les limites considérées comme la norme. Ces incapacités ont
elles aussi été répertoriées dans différents domaines touchant principalement : le comportement, la
communication, les soins corporels, la locomotion, l’utilisation du corps, les maladresses et
l’intolérance à certaines situations.
Finalement, les désavantages représentent les conséquences sociales des incapacités et des
déficiences, et l’adaptation de l’individu et de ses interactions avec son milieu social.
Ce premier modèle proposé par la CIH-1 est linéaire et ne comprend pas l’environnement en tant
que tel comme composante déterminante du handicap. D’après cette définition de l’OMS, une
personne présentant une déficience auditive serait handicapée car sa déficience auditive entrainerait
une incapacité à communiquer selon les normes attendues. Par exemple, elle ne peut communiquer
oralement avec des personnes entendantes. Cependant, nous savons aussi que cette incapacité à
communiquer n'est pas systématique, les prises en charge éducatives, logopédiques, et scolaires
permettent d'accéder à d'autres modes de communication (lecture labiale, langage parlé-complété).
Il en résulte une nette réduction des incapacités à communiquer. En outre, quand cette personne est
placée dans un contexte social avec des interlocuteurs sourds et malentendants qui utilisent tous la
langue des signes, peut-on affirmer qu’elle est toujours dans une situation ne lui permettant pas
l’accès à la communication ? La réponse bien sûr est négative, puisqu’elle pourra s’exprimer en
langue des signes par exemple, et de fait sera tout à fait capable de s’exprimer et de communiquer.
Ainsi, comme le propose Gillig (2006), il est plus pertinent de parler de « handicap en situation »
(p. 114), puisqu’un individu n'est pas limité dans ses capacités à accomplir des tâches dans toutes
les situations sociales. L'usage prédominant de « personne handicapée » traduit « une confusion
permanente entre l’existence d’une déficience et la réalité individuelle et sociale de ses
conséquences » (Petit, 2001, p. 36). Un élève présentant une déficience auditive serait donc en
situation de handicap lorsqu’il doit par exemple écouter son enseignant car les conditions ne sont
pas adaptées (n'entend pas, ne peut pas lire sur les lèvres, etc.), mais ne le serait pas quand il s'agit
de réaliser un exercice de mathématiques où l’oral n’est pas nécessairement convoqué.
Dans l’évolution de la notion de handicap, de nombreux chercheurs dont Fougeyrollas proposent
une pensée nouvelle de la notion de handicap. En effet, selon Fougeyrollas (2002), le handicap n’est
pas lié à l’individu et à sa déficience, mais réside dans une interaction entre l’individu et
l’environnement dans lequel il évolue. Il s'agit donc d'un processus multidimensionnel. Cette
approche conçoit l'environnement social et physique comme facteur déterminant du handicap. Si
l’environnement n’est pas adapté à l’individu présentant une déficience ou une incapacité à
accomplir une tâche attendue, alors cette personne est confrontée à une situation de handicap. À
l’opposé, il n'y a pas de situation de handicap si l’environnement est adapté. La classification des
handicaps est alors modifiée et prend corps sous le nom de CIH-2, puis de CIF, soit la
Classification Internationale du Fonctionnement des handicaps et de la santé (OMS, 2001).
Dans le modèle fondant cette nouvelle classification, les concepts incapacité et désavantage sont
respectivement relayés par ceux de limitation d’activités et de restriction de participation.
L’activité désigne « l'exécution d'une tâche ou d'une action par un individu. Elle constitue la
dimension individuelle du fonctionnement » (OMS, 2001, p. 167). La limitation d’activité se réfère
au fait que l’individu ne peut pas ou de façon insuffisante réaliser une ou plusieurs activités
attendues dans un environnement déterminé et selon des conditions habituelles. La participation est
définie comme étant l’« implication de l'individu dans une situation vécue. Elle constitue la
perspective sociétale du fonctionnement » (OMS, 2001, p. 167). Dès lors, la restriction de
participation se rapporte à la notion de performance, de réalisation de son rôle dans un
environnement social, et réside plus particulièrement « dans les problèmes qui peuvent se poser à
un individu lorsqu'il s'implique dans des situations vécues » (OMS, 2001, p. 167).
6
Avec cette nouvelle classification, un nouveau concept voit le jour pour définir les situations
d'activités en lien avec les facteurs personnels de l'individu et avec les facteurs environnementaux.
Le handicap est donc perçu de manière situationnelle et non seulement en termes de déficience. La
terminologie situation de handicap est alors préconisée. « La situation de handicap concerne toute
situation dont les conditions sociales, matérielles et temporelles données empêchent une personne
d'accomplir les tâches attendues et de remplir le rôle social attendu dans un contexte socioculturel
donné » (Pelgrims & Cèbe, 2010, p. 113). Sous l'influence de cette approche interactionniste, une
nouvelle terminologie est utilisée pour nommer les différents besoins des élèves se trouvant en
situation de handicap dans le contexte scolaire. On parle alors d'élèves à besoins éducatifs
particuliers. Pour répondre à ces besoins, le système scolaire met en place des mesures matérielles,
thérapeutiques, pédagogiques et didactiques afin que tous les élèves puissent accomplir leur rôle.
À l'école, une situation de handicap scolaire résulte donc de l’inadéquation entre les besoins
éducatifs, pédagogiques et didactiques particuliers d’un élève et les caractéristiques du contexte de
classe dans lequel il doit accomplir ses tâches et son rôle d'élève (Pelgrims & Cèbe, 2010, p. 114).
Toutefois, il est important de préciser qu'actuellement « l'usage du terme [besoins éducatifs
particuliers] en dévie le sens premier et besoins éducatifs particuliers est de plus en plus utilisé pour
désigner des individus, pour qualifier ceux et celles, des personnes, des élèves, qui présentent un
handicap, une déficience » (Pelgrims, 2011, p. 8). Dans la suite de ce travail, la meilleure
appellation pour désigner ces élèves serait élèves déclarés en difficultés ou présentant une
déficience. Toutefois, cette appellation n'est pas communément employée. Les chercheurs comme
les professionnels du domaine utilisent principalement les termes de situation de handicap et de
besoins éducatifs particuliers pour désigner ces personnes. Nous n'utiliserons pas l'appellation
situation de handicap puisque ce concept a été détourné au profit d'un besoin constant de désigner
des personnes différentes. En effet, cette formule se réfère à la fois à la personne présentant une
déficience et à la situation dans laquelle elle se trouve. Le langage commun et la littérature font
usage du terme personne en situation de handicap pour nommer l'appartenance au groupe de
personnes présentant une déficience. Pour des raisons de convenance et au regard du langage actuel
dans le domaine, nous utiliserons la notion d'élèves présentant des besoins éducatifs particuliers,
même si celle-ci ne peut pas être employée comme un attribut de personne, dans la mesure où elle
dépend des situations.
À ce sujet, beaucoup de sourds refusent d’ailleurs le qualificatif de « personne en situation de
handicap » car ils estiment qu’ils ne sont pas dans la norme officielle, à savoir la langue oralisée,
mais qu’ils peuvent cependant communiquer dans leur propre langue. Ainsi, le fait d’avoir mis en
place des processus de compensation, comme la langue des signes ou la lecture labiale par exemple,
ne place pas toujours les personnes malentendantes et sourdes dans une situation de handicap. On
voit donc bien à quel point la notion de handicap est situationnelle et nécessite d’être prise en
compte dans un environnement particulier. Dethorre (2006) rappelle qu’« on n’est sourd que pour
ceux qui entendent et parlent, de même qu’on n’est entendant que pour ceux qui entendent peu ou
pas, et n’utilisent la langue orale que fort difficilement » (p. 42). Ainsi, la situation de handicap
dépend de l’environnement physique d’une part, et de l’environnement social d’autre part.
La notion de norme doit être remise en question puisqu'à certains moments la déficience passe
inaperçue alors qu'à d'autres moments, elle est mise en avant dans des situations qui ne sont pas
adaptées. On peut s’interroger sur les limites de cette norme, à savoir quand est-ce qu’une personne
est considérée dans la norme ou hors-norme. Cette construction sociale et environnementale met
donc en évidence la relativité de la norme, dans la mesure où, comme le dit Goasmat (2008) :
une même déficience n’entraîne pas le même handicap et ce sont des modes d’organisation sociale et
politique qui feront de la déficience tantôt un handicap léger, tantôt une marginalisation, une exclusion.
En ce sens, le handicap est, au contraire de l’infirmité, un produit de l’organisation sociale (p. 48)
7
Finalement, tous ces besoins éducatifs particuliers ont été identifiés au regard d'une certaine norme
scolaire et sociale qui a reconnu l'élève tout-venant, dit ordinaire, et ses caractéristiques (rythme de
travail, autonomie, encadrement, atteintes de fin de cycles, …) comme étant la norme. Un élève
sortant des balises ordinaires devient alors, par définition, un élève hors-norme, c'est-à-dire un élève
présentant des besoins éducatifs particuliers. Gillig (2006) explique d’ailleurs que « cette définition
du handicap renvoie à la fois à la norme, comme étant un écart à la norme, et à la catégorisation »
(p.111). Des catégories sont créées socialement de façon à pouvoir savoir qui entre dans la norme et
qui est en marge de celle-ci.
Au regard des éléments discutés ci-dessus, nous nous interrogerons par la suite sur la place que les
élèves présentant des besoins éducatifs particuliers occupent dans le système scolaire. En effet, la
désignation de ces élèves a impliqué une réorganisation des systèmes éducatifs pour leur permettre
une scolarisation. Au départ, celle-ci était totalement isolée des structures d'enseignement ordinaires
alors qu'aujourd'hui, les volontés politiques tendent à vouloir intégrer ou inclure ces élèves dans les
écoles publiques.
2.2
De la notion d'intégration à l'école inclusive
2.2.1 De la ségrégation à l'intégration à l'école publique
Durant les soixante dernières années, la terminologie propre à l'enseignement spécialisé a changé et
a évolué, ce qui signifie que les valeurs et la philosophie sous-jacentes ont elles aussi évolué.
Jusque dans les années 1960, presque tous les pays pratiquent une politique de ségrégation. En
d’autres termes, cela signifie que les élèves présentant une déficience sont isolés des
environnements scolaires ordinaires et même publics ou de toute école, et donc des autres élèves.
Les enfants et les adolescents étaient généralement accueillis dans des institutions, des asiles, ou
dans des écoles spécialisées. Ces pratiques institutionnelles reposaient sur le postulat selon lequel
environ 3% de la population en âge scolaire était « incapable » de suivre l’école régulière, n’était
pas « scolarisable », ni même « éducable » (terminologie de l’Assurance Invalidité en Suisse, en
vigueur dans les années 1970-1980). De même, en Finlande, à la fin de la Seconde Guerre
mondiale, « l'idéologie du système finlandais parallèle d'éducation reposait sur l'inéquitable
distribution de l'intelligence dans la population2 » (Kivirauma, Klemelä & Rinne, 2006, p. 118).
L'enseignement spécialisé était également basé sur cette supposition. Les élèves dits « déficients »
étaient considérés comme ayant une structure mentale différente, ou un retard de développement
mental qui impliquait, comme solution logique, un environnement scolaire ou éducatif séparé. La
rupture avec cette approche pédagogique et ce système s'est faite en Finlande entre 1972 et 1977.
C'est alors le début du système de l'école obligatoire qui a rapproché l'enseignement ordinaire et
l'enseignement spécialisé.
2.2.2 De l'intégration vers l'inclusion
Intégration : définition conceptuelle
Dès les années 1960 débute un mouvement revendiquant le droit et l’accès à l’école publique pour
les enfants handicapés. Ce droit est acquis dans différents pays occidentaux à partir des années
1975. Dans certains systèmes (Suède, Italie…) on privilégie d’emblée l’intégration à l’école et en
classe ordinaire. Dans la majorité des pays, on met en place des structures différenciées
d’enseignement spécialisé allant de l’intégration en classe ordinaire vers une scolarisation en
institution ou en école séparée, toute forme de classe à effectif réduit plus ou moins proche de
2 Traduit par Natalina Meuli
8
l’ordinaire. On assiste alors aux politiques dites « intégration » ou « normalisation » (integrationmainstreaming) (Doré, Wagner & Brunet, 1996). Doré et al. (1996) le résume par les propos
suivants : « La notion d'intégration scolaire est un construit historique qui est apparu à la fin des
années 60, qui se révèle tributaire des façons nouvelles de considérer la société, l'école et, tout
particulièrement, certaines populations historiquement marginalisées » (p. 30).
Dans les pratiques scolaires, le concept d’intégration se traduit par différentes niveaux. En effet, les
pratiques intégratives en classe ordinaire peuvent être très différentes et plus ou moins effectives.
Les auteurs proposent de distinguer trois niveaux d'intégration : l'intégration physique, l'intégration
fonctionnelle et l'intégration sociale (Fuster & Jeanne, 2003, pp. 165-170). La première est
élémentaire; il s'agit d'un placement scolaire. Dans un contexte scolaire, une intégration physique
revient à placer un élève à besoins éducatifs particuliers dans le même espace que ses pairs
ordinaires. L'intégration est une décision structurelle. Un ou plusieurs élèves avec des déficiences
sont placés dans des classes ordinaires pour effectuer des tâches différentes de leurs pairs, ou
parfois même pas de tâches scolaires. Comme Doré (2001) le spécifie, « ce niveau d'intégration
n'implique pas nécessairement des interactions entre les individus physiquement réunis » (p. 4).
Cette intégration d’ordre physique est alors déterminée par le fait que des personnes différentes se
trouvent dans les mêmes lieux physiques. Gillig (2006) définit d’ailleurs cette intégration par des
« temps communs où les uns et les autres se côtoient physiquement » (p. 176). Ce type d’intégration
se résume donc à la présence d’individus différents dans un même lieu au même moment.
L'intégration fonctionnelle est plus complexe parce qu'en plus d'être dans le même espace, les
élèves à besoins éducatifs particuliers doivent réaliser des tâches d’apprentissage comme les autres
élèves. La fonction de leur placement est d'effectuer des tâches dans le même environnement que
d’autres élèves dits « ordinaires ». Ces tâches n’étant pas nécessairement les mêmes que celles
assignées aux autres élèves, l’élève ainsi intégré n’apprend pas avec les autres.
Ces deux formes d’intégration comprennent :
l’enseignement en commun d’enfants en situation de handicap et d’enfants dit normaux dans le cadre de
classes ordinaires, tout en leur proposant le soutien nécessaire (pédagogique, thérapeutique) pour faire
face aux besoins spécifiques de leur environnement sans avoir recours à la séparation scolaire. (Bless,
2004, p. 14)
Cette définition conçoit l’intégration comme étant tout d’abord physique, puisque un ou plusieurs
élèves sont placés avec des élèves de classes ordinaires. Elle présente également un caractère
fonctionnel car l’élève doit pouvoir évoluer comme ses camarades dans cet environnement social
qu’est la classe et l’institution scolaire en générale. La définition de Bless (2004) ne sous-entend
cependant pas le fait que l’intégration doit permettre à l’élève en situation de handicap de travailler
avec ses camarades ordinaires. En somme, intégrer un enfant ayant des besoins éducatifs
particuliers revient à aménager l’environnement pédagogique et didactique dans lequel il se trouve,
pour répondre à ses besoins spécifiques. Bless (2004) affirme que « l’intégration est une mesure
pédagogique qui est appliquée en garantissant une prise en charge adéquate et individualisée de tous
les enfants » (p. 14).
Finalement, l'intégration sociale, que certains appellent également intégration scolaire, implique que
les élèves à besoins éducatifs particuliers réalisent de réelles tâches d'apprentissages dans des
conditions leur permettant d'assumer leur rôle social : être un élève, et apprendre avec et parmi les
autres. Cette intégration est aussi appelée intégration pédagogique par certains chercheurs (voir
Doré, 2001). Cela consiste en des relations sociales positives entre les élèves, c'est-à-dire entre les
élèves à besoins éducatifs particuliers et les élèves ordinaires. Ce type d’intégration implique
également des interactions didactiques entre les enseignants et tous les élèves dans le but de
favoriser les apprentissages scolaires de tous les élèves ordinaires ou intégrés (Pelgrims, 2009,
2011).
Bien que la notion d’intégration scolaire ait été définie précédemment, il nous parait important de
pointer une confusion conceptuelle à propos de celle-ci. Cette confusion théorique apparait souvent
9
dans les pratiques scolaires ainsi que dans la littérature. Les pratiques d'intégration qui ne sont pas
sous-tendues par des attentes spécifiques d'apprentissages scolaires, mais plutôt par des interactions
sociales tout venantes, sont souvent désignées par intégrations sociales. De ce point de vue, certains
enseignants essaient d'offrir à leurs élèves à besoins éducatifs particuliers un espace, hors situations
d’enseignement-apprentissage, pour créer des relations sociales positives avec les autres élèves.
Généralement, cette forme d’intégration a lieu durant les leçons de musique, d'éducation physique
ou de travaux manuels, par exemple. Il ne s'agit donc pas d'une intégration sociale au sens scolaire
décrite ci-dessus, puisque les élèves dits « intégrés » interagissent avec leurs pairs sans assumer le
même rôle social d’élève-apprenant attendu par l'école et par l'environnement socio-culturel
(Pelgrims, 2009). De notre point de vue, nous réservons l’intégration sociale pour désigner les
pratiques visant à intégrer des élèves à besoins éducatifs particuliers dans une classe ordinaire avec
des attentes et des objectifs d'apprentissage clairement définis dans des disciplines socialement
reconnues et valorisées (par exemple dans le domaine de la communication orale, des langues et
des sciences). Celle-ci peut alors être appelée intégration scolaire par certains enseignants.
Même si l'élève est bien intégré dans la classe ordinaire, il est toujours rattaché à la classe
spécialisée. C'est comme une étiquette. L'élève est toujours vu et reconnu comme quelqu'un de
différent dans la classe. Dans chaque classe ordinaire, l'appartenance administrative à
l'enseignement spécialisé et l'appellation de l'élève à besoins éducatifs particuliers intégré exacerbe
les différences de statuts entre élèves; des différences inter-individuelles existent. La continuité des
pratiques ségrégatives est une des raisons pour laquelle les professionnels, durant les années 1990,
ont commencé à parler d'inclusion scolaire plus que d'intégration scolaire (Doré et al. 1996).
La définition de l’intégration montre que ce concept revient à scolariser un individu dans un autre
groupe en lui apportant l’aide dont il a besoin pour y parvenir. En somme, il s’agit de « maximiser
la participation (potentielle) d’une personne dans le courant de la culture principale de sa société »
(Doré et al., 1996, p. 32). Ces propos mettent en évidence l’objectif principal de l’intégration qui est
de ne laisser personne en marge de la société, puisqu’elle tend à les intégrer dans des conditions les
plus proches de la norme. Grâce aux mesures d’intégration, les élèves présentant certaines
difficultés ou handicaps sont donc intégrés à l’école, lieu adapté en fonction de leurs besoins
spécifiques.
Cette définition de l’intégration renvoie alors à la norme. Doré et al. (1996) nous éclairent à ce
sujet :
La notion clé en matière d’intégration est la normalisation. Pour l’essentiel, le principe de normalisation
vise, dans la mesure du possible, à rendre accessibles aux personnes socialement dévalorisées des
conditions et des modèles de vie analogues à ceux que connaissent, de façon générale, l’ensemble des
personnes d’un milieu ou d’une société donnés. (p. 32)
L’intégration tend donc à réduire les inégalités de traitement entre les élèves présentant une
déficience et les élèves ordinaires.
Inclusion : définition conceptuelle
Dans les années 1990, un autre modèle s’est mis en place. Effectivement, des chercheurs OutreAtlantique proposent le terme d’inclusion scolaire qui est « une démarche visant à repousser les
limites du programme d’enseignement et de gestion de classe pour y inclure une plus grande
diversité d’élèves aux caractéristiques différentes » (Elliot, Doxey & Stephenson, 2009, p. 17).
Dans cette démarche, « tous les enfants doivent être inclus dans la vie sociale et éducative de leur
école et classe de quartier et pas seulement placés dans le cadre scolaire normal (mainstream) »
(Doré et al., 1996, p. 36). Autrement dit, selon cette optique il s’agit d’aménager entièrement
l’environnement de l’élève de façon à ce que celui-ci trouve tout ce dont il a besoin au même
10
endroit que ses camarades ordinaires. Cela se traduit par le fait que les élèves sont ensemble afin
d'accomplir des tâches scolaires, en permettant à tous d'assumer leur rôle social, ce qui est un pas de
la ségrégation vers l'inclusion. Celle-ci permet aux élèves de vivre, d'apprendre et de se développer
au sein d'un même contexte et à travers des interactions d'enseignement-appprentissage capables de
prendre en compte les besoins spécifiques de chacun. L’école inclusive serait une école accessible à
tous : la classe ordinaire devient alors « le lieu principal ou exclusif de scolarisation des élèves en
difficultés » (Doré et al., 1996, p. 39). Ainsi, « sans être incompatible avec la notion d’intégration,
celle d’inclusion institue l’intégration de façon plus radicale et plus systématique, et met l’accent
sur les applications pratiques de l’intégration » (Doré, et al., 1996, p. 37). Le modèle inclusif
reproche à l’approche intégrative de vouloir intégrer un individu qui fait déjà partie du groupe.
L’inclusion scolaire vise alors essentiellement à créer un milieu scolaire adapté à tous les individus
d’une population, en accordant à chacun d’eux d’être scolarisés dans un même lieu, selon leur âge
et leur quartier de domicile. En somme, « c’est à l’institution scolaire de s’ouvrir, de se mettre à
portée d’enfants singuliers, et non le contraire » (Bertin, 2007, p. 241). Dans le système inclusif, il
s’agit alors non seulement de prendre en compte les différences, mais de proposer un milieu, un
environnement pédagogique qui puisse répondre aux besoins de tous.
Très souvent, l'inclusion est perçue comme étant un synonyme de l'intégration, mais la littérature
nous montre que c'est une confusion terminologique. L'inclusion est une étape supplémentaire à
l'intégration. Elle est éminemment procédurale et structurale (Pelgrims, 2009, 2011). Selon Doré et
al. (1996), l'inclusion signifie une instruction adaptée et différenciée ainsi que des ressources pour
répondre aux besoins spécifiques des élèves. En Finlande, l'inclusion scolaire est le principe
fondateur de l'éducation puisque, en effet, les discours politiques énoncent que « le système éducatif
finlandais est basé sur l'égalité, la valeur de l'apprentissage et sur le principe de l'inclusion 3 »
(Järvinen, 2007, p. 1). De manière plus précise, « l'inclusion se réfère au placement d'élèves avec
une ou plusieurs déficiences dans une classe ordinaire d'âge équivalent avec les supports et
accompagnements nécessaires. L'inclusion est basée sur la conviction que tous les élèves sont
capables d'apprendre » (Arzola, 2007, p. 1086). Comme nous l’avons mentionné plus haut, il s’agit
du principe d'éducabilité. Le bureau national finlandais d'éducation déclare que « la première
alternative pour attribuer des mesures d'enseignement spécialisé est d'inclure les élèves à besoins
éducatifs particuliers dans les classes ordinaires et, si nécessaire, d'offrir de l'enseignement
spécialisé dans des groupes restreints4 ». C'est un important changement de perspective.
Effectivement plutôt que d'appartenir à la classe spécialisée et d'être intégrés en classe ordinaire
pour quelques leçons, les élèves appartiennent à la classe ordinaire et reçoivent un soutien
spécifique dans ou en dehors de la classe en fonction de leurs besoins. La classe de référence,
d’appartenance scolaire du moins administrative, est la classe ordinaire. Dans le système finlandais,
selon le bureau national d'éducation, l'inclusion scolaire signifie que « l'évaluation des élèves se
base sur des critères du programme ordinaire ou selon un programme individuel d'éducation5 ».
Bien que les politiques actuelles et les systèmes ne soient plus si ségrégatifs, mais plutôt déclarés
comme intégratifs voire inclusifs, des situations ségrégatives peuvent encore avoir lieu,
spécialement lorsque les élèves à besoins éducatifs particuliers sont détachés des classes ordinaires
pour se retrouver dans un petit groupe ou une classe ressource comme cela peut être le cas en
Finlande. Dans le contexte de l’enseignement spécialisé genevois, la plupart des institutions
localement dits Centres médico-pédagogiques, sont séparées de l’enseignement ordinaire rendant
l’éloignement des écoles ordinaires plus saillant. D’autres situations de ségrégation peuvent aussi
avoir lieu en classe ordinaire quand les élèves à besoins éducatifs particuliers reçoivent un soutien
3 Traduit par Natalina Meuli
4 Traduit par Natalina Meuli
5http://www.oph.fi/english/education/educational_support_and_student_wellbeing/special_needs_education,
consulté le 15 avril 2013, 12:37, traduit par Natalina Meuli
11
individuel. Une étude menée en Norvège a démontré que les élèves à besoins éducatifs particuliers
se sentent plus étiquetés pendant les leçons que les chercheurs ne l'avaient imaginé. Selon eux,
« l'utilisation accrue de mesures d’appui hors de la classe ordinaire peut être interrogée
particulièrement si celles-ci sont utilisées à des fins de drill qui pourraient être menées dans le
contexte de la classe ordinaire 6 » (Nes Mordal & Strømstad, 1998, p. 115).
Même en classe ordinaire dite « inclusive », des élèves dits « inclus » peuvent vivre des situations
d’exclusion des activités sociales, pédagogiques et didactiques de la classe. Ceci a conduit à
proposer différents niveaux d’intégration, concepts utiles à l’once de pratiques effectives
d’intégration.
2.2.3 Controverses a propos de l'inclusion scolaire
Bien que l’inclusion scolaire semble un modèle très pertinent et porteur de sens, plusieurs auteurs
émettent des critiques et révèlent certaines incohérences à son sujet.
Tout d’abord, le terme même d’inclusion n’est pas un terme propre à l’enseignement spécialisé. En
effet, plusieurs domaines scientifiques utilisent ce terme pour décrire différents phénomènes. La
plupart des chercheurs préfèrent parler d’« une école inclusive », c’est-à-dire d’une école qui
s’adapte aux besoins de tous ses élèves plutôt que de parler d’inclusion de manière générale. Cela
amène certains chercheurs à penser à un changement de paradigmes en identifiant les besoins
spécifiques et particuliers de l’école (Guyotot, 2013).
Au-delà de la terminologie, une première contradiction conceptuelle concerne le terme
« intégration » qui n'a pas donné de réelle satisfaction à l’ensemble des professionnels. En effet,
l'intégration a été pensée pour donner le droit aux élèves à besoins éducatifs particuliers d’avoir
accès à l’école, et, dans la mesure du possible avec les autres. En outre, certains auteurs rapportent
que le terme intégrer « suppose qu’un élève ait déjà été exclu » (Petit, 2001, p. 38). Dans cette
optique l’élève est rejeté d’un système social de par ses caractéristiques personnelles en
inadéquation avec ce système ordinaire. La ségrégation serait alors renforcée. Autrement dit, les
élèves ont été sortis de l'enseignement ordinaire au préalable pour être scolarisés dans une structure
de l’enseignement spécialisé. Ils sont par la suite réintégrés dans le domaine de l’enseignement
ordinaire. L’élève que l’on veut intégrer peut dès le même moment être rejeté par ses camarades de
classe ordinaire puisque celui-ci a été stigmatisé, étiqueté et scolarisé dans un autre système
scolaire. En effet, il est important que l'élève soit accepté et pris en considération par les autres
élèves. Comme pointé plus haut par Kivirauma et al. (2006), des situations ont été observées où les
élèves ne semblaient pas tirer profit de leur intégration. Des micro-phénomènes d’exclusion peuvent
aussi avoir lieu entre l’enseignant et l’élève que l’on souhaite intégrer. En effet, des études (Jordan
& Stanovich, 2001; Pelgrims, 2001) révèlent que les élèves à besoins éducatifs particuliers peuvent
avoir moins d'interactions efficaces avec l'enseignant ordinaire alors que l'enseignant spécialisé
offre des opportunités de remédiations directement à l'élève présentant des besoins éducatifs
particuliers et dans d'autres classes.
Une deuxième contradiction conceptuelle se rapporte au fait que « le dilemme fondamental de
l’éducation inclusive provient de l’exigence des écoles de fournir une éducation foncièrement
semblable à tous les élèves, tout en répondant simultanément leurs besoins individuels. » (Dyson &
Millward, 2000, cité par Elliot et al., 2009, p. 38). Autrement dit, le système inclusif souhaite
fournir un enseignement similaire à tous ses élèves, alors que ces derniers n’ont pas nécessairement
tous les mêmes besoins. Gillig (2006) ajoute que c’est « dans la modification prioritaire de
l’environnement scolaire qu’est placé le combat pour l’école inclusive, ignorant sur le plan
méthodologique que les capacités du sujet à inclure doivent également être prises en compte et faire
6 Traduit par Natalina Meuli
12
l’objet d’actions appropriées » (pp. 205-206). Doré et al. (1996) répondraient alors que l’école
inclusive s’adapte aux besoins des élèves, en leur proposant notamment les ressources nécessaires,
sans pour autant produire des inégalités. En somme, le modèle intégratif consisterait, par exemple, à
recourir à un auxiliaire de vie scolaire pour aider l’enseignant titulaire à intégrer un élève, alors que
le modèle inclusif opterait plutôt pour le co-enseignement, un enseignement à deux voix, capable
d’offrir les meilleures conditions à tous les élèves de la classe.
Gillig estime malgré tout que dans un modèle inclusif, le risque serait d’occulter les différences
entre élèves, et de générer un système « où il n’est plus possible de distinguer les besoins de la
personne handicapée » (Gillig, 2006, p. 203). Pour cet auteur, les discriminations positives offertes
aux élèves intégrés sont le fondement de l’intégration, et ne peuvent être éliminées sous peine de
rendre les élèves intégrés invisibles. Effectivement, « l’intégration est le droit à la compensation »
(Gillig, 2006, p. 204).
Au sens de normalisation, l’intégration revient à scolariser le plus d’élèves possibles dans des
structures les plus proches de la normale. Il en résulte des scolarisations possibles dans diverses
structures telles que les classes ordinaires ou spécialisées. En intégrant des élèves à besoins
éducatifs particuliers, l’école vise ainsi à réduire la différenciation structurale. Or, Bless (2004)
montre que le système scolaire qui tend vers un modèle homogène fondant l’intégration sur le
principe de normalisation, maintient en réalité des formes de différenciation structurale. Toutefois,
l’intégration d’élèves implique une certaine hétérogénéité dans les classes. Pour répondre à celle-ci,
une différenciation structurale est alors nécessaire, c’est-à-dire une scolarisation dans différents
lieux d’enseignement.
Malgré l’essor du mouvement en faveur de l’inclusion scolaire, celui-ci se heurte à des obstacles
idéologiques, à des contradictions conceptuelles et à des arguments paradoxaux. Certains
chercheurs s’opposent à l'idée et à la pratique de l'inclusion qu'ils considèrent basée sur une morale
et une philosophie absente d'évidences empiriques. Bien que nous partagions le principe
d’éducabilité pour tous, la conviction que tous les enfants peuvent apprendre est parfois décrite
comme du libéralisme naïf (Arzola, 2007, p. 1086). Cette position peut même être soutenue, voire
renforcée, par les difficultés que certains enseignants ordinaires rencontrent dans leur pratique
quand ils essayent d'intégrer des élèves à besoins éducatifs particuliers, spécialement ceux qui ont
des déficiences intellectuelles modérées à sévères. Cette rupture du postulat d’éducabilité est une
forme de réaction observée chez les enseignants ordinaires qui se sentent insuffisamment préparés
et peu compétents professionnellement (Doré et al., 1996). Il est important de garder en tête que
l'inclusion ne rencontre pas un soutien total et inconditionnel. En effet, le succès de ce type
d'organisation scolaire requiert l'implication des enseignants, des élèves, des parents, et surtout un
soutien instrumental de la part des autorités scolaires et des directions d’établissement (Doudin,
Curchod-Ruedi & Baumberger, 2009). Même si la politique, les lois et les règlements scolaires sont
faits dans l'optique d'une école inclusive, nous pouvons toujours trouver des formes de ségrégation
dans les pratiques actuelles genevoises d'enseignement. Un des inconvénients de la ségrégation
dans l'enseignement réside dans le fait que les élèves à besoins éducatifs particuliers n'ont pas de
contact avec les élèves de l'enseignement ordinaire, ce qui pourrait rendre difficile le retour à une
scolarisation dans un contexte ordinaire. La question de savoir s'il s'agit d'une erreur de protéger ces
élèves des conditions ordinaires en les considérant comme inadaptées à leur développement et leurs
apprentissages est un autre débat.
À l’autre extrême idéologique, certains enseignants défendent « une école où aucun n'a besoin ni
d'intégration, ni d'inclusion » (Booth, Ainscow & Dyson, 1998, p. 120). Au lieu de parler d'une
école inclusive, ils adoptent l'idée d' « une école pour tous » comme un système scolaire antiségrégatif. Cette formulation aurait « une connotation plus positive dans le sens qu’elle garantit que
personne ne soit scolarisé séparément en début de scolarité et, de plus, elle impose le défi de
13
maintenir tout le monde au sein de l'école ordinaire7 » (Nes Morsal & Strømstad, 1998, p. 104). Ce
point de vue « devrait encourager la conviction que nous pouvons atteindre un idéal au-delà de
l'existence de discriminations négatives basées sur les différences entre les élèves ». (Booth et al.,
1998, p. 120). Mais comme le soulèvent ces mêmes auteurs, « si nous pensons l'inclusion comme
un état réalisable, ceci pourrait nous faire ignorer ou échouer dans l'analyse de la réalité des
processus et pressions d'exclusion, et l'intervention demande de les dépasser8 » (p. 120). En effet, il
ne suffit de loin pas d’être convaincu d’une position idéologique pour voir l’inclusion prendre
forme dans toute l’activité et les interactions des professionnels et des élèves, au fil du quotidien de
la classe.
Toujours sur le plan conceptuel, une controverse concerne la pertinence, au regard de l’inclusion, de
certaines stratégies de différenciation. Nous pouvons alors nous demander ce qu’est réellement une
école inclusive. Selon Booth et al. (1998),
Une école inclusive pourrait être une école qui inclut et valorise équitablement tous les élèves des
communautés environnantes ou du quartier ou du secteur, et qui développe des approches
d'enseignement et d'apprentissage qui minimisent le regroupement selon les acquis et les déficiences9. (p.
194, souligné par nous)
Si l'on se réfère à cette définition, nous pouvons relever que l'inclusion n'est pas incompatible avec
l'idée de dispenser un enseignement en groupes restreints pour certaines leçons ; ainsi ces groupes
sont des groupes de niveaux, de besoins, c’est-à-dire des stratégies de différenciation pédagogique
qui peuvent répondre de manière appropriée à des besoins pédagogiques et didactiques spécifiques.
De telles stratégies répondent à un enseignement inclusif, à condition que les groupes formés, et
souvent institués, ne deviennent pas le dispositif privilégié d'enseignement, risquant alors de
conduire à la ségrégation. Néanmoins, la tendance est de garder autant que possible les élèves dans
leur classe ordinaire, même s'ils ont des difficultés d'apprentissage, des problèmes émotionnels ou
sociaux ou encore d'autres difficultés. Il semble important que les enseignants aient la possibilité
d'adapter leur environnement, leurs moyens d'enseignements (livres audio, ordinateurs adaptés,
autres méthodes d'enseignement et autre matériel si certains élèves ont des difficultés en lecture, par
exemple) et de demander un soutien pour l'enseignement. D’ailleurs dans le système finlandais,
cette approche qui consiste à demander un soutien supplémentaire est une pratique courante,
comme nous l'expliquerons dans la seconde partie de cet écrit.
2.2.4 Formes d'intégration ou d'inclusion scolaire
Cette dernière section se focalise sur les formes que peuvent prendre l’intégration et l’inclusion
scolaire dans les pratiques effectives. Comme nous l’avons déjà mentionné à plusieurs reprises, le
système finlandais est considéré comme inclusif car il permet à tous les élèves d’être inclus dans le
système ordinaire moyennant quelques aménagements spécifiques. En revanche, le système
genevois est quant à lui un système dit intégratif puisqu’actuellement les élèves relevant du
domaine de l’enseignement spécialisé ne sont pas tous scolarisés dans une classe ordinaire ; certains
le sont, pour la plupart lors d’intégrations à temps partiel. Dans la suite de ce paragraphe nous
utiliserons donc le terme intégration de façon générique, bien que certains systèmes, comme la
Finlande, soient davantage inclusifs.
L’intégration scolaire peut se réaliser sous différentes formes pour s’adapter aux besoins des élèves.
Elle peut donc être individuelle ou collective, à temps plein ou à temps partiel.
7 Traduit par Natalina Meuli
8 Traduit par Natalina Meuli
9 Traduit par Natalina Meuli
14
L’intégration partielle est une intégration où l’élève présentant des besoins éducatifs particuliers
fréquente deux groupes-classe : sa classe ressource (classe spécialisée) et sa classe d’intégration.
L’élève se rend donc uniquement pour certaines périodes isolées dans sa classe d’intégration. Au
contraire, quand l’élève fréquente sa classe d’intégration pour l’ensemble de l’enseignement on
parle alors d’intégration à temps plein.
Selon Gillig (2006) l’intégration à temps partiel présenterait de nombreux avantages puisque
« celle-ci vient tempérer la ségrégation ressentie en milieu spécialisé et peut fort bien se combiner
aux actions techniques de traitement de la déficience et de l’incapacité » (p. 115). En d’autres
termes, cette forme permettrait à l’élève de suivre un enseignement en classe ordinaire tout en lui
permettant de bénéficier dans sa classe ressource des aides et du soutien dont il a spécifiquement
besoin. À l’inverse, pour Doré et al. (1996), l’intégration partielle accentuerait la ségrégation entre
classe ordinaire et classe spécialisée, dans la mesure où l’élève n’appartient alors pas réellement à
une classe. Cette présence partielle marquerait davantage les différences entre élèves de la classe
ordinaire et l’élève en intégration, au lieu de les réduire. Ces observations renforcent les propos
précédents et nous amènent alors à dire que la forme d’intégration doit être pensée en fonction des
besoins spécifiques de l’élève et de l’environnement pédagogique, dans le but de maximiser la
réussite individuelle de chacun. Effectivement, les besoins éducatifs de chaque enfant sont
différents bien qu’une catégorisation des besoins semble nécessaire et déjà mise en place. Cela
montre donc combien il est indispensable de penser l’intégration comme un phénomène singulier
qui nécessite d’être conçu principalement à travers un projet individualisé de l’élève à intégrer.
En Finlande, afin de mieux répondre aux besoins de tous les élèves, il est courant de faire appel à
des assistants d'enseignement. Leur formation dure 40 semaines et est sous la responsabilité du
bureau national d'éducation. Le programme de formation développe les connaissances sur
l'environnement de travail de l'assistant, en tenant compte de la loi et du système de services de la
société; les aptitudes pour accompagner le développement de l'enfant, pour l'aider dans les habiletés
fonctionnelles et pour guider les apprentissages10 (Takala, 2007, p. 59). Si les assistants
d’enseignement collaborent avec la classe, les assistants personnels sont assignés quant à eux à un
ou plusieurs élèves présentant des déficiences sévères. Par exemple, les élèves en chaise roulante
ont un assistant en raison de leurs besoins d’aide dans les activités motrices de la vie quotidienne.
L’assistant personnel s'occupe d’un élève spécifique pendant toute l'année et suit cet élève dans ses
déplacements scolaires. Si cet élève a, de surcroit, des difficultés d'apprentissage et bénéficie de
mesures d'enseignement spécialisé, il est accompagné par son assistant dans le petit groupe (classe
ressource). C'est également cet assistant personnel qui est la personne ressource quand l'élève doit
aller aux toilettes, au moment des repas, lorsqu'il faut s'habiller, etc.
Les assistants d'enseignement ne travaillent pas avec un élève spécifiquement. Selon Takala (2007),
leur fonction est clairement définie :
En Finlande, les assistants sont engagés afin d'aider les élèves à besoins éducatifs particuliers dans
leurs études et dans des situations variées à l'école. Leur travail concerne toutes sortes de tâches qui
rendent l'enseignement accessible et possible pour une grande variété d'enfants. Selon le département
de la ville d'Helsinki, le but principal de leur travail est d'assister et de soutenir l'élève durant le
processus d'apprentissage. Il est attendu des assistants et des enseignants qu'ils collaborent
étroitement dans cette entreprise en faisant preuve de bonnes aptitudes de communication11 . (p. 50)
Takala (2007) explique que selon la loi sur la scolarité obligatoire (adoptée par le parlement
Finlandais en 1998), les enfants à besoins éducatifs particuliers ont le droit de recevoir gratuitement
des services auxiliaires leur permettant de suivre l'enseignement ordinaire, comme un assistant, par
exemple. Dans les classes, le travail de l'assistant consiste à aider l'élève, aider l'enseignant, guider
10 Traduit par Natalina Meuli
11 Traduit par Natalina Meuli
15
la situation d'apprentissage, travailler en tant que substitut de l'enseignant, faire partie de l'équipe
pédagogique élargie. Les assistants peuvent avoir des responsabilités pour différentes sortes de
tâches.
Ce système de soutien peut paraître surprenant en ce qui concerne la répartition des tâches entre les
adultes, ainsi que dans la relation entre l'assistant et l'enseignant. Des observations menées dans le
cadre d’une école en Finlande (Meuli, 2011) ont soulevé certains questionnements : à quel point
est-ce que l'assistant n'est-il pas un frein aux relations entre l'élève à besoins éducatifs particuliers et
les autres élèves ? Ainscow (2000) rejoint les mêmes préoccupations : si la présence constante d'un
assistant peut faciliter les relations entre les élèves, elle peut aussi parfois mettre une barrière entre
l'élève à besoins éducatifs particuliers et ses camarades de classe.
Dans l'école finlandaise où la recherche pour ce travail a été menée, les relations entre les
enseignants et les assistants semblent être une relation de partenariat où les rôles de chacun sont
clairement identifiés. Les interventions sont différenciées mais vont dans la même direction.
Ainscow (2000) affirme que « l'idée d'utiliser un adulte supplémentaire pour faciliter la
participation des élèves est une excellente idée, mais beaucoup d'écoles doivent maintenant trouver
un moyen de le faire efficacement12 » (p. 77). Ces assistants d’éducation finlandais se rapprochent
des ressources mises en place dans le système français où des auxiliaires de vie scolaire effectuent
globalement le même type de tâches.
12 Traduit par Natalina Meuli
16
3 LES DIMENSIONS SOCIO-AFFECTIVES DE L'APPRENTISSAGE
Pour définir les dimensions socio-affectives liées à nos recherches, il est nécessaire d’évoquer la
notion d’estime de soi. Il conviendra donc de faire un détour par le concept générique d’estime de
soi, pour définir ensuite le sentiment de compétences scolaire et sociale, et d'autres dimensions
socio-affectives, telles que le sentiment d'appartenance scolaire, importantes dans l'activité
d'apprentissage en contexte scolaire.
3.1
L'estime de soi : une notion multidimensionnelle
Lorsqu’on entre dans une classe et que l’on interroge de plus près l’enseignant sur les élèves en
difficulté, celui-ci évoque souvent le fait que les élèves ne croient pas en eux, et qu’ils ont une
mauvaise image d’eux-mêmes, ou encore une faible estime d’eux-mêmes. Mais que comprend ce
terme très global d’estime de soi ?
Depuis de nombreuses années, les chercheurs étudient l’estime de soi. Elle a d’abord été considérée
comme unidimensionnelle. Mais, depuis les années 1980, un corpus de recherches réalisées tout
d'abord par Harter (1982, 1998), puis par L’Ecuyer (1994) montre que l’estime de soi doit être
considérée comme un concept aux composantes multiples. Sur la base de différentes études,
l’estime de soi peut être définie de la sorte :
L’estime de soi désigne l’entité multidimensionnelle qu’est le système dynamique des perceptions et
des appréciations de soi, incluant la perception et l’appréciation de ses différentes caractéristiques, de
ses compétences dans divers domaines, et de sa propre valeur en tant que personne. L’estime de soi
comprend donc un ensemble de dimensions, chacune correspondant à l’appréciation d’une
caractéristique précise (p. ex., soi en tant qu’être social) ou d’une compétence spécifique (p. ex.,
compétence en musique). (Pelgrims, 2007, p. 10)
Cette définition prend donc en compte plusieurs dimensions, liées d’une part à la perception de soimême et à la perception que l’on a de ses différentes compétences d’un point de vue social,
physique et scolaire. Il existe deux usages différents chez les enseignants du terme estime de soi. Le
premier est générique et désigne le concept de soi multidimensionnel qui regroupe de multiples
dimensions représentant chacune une sous-catégorie de soi (Pelgrims, 2007). Comme l’indique
Pelgrims (2007), l’estime de soi est aussi envisagée de façon très particulière désignant alors
« l’évaluation globale de la valeur de soi en tant que personne. Il s’agit de l’évaluation qu’un
individu fait de sa propre personne, c’est-à-dire son degré de satisfaction de lui-même » (Harter,
1998, pp. 57-58). Cette définition implique de fait que l’individu ait des sentiments d’acceptation de
soi, de respect de soi et d’amour-propre. On voit donc combien cette conception de l’estime de soi
est globale et se focalise sur les perceptions que le sujet fait de sa propre personne. Cette
signification se borne à une facette où l’estime de soi est synonyme de valeur de soi, une
composante du concept de soi multidimensionnel (Pelgrims, 2007). La valeur de soi est ainsi une
dimension particulière de l’estime de soi. Pelgrims (2011) résume d’ailleurs le concept d’estime de
soi par un schéma (voir figure 1) qui représente le système multidimensionnel et dynamique de
perceptions de soi. Cette représentation est en partie issue du modèle de Harter (1998) et des
résultats de différents travaux réalisés avec des élèves de l'enseignement primaire (Harter, 1982,
1998) et leurs pairs déclarés en difficulté (Maltais & Herry, 1997) ou encore scolarisés en classe
spécialisée (par exemple, Ninot, Bilard, Delignières & Sokolowski, 2000; Pelgrims, 2007;
Pierrehumbert, Tamagni Bernasconi & Geldof, 1998).
17
Figure 1 : Système multidimensionnel et dynamique de perceptions de soi (Pelgrims, 2011).
Ces dimensions particulières composant l’estime de soi au sens générique de concept de soi, sont
définies par différents auteurs. La revue des travaux de Pelgrims (2003) conduit à définir ces
dimensions:
[L’estime de soi est] un concept multidimensionnel composé de différentes perceptions ou évaluations
de soi, chacune correspondant à un domaine d’attributs ou d’activités (Harter, 1998). Différents
travaux indiquent en effet qu’il convient de distinguer la perception de la valeur de sa personne et les
perceptions de soi dans les domaines des relations sociales, de l’apparence physique, des activités
scolaires (Harter, 1982 ; Tafarodi & Swann, 1995). Pour le domaine scolaire, le sentiment de
compétence inclut la connaissance de soi et l’autoévaluation de ses aptitudes, actions et performances.
(Pelgrims, 2003, p. 218)
Harter (1998) identifie cinq dimensions du concept de soi : le concept de soi scolaire, le concept de
soi social, le concept de soi athlétique, la perception de son apparence physique, et la perception de
ses comportements sur le plan moral; auxquelles la valeur propre de l’individu, ou valeur de soi, a
été ajoutée. Dès lors, nous recensons six dimensions du concept de soi.
Le concept de soi scolaire désigne le sentiment de compétences scolaires des apprenants, à savoir
« la perception que l’élève a de ses capacités et compétences à accomplir les actions requises pour
accomplir une tâche ou atteindre un but dans une discipline scolaire » (Pelgrims, 2009, p. 141).
Quant au concept de soi social, il indique le sentiment de compétences dans le domaine des
relations sociales. Le concept de soi athlétique concerne le sentiment de compétence de l’élève dans
le domaine des activités sportives en dehors de l’école. La perception de l’apparence physique
comprend l’autoévaluation de ses propres caractéristiques physiques (taille, poids, beauté, allure,
etc.). La perception de ses comportements – ou de ses conduites selon certains auteurs – se réfère à
l’adéquation ou à l’inadéquation que l’individu pense présenter avec les normes du groupe. Enfin,
la valeur propre désigne la satisfaction générale qu'un enfant, qu'un individu a d'être la personne
qu'il est; elle concerne le respect personnel, l'amour propre (Harter, 1998; Pelgrims, 2007). Toutes
ces dimensions sont étudiées dans un système de perceptions, de représentations, d’appréciations et
d’évaluations de soi.
Harter rapporte également que l’estime de soi est un construit social. En effet, celle-ci s’édifierait
dans la relation à autrui, et plus particulièrement dans les interactions sociales au cours des
différents domaines d’activités de la vie quotidienne. Cooley (1902, cité par Bolognini & Prêteur,
1998) soutient cette hypothèse lorsqu’il affirme que « le sentiment de valeur de soi serait une
construction sociale. Les évaluations que l’on ferait de soi-même seraient ainsi façonnées par les
interactions sociales et linguistiques avec les autres, déjà durant l’enfance » (pp. 59-60). Ainsi, c’est
18
à travers les interactions avec des personnes affectivement ou socialement significatives, d’abord la
famille, puis les enseignants et les pairs à l’école, et à travers les opinions que des derniers ont de
lui, que l’individu se percevrait et s’évaluerait pour intégrer et infléchir la perception qu’il a de luimême. Toutefois, cet autrui évalue l’individu à travers un système de normes sociales et collectives
construites dans un groupe et contexte donné. Le jugement d’autrui et l’auto-évaluation ont ainsi
plus de probabilités d’être positifs si l’individu entre en conformité avec ces normes sociales, mais a
par contre plus de probabilités d’être négatifs si l’individu va à l’encontre des normes établies dans
le groupe. Lorsque la perception de l’autre est positive, elle conduit à la valorisation de soi.
Aussi, Harter (1982, 1998) a mis en évidence le fait que les dimensions de l’estime de soi sont
discriminées par l’enfant de manière distincte au fur et à mesure qu’il étend ses contextes et
domaines d’activités. L’appréciation qu’il fait de lui-même dans un domaine peut être différente de
celle dans un autre. En somme, le sujet peut avoir une perception globale de lui très élevée, mais
une perception de ses compétences en musique plutôt faible : « un enfant, un adolescent peut se
percevoir plutôt compétent dans un domaine d’activités de la vie quotidienne et moins compétent
dans un autre, tout comme il peut être satisfait de ses comportements à l’égard d’autrui et déprécier
son apparence physique » (Pelgrims, 2007, p. 10). Les perceptions que fait l’individu de lui-même
dépendent des contextes et des situations dans lesquels il mène ses activités. L’enfant peut par
exemple estimer négativement son apparence physique lors d’une activité d’éducation physique en
raison de sa tenue vestimentaire de sport, alors que ce même enfant peut juger positivement son
apparence physique globale.
Les dimensions de l’estime de soi étant peu ou pas dépendantes l’une de l’autre, il est abusif de
qualifier l’estime de soi ou d’un individu ; comme l’argumente Pelgrims (2007), les affirmations
courantes en enseignement spécialisé de type « il a une faible estime de lui-même » sont peu
fondées conceptuellement et empiriquement.
L’approche multidimensionnelle de l’estime de soi impose l’étude simultanée de plusieurs
composantes de l’estime de soi et de leurs interrelations. Différentes recherches sur l’estime de soi
montrent également que ces composantes dépendent d’une part d’autres dimensions individuelles
et, surtout, du contexte dans lequel l'individu évolue. Effectivement, ses perceptions semblent se
construire à la fois dans les interactions sociales, le regard d’autrui, mais aussi dans le jugement,
l’auto-évaluation que fait l’individu des effets, des résultats, des relations produits par son activité.
Il en résulte que, pour parler d’estime de soi, il est indispensable de prendre en considération
l’individu et ses perceptions, ainsi que le contexte social et institutionnel dans lequel ce dernier
évolue. Nous reviendrons plus loin sur le rôle des différents aspects du contexte, notamment
scolaire, dans différentes dimensions de l’estime de soi.
3.1.1 Le sentiment de compétences scolaires
Comme nous l’avons montré dans les paragraphes précédents, l’estime de soi est un terme
générique qui comprend plusieurs dimensions, dont la perception des compétences scolaires. Cette
dernière fait référence à l’autoévaluation que font les élèves de leurs propres compétences ainsi
qu’au sentiment qui l’accompagne. Par compétences scolaires, nous entendrons dans cet exposé les
connaissances, les procédures, les stratégies et les processus d’autorégulation que l’élève active
pour atteindre un but, pour accomplir une tâche telle qu’il la perçoit. Dans la suite de ce paragraphe,
nous nous centrerons donc sur le sentiment de compétences scolaires, et de fait, sur le sentiment de
compétence des élèves.
Plusieurs auteurs ont défini le sentiment de compétences scolaires, mais ont toutefois élargi ce
terme à celui des compétences scolaires et cognitives, car il s’agit des compétences et des
ressources cognitives mises en œuvre pour atteindre ce but. Selon Pelgrims (2009), la perception
19
des compétences scolaires désigne « la perception que l’élève a de ses capacités et compétences à
accomplir les actions requises pour accomplir une tâche ou atteindre un but dans une discipline
scolaire » (p. 141). Le sentiment de compétence scolaire englobe ainsi la perception qu’a l’élève de
ses capacités à accomplir une tâche, mais également les perceptions qu’il a du degré de difficulté de
cette tâche, ainsi que du résultat ou degré de réussite qu’il pense atteindre, c’est-à-dire du degré
d’expectative de réussite (Pelgrims, 2006).
Bandura (1998, cité par Pelgrims 2006) associe le sentiment de compétences scolaires au
« sentiment d’efficacité personnelle [qui] désigne la croyance en ses propres capacités à organiser et
à exécuter une suite d’actions requises pour produire un niveau désigné de performances » (p. 53).
En somme, il s’agit de la perception que l’élève a de ses capacités à réussir ou à échouer dans une
tâche donnée. Ce même auteur nomme « croyances » les expectatives de réussite, qu’il caractérise
comme étant « ce que les individus pensent produire comme résultats dans leurs actions » (Bandura,
1998, p. 53, cité par Pelgrims 2006). En conséquence, nous concevons le sentiment de compétences
scolaires dans cette étude, comme comprenant les probabilités des élèves à atteindre un but donné
par l’élève lui-même, par la tâche et/ou par l’enseignant.
Aussi, Bandura (2004) explique qu’il est possible d’avoir un sentiment d’efficacité faible et en
même temps une forte estime de soi au sens de valeur de sa personne. Il montre ainsi qu’il ne faut
pas confondre estime de soi et sentiment d’efficacité personnelle. Il illustre d’ailleurs ces propos de
la manière suivante :
Quelqu’un peut s’estimer être un très mauvais cuisinier, sans que cela n’entame le moins du monde son
estime de soi. Ceci est l’occasion de souligner qu’on ne peut pas stricto sensu, parler de sentiment
d’efficacité dans un sens général. Il n’y a que des sentiments spécifiques d’efficacité, liés à telle ou telle
activité. Même l’expression sentiment d’efficacité sportive, par exemple, n’est pas assez précise. On
peut avoir un fort sentiment d’efficacité en football et un très faible sentiment d’efficacité au tennis.
(Bandura, 2004, pp. 61-62)
Pelgrims (2006) soutient cette conception puisqu’il convient selon elle « de distinguer le sentiment
de compétence spécifique à une discipline, les élèves discriminant, à partir des expériences
encourues dès leur entrée à l’école, le statut et les enjeux scolaires de chaque discipline » (p. 85). En
effet, le sentiment de compétences scolaires est différencié selon les branches scolaires et les
domaines de savoirs. Un élève peut se sentir très compétent dans un domaine et, au contraire, avoir
une vision amoindrie de ses compétences dans un autre domaine. Le « sentiment de compétence est
variable selon les disciplines : un ensemble de travaux montre en effet qu’un élève, qu’il soit
scolarisé en classe ordinaire ou spécialisée, peut se sentir tout à fait capable d’apprendre et de
réussir en mathématiques et éprouver un sentiment d’incompétence en français » (Pelgrims, 2007,
p. 11). Des études ont d’ailleurs montré que le degré de corrélation entre les différents sentiments
de compétences des élèves déclarés en difficulté et scolarisés en classe ordinaire ou spécialisée dans
les disciplines scolaires, est faible (Maltais & Herry, 1997 ; Pelgrims, 2006, 2007). Un sentiment de
compétence élevé dans un domaine n’influence pas systématiquement le sentiment de compétence
dans un autre. En outre, des travaux réalisés en classe ordinaire (Boekarts, 2001) et en classe
spécialisée (Pelgrims, 2006) montrent clairement que le sentiment de compétence varie en fonction
de situations didactiques et de tâches à accomplir. Dès lors, quand nous interrogeons des faits liés
au sentiment de compétence, il est primordial de le discerner selon les disciplines et en fonction des
situations d’activité didactique. L’approche située de l’activité d’apprentissage en contexte scolaire
consiste précisément à saisir la sensibilité des dimensions socio-affectives de l’apprentissage, dans
les micro-contextes scolaires et situations dans lesquelles les élèves déploient leur activité.
Le sentiment de compétence se construit à travers un processus complexe de perceptions,
d’appréciations et d’autoévaluations. Effectivement, le sentiment d’être compétent dans une
20
discipline donnée se construit sous l’effet de plusieurs facteurs, notamment liés à l’élève lui-même
et à l’environnement scolaire dans lequel il se trouve. L’élève accorde à ses compétences une
certaine valeur, valence ou orientation : son sentiment d’être compétent peut être faible, moyen ou
élevé. Toutefois ces orientations sont largement déterminées et influencées par les caractéristiques
des expériences vécues, des actions, du contexte et des interactions sociales. L’élève intériorise un
référentiel de critères subjectifs sur lequel il se base pour évaluer ses compétences. Ces repères
internes à l’élève se construisent à travers les normes, les attentes de l’enseignant et des camarades.
Le contrat didactique instauré en classe, le décodage des attentes et les pratiques évaluatives vont
donc jouer un rôle majeur dans l’intériorisation de ce référentiel (Pelgrims, 2006). À titre
d’exemple, si l’élève perçoit une pression à réussir constante en classe, et que la place accordée à
l’erreur est faible, alors il éprouvera certaines craintes et appréhendera l’expérience de l’échec, et
son sentiment de compétence pour accomplir et réussir des tâches s’en trouvera de fait
négativement infléchi.
Aussi, comme il a été montré dans la partie sur l’estime de soi, le regard porté par autrui contribue
nettement à infléchir la perception de soi, et de fait, de la perception de ses compétences. Ainsi, le
jugement d’autrui et plus particulièrement celui des personnes significatives, comme les acteurs
pédagogiques et les personnes à qui l’élève accorde de l’importance (amis, famille...), contribue à
l’évaluation qu’il fait de ses propres capacités. Si une personne affirme à un élève que ses
compétences sont très élevées en arts visuels par exemple, celui-ci entend et interprète ce
commentaire à la lumière de ses propres attentes et critères de réussite, et les associera à ses
compétences dans ce domaine. L’élève colore donc son sentiment de compétence en fonction de
« l’intégration des représentations et expériences nouvelles, positives ou négatives » (De Léonardis
& Oubrayrie, 1995, p. 237).
De plus, les comparaisons interindividuelles appuient les jugements personnels. Un élève évalue ses
compétences aussi par référence aux attentes du milieu, et en comparaison avec les compétences de
ses pairs. Ces processus d’interprétation, de comparaisons intra-individuelles et inter-individuelles
contribuent à réorienter le sentiment de compétence. La construction du sentiment de compétence
relève donc de processus dynamiques et est en constante évolution en fonction des jugements
d’autrui, des expériences vécues, et des normes situées.
Néanmoins, certains biais peuvent inférer dans ce processus. Le référentiel interne de l’élève peut
en effet comporter des critères soit trop, soit pas assez exigeants. De tels biais entraînent alors une
sous-évaluation de ses compétences dans le premier cas, une surévaluation dans le second cas. En
effet, l’élève peut se construire un référentiel de critères irréalistes, inatteignables, conduisant à une
dévalorisation systématique de ses compétences. C’est ce que Bouffard, Vezeau, Chouinard et
Marcotte (2006) appellent « l’illusion d’incompétence ». À l’opposé, l’élève peut abaisser les
attentes généralement attendues par l’enseignant dans une discipline donnée, et de fait surévaluer
ses compétences. De tels biais dans l’internalisation du référentiel de critères relèvent notamment
des pratiques d’enseignement (Pelgrims 2006). Des pratiques peu explicites sur les objectifs à
atteindre et sur les critères de progression et de réussite sont peu décodables par les élèves
précisément en difficulté. Certains d’entre eux tendent aussi à uniquement sélectionner des
expériences de réussite, ce qui les conduit donc à évaluer plus positivement leur sentiment de
compétence alors que d’autres élèves se focalisent essentiellement sur les échecs et les erreurs
qu’ils ont rencontrés dans la discipline.
À la lumière des processus de construction du sentiment de compétence, on voit donc que le
contexte scolaire et les pratiques d’enseignement peuvent largement affecter les perceptions des
élèves. L’élève construit son référentiel de critères par rapport aux attentes du système scolaire.
Pour que ce référentiel soit proche des attentes et des critères de l’enseignant, des pratiques plus
explicites sont préconisées (Allal, 1999 ; Pelgrims et Wegmuller, 2009). Il s’agit pour l’enseignant
de rendre ses attentes claires, grâce notamment à des démarches d’évaluation formative. C’est donc
21
à travers des exigences, des objectifs, des critères de maîtrise, de réussite ou d’échec manifestes que
l’élève pourra juger ses propres compétences de façon plus réaliste et nuancée. D’autre part, autrui
étant essentiel dans la construction de soi et de la perception de ses compétences, l’attitude de
l’enseignant envers les capacités, ou encore ses pratiques d’évaluation, influencent aussi les
perceptions des élèves. Des commentaires évaluatifs négatifs et dévalorisants n’aideront
évidemment pas l’élève à mieux estimer ses compétences.
Valeur de soi et sentiment de compétence scolaire des élèves déclarés en difficulté
D’après la revue d'études de Pelgrims (2006) sur les dimensions motivationnelles socio-affectives
de l'apprentissage, les élèves de l'école primaire intégrés (ou maintenus) en classe ordinaire auraient
une valeur de soi similaire à leurs pairs de classes ordinaires et spécialisées. En ce qui concerne le
sentiment de compétences scolaires, plusieurs recherches ont comparé le sentiment de compétence
des élèves scolarisés en classes ordinaires, des élèves scolarisés en classes spécialisées et enfin des
élèves déclarés en difficulté, intégrés en classe ordinaire. Les élèves à besoins éducatifs particuliers
intégrés en classe ordinaire tendent à avoir un sentiment de compétence scolaire plus faible que
leurs pairs en classe spécialisée et que leurs pairs sans difficulté en classe ordinaire. Cette différence
pourrait être expliquée selon Pelgrims à l’aide d'aspects contextuels dans lesquels sont placés ces
élèves. Effectivement, les élèves intégrés sont maintenus dans des conditions pédagogiques et
didactiques similaires à celles de leurs camarades sans difficulté déclarée ; les critères de réussite,
les moyens d'enseignement et d'apprentissage, les conditions, les démarches d'étayage, sont en effet
peu différenciés. Face à des normes uniques, ces élèves intégrés sont dès lors exposés à plus de
comparaisons ascendantes avec des pairs plus compétents, et exposés aux jugements sociaux de la
part des enseignants d’une part, et de leurs camarades d’autre part. En outre, comme nous l’avons
signalé à plusieurs reprises, les jugements d’autrui infléchissent la perception que nous avons de nos
propres compétences (Harter, 1998). Si, de plus, l'élève est institutionnellement déclaré en
difficulté, il prend le statut d'élève en difficulté, ce que les relations en classe risquent de renforcer.
Toutefois, ces effets négatifs sur le sentiment de compétences scolaires des élèves déclarés en
difficultés intégrés ou maintenus en classe ordinaire sont nuancés, atténués par des pratiques de
différenciation pédagogique explicite (Pelgrims 2009, 2010). Il apparaîtra en effet que l’enseignant
qui met en œuvre des stratégies de différenciation des conditions (démarches d'évaluation
formative, modalités d'apprentissage coopératif,…) augmente ses interactions à caractère didactique
avec l’élève intégré (Jordan & Stanovich, 2001). En somme, les croyances des enseignants sur les
difficultés d’apprentissage et sur l’éducabilité de tous leurs élèves, les pratiques de différenciation
explicites et les modalités de gestion des ressources d’appui (co-enseignement) réduisent les
comparaisons ascendantes par rapport à une seule norme et, ainsi, contribuent à maintenir un
meilleur sentiment de compétences scolaires des élèves intégrés en classe ordinaire.
Dans une classe inclusive, les élèves à besoins éducatifs particuliers doivent atteindre des hauts
standards, ce qui est n'est pas réalisable si les pratiques d'enseignement ne sont pas adaptées aux
besoins spécifiques (Pelgrims, 2010). Pourrait-il en être différemment dans un système inclusif sans
classe spécialisée ? Peut-être que oui, aussi longtemps que les attentes scolaires correspondent aux
habiletés des élèves. Un système inclusif d'éducation permet peut-être d'éviter les effets de la classe
spécialisée quand celle-ci ne fait pas partie du système scolaire ordinaire. Dans ces classes
ségréguées, on trouve généralement une pédagogie du succès, une réduction des évaluations
formelles et une baisse des attentes. Ces pratiques ont un impact parce qu'elles influencent moins le
sentiment de compétences des élèves à besoins éducatifs particuliers en classe spécialisée que
lorsqu'ils sont intégrés en classe ordinaire.
Différentes recherches (Ninot et al., 2000 ; Pierrehumbert et al., 1998) mettent en évidence que le
sentiment de compétences des élèves de classes spécialisées est plus élevé que celui de leurs
22
camarades de classes ordinaires avec ou sans difficulté. Les élèves scolarisés en classes
spécialisées, en institutions ou en filières parallèles se perçoivent plus positivement que des élèves
de même âge scolarisés dans le milieu ordinaire. Effectivement, Pierrehumbert et al. (1998)
soutiennent que « les élèves suivant un cursus retardé [classes spécialisées] ne se dévalorisent pas
forcément sur le plan des compétences scolaires » (p. 189).
Plusieurs auteurs ont alors cherché à comprendre pourquoi ces élèves de classes spécialisées qui
ont, pour la plupart vécu des situations d’échec, perçoivent de manière plus positive leurs
compétences scolaires que les élèves scolarisés en classe ordinaire.
Ils rapportent alors que le contexte de classe et l’environnement pédagogique dans lequel sont
placés les élèves influencent incontestablement la perception de soi et de ses propres compétences.
Effectivement, « les caractéristiques de la filière spécialisée (pédagogie de la réussite, diminution
des évaluations formelles, assouplissement des exigences) altéreraient moins le sentiment de
compétence des élèves en échec que les caractéristiques de filières ordinaires, peu prestigieuses,
accueillant des élèves à faibles performances » (Pelgrims, 2003, p. 219). Pierrehumbert et al. (1998)
plaident également pour cette thèse en expliquant que « peut-être la pédagogie pratiquée dans ces
classes, orientée vers le renforcement des succès davantage que celui des échecs, contribue à
restituer aux élèves une réelle satisfaction d’eux-mêmes » (p. 190). On voit donc combien le
contexte de scolarisation a une influence considérable sur les différentes composantes de l’estime
de soi des élèves. Contrairement aux idées reçues, le sentiment de compétence scolaire des élèves
avec des difficultés d'apprentissage est plus en relation avec les pratiques scolaires, les expériences
et les performances qu'avec l'estime globale personnelle dans le domaine des relations sociales
(Pelgrims, 2003).
Le sentiment de compétence selon les disciplines scolaires
Pour Pelgrims, un problème des études comparatives de Pierrehumbert et al. (1998) et s’inspirant
des travaux de Harter (1998) réside dans le fait que les auteurs considèrent le sentiment de
compétences de façon globale sans lien avec des dimensions contextuelles tel le statut scolaire de
chaque discipline scolaire. Considérant les disciplines, Pelgrims (2006, 2007) rapporte que
il ressort des différents travaux comparatifs que les élèves scolarisés en classes spécialisées se sentiraient
moins compétents en français et en mathématiques que les élèves sans difficulté ; leur sentiment de
compétence dans les autres disciplines n’apparaît par contre pas systématiquement différent (p. 85)
Effectivement, les résultats relatifs aux classes spécialisées tendent à montrer que les élèves de
classes spécialisées se disent aussi compétents que les élèves de classes ordinaires pour les
disciplines secondaires telles que l’éducation physique, la géographie et l’histoire qui sont peu
sélectives. En revanche, ils se perçoivent nettement moins compétents dans les disciplines majeures
telles que le français et les mathématiques, qui sont plus sélectives. De plus, ces deux disciplines
sont sélectives dans le passage d’un degré à l’autre, et jouent « un rôle prédominant dans le
signalement pour les mesures spécialisées » (Pelgrims, 2006, p. 86).
3.1.2 Le sentiment de compétences sociales
L’école est un environnement où les échanges verbaux ou non-verbaux, les jeux, les exposés... sont
très fréquents. Chaque jour les élèves doivent en effet entrer en relation avec une multitude
d’individus que ce soit lors des activités du parascolaire, lors de la récréation, dans les travaux de
groupe, dans les leçons frontales en classe, dans les corridors... L’école et la classe peuvent être
considérées comme un micro-contexte social où les interactions sont incontournables. Les élèves
sont-ils alors tous égaux dans ces relations à autrui ? Éprouvent-ils tous les mêmes facilités à
interagir avec leurs camarades ? Ont-ils le sentiment d’être comme les autres dans ce domaine ? Ces
23
compétences qui permettent à l’enfant d’interagir avec autrui à l’école sont-elles nécessaires à la
construction de l’individu ?
La classe serait selon Cohen (2002) « un système social puissant qui véhicule des évaluations
fortes » (p. 151). Aussi, comme il a été évoqué dans les paragraphes précédents, l’estime de soi est
un terme générique qui comprend plusieurs dimensions, dont la perception des compétences
sociales. Cette dernière fait référence au sentiment qu’éprouvent les élèves face à l’évaluation de
leurs propres compétences dans la relation à autrui. De nombreuses études se sont intéressées à la
perception qu’ont les élèves de leurs compétences sociales et ont cherché à comprendre quelles sont
les dynamiques qui permettent à l’élève d’évaluer ses capacités dans ce domaine. Puisque Cohen
(2002) montre que la classe entraine généralement de nombreuses évaluations entre protagonistes
scolaires, on peut d’ores et déjà penser que l’individu évalue ses propres compétences, mais
qu’autrui évalue aussi les compétences propres à cet individu. On peut alors se questionner quant à
l’intégration des élèves dans le groupe-classe, et aux sentiments qu’éprouvent les élèves face à ce
groupe.
Compas (1991) définit les compétences sociales comme étant « l’ensemble des conduites, des
attitudes, des représentations et des sentiments prêtés à autrui, et que celui-ci renvoie au sujet dans
les rapports interindividuels » (p. 94). La perception de ses compétences sociales se trouve donc
être la manière dont l’individu perçoit ses propres comportements et interactions avec autrui. En
d’autres termes, c’est la manière dont l’individu évalue sa relation aux autres à travers sa
compétence à se faire des amis, à résoudre des conflits, à aller vers les autres, à être inclus dans le
groupe, à prendre la parole en public restreint par exemple. Le sentiment de compétences sociales
relève d’appréciations de type auto-évaluatif et de comparaisons. Comme pour le sentiment de
compétences scolaires, le regard porté par autrui joue un rôle dans la perception que l’individu a de
ses propres compétences sociales.
D’ailleurs, l’hétérogénéité inhérente à toute classe et la présence d’autrui entraine des comparaisons
sociales entre individus. Ces comparaisons peuvent porter sur différents aspects comme l’apparence
physique (la taille, le poids, les cheveux, le matériel dont on dispose, etc.) ou l’activité sociale
(comportement face à autrui, le nombre d’amis, la capacité à jouer avec ses camarades, etc.). En
somme, l’estime qu’un élève a de lui-même et plus particulièrement la perception de ses
compétences sociales, se construit en fonction d’autrui. C’est en fonction des autres que l’individu
peut élaborer ou estimer son rapport à soi. Des études, notamment celle de Ziller (cité par De
Léonardis & Oubrayrie, 1995), ont montré cette dépendance à autrui pour se construire : « l’étude
de l’estime de soi sociale, proposée par Ziller, est alors principalement fondée sur la comparaison
sociale, sur la nécessité pour le sujet de se situer par rapport à d’autres personnes ou à des valeurs »
(De Léonardis & Oubrayrie, 1995, p. 239). Russo (2007) affirme en regard de la citation précédente
que « l’estime de soi contribue donc bien à l’identité personnelle, elle est significative et nécessaire
à l’individu pour qu’il puisse avoir une position qui lui soit propre dans le système social » (p. 10).
Pour trouver sa place dans le groupe, l’élève se compare donc à ses pairs. D’après De Léonardis et
Oubrayrie (1995), la place d’un individu dans un groupe social se réalise à quatre niveaux : la
visibilité sociale qui consiste à « exister aux yeux des autres » (p. 240), le besoin d’inclusion à un
groupe, le besoin d’approbation qui réside dans la présentation « d’une image positive de soi dans
toute interaction sociale (Goffman, 1973) » (p. 240) et le besoin d’individualisation qui signifie le
fait qu’il soit reconnu par autrui tel qu’il est.
En résumé, les compétences sociales englobent un ensemble de perceptions de soi impliquées dans
les relations et en interaction avec autrui, elles se construisent principalement grâce aux individus
qui nous entourent, et qui nous renvoient une image positive ou négative de nous-mêmes. On peut
ainsi imager la perception des compétences sociales par la symbolique du miroir, puisque le sujet
évalue ses compétences à travers le regard de l’autre.
24
L’acceptabilité sociale par les pairs
Dans un groupe, certains membres sont toujours préférés de tous alors que d’autres sont
systématiquement victimes de rejet. Ces différences sont aussi constatées dans les classes : on y
observe fréquemment des élèves en retrait, qui prennent peu la parole et qui sont souvent seuls,
alors que, d’autres élèves sont au centre du groupe-classe, et sont admirés, adulés par leurs pairs.
Certains sont donc fortement acceptés par de nombreux pairs de la classe, alors que d’autres ne sont
pas ou peu acceptés. Un certain degré d’acceptabilité entre membres d’un groupe existe donc dans
la création des catégories sociales. Dans les exemples mentionnés ci-dessus, le premier élève est en
marge parce qu’il ne correspond pas aux normes établies par le groupe-classe, alors que le second
respecte les codes du groupe et n’est pas en marge. On peut alors supposer que le degré
d’acceptabilité par les pairs du premier élève est très faible alors que le second est plutôt élevé.
Toutefois, ces propos doivent être nuancés, car les individus en marge du groupe-classe ne sont pas
toujours en inadéquation avec les normes du groupe. Effectivement, l’étude de Bays (2001) stipule
que le degré d’acceptabilité défini par le statut sociométrique des élèves peut se traduire par des
traits de caractères inhérents à l’élève tels que la timidité ou un besoin de solitude. Un élève peut
appartenir pleinement au groupe selon son statut sociométrique, en restant tout de même à l’écart du
groupe. À l’opposé, dans les classes ordinaires et spécialisées de l’école primaire qu’elle a
considérées, Bays a montré que « plus un sujet a des attitudes négatives ou peu adéquates
socialement, plus il est accepté par ses pairs » (p. 94). En conséquence, il semble ne pas y avoir de
norme et de code unique sur lesquels se basent les individus pour accepter ou rejeter un élève du
groupe-classe ou d’un sous-groupe de la classe. Il peut, dans certains groupes, s’agir de normes
scolaires proches de celles attendues par les adultes, dans d’autres groupes de normes scolaires antiscolaires revendiquées de façon prédominante dans le groupe-classe. On ne peut donc pas
généraliser ces normes, elles sont issues d’un processus spécifique au groupe en question. De la
sorte, dans nos recherches, il conviendra de porter une attention particulière aux différentes classes,
en gardant à l’esprit que chacune d’entre elles est unique et que chaque groupe-classe édifie des
codes sociaux qui lui sont propres.
Plusieurs ouvrages et études ont développé des pistes pédagogiques pour tenter de favoriser la
cohésion de groupe, et de fait encourager le sentiment d’appartenance au groupe des élèves. C’est
notamment à travers un enseignement qui prône la coopération et qui l’enseigne, que les élèves se
sentiront acceptés. En effet, enseigner la collaboration et les pratiques d’apprentissage coopératif
(p. ex, Lehraus, 2001 ; Abrami et al., 1996 ; Rouiller & Lerhaus, 2008) permet aux élèves
d’apprendre à être et à travailler ensemble, mais permet également de mettre en évidence les
compétences et qualités de chacun. C’est, pour certains (Pelgrims 2009, 2010), en désignant, en
respectant et en faisant valoir l’identité, les qualités, les compétences et les intérêts de chacun que
tous les élèves peuvent acquérir une place dans le groupe.
Le sentiment d'appartenance au groupe
Dans le système scolaire, le groupe est au départ imposé par l’institution aux élèves par leur
répartition en classes. Toutefois, dans ces classes, on observe des regroupements d’élèves qui
s’effectuent généralement par affinités dès le début de l’année scolaire. Ces sous-groupes sont
d’ailleurs souvent appelés par les élèves, les groupes d’amis. Cependant, le groupe n’est pas la
juxtaposition d’individus dans un même lieu, mais est davantage la co-construction d’un ensemble
de règles auquel chacun adhère. Effectivement, Fisher (2005) donne la définition suivante du
groupe :
25
Une entité sociale caractérisée par un nombre restreint de personnes liées entre elles par des activités soit
communes, soit interdépendantes et qui développent entre elles des interactions déterminées par des
normes de conduites et des valeurs communes dans la poursuite de leurs objectifs. (p. 250)
Le groupe se construit et évolue donc autour de valeurs. Dans la classe, on retrouve également ce
phénomène, puisqu’on voit que d’une classe à l’autre les règles, l’organisation, l’aménagement
varient. L’enseignant établit en effet des règles et élabore avec ses élèves un contrat didactique,
pour permettre à ces derniers d’entrer dans les apprentissages dans les meilleures conditions. Les
règles conçues sont nécessaires au bon fonctionnement du groupe d’une part, mais sont également,
selon de nombreux auteurs, ce qui permet au groupe d’exister. Perrenoud (2004) a d’ailleurs mis en
évidence cette organisation :
Tout groupe social un peu durable et organisé construit sa propre culture, autrement dit un ensemble de
savoirs, de savoir-faire, de règles, de valeurs, de croyances, de représentations partagées qui contribuent à
affermir l’identité collective et le sentiment d’appartenance de chacun et à permettre le fonctionnement
stable du groupe ou de l’organisation. Lorsqu’on devient membre d’un groupe ou d’une organisation, on
est conduit à en assimiler la culture pour en devenir un membre à part entière. (p. 54)
La notion de sentiment d’appartenance au groupe procèderait, selon Perrenoud, du partage de la
culture commune au groupe d’appartenance. Pour qu’un individu se sente membre du groupe, il est
nécessaire que celui-ci ait le sentiment d’y appartenir véritablement, dans le but ultime de pouvoir
créer une relation ou une amitié avec les différents membres, ou même encore, de pouvoir
s’identifier aux valeurs véhiculées par celui-ci. De plus, l’appartenance au groupe contribue à la
construction de l’identité personnelle. « L’appartenance sociale est une aspiration essentielle de
l’humain. Elle lui procure un effet de reconnaissance et constitue un élément de son identité.
L’appartenance est le signe d’un lien humain et d’une place parmi les autres» (Devillard, 2000, p.
40). Ainsi, tout individu a besoin de développer un sentiment d’appartenance au groupe. En effet,
le "besoin d'appartenance" est un besoin humain fondamental; c'est ce à quoi les enfants font souvent
référence à l'école et en dehors de l'école quand ils parlent de leurs amis, de leurs relations, quand ils
aiment être à l'école ou qu'ils aiment ou non un enseignant. (Hunter-Crash, Tiknaz, Cooper & Sage, 2006,
p. 267)
Le sentiment d’appartenance est saisi à partir de différents aspects. Boucher et Morose (1990)
proposent la définition suivante :
Le sentiment d’appartenance, c’est ce que ressent un individu concernant son appartenance à un groupe, à
une organisation ou à une institution. Le fait de se sentir bien chez soi ou à l’école, le fait de se sentir utile
au groupe et solidaire des autres constituent des indicateurs du sentiment d’appartenance d’une personne.
(p. 417)
Le sentiment d’appartenance au groupe est donc un processus interactif par lequel les individus sont
reliés et se définissent les uns par rapport aux autres. L’individu peut évaluer son appartenance en
fonction de son adéquation ou inadéquation aux normes et valeurs du groupe. Ainsi, plus l’individu
est conforme aux attentes du groupe, plus le groupe aura tendance à l’accepter. D’autre part, « plus
un individu a un fort sentiment d’appartenance à un groupe, plus il a tendance à adopter les valeurs,
les normes et les règles de conduite de ce groupe » (Boucher & Morose, 1990, p. 417). Cela est
d’autant plus marqué chez les jeunes en phase de préadolescence et d’adolescence qui tentent de se
détacher peu à peu du cercle familial et qui accordent une importance considérable à d’autres
groupes, en particulier celui de leurs amis.
Mucchielli (1980) résume la notion d’appartenance au groupe par les propos suivants :
26
L’appartenance n’est pas le fait de se " trouver avec ou dans ce groupe " puisqu’on peut s’y trouver sans
le vouloir; elle implique une identification personnelle par référence au groupe (identité sociale), des
attaches affectives, l’adoption de ses valeurs, de ses normes, de ses habitudes, le sentiment de solidarité
avec ceux qui en font aussi partie, leur considération sympathique. (p. 99)
Ainsi, pour savoir s’il est en adéquation avec le groupe auquel il semble appartenir, l’individu a
besoin de connaître le degré d’acceptabilité sociale de ses pairs, soit la manière dont les autres
l’acceptent en tant qu’individu à part entière.
Le sentiment d'appartenance à l'école
Selon Smerdon (2002), le sentiment d'appartenance des élèves à leur établissement scolaire est l'une
des trois dimensions utilisées pour mesurer leur appartenance perçue à l'école. Les deux autres sont
leur engagement envers l'école et leur engagement envers le travail scolaire. Au niveau
méthodologique, le sentiment d'appartenance à l'école d’un élève est évalué par des items
opérationnalisant des facettes comme le sentiment que l’enseignant s'occupe de l’élève, le sentiment
de bien s’entendre avec les autres élèves de l'école, le sentiment d’être écouté, considéré, utile.
Le sentiment d'appartenance a été démontré comme étant une caractéristique essentielle
d'appartenance par les recherches psychologiques et éducatives. Baumeister et Leary (1995)
défendent l'idée que le besoin d'appartenance est fondamental dans la motivation et le
comportement humain. La corrélation positive entre le sentiment d'appartenance à l'école,
l'engagement dans le travail et la persévérance (voir Bowen, Chouinard & Janosz, 2004. ; Pelgrims,
2008, 2013) souligne son rôle motivationnel dans l'apprentissage des élèves ordinaires et des élèves
à besoins éducatifs particuliers. Les conditions sociales et environnementales influencent la manière
dont les élèves se perçoivent eux-mêmes comme membres de l'école ou de la classe. Le contexte
scolaire, les relations entre les membres de l'école, ainsi que le climat scolaire de justice et de
respect, ont été identifiés comme des facteurs importants dans le sentiment d'appartenance des
élèves (revue de la littérature de Pelgrims, 2010). Une étude menée avec des élèves adolescents
ayant des besoins éducatifs particuliers et des difficultés de comportement a montré que leur
sentiment d'appartenance à leur classe est fortement associé aux perceptions qu’ils ont des pratiques
d'enseignement : plus les élèves perçoivent que les pratiques sont explicites, que l'enseignant
enseigne les savoirs requis, et que l’activité d’apprentissage est étayée, plus ils se sentent appartenir
au groupe classe, sont intéressés et disposés à acquérir des nouvelles compétences langagières et en
lecture (Pelgrims, 2008, 2013).
En revanche, la perception négative des pratiques d'enseignement est liée avec un faible sentiment
d'appartenance et un manque d'intérêt et d'engagement pour l'apprentissage. Plusieurs études
montrent des liens entre le sentiment d'appartenance et les résultats scolaires. DeGroot (cité par
Smerdon, 2002, p. 289) trouve que « les environnements scolaires qui ont un haut niveau dans les
caractéristiques comme le soutien aux enseignants sont associés avec un développement
académique et social positif pour tous les élèves ». Un sentiment d'appartenance positif a des effets
positifs sur l'efficacité académique des élèves, sur leurs connaissances académiques, et sur leurs
résultats (Smerdon, 2002, p. 289).
D'autres travaux montrent que l'appartenance perçue peut être affectée quand les élèves ont un
faible statut scolaire dans leur école. L'impact du redoublement à l'école est particulièrement négatif
sur le sentiment d'appartenance. Ce point est essentiel dans le contexte de l'intégration et de
l'inclusion des élèves à besoins éducatifs particuliers puisque beaucoup de ces élèves ont
généralement redoublé une ou plusieurs classes au cours de leur scolarité avant d’être orientés vers
l’enseignement spécialisé. Les caractéristiques de la dynamique sociale et relationnelle en classe
peuvent favoriser ou handicaper le sentiment d'appartenance à la communauté scolaire. En effet,
27
« le contact social avec des amis de longue date va offrir des satisfactions, y compris un sentiment
de compétence qui ne pourrait pas se retrouver dans des relations avec des étrangers ou des
nouvelles connaissances » (Baumeister & Leary, 1995, p. 500). Les répercussions pour les élèves
qui ne se sentent pas complètement appartenir à leur école peuvent contraindre ces élèves à
« choisir de se retirer de l'école psychologiquement et éventuellement physiquement. Ce retrait peut
inclure une diminution des motivations, une alliance aux groupes de pairs avec des normes nonacadémiques, sécher l'école et ou abandonner leur scolarité » (Finn, cité par Smerdon, 2002, p.
290).
Les écoles qui sont fortement différenciées et spécialisées sont souvent décrites sur le modèle
d'écoles dans lesquelles les individus ne sont pas capables de faire des liens entre leurs propres
intérêts et ceux des autres. A l'inverse, les écoles inclusives devraient illustrer un modèle commun
où les individus sont reliés aux autres. Les relations entre pairs et avec les enseignants devraient être
structurées et contractuelles. Il est nécessaire de penser à l'organisation de l'école. Celle-ci est
importante parce qu'elle influe sur le sentiment des élèves de mise à l'écart de leur école ou de leur
appartenance à la communauté scolaire. Les caractéristiques de l'école peuvent améliorer la
perception qu'ont les élèves de l'appartenance à l'école. Par exemple, la composition du groupe
d'élèves peut influencer l'appartenance à l'école et à la classe. La concentration dans un même
groupe-classe des élèves avec des difficultés scolaires peut créer des problèmes spécifiques et une
dynamique conflictuelle peu propice au sentiment d’appartenance.
Une école dite inclusive et la pédagogie inclusive devraient se traduire par la constitution du
groupe-classe auquel chaque élève avec et sans besoins éducatifs particuliers, se sente clairement
appartenir.
Comme nous l'avons expliqué précédemment dans ce travail, il est établi que le sentiment
d'appartenance procède par la co-construction et l’intégration des règles scolaires par les élèves.
Plus ils se sentent appartenir à la classe, plus leur comportement devrait être en adéquation avec les
normes, les valeurs, les codes du groupe-classe. Chaque classe se constitue sur un ensemble de
règles internes qui doivent être explicites et claires pour les élèves. La conformité à ce cadre
scolaire est un des moyens de garantir le sentiment d'appartenance à l'école. L'école est une
communauté de normes et de valeurs. Ces valeurs ont à être partagées par tous les membres de la
communauté. Cette conformité des membres assure les bases pour une identité commune et
collective. Si chaque membre partage ces normes et ces valeurs, « les individus sont intégrés dans le
groupe par la création de sentiments de soutien mutuel » (Durkheim, cité par Smerdon, 2002, p.
190).
3.1.3 Sentiment d'appartenance et inclusion scolaire
Le sentiment d'appartenance n'est pas seulement un besoin mais aussi un droit pour les élèves dans
une école inclusive. Ce droit est exprimé par le slogan « une école pour tous », parfois utilisé pour
désigner l'école inclusive. Derrière ce slogan, l'idée est le droit pour chaque élève d'avoir « une
éducation équitable et appropriée […] les élèves ont le droit d'appartenir indépendamment de leurs
différences mentales ou de leur aptitudes physiques. Le même principe s'applique aux différences
culturelles, de race ou sexuelles » (Nes Mordal & Strømstad, 1998, p. 105).
En Finlande, les écoles essaient d'agir dans cette voie et l'idée est de scolariser les élèves ensemble
quels que soient leurs besoins. Le système de soutien d'enseignement spécialisé en groupe restreint
qui est encore en pratique dans quelques écoles finlandaises évolue vers une optique préconisant
moins de temps d'enseignement hors de la classe ordinaire. En attendant, des formes de
différenciation structurale demeurent. Dès lors, des élèves à besoins éducatifs particuliers pourraient
se sentir appartenir à un groupe scolaire spécifique. En outre, un élève peut aussi se sentir
appartenir à un groupe de pairs mais ne pas se sentir membre de l'école. Outre l'école et ses
28
structures, l'organisation sociale caractérisant la différenciation de l’enseignement en groupes de
niveau à l'intérieur de la classe peut aussi infléchir le sentiment d'appartenance des élèves. Ils
« pourraient percevoir une appartenance plus forte dans les écoles où ils sont impliqués dans leur
travail scolaire ou où ils peuvent apprendre ensemble » (Smerdon, 2002, p. 295).
Toutefois, bien que l’école se déclare inclusive, certains enseignants de Finlande rapportent que les
élèves avec des difficultés de comportement ne sont parfois pas en adéquation avec les règles
scolaires, et que leurs difficultés semblent avoir des impacts sur leur sentiment d'appartenance
(Meuli, 2011), ce qui pourrait aussi être le cas à Genève. Comme certains auteurs le disent dans
leurs recherches (Nes Mordal & Strømstad, 1998), les camarades de classe ordinaire ont plus de
tolérance envers les élèves à besoins éducatifs particuliers qui ont des difficultés d'apprentissage
qu'envers ceux qui ont des difficultés de comportement. En effet, les élèves avec des problèmes de
comportement fréquentent habituellement des périodes de soutien pédagogique hors de leur classe
ordinaire ; sans leurs pairs : nous nous demandons dès lors comment les élèves qui se sentent
parfois rejetés, peu acceptés par leurs pairs se sentent appartenir à la classe, comment ils se sentent
membres à part entière d’un groupe, d’une équipe, devant accomplir un travail ensemble.
29
4 ANNONCE DES DEUX ETUDES
Ce chapitre annonce les deux études respectivement conduites par Meuli et par Zuccone. Les
problématiques que chacune de nos deux études contribuent à élucider sont tout d'abord énoncées.
Les politiques et pratiques intégratives et inclusives dans les deux contextes scolaires (Finlande et
Genève) sont présentées dans la deuxième partie de ce chapitre. Cette deuxième partie présente
aussi en détail les contextes spécifiques dans lesquels les deux recherches sont réalisées. Enfin,
nous résumerons les dimensions étudiées dans chaque recherche ainsi que les spécificités
méthodologiques de chacune.
4.1
Problématique générique aux deux recherches
4.1.1 Questions soulevées par la mise en place de pratiques intégratives ou inclusives dans
différents contextes scolaires : contradictions théoriques et pragmatiques
L'école inclusive est un changement dans les structures et pratiques scolaires. Même si certains
pays, comme la Finlande, ont décidé de changer leurs écoles en écoles inclusives, plusieurs pays
travaillent encore selon des modèles plus ou moins intégratifs, voire toujours ségrégatifs (OCDE,
2007). Comme il a été expliqué dans le premier chapitre, l'inclusion est une décision antiségrégative qui implique une scolarisation de chaque élève dans l'enseignement ordinaire, dans
l'école de son quartier de domicile, quels que soient les besoins particuliers des élèves.
Bien que l'inclusion ne soit pas incompatible avec l'idée de dispenser certains enseignements,
soutiens ou appuis en groupes sous la responsabilité de l'enseignant spécialisé, le temps que passent
les élèves dans des mesures d'appui, de soutien ou de ressources joue un rôle important pour
intégrer complètement et socialement la classe ordinaire. L'inclusion prend sens si l'on est capable
de garder autant que possible les élèves en classe ordinaire en apportant les ajustements à
l'environnement scolaire, ainsi que le soutien pédagogique nécessaire. Mais il ne s'agit pas de se
limiter, en classe ordinaire, à de l'intégration physique. Les conditions devraient garantir que tout
élève participe aux activités de la classe, joue un rôle d'apprenant parmi et avec les autres. À cet
effet, l'activité différenciée, voire individualisée d'élèves à besoins éducatifs particuliers doit être
articulée à l'activité collective (Pelgrims, 2011) à l'aide notamment des différentes modalités de
différenciation pédagogique, de tutorat, d'apprentissage coopératif, de régulation ciblée en
profondeur ou intégrée dans des tâches collectives (Doré et al. 1996, Berger, Kummer, Moulin &
Pelgrims, 2010).
Avec des conditions pédagogiques et didactiques optimales à l'intégration scolaire, l'inclusion
devrait induire un climat de classe positif, un sentiment d'appartenance à l'école ordinaire et au
groupe classe, des relations positives entre élèves ainsi qu’un sentiment de compétence scolaire et
de confiance face aux apprentissages attendus. Effectivement, si les autorités politiques décident de
prescrire l'inclusion comme ligne directrice de son système scolaire, on s'attend à des conséquences
positives sur les résultats scolaires de tous les élèves, mais aussi sur les dimensions sociales et
affectives qui contribuent à l'activité d'apprentissage et, ainsi, à l'intégration du rôle social d'élève
attendu.
Si les bons résultats obtenus par la Finlande dans les études internationales ne sont plus à présenter,
la question maintenant est d'examiner, de manière qualitative, l'impact de ces décisions politiques
sur l'activité des élèves, et plus particulièrement sur les perceptions et les sentiments des élèves à
besoins éducatifs particuliers. Dans le contexte de la recherche réalisée en Finlande, il est apparu
(Meuli, 2011) que les services proposés peuvent parfois contribuer à la stigmatisation de certains
élèves, ce qui démontre la complexité des mises en œuvre d'une école inclusive. Le sentiment
d'appartenance est une dimension centrale quand on parle d'inclusion, d'intégration sociale et
d'école. Il contribue à révéler comment l'environnement scolaire et les pratiques d'enseignement
30
amènent un élève présentant des besoins éducatifs particuliers à accomplir des tâches
d'apprentissage et à assumer son rôle d'élève avec et parmi les pairs. Comme il a précédemment été
montré dans le cadrage théorique, le sentiment d'appartenance est lié aux perceptions que les élèves
ont du contexte, de l'école, des tâches scolaires, à la valeur qu'ils accordent aux savoirs à apprendre
ainsi qu'à la perception qu'ils ont de leurs compétences scolaires.
Les pratiques inclusives ont donc aussi leur importance dans le sentiment de compétence des élèves.
En effet, l'inclusion suppose des attentes scolaires explicites, un soutien individuel correspondant
aux besoins de l'élève, ainsi que des pratiques d'enseignement encourageant l'apprentissage et les
progrès sans pour autant stigmatiser l'élève à besoins éducatifs particuliers en lui donnant un statut
différent de celui de ses pairs. Des pratiques d'enseignement inclusives devraient clairement limiter
les comparaisons ascendantes et descendantes; et leurs conséquences parfois négatives sur le
sentiment de compétences des élèves « dits » et perçus par autrui comme élèves en « difficultés,
handicapés » (revue in Pelgrims, 2006). Néanmoins, certaines pratiques étiquètent, comme le fait de
retirer un élève à besoins éducatifs particuliers de sa classe, ou de lui assigner une personne de
soutien, et risqueraient d'amplifier le statut d'élève en difficulté. Dans ces conditions, le sentiment
d'inclusion, le sentiment d'appartenance et le sentiment de compétence pourraient être affectés.
Finalement les mesures pédagogiques et didactiques mises en place dans les contextes inclusifs ou
intégratifs peuvent elles-mêmes générer de nouvelles problématiques amenant un étiquetage ou une
stigmatisation de l'élève à besoins éducatifs particuliers.
4.1.2 Etat des études de l'activité des élèves à besoins éducatifs particuliers scolarisés en classe
ordinaire
Le cadrage théorique de cet ouvrage montre que beaucoup de travaux ont été réalisés concernant la
motivation à apprendre, l’estime de soi des élèves, d'une part, l’inclusion et l’intégration, d'autre
part. Toutefois, nous relevons un manque de travaux qui étudient ces dimensions et examinent plus
particulièrement l’activité socio-affective des élèves à besoins éducatifs particuliers en fonction de
différents contextes et situations scolaires en classe ordinaire. Par ailleurs, nous notons que l'activité
des élèves présentant une déficience auditive en situation d'apprentissage effective en classe
d'intégration est peu étudiée.
En effet, depuis plus d’une cinquantaine d’années, les acteurs scolaires tentent de ne pas laisser en
marge les enfants à besoins éducatifs particuliers. Des mesures d’intégration dans le contexte suisse
ou des mesures d’inclusion dans le contexte finlandais se sont alors progressivement mises en place.
Il en résulte que de nombreux chercheurs tentent d’en observer les effets et de mettre en place des
guides de l’intégration, des recommandations en termes de pratiques efficaces (best practices,
European Agency for the Development of Special Needs Education, 2001; Rousseau, 2010). Le
domaine thématique de l’intégration scolaire est vaste et fait l'objet de nombreux écrits. Toutefois,
malgré le vif intérêt qu'on lui prête, peu d'études concernent l’activité de l'élève intégré ou inclus,
son degré d’intégration en classe ordinaire, ses perceptions et son affectivité. Effectivement, les
travaux réalisés sur la question de l’intégration ou l’inclusion scolaire sont essentiellement centrés
sur les raisons, les bienfaits et les méfaits en termes d’apprentissages; ils s'attachent surtout à la
mise en œuvre concrète de celle-ci et aux conceptions, perceptions et attitudes des enseignants. En
outre, les chercheurs se sont considérablement préoccupés de l’intégration ou l’inclusion des élèves
ayant une déficience intellectuelle, un handicap physique ou encore des difficultés d’apprentissage.
Malgré tous les apports qui ont pu être présentés dans le chapitre dédié à la revue de la littérature,
peu de travaux permettent de comprendre comment les élèves présentant des besoins éducatifs
particuliers se sentent et perçoivent des différentes situations en classe ordinaire et plus
particulièrement en situations didactiques.
Quelques recherches ont toutefois été menées pour mesurer l’efficacité de l’intégration des élèves à
besoins éducatifs particuliers en contexte ordinaire, en analysant entre autres leur réussite scolaire
31
au niveau des savoirs et au niveau social. Les recherches concernant les savoirs sont très
nombreuses et témoignent d’une grande réussite scolaire de ces élèves (voir par ex. la revue de
Doudin et Lafortune, 2006). En revanche, les aspects socio-affectifs de l’intégration sociale étudiés
sont relativement restreints et se limitent, pour beaucoup, à l’étude de l’acception sociale de ces
élèves de manière générale, moins en contexte et situation d'activité scolaire effective (voir par ex.
la revue de Vienneau, 2010). En somme, la majorité des travaux examinent les effets de
l’intégration ou de l’inclusion sur l’élève intégré/inclu en considérant l’intégration comme un tout
indissociable. Les chercheurs étudient les phénomènes d’acceptabilité par les pairs et le sentiment
d’appartenance sociale sans lien avec les situations scolaires effectives: les questions posées aux
élèves sont globales, et impliquent de fait un avis général sur la question sans référence à des
situations d’enseignement et d’apprentissage effectives L'approche située de la motivation à
apprendre (Boekaerts, 2001; Pelgrims, 2006) montre combien les dimensions socio-affectives de
l'apprentissage sont en lien avec des contextes et des situations d'action particulières.
Ainsi, nous pensons qu’un élève présentant des besoins spécifiques intégré ou inclu peut se sentir
bien accueilli, respecté et jugé comme un élève comme les autres en se sentant appartenir au groupe
dans certaines situations scolaires, mais que dans d’autres au contraire, l’élève pourrait se sentir
exclu à cause de sa différence. Nous nous demandons alors dans quelle mesure les dynamiques
interactionnelles et socio-affectives se modifient en fonction des contextes et des situations
scolaires dans lesquelles les élèves à besoins éducatifs particuliers déploient leur activité. Nous
contribuerons à élucider cette question sous l'angle des perceptions qu'ont des élèves devant agir en
clase ordinaire et en groupe restreint dans une école finlandaise d'une part, ou devant agir dans
différentes situations didactiques en classe ordinaire dans une école genevoises d'autre part.
4.2
Annonce des deux contextes de recherche
4.2.1 École dite inclusive : contexte de l'étude menée en Finlande
Le système d'école inclusive en Finlande
Le système finlandais d'éducation est composé de neuf années scolaires qui constituent la scolarité
obligatoire, précédée d'une année d'école préscolaire facultative. Tous les élèves ont la garantie de
bénéficier de conditions d'apprentissage et de développement indépendamment de leurs habilités, de
leur lieu de résidence, de leur langue maternelle ou de leur statut socio-économique13.
En Finlande, le droit à l'éducation est un droit de base garanti dans la Constitution. Effectivement
chaque résident en Finlande doit bénéficier d'égales conditions de scolarisation. Les autorités
publiques doivent également garantir la possibilité d'effectuer une formation après l'école
obligatoire. La situation socio-économique ne doit pas être une barrière à l'accès à l'éducation et à la
formation. La loi garantit la gratuité de l'année préscolaire et de la scolarité obligatoire (7 – 16 ans)
pour tous les élèves. La plupart des structures post-obligatoires sont gratuites, y compris les
universités.
Un élève résident en Finlande commence généralement sa scolarité à l'âge de 7 ans. Toutefois,
l'année facultative précédant la scolarité obligatoire est fréquentée par la plupart des enfants (96%),
selon le ministère de l’Education et de la Culture14. Cette année a pour objectif de développer les
interactions sociales des élèves, leur langage et leur motricité. Tous les enfants vivant en Finlande
ont donc le droit et l'obligation d'accomplir l'intégralité de la scolarité obligatoire, ce qui est le cas
pour 99.7% des élèves. Le gouvernement détermine les objectifs généraux de la scolarité obligatoire
et fixe l'allocation de temps pour chaque discipline enseignée. Les deux premières années de la
scolarité obligatoire font le pont entre l'année préscolaire et la suite de l'école obligatoire. Ces
13
14
http://www.minedu.fi/OPM/Koulutus/perusopetus/?lang=en, consulté le 14.04.13, 14:30.
http://www.minedu.fi/OPM/Koulutus/esiopetus/?lang=en, consulté le 07.06.13, 09 :40.
32
années visent en effet à développer les compétences requises dans la suite de la scolarité. En
principe, les enseignants exerçant dans ces deux premières années ont une formation spécifique.
Le bureau finlandais d'éducation décide des buts et des contenus d'enseignement qui figurent dans
un curriculum national sur lequel s'appuient ensuite les équipes pédagogiques. Ceci ressemble au
Plan d'études romand (PER) que l'on trouve en Suisse romande. L'organisation effective, matérielle
et logistique des écoles revient néanmoins aux autorités locales ou municipales. Les autorités
locales ont alors le devoir de garantir l'instruction des élèves vivant dans leur province.
Un élève qui a des difficultés d'apprentissage ou des difficultés d'adaptation est signalé par
l'enseignant ordinaire à sa hiérarchie afin que l'élève puisse bénéficier d'un soutien tout au long de
sa scolarité. S'il n'est pas possible pour l'élève de suivre la scolarité ordinaire en raison d'une
déficience, d'une maladie, d'un retard de développement ou autre raison, il peut bénéficier de
mesures d'enseignement spécialisé. Dans la mesure du possible, les prestations d'enseignement
spécialisé sont dispensées en classe ordinaire ou alors dans une autre classe au sein de
l'établissement.
À la fin d'une année scolaire, les élèves passent au degré supérieur. Il n'y a que très peu de
redoublement (2% des élèves en âge de scolarité obligatoire). Crahay (2003) remarque que le
système finlandais recourt peu au redoublement, bien que la législation l'autorise. Refaire une année
scolaire est une décision exceptionnelle et généralement, « la promotion automatique est
généralisée » (p. 17). Ce choix politique a plusieurs conséquences. Premièrement, les élèves suivent
le même groupe-classe durant toute leur scolarité, hormis certaines situations particulières comme
les déménagements. Deuxièmement, si les enseignants remarquent qu'un élève éprouve des
difficultés dans l’atteinte des objectifs, ils considèrent cet élève comme ayant des besoins éducatifs
particuliers. C'est une pratique assez habituelle en Finlande ou, en 2009, 23% des élèves de
l'ordinaire étaient identifiés comme élèves présentant des besoins éducatifs particuliers (Statistiques
Finlande, juin 2010). Actuellement, les chiffres sont toujours identiques, à savoir entre 20 et 25%.
La raison pour laquelle les enseignants signalent autant d'élèves réside en partie dans le soutien
financier dont leur école bénéficiera afin d'allouer des ressources (enseignants spécialisés ou
assistants travaillant avec l'enseignant ordinaire, par exemple) permettant de répondre aux besoins
de ces élèves. Penser ainsi le signalement permet de garder ces élèves en classe ordinaire. Cela
permet aussi d'offrir aux élèves à besoins éducatifs particuliers des périodes d'enseignement
spécialisé, bien que ces derniers soient toujours scolarisés au sein de l’enseignement ordinaire. Ces
périodes-là sont sous la responsabilité des enseignants spécialisés et ont été introduites dans les
années 1960, au moment de la réforme de la législation afin de répondre à l'hétérogénéité des
élèves. Selon Kivirauma et Ruoho (2007), ces mesures de soutien pédagogique semblent être un des
facteurs clé expliquant les résultats d'égalité, de réussite scolaire accrue dans le système finlandais.
Cette politique et son organisation subséquente permettent à la plupart des élèves de fréquenter leur
école de quartier de domicile, indépendamment de leurs besoins particuliers ou de leurs difficultés
scolaires.
Le système scolaire finlandais insiste particulièrement sur la détection précoce des difficultés tout
au long de la scolarité, mais particulièrement au début de celle-ci.
Le développement des enfants est consciencieusement observé. Une attention particulière est portée aux
dispositions des élèves pour les attentes scolaires, c'est-à-dire leurs dispositions émotionnelles, sociales
et leur développement cognitif. L'identification précoce des difficultés d'apprentissages ou dans d'autres
domaines est essentielle durant l'année préscolaire. Il y a plusieurs formes de soutien et souvent, cela
suppose une coopération entre les secteurs sociaux et de santé. Ceux-ci dispensent différentes thérapies
ainsi que du soutien à la famille. Les enfants sont soutenus de manière à leur permettre de participer aux
mêmes activités que leurs pairs.
(bureau finlandais d'éducation ; http://www.oph.fi/english/education/pre-primary_education, 14.04.13,
15:53)
33
Tout au long de la scolarité, l'élève peut recevoir des mesures d'enseignement spécialisé pour une
durée plus ou moins longue. Ces mesures peuvent être dispensées en classe ordinaire ou en groupe
de soutien d'enseignement spécialisé hors de la classe ordinaire. Généralement, les élèves en
première ou en deuxième année ne sont pas signalés pour des mesures d'enseignement spécialisé
hors de la classe ordinaire. Les élèves restent à temps plein en classe ordinaire à moins d'un retard
mental. Si nécessaire, l'enseignant ordinaire peut faire appel à un assistant.
En Finlande, tout élève bénéficiant de mesures d'enseignement spécialisé est au bénéfice d'un projet
pédagogique individualisé. Ces projets fixent des attentes en tenant compte des compétences des
élèves et de leurs besoins.
Contexte scolaire de la recherche réalisée en Finlande
L'école finlandaise où la recherche a été menée est une école publique de Laponie, située dans un
environnement urbain plutôt privilégié. La population est mixte au niveau socio-économique. Il y a
peu d'élèves étrangers. Au niveau socio-économique, les groupes restreints dans lesquels est fourni
le soutien d'enseignement spécialisé sont plus hétérogènes que les classes ordinaires. Il s'agit d'une
école accueillant les élèves du premier degré primaire à la neuvième, soit pour l’ensemble de la
scolarité obligatoire; les élèves relèvent de l'enseignement primaire pour les degrés un à six. La
première correspond à la 3P Harmos. L'école où se déroule la recherche compte 420 élèves et
différents corps professionnels y travaillent. Il y a en effet 5 enseignants spécialisés, 11 assistants
d'enseignement et personnels, 35 enseignants ordinaires, 1 travailleur social, 1 infirmière et 1
concierge.
L'école comprend 20 classes : Neuf concernent les degrés primaires et neuf autres les degrés
secondaires. Il y a également deux classes intégrées d'enseignement spécialisé pour les élèves
présentant un retard intellectuel. Pour les autres élèves à besoins éducatifs particuliers, il n'y a pas
de classes spécialisées en tant que telles. En revanche, il y a deux salles de classe réservées au
soutien d'enseignement spécialisé en groupes restreints.
Les élèves appartenant aux deux classes intégrées d'enseignement spécialisé viennent de toute la
ville. En raison des besoins des élèves, l'effectif de ces classes ne peut pas être supérieur à huit. Les
deux classes sont réparties en fonction des groupes d’âges des élèves : des élèves dont les âges
correspondent aux degrés un à six, et la seconde des élèves plus âgés des degrés sept à neuf. Les
élèves en âge de scolarité secondaire sont à temps plein dans leur classe d'enseignement spécialisé;
il n'y a pas d'intégration en classe ordinaire en raison de la sévérité de leur handicap et de la
particularité de leurs besoins éducatifs, thérapeutiques et pédagogiques. Par contre, au sein de la
classe accueillant les élèves en âge de scolarité primaire, certains d'entre eux sont intégrés en classe
ordinaire, à raison de deux à six leçons par semaine. L'enseignante spécialisée travaille avec deux
assistants. Deux des huit élèves ne bénéficient d'aucune intégration individuelle. Néanmoins,
l'enseignante spécialisée se rend une fois par semaine avec tous ses élèves dans une classe ordinaire
pour travailler tous ensemble, sous la responsabilité des deux enseignantes. Il s'agit d'une forme
d'intégration collective, L'enseignante spécialisée collabore avec les enseignants ordinaires,
particulièrement avec ceux qui intègrent ses élèves ou toute sa classe. Elle trouve les intégrations
collectives importantes parce qu'elles offrent aux élèves à besoins éducatifs particuliers des
conditions leur permettant d'apprendre des savoirs sociaux et à interagir avec leurs pairs sans
handicap, et elle permet aux élèves « ordinaires » de travailler avec des pairs « différents ». La
principale difficulté réside dans le manque de temps. Effectivement, l'enseignante spécialisée
souhaiterait accorder plus de temps à la discussion et à l’organisation de ces intégrations avec les
enseignants de l'ordinaire.
Les deux groupes restreints d'enseignement spécialisé accueillent des élèves de plusieurs classes
ordinaires. Les élèves sont répartis entre ces deux groupes en fonction de leur âge. Le premier
34
groupe, accueille 13 élèves des degrés trois à six, le second 11 élèves des degrés sept à neuf. Ce
sont certains élèves fréquentant ces deux groupes qui ont été interrogés dans la recherche. Les
élèves sont présents dans ces groupes en fonction de leurs besoins éducatifs particuliers. Des
mesures de soutien d'enseignement spécialisé sont demandées pour ces élèves-là pour différentes
raisons: difficultés de lecture et d'écriture, trouble de l'attention avec ou sans hyperactivité,
problèmes émotionnels, troubles du comportement, syndrome d'Asperger, déficience motrice et
retard intellectuel.
Ces élèves fréquentent les groupes restreints entre 5 et 25 leçons par semaine. Ils passent le reste du
temps dans leur classe ordinaire. La loi finlandaise limite le nombre d'élèves simultanément dans le
« petit groupe » à dix, mais cela reste flexible dans les pratiques effectives. Les groupes observés,
accueillent jusqu'à neuf élèves simultanément. Dans cette école, comme dans beaucoup d'écoles
finlandaises, il y a un enseignant spécialisé travaillant comme enseignant de soutien. Cet enseignant
n'est pas responsable d'une classe ou d'un groupe restreint mais il travaille avec les élèves à besoins
éducatifs particuliers en classe ordinaire. Cependant, il peut arriver que l'enseignant prenne l'élève à
part pour un enseignement ou un appui pour répondre à un besoin spécifique.
Les enseignants spécialisés responsables du soutien en groupes restreints que nous avons interrogés
(Meuli, 2011) se considèrent eux-mêmes comme des coordinateurs, des coopérateurs essayant
d'organiser le meilleur enseignement possible pour leurs élèves. Ils ont beaucoup de contacts avec
les enseignants ordinaires ainsi qu'avec les assistants d'enseignement. Toutefois, ces contacts
relèvent d'avantage de discussions informelles dans les couloirs et les enseignants doivent souvent
donner des conseils à leurs collègues. Ils ont parfois l'impression de faire plus de la coordination
que de l'enseignement.
L'enseignant spécialisé responsable du groupe restreint qui accueille les élèves de la troisième à la
sixième travaille avec trois assistants. Ceux-ci opèrent la plupart du temps dans les classes
ordinaires lorsque les élèves à besoins éducatifs particuliers y sont. L'enseignant spécialisé travaille
également dans un groupe lors d'un décloisonnement de lecture avec les deux classes de deuxième
année. Dans ce moment-là, les élèves sont répartis selon leurs niveaux et besoins dans
l'apprentissage de la lecture. Néanmoins, il est difficile pour l'enseignant spécialisé d'être plus
présent dans les classes ordinaires, parce qu'il y a toujours des élèves dans le groupe. C'est une des
raisons pour lesquelles ce sont généralement les assistants qui interviennent en classe ordinaire
comme enseignant de soutien, laissant ainsi l’opportunité à l’enseignant spécialisé de se focaliser
sur l'activité en groupe restreint dont il a la charge.
Les enseignants interrogés ont des opinions mitigées à propos de ce système de « petits groupes »
(Meuli, 2011). Ils réalisent que le soutien pédagogique apporté hors de la classe ordinaire ne permet
pas nécessairement d'atteindre les buts fixés. Ils reconnaissent quelques avantages à travailler en
groupe restreint, comme le fait que les élèves apprennent à travailler ensemble et aient la possibilité
de prendre confiance en eux. Les parents semblent d’ailleurs satisfaits de cette organisation où leurs
enfants reçoivent un soutien adapté à leurs besoins.
D'un autre côté, « réunir des élèves avec des difficultés et des besoins très différents génère en tant
que tel des difficultés d’enseignement ; en outre, les conditions d’accomplissement des tâches - plus
d’individualisation, plus d’aides - ne sont pas les mêmes qu’en classe ordinaire ce qui peut rendre
difficile le transfert des savoirs acquis » (Meuli & Pelgrims, 2010, p. 32). Les enseignants ont
parfois un groupe relativement hétérogène sur le plan scolaire; ils ont donc à enseigner en parallèle
plusieurs disciplines scolaires au sein de la même période d'enseignement. En raison des besoins
individuels des élèves, il est parfois difficile de leur répondre à tous de la manière la plus adéquate.
Les élèves du petit groupe n'ont pas le même âge, ce qui peut complexifier la tâche de l'enseignant.
De plus, la présence simultanée de différentes problématiques dans un seul et même groupe
restreint pourrait générer une problématique centrale dans la dynamique de groupe, ce qui ne se
35
retrouvera pas nécessairement dans la classe ordinaire dont l'effectif est plus important et plus
homogène.
Les enseignants spécialisés des deux groupes restreints pensent qu'il serait plus pertinent d'avoir des
élèves du même degré ou de degré scolaire proche (Meuli, 2011). Selon eux, plusieurs élèves ne
semblent pas tirer profit de l'enseignement spécialisé en groupe restreint trop hétérogène qui
exacerbe les besoins individuels. Les enseignants spécialisés disent vouloir préférer des classes
ordinaires avec moins d'élèves et pratiquer encore plus d'inclusion à l'aide notamment, de pratiques
de co-enseignement. Ils ne savent actuellement pas s'il s'agit d'un projet réalisable, mais ils
souhaitent travailler dans ce sens les prochaines années. Un des enseignants garde en mémoire
l'exemple d'une école dans le sud-est de la Finlande où les élèves à besoins éducatifs particuliers et
les élèves ordinaires sont toujours ensemble, et où l'enseignant différencie selon les apprentissages
des élèves et les besoins pédagogiques et didactiques. Dans ce type d'écoles, il n'y a pas de classe
spécialisée ni de petits groupes d'enseignement spécialisé. Le but est en effet de prévenir les
difficultés scolaires ou d'apprentissage pour tous les élèves. Ces derniers sont tous encouragés à
trouver leurs points forts et à recevoir de l'aide quand cela est nécessaire et dans le domaine
concerné (lecture, expression, mathématiques, langues, …). Ces moments de soutien peuvent être
conduits en classe ou en petit groupe, pendant ou hors des heures scolaires. L'enseignant spécialisé
peut travailler comme deuxième enseignant dans la classe ordinaire et pratiquer le co-enseignement,
ou il peut être seul dans un autre local avec quelques élèves, si nécessaire. Cette décision d'abolir
les classes spécialisées et les « petits groupes » éviterait aux élèves d'appartenir à l'enseignement
spécialisé ou à l'enseignement ordinaire; tous appartiendraient à l'école. Il n'y a de ce fait plus
d'étiquetage, ce qui semble se rapprocher au plus près de la définition même de l’inclusion scolaire.
Les enseignants travaillent évidemment en collaboration étroite avec les enseignants ordinaires et
pratiquent le co-enseignement.
Comme Doré (2001) le souligne dans son article, l'inclusion est réalisée lorsqu'il y a fusion du
système d'enseignement spécialisé et du système d'enseignement ordinaire. La classe ordinaire est
alors le seul lieu possible d'appartenance sociale et d'apprentissages scolaires pour tous les élèves.
4.2.2 École dite intégrative : contexte de l'étude menée à Genève
Le système scolaire à Genève
En Suisse, chaque canton est responsable de l’organisation de la scolarisation obligatoire et
publique des jeunes âgés de 4 à 15 ans. Des liens entre cantons, notamment au niveau des plans
d'études, ont tout de même été établis grâce à un programme d’harmonisation, nommé Harmos.
À Genève, le Département de l’instruction publique (DIP) régit l’enseignement ordinaire ainsi que
l’enseignement spécialisé. Toutefois, ces deux types d’enseignement sont séparés. Effectivement,
l’enseignement spécialisé dépend intégralement de la direction de l’Office Médico-pédagogique
(OMP), alors que l’enseignement ordinaire dépend de la direction de chaque ordre d’enseignement
(direction de l’enseignement primaire, secondaire, etc.).
L'entrée à l'école obligatoire se fait à l'âge de 4 ans à Genève, comme dans tous les cantons ayant
adopté Harmos. Les élèves intègrent donc le système scolaire à cet âge en première année primaire
et suivent leur scolarité en primaire de la première (1P) à la huitième (8P). À la suite des huit
années de primaire, les élèves sont scolarisés pour une durée de trois ans au Cycle d’Orientation
(CO), jusqu’à la fin de leur scolarité obligatoire. Leur orientation future peut être diverse selon les
compétences, les résultats scolaires et les projets individuels des élèves. En parallèle, un système
d’enseignement spécialisé prend en charge la scolarisation des élèves présentant des besoins
éducatifs particuliers de 4 à 20 ans. Outre l’enseignement spécialisé, l’OMP offre aussi des
prestations d’éducation précoce spécialisée et psychomédicales (logopédie, psychomotricité…)
36
dans des jardins d’enfants spécialisés, des classes spécialisées, des institutions spécialisées ou dans
des écoles de formation professionnelle.
Des liens existent tout de même entre l’enseignement ordinaire et celui de l’enseignement
spécialisé, et ce notamment par le biais des mesures d’intégration d’élèves à besoins éducatifs
particuliers en école ou en classe ordinaire. Actuellement, le DIP promeut la scolarisation des
élèves présentant des besoins éducatifs particuliers en classe ordinaire. Effectivement, l’intégration
des enfants et adolescents porteurs d’une déficience ou déclarés en difficulté fait partie des 13
priorités éditées par le DIP :
L'instruction publique appliquera avec résolution et discernement le droit à l'intégration des enfants
handicapés. Il consiste à favoriser l'accès au système scolaire et à ses prestations dans toutes les
filières de formation. Les modalités d'accueil et de formation des jeunes souffrant d'un handicap
seront adaptées en fonction des demandes et des besoins. (DIP, 2005)
En somme, le DIP s’attache à rendre possible la scolarisation de tous les enfants en proposant les
mesures nécessaires à cette intégration. En outre, il nous parait judicieux de relever que le DIP ne
contraint pas cette intégration puisqu’il s’agit uniquement de « favoriser l’accès au système
scolaire ». Par ailleurs, le DIP énonce fréquemment la perspective d’une « école inclusive » or la
terminologie employée dans les textes officiels révèle des contradictions. Pour parler de personnes
ayant des besoins éducatifs particuliers, le DIP emploie le terme d’« enfants handicapés » ou de
« jeunes souffrant de handicap », en confondant clairement les termes handicap et déficience,
trouble, difficulté. Il y a clairement un désaccord entre les concepts liés au handicap et le langage de
l’instruction publique. À travers ces termes, la vision du handicap du DIP semble réduire le
handicap uniquement à des facteurs personnels, à l’instar des modèles précédant les années 1970.
Ce langage peut suprendre les professionnels du domaine ; toutefois il a peut-être été vulgarisé de
manière à ce qu'un large public puisse avoir accès au sens de cette dixième priorité. En ce qui
concerne les lieux de scolarisation préconisés, il s’agit des structures de l’enseignement ordinaire
mais aussi de l’enseignement dans des structures différenciées d’enseignement spécialisé
(Règlement sur l’intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou
handicapés, 2011). L’organisation scolaire pour les élèves à besoins éducatifs particuliers relève
plus de la différenciation structurale et du système en cascade propre à l’intégration au sens de
normalisation. En conséquence, nous estimons que le DIP inclut des mesures intégratives en
ordinaire parmi d’autres mesures spécialisées pour l’intégration à l’école publique tout en restant
sur la notion même de handicap.
Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2010, une nouvelle loi genevoise est entrée en vigueur. Cette loi
s'intitule « Loi genevoise sur l’intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers
ou handicapés » (LIJBEP) qui a pour but de « favoriser l’intégration des enfants et des jeunes à
besoins éducatifs particuliers ou handicapés » (LIJBEP, 2010). Par cette loi, l’Etat souhaite
favoriser l’intégration, mais ne la contraint dans aucune mesure. Effectivement, il s’agit davantage
de faire en sorte que l’enfant ou le jeune n’entre pas dès son plus jeune âge dans le système de
l’Assurance Invalidité, mais de travailler en amont en proposant des mesures intégratives et des
moyens spécifiques pour que la personne ne soit pas dépendante de cette assurance. Cette loi offre
un cadre commun tant au législateur qu'aux professionnels ou encore aux familles concernées afin
d'offrir aux élèves à besoins éducatifs particuliers une prise en charge adaptée.Le DIP s’efforce
donc de créer le cadre et l’environnement pédagogiques adéquats pour accueillir les élèves
présentant des besoins éducatifs particuliers.
Modalités d’intégration des élèves malentendants à Genève
37
La déficience auditive entraîne entre autres une limitation de participation au niveau de la
communication. Effectivement, « la surdité est un handicap de communication » (Dethorre, 2006, p.
42). Le propre de l’enfant déficient auditif est d’avoir une capacité réduite de communication dans
un groupe social entendant. Cela se répercute notamment sur ses capacités à lire et à comprendre le
code écrit. En résumé, les élèves présentant une déficience auditive ne produisent généralement pas
ou très peu de discours oral, et éprouvent des difficultés à accéder au monde le l’écrit. Cependant,
les obstacles rencontrés par ces enfants ne sont pas identiques pour tous en raison de leur degré de
surdité et des progrès techniques. Effectivement, les enfants dont le degré de surdité est très faible
accèdent plus facilement au langage oral que leurs camarades dont le degré de surdité est plus élevé.
De plus, depuis quelques années, le dépistage précoce et le perfectionnement des appareillages
(implant cochléaire, prothèse auditive) ont permis aux enfants de découvrir plus aisément le monde
entendant. Par conséquent, les formes d’intégration des élèves présentant une déficience auditive
sont variées, et le choix de scolarisation des ces élèves se réalise en fonction de leurs capacités, du
type de surdité autour d’un projet individualisé. Trois modalités d’intégration en milieu ordinaire
sont recensées à Genève :
-
Scolarisation dans une institution spécialisée et intégration partielle en classe ordinaire:
l’élève fréquente majoritairement une institution spécialisés qui est dès lors sa structure de
référence, et il est partiellement intégré dans une classe ordinaire d’une école du quartier.
Cette modalité permet d’une part à l’élève de suivre des apprentissages dans la classe
ordinaire, et d’autre part, de recevoir les prestations et le soutien pédagogique dont il a
besoin (logopédie, soutien éducatif et psychologique, etc.) dans son établissement référent.
Notons néanmoins que la classe ordinaire n’est pas systématiquement dans le même
bâtiment que l’établissement de référence, ce qui implique dès lors de nombreux
déplacements.
-
Scolarisation dans une classe intégrée d’enseignement spécialisée et intégration en classe
ordinaire: les élèves sont dans une école ordinaire, mais sont scolarisés dans deux types de
classes. Effectivement, les élèves présentant une déficience auditive sont regroupés dans une
classe d’enseignement spécialisé dite intégrée dans l’école primaire, et sont intégrés à temps
partiel dans les classes ordinaires correspondantes à leur niveau scolaire. L’intégration en
classe ordinaire se fait uniquement dans certaines disciplines. L’enseignement spécialisé en
classe intégrée permet alors aux élèves malentendants de se retrouver pour certains
domaines d’apprentissages nécessitant un enseignement et un matériel adaptés à leurs
besoins spécifiques.
-
Intégration en classe ordinaire à temps plein : l’élève est intégré à 100% dans la classe
ordinaire tout en bénéficiant des services spécialisés (séances de logopédie, soutien
psychologique hebdomadaire). Ce type d’intégration évite alors tout type de ségrégation en
proposant à l’élève intégré de réaliser toutes les activités scolaires au même titre que ses
camarades entendants. Notons que cette forme d’intégration concerne essentiellement les
enfants dont les compétences langagières sont proches, voire similaires, à celles des enfants
entendants. Ainsi, les enfants intégrés disposent généralement d’un implant cochléaire ou
leur degré de surdité est peu élevé.
Ces différentes formes d’intégration ont donc des finalités similaires, à savoir permettre aux élèves
malentendants d’effectuer des apprentissages scolaires, tout en stimulant la communication et les
interactions en milieu ordinaire. En somme, cette intégration est bien sociale car elle devrait
permettre à l’élève malentendant de se développer, d’acquérir les connaissances et les compétences
scolaires attendues et d’assumer le rôle social attendu d’élève. Goasmat (2008) nous rappelle à cet
effet que :
38
L’intégration sociale des enfants et adolescents déficients auditifs se trouve sous-tendue, au-delà d’une
maîtrise de la langue orale sous forme écrite, par leur acquisition maximale de savoirs et savoir-faire
scolaires et culturels, par leur appropriation des valeurs du groupe social auxquelles ils sont appariés et
par le tissage de relations avec les membres de ce groupe ». (p. 180)
En ce sens, l’intégration implique que l’élève accueilli en classe ordinaire puisse réaliser des
apprentissages cognitifs. L’élève suit ainsi le programme scolaire attendu pour son âge, tout en se
socialisant et en intégrant le groupe entendant.
Contexte scolaire de la recherche réalisée à Genève
La modalité d’intégration impliquée dans la recherche menée à Genève avec des élèves
malentendants est la scolarisation dans une classe spécialisée avec intégration en classe ordinaire.
Les élèves sont scolarisés dans une classe spécialisée pour enfants sourds et malentendants qui se
situe dans une école primaire ordinaire. Les élèves sont donc regroupés dans une classe
d’enseignement spécialisé (classe intégrée à l’école ordinaire), et sont, à partir de là, partiellement
et individuellement intégrés en classe ordinaire, dans le degré qui correspond le plus à leurs acquis
et à leurs compétences. Ces élèves relèvent de l’enseignement spécialisé bien qu’ils passent une
grande partie de leur temps scolaire en classe ordinaire.
L’équipe pédagogique est composée d’enseignants ordinaires et d’enseignants spécialisés,
d’interprètes en langue des signes, de logopédistes, d’un psychomotricien et de plusieurs
psychothérapeutes. Elle veille à ce que ces intégrations soient réalisées de manière à respecter
globalement l’âge des élèves malentendants et celui des élèves de classe ordinaire. Lors des
périodes en classe ordinaire, les élèves sont accompagnés d’un enseignant spécialisé qui parle la
langue des signes. Ce dernier est chargé d’une part, de traduire les échanges verbaux (consignes,
discussion, commentaires...) du français vers la langue des signes, des différents partenaires de la
classe. Il assure d’autre part une fonction de soutien pédagogique en situation, afin d’aider l’élève
intégré à réaliser au mieux les activités attendues dans sa classe d’intégration. Il adapte parfois les
tâches, mais veille tout de même à ce que l’élève intégré puisse réaliser les mêmes tâches que ces
camarades dits ordinaires.
Les rôles de l’enseignant qui accompagne les élèves malentendants en classe ordinaire peuvent être
rapprochés de ceux des assistants en Finlande décrits auparavant dans cet ouvrage. En effet, il s’agit
de mettre en place des aides pédagogiques permettant à l’élève malentendant d’éviter d’être en
situation de handicap. L’activité des enseignants consiste essentiellement à traduire les échanges
verbaux de la classe, de façon à ce que l’élève malentendant puisse, lui aussi, interagir avec les
différents partenaires de la classe. Cet aménagement devrait permettre ainsi d’intégrer des élèves
malentendants ne maîtrisant pas ou peu le langage oral. Toutefois, en qualité d’enseignant spécialisé
formé, il apporte aussi un soutien pédagogique et didactique sous différentes formes, proactive en
classe intégrée ou de façon rétroactive aux activités de la classe ordinaire en classe intégrée. Ainsi,
les notions étudiées en classe ordinaire sont préparées ou revues en dehors et de façon plus
individualisée. Dans le contexte de cette étude, on peut donc comparer le fonctionnement des
assistants finlandais à ces enseignants spécialisés sans pour autant dire que leurs rôles sont
identiques.
Bochatay et Kamerzin (2006) décrivent l’école impliquée dans notre étude de la sorte :
La solution de la classe spécialisée dans une école ordinaire comprenant plusieurs camarades
malentendants ou sourds peut sembler être une solution assez séduisante. L’élève est d’une part,
entouré de ses camarades ayant le même handicap qui lui permet d’éviter un minimum l’isolement.
D’autre part, il est intégré pour certains apprentissages ce qui lui permet de rencontrer des pairs
entendants et ainsi avoir un contact social avec ce monde si différent du sien. (p. 36)
39
Cette intégration permet ainsi aux élèves malentendants de se construire dans un contexte entendant
en les préparant à la vie future qui les attend, tout en favorisant la culture sourde d’autre part.
L’appartenance des élèves et des adultes à deux communautés sociales et culturelles est un
phénomène connu dans la littérature. Il est donc important que les élèves puissent construire leur
identité multiple en tissant des liens étroits entre ces deux communautés.
4.2.3 Similitudes et spécificités des deux systèmes
Malgré deux appellations différentes, école dite inclusive en Finlande ou école dite intégrative à
Genève, nos deux contextes de recherche comportent des similitudes sur de nombreux points.
Effectivement, nous constatons que le système intégratif de cette école genevoise est proche du
système inclusif au niveau des moyens mis en œuvre. Il s’agit dans les deux cas de scolariser tous
les élèves à besoins éducatifs particuliers dans un cadre ordinaire en proposant les ressources et les
dispositifs de soutien afin que chaque élève puisse suivre une scolarité dans le même lieu que tous
leurs pairs de même âge. Les élèves malentendants font entièrement partie de l’école ordinaire, des
enseignants spécialisés sont présents dans l’école pour favoriser leurs apprentissages en contexte
ordinaire et des moyens supplémentaires sont octroyés pour permettre à tous de suivre
l’enseignement régulier. Nous pourrions donc quasiment dire que ces élèves présentant une
déficience auditive sont « inclus » dans l’école ordinaire au même titre que tout autre élève sans
déficience ou difficulté déclarée. Il nous est pourtant difficile de parler d’inclusion puisque ces
élèves relèvent administrativement toujours de l’Office médico-pédagogique, et plus
particulièrement de l’enseignement spécialisé, et que les mesures de soutien et d’aides sont
spécialisées et uniquement fournies à ces élèves institutionnellement désignés. De plus, ces élèves
ne sont pas nécessairement domiciliés dans le quartier, puisque les mesures pédagogiques proposées
pour des élèves malentendants ne le sont que dans cette école-là. Par ailleurs, l’intervention des
enseignants spécialisés en classe ordinaire est essentiellement focalisée sur les élèves
malentendants, et ce sont d’ailleurs les seuls élèves à pouvoir bénéficier d’un enseignement en
classe intégrée. Un contexte inclusif serait organisé de façon à pouvoir proposer à tout élève,
indépendamment d’un diagnostic psychomédical, des mesures d’enseignement spécialisé en
fonction de besoins spécifiques à un moment de leur scolarité et en lien avec certains objectifs à
atteindre. En somme, des élèves dits ordinaires pourraient, à un moment donné, présenter des
difficultés en mathématiques et de fait avoir besoin d’un appui spécifique dans un groupe restreint.
Finalement, malgré les ressemblances entre les deux contextes, nous ne pouvons dire que le
contexte genevois relève d’un système inclusif, même s'il y tend sur plusieurs aspects.
La grande différence se situe essentiellement dans la nature des ressources mises à disposition dans
chaque contexte et plus particulièrement au niveau du personnel encadrant. Dans le contexte
genevois qui est centré sur les besoins pédagogiques et didactiques des élèves malentendants, les
enseignants ordinaires bénéficient du soutien des enseignants spécialisés, les enseignants spécialisés
ne bénéficient par contre d’aucun soutien pédagogique et didactique en classe intégrée. Les
partenaires intervenant dans la structure spécialisée, comme par exemple les interprètes,
n’interviennent pas dans les tâches pédagogiques. Ils se limitent à traduire les échanges oraux. À
l’inverse, en Finlande, le rôle des assistants d’enseignement est de soutenir l’activité des
enseignants ordinaires et spécialisés, ainsi que l’activité d’apprentissage des élèves en groupe
restreint de soutien et en classe ordinaire.
4.3
Annonce des deux démarches de recherche
40
4.3.1 Étude des sentiments et des perceptions des élèves en contexte dit inclusif
Comme nous l'avons préalablement présenté dans cet ouvrage, la Finlande est un pays qui pratique
une politique d'éducation inclusive depuis les années 70. En effet, la quasi totalité des élèves est
scolarisée à l'école ordinaire, dans son quartier de domicile. Grâce aux mesures mises en place, un
des effets escomptés est la diminution de l'étiquetage de « l'élève en difficulté ». Par là-même, le
but des pratiques inclusives est de répondre de manière adéquate et suffisante aux besoins
pédagogiques et didactiques de tous les élèves. Le passage par l'enseignement spécialisé n'est pas
une mesure spéciale ou extraordinaire dans l'enseignement finlandais, mais bel et bien un moyen de
répondre de manière ponctuelle ou sur une durée plus longue à un besoin spécifique de l'élève pour
lui permettre d’intégrer et d’assumer son rôle d’apprenant.
La recherche menée en Finlande examine dans quelle mesure les élèves à besoins éducatifs
particuliers se sentent inclus dans la classe ordinaire. En interrogeant leurs sentiments
d’appartenance et de compétence ainsi que la perception qu’ils ont de leur contexte scolaire, la
recherche contribue à voir si l’école dite inclusive se manifeste effectivement dans ces dimensions
socio-affectives du rôle d’élève.
Une démarche qualitative d'entretiens semi-structurés a été choisie afin de répondre, grâce à des
entretiens individuels réalisés avec 11 élèves (scolarité primaire et secondaire), aux questions
suivantes : dans quelle mesure les élèves à besoins éducatifs particuliers se sentent-ils appartenir au
groupe ? Se sentent-ils compétents pour leurs apprentissages ? Comment perçoivent-ils leurs
relations avec leurs enseignants et les pairs ? Comment perçoivent-ils les mesures d'enseignement
spécialisé et leur système scolaire en général ?
4.3.2 Étude des sentiments et perceptions des élèves en situations didactiques
Les élèves malentendants scolarisés en classe ordinaire peuvent éprouver des difficultés à
communiquer avec leurs pairs entendants. La communication est handicapée lorsque les élèves
malentendants utilisent peu la langue française orale et favorisent une communication en langue des
signes, alors que leurs camarades emploient uniquement un français oralisé. Or, la classe constitue
un milieu social où l’interaction verbale entre les différents partenaires joue un rôle essentiel. Il est
dès lors commun de penser que les élèves malentendants, ne pouvant interagir directement avec les
pairs d’une classe ordinaire dans la langue normée de l’école, sont souvent exclus du groupe
entendant et donc pas ou peu intégrés. C’est cette croyance commune que nous mettons à l’épreuve
en examinant le sentiment d’être intégrés d’élèves malentendants durant des situations didactiques
en classe ordinaire, c’est-à-dire au moment même où leur activité d’élève se déploie. Afin de saisir
ce degré d’intégration scolaire effective d’élèves malentendants lors d’une situation de travail de
groupe en mathématiques et d’une situation de jeu d’équipe en éducation physique, nous
considérons plusieurs dimensions socio-affectives : le sentiment de compétence et l’intérêt pour la
tâche, le sentiment d’être accepté par les pairs du groupe et l’acceptabilité par les pairs, le sentiment
d’appartenance au groupe de travail, et enfin la perception du climat relationnel du groupe.
Les dimensions socio-affectives précitées sont saisies en situation didactique, à l’aide d’un
questionnaire adapté du Questionnaire d’orientation motivationnelle en situation d’apprentissage
(QOMSA) de Pelgrims (1999/2006). Le recueil et l’analyse de données relèvent d’une démarche
quantitative. En somme, dès que l’enseignant lance la tâche, les élèves remplissent la première
partie du questionnaire qui capte les différentes dimensions avant de commencer la tâche; les élèves
réalisent ensuite la tâche et remplissent la seconde partie du questionnaire qui saisit les dimensions
au terme de la situation. La première situation concerne un problème de mathématiques à résoudre
en groupe, la seconde un jeu d’équipe de ballon prisonnier en éducation physique.
41
5 COMMENT LES ELEVES A BESOINS EDUCATIFS PARTICULIERS
PERÇOIVENT-ILS LEUR ENVIRONNEMENT SCOLAIRE DIT INCLUSIF ?
ETUDE DE CAS EN FINLANDE
Dans cette partie nous allons présenter la recherche menée en Finlande. Elle contribue à étudier
comment les élèves à besoins éducatifs particuliers se perçoivent et perçoivent leur environnement
scolaire déclaré inclusif. Nous étudions ces perceptions sous l'angle du sentiment d'appartenance,
des perceptions des relations entre pairs, des perceptions de la fonction des enseignants et des autres
professionnels, du sentiment de compétence, de l'identification de l'aide reçue, de la connaissance
de l'organisation de l'école et du système scolaire finlandais, comme définis au chapitre 2. La
première partie est réservée à l'énonciation des questions principales et secondaires de recherche.
Nous présenterons ensuite la démarche méthodologique choisie pour récolter et analyser les
données, puis pour les analyser. Finalement, les résultats seront présentés et discutés. Les résultats
les plus significatifs et les apports de cette recherche seront rappelés dans une dernière partie
conclusive.
5.1
Questions de recherche
L'étude menée en Finlande est guidée par la question générale de recherche :
Comment des élèves à besoins éducatifs particuliers finlandais perçoivent-ils leur environnement
scolaire inclusif ?
Les perceptions des élèves concernent cinq dimensions socio-affectives spécifiques, correspondant
respectivement à cinq questions de recherches spécifiques.
Question de recherche 1
Dans quelle mesure des élèves à besoins éducatifs particuliers dans une école inclusive se sententils appartenir au groupe-classe ordinaire ?
Il s'agit dès lors d'examiner si les élèves à besoins éducatifs particuliers ont le sentiment d'appartenir
à la classe ordinaire ou plutôt au « petit groupe ». Puisque l'école suit un courant inclusif, la
recherche menée en Finlande nous permet d'examiner si ce contexte se reflète dans le sentiment
d'appartenance des élèves à besoins éducatifs particuliers : se sentent-ils bien appartenir à la
communauté de la classe ordinaire ?
Dans une école inclusive, les élèves devraient avoir le sentiment d'appartenir à la classe ordinaire;
c'est pourquoi nous pouvons faire l'hypothèse que la classe ordinaire est le groupe d'appartenance
des élèves. Si ce n'est pas le cas, alors l'enseignement spécialisé dispensé sous forme d'appui à
l'intégration, et bien qu'il soit dit intégré, contribuerait à discriminer les élèves en les assignant à un
contexte scolaire saillant et différent du point de vue des activités scolaires, des normes, des valeurs
et du fonctionnement. Comment l'école peut-elle prétendre être inclusive si les élèves à besoins
éducatifs particuliers n'ont pas l'impression d'appartenir au groupe social ordinaire ?
Néanmoins, on peut s'attendre à des nuances. En effet, comme il a été démontré dans d'autres
recherches, une possible différence pourrait apparaître entre les perceptions des élèves qui ont des
difficultés d'apprentissage et ceux qui ont des troubles du comportement. En outre, on peut aussi
faire l'hypothèse de différences entre les élèves qui bénéficient uniquement de quelques leçons par
semaine dans la classe ressource et ceux qui fréquentent cette dernière pour une part importante du
temps scolaire. Nous vérifierons donc si le type de difficultés déclarées (apprentissage versus
comportement) et le taux de fréquentation de la classe ressource contribuent à infléchir le sentiment
d'appartenance des élèves à besoins éducatifs particuliers à la classe ordinaire.
42
Question de recherche 2
Comment des élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent les relations entre pairs ?
Il s'agit d'examiner si les élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent différemment les
relations entre pairs du « petit groupe » et celles entre pairs de la classe ordinaire. Comme il a été
démontré par plusieurs études (voir revue in Pelgrims, 2001, 2006), les pratiques d'enseignement
sont assez différentes entre les classes ordinaires et spécialisées : le travail individuel est plus
fréquent et le travail sous forme d'interactions entre pairs est rare en classe spécialisée. En classe
ordinaire, on observe plus de travail collectif et de situations de collaboration et de coopérations
entre élèves. Nous examinerons dès lors si ces différences de pratiques et d'expériences se reflètent
dans les perceptions qu'ont les élèves à besoins éducatifs particuliers des dynamiques relationnelles
dans chacun des deux contextes qu'ils fréquentent.
En raison du nombre d'élèves dans le « petit groupe » restreint de soutien, nous pouvons imaginer
que les élèves sont proches les uns des autres, particulièrement pour ceux qui y sont souvent. Nous
analyserons également si la perception qu'ils ont des relations entre pairs est différente en fonction
du contexte d'activité (groupe restreint ou classe ordinaire). Cet angle d'analyse nous permettra
aussi de repérer d'éventuels phénomènes liés à la présence d'un assistant personnel sur les relations
entre pairs. En effet, la revue de recherche de Pelgrims (2001) montre comment l'enseignement
spécialisé est individualisé et mène à de nombreuses interactions entre l'enseignant ordinaire et
l'élève à besoins éducatifs particuliers. Dans cette perspective-là, nous nous demandons si la
présence d'un assistant d'enseignement pour aider les élèves dans la classe ordinaire pourrait
entraver les interactions sociales et scolaires des élèves à besoins éducatifs particuliers avec leurs
pairs en classe ordinaire.
Question de recherche 3
Dans quelle mesure des élèves à besoins éducatifs particuliers dans une école inclusive se sententils compétents et comment perçoivent-ils l'aide reçue ?
Le but ici est d'examiner si les élèves, malgré leur statut d'élèves à besoins éducatifs particuliers, se
perçoivent compétents pour différentes disciplines scolaires et comment ils les perçoivent.
Nous cherchons à savoir si les élèves peuvent percevoir les disciplines pour lesquelles ils ont besoin
d'aide, et les objets de savoir où ils réussissent avec ou sans aide.
En outre, nous affinerons les perceptions qu'ont les élèves à propos des différents intervenants qui
ont des fonctions « d'aide » et comment les adultes procèdent concrètement avec eux. Nous
interrogerons les perceptions que les élèves à besoins éducatifs particuliers ont à propos de l'aide
qu'ils reçoivent, dans quelle mesure cette aide est nécessaire à leurs yeux. Cet axe d'analyse devrait
permettre d'indiquer dans quelle mesure les pratiques en classe ordinaire et en groupe restreint
participent au sentiment de compétence de l'élève dans différentes disciplines, incluant celles pour
lesquelles il a des besoins de soutien plus approfondi.
Question de recherche 4
Comment des élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent-ils les relations et les fonctions des
enseignants et des autres professionnels ?
Quelles sont les différences que les élèves avec des besoins éducatifs particuliers peuvent identifier
entre le travail de l'enseignant ordinaire, celui de l'enseignant spécialisé ou celui de l'assistant ?
Identifient-ils des différences entre leur enseignant ordinaire et l'enseignant spécialisé ?
Le but ici est de découvrir les perceptions des élèves, de leurs contextes d'activités scolaires sous
l'angle des intervenants en classe ordinaire et en groupes restreints d'enseignement spécialisé. Il
s'agit de voir si les différents adultes, qui ne sont pas toujours des enseignants, sont identifiés et
différenciés par les élèves, et dans quelle mesure leur rôle est perçu comme important dans leurs
43
apprentissages et leur vie scolaire. Comme rapporté dans le chapitre 3, les assistants d'enseignement
et les assistants personnels sont particulièrement présents pendant les leçons et aussi durant les
moments hors enseignement (pauses, repas, sorties, …). Nous analyserons si les élèves perçoivent
des différences entre le travail des assistants et le travail des enseignants. Il est difficile de présumer
si les élèves opèrent cette discrimination. Nos observations montrent en effet qu'en classe,
enseignants et assistants font presque tous le même travail avec les élèves, du moins en apparence.
Les différences résident peut-être plus dans le statut que portent les élèves à ces différents
intervenants. L'enseignant est d'ailleurs appelé « ope », ce qui signifie « maître », alors que les
assistants sont appelés par leurs noms. Mais il n'est pas certain que cet aspect modifie
fondamentalement le regard des élèves sur leur fonction dans le travail scolaire. En corollaire, nous
examinerons aussi si, selon les élèves, tous ces intervenants sont nécessaires à leurs apprentissages.
Question de recherche 5
Comment des élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent-ils l'organisation de leur école
inclusive et le système finlandais d'éducation ?
L'organisation de l'école et des ressources a pour but de répondre aussi bien que possible aux
besoins des élèves. Cela concerne le soutien scolaire mais aussi les personnes qui peuvent œuvrer
hors de la classe (travailleur social, infirmière, psychologue,…). Nous examinerons dans quelle
mesure les élèves à besoins éducatifs particuliers sont conscients du système scolaire dans lequel ils
sont, et comment perçoivent-ils les aspects de l'enseignement spécialisé (contexte, professionnels,
procédures, organisation, services).
Comment des élèves qui y évoluent depuis des années comprennent-ils l'organisation de leur école ?
Repèrent-ils l'organisation en termes de soutien ou « des petits groupes » ? Etant donné leurs
expériences quotidiennes, leurs perceptions révèlent-elles des aspects d'intégration ou d'exclusion,
de séparation ?
5.2
Démarche méthodologique
5.2.1 Méthode de récolte de données
Afin de répondre aux questions de recherche, nous avons opté pour une démarche de recherche
qualitative incluant des entretiens semi-structurés. L'entretien permet en effet d'examiner les
perceptions des élèves et leurs sentiments. Il permet également de relancer l'élève afin d'affiner la
compréhension des dimensions socio-affectives étudiées à l'aide de questions plus ou moins
ouvertes. Selon Tremblay (cité par Dépelteau, 2003, p. 315):
L'entrevue est une technique d'observation qui comporte l'utilisation de questions, plus ou moins directes,
adressées à un informateur rencontré fortuitement ou choisi en fonction de critères préalablement établis.
Le but en est de recueillir des données essentielles sur une question, d'analyser l'informateur comme
représentant d'un milieu particulier, ou de connaître sa personnalité, sa mentalité et sa conduite.
Des questions ouvertes offrent à l'interviewé une liberté considérable de réponse, bien sûr
déterminée par les questions de l'intervieweur.
En raison du contexte spécifique de la recherche en Finlande, l'entretien semble le meilleur outil
pour recueillir sous forme d'un corpus discursif des indications sur les perceptions des élèves. En
effet, « l'entrevue est une bonne technique pour découvrir le sens et les finalités que des acteurs
associent à leur situation ou à leurs actions » (Dépelteau, 2003, p. 334). Les questions semi-dirigées
permettent de centrer les propos sur des thèmes ou, dans notre cas, des dimensions prédéfinies.
Quelques questions plus ouvertes encouragent l'interviewé à parler ouvertement et en détail à
propos d'un thème spécifique. Néanmoins, l'inconvénient de cette méthode de recueil de données
44
est lié aux données parfois superficielles ou orientées que l'entretien peut produire, d'autant plus si
les questions ne sont pas contextualisées. Il est important de garder en tête que l'entretien ne
capture pas la réalité, dans notre cas la « réalité » de pratiques inclusives, ni des « effets » sur les
dimensions socio-affectives de l'activité scolaire des élèves. Il permet seulement de saisir des
perceptions de cette réalité, et, pour nous, dans quelle mesure ces perceptions sont positives et
reflètent des pratiques inclusives.
En outre, le contexte finlandais était un nouveau contexte scolaire pour la chercheuse. Ce statut
d'étrangère a permis de poser des questions « naïves », appelant de façon « naturelle »
l'explicitation, non seulement avec les adultes, mais aussi avec les élèves. Néanmoins, des
observations préalables concernant les pratiques en vigueur dans l'école ont été nécessaires pour
compléter les questions à poser aux élèves et mieux rebondir sur leurs réponses (Meuli, 2011). Afin
de mettre les élèves à l'aise, il a été indispensable qu'ils puissent rencontrer « la chercheuse venue
de Suisse » avant et d'établir un contact avec elle, notamment en raisons d'une éventuelle barrière
linguistique. Il convient de préciser que cette barrière est franchie par la communication en anglais,
ce qui est habituel en Finlande. La conduite des entretiens a donc requis un important travail de
traduction (finnois-anglais / anglais-français).
La collecte des données est l'étape suivante et précède l'étape de retranscription. Quand les données
collectées sont sur un support écrit, le chercheur peut alors procéder à l'analyse et aboutir aux
résultats (Dépelteau, 2003).
5.2.2 Le guide d'entretien
La particularité des entretiens menés dans le cadre de cette recherche réside principalement dans les
contraintes linguistiques. En effet, si l'idée première était de les mener en anglais, l'option a
rapidement été prise, pour des raisons de faisabilité, de les mener en finnois avec un traducteur. Il
était ainsi plus aisé pour les élèves de répondre aux questions. Par contre, ce choix rendait
impossible les interventions de la chercheuse pendant les entretiens afin de rebondir sur les propos
des élèves et les relancer. Le traducteur a ensuite retranscrit les entretiens en anglais pour permettre
à la chercheuse d'accéder aux données verbales des élèves.
Le guide d'entretien comporte cinq parties de questions opérationnalisant les cinq questions de
recherche et les différentes dimensions socio-affectives (voir ci après).
Dans chaque partie, la première question est une question générale sur la perception globale de
l'élève. Plusieurs questions sont alors prévues pour relancer la discussion, d'autant plus en raison de
l'habitude culturelle de fournir des réponses très brèves. Sans avoir pu obtenir d'explication
scientifique à ce constat, il semble s'agir d'un aspect culturel auxquels les enseignants finlandais
avaient rendue la chercheuse attentive.
Les questions présentées en italique dans le guide d'entretien sont des questions complémentaires,
en cas de mécompréhension par les élèves.
Informations générales : situation scolaire de l'élève
Questions d'entretien
Quel est ton nom ?
Quel âge as-tu ?
Dans quel degré es-tu maintenant ?
Quelle est ta classe ?
As-tu toujours été dans la même école ?
As-tu toujours été dans la même école avec les
mêmes élèves ?
Dimensions étudiées
Identification de l'élève
Classe d'appartenance
Scolarité de l'élève
45
Question de recherche 1 : Dans quelle mesure des élèves à besoins éducatifs particuliers dans une école
inclusive se sentent-ils appartenir au groupe-classe ordinaire ?
Questions d'entretien
Est-ce que tu travailles avec plusieurs adultes ?
Qu'est-ce qui est différent entre le travail que tu
fais avec chacun d'entre eux et le travail que tu fais
avec ton maître principal ?
Qu'est-ce que tu fais avec chacun d'entre eux ?
Si ces adultes n'étaient pas là, aurais-tu
l'impression qu'il manque quelque chose ?
Comment te sens-tu avec tes enseignants?
Qui te permet de progresser à l'école et comment ?
Avec quel enseignant est-ce que tu apprends le
plus ?
Dimensions étudiées
Identification de l'encadrement
Différences entre les professionnels de
l'enseignement ordinaire et de l'enseignement
spécialisé.
Nécessité de la pluralité des intervenants
Relation entre les élèves et les enseignants.
Spécificité de certains enseignants. Relation entre
l'enseignant, la discipline et l'apprentissage.
Question de recherche 2 : Comment des élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent les relations
entre pairs ?
Questions d'entretien
Comment te sens-tu avec les autres élèves de
l'école ?
Est-ce que tu joues avec tes camarades de classe
pendant les récréations ?
Est-ce que tes camarades de classe ont changé
depuis que tu es dans cette école ?
Est-ce qu'ils ont changé dans le petit groupe ?
Est-ce que tu sais que dans certains pays, les
élèves changent de camarades de classe presque
chaque année. Qu'en penses-tu ?
Es-tu heureux dans cette école ?
Dimensions étudiées
Sentiment d'appartenance à l'école – relations avec
les élèves de l'école.
Sentiment d'appartenance à l'école – relations avec
les camarades de classe.
Continuité dans la classe.
Continuité dans le petit groupe.
Sentiment d'appartenance à la classe.
Effets de la quasi absence de mesures de
redoublement.
Sentiment générale
Question de recherche 3 : Dans quelle mesure des élèves à besoins éducatifs particuliers dans une école
inclusive se sentent-ils compétent et comment perçoivent-ils l'aide reçue ?
Questions d'entretien
Quelle est la discipline où tu es le meilleur ?
Pour la/les discipline(s) où tu te sens moins fort,
est-ce que tu reçois de l'aide ?
Peux-tu m'expliquer comment ça se passe quand tu
reçois de l'aide ?
Est-ce que ça arrive souvent ?
Est-ce que les autres élèves reçoivent aussi de
l'aide ?
Est-ce que tu penses que l'aide reçue est utile ?
Dimensions étudiées
Identification des forces.
Identification des besoins.
Identification de l'aide.
Différences entre la classe ordinaire et le petit
groupe.
Fréquence de l'aide reçue.
Utilité de l'aide reçue.
Question de recherche 4 : Comment des élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent-ils les relations
et fonctions des enseignants et des autres professionnels ?
Questions d'entretien
Est-ce que tu as de bonnes relations avec les
élèves de ta classe ? Du petit groupe ?
Comment ça se passe quand tu dois faire un
exercice de maths avec un camarade ?
Est-ce qu'il y a un élève avec lequel tu travailles le
plus ?
Peux-tu décrire comment c'est quand vous devez
travailler ensemble ?
Dimensions étudiées
Relations entre pairs. Différences entre la classe
ordinaire et le petit groupe.
Identification du travail entre pairs.
Elève ressource.
Description précise du travail entre pairs.
46
Question de recherche 5 : Comment des élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent l'organisation
de leur école inclusive et le système finlandais d'éducation ?
Questions d'entretien
Peux-tu me dire ce qu'est le petit groupe ?
Peux-tu me dire ce qu'est un « enseignant
spécialisé » ?
Dans certaines écoles, les élèves sont tout le temps
dans un petit groupe, comment est-ce que ça se
passe dans ton école ?
Dans ton école, tu peux recevoir de l'enseignement
spécialisé, est-ce que tu sais ce que c'est ?
Fin de l'entretien :
Si tu avais une baguette magique et que tu pouvais
changer quelque chose dans ton école, que
changerais-tu ?
Dimensions étudiées
Représentation de l'organisation de l'école.
Représentation de l'enseignant spécialisé et des
particularités de sa fonction.
Représentation de l'organisation de l'école.
Représentation de l'enseignement spécialisé.
Désirs de changement.
Pendant deux semaines, les élèves ont été interrogés un à un, dans un autre local que celui de la
classe ordinaire. Les élèves connaissaient la chercheuse et parfois aussi le traducteur. De plus, les
enseignants spécialisés avaient expliqué aux élèves quelles tâches ils auraient à effectuer durant
l'entretien. L'entretien commençait en disant aux élèves ce que la chercheuse cherchait à savoir. Le
traducteur expliquait alors le principe de confidentialité, et mettait les élèves en leur rappelant qu'il
n'y avait pas de mauvaises réponses possibles. Le lancement de l'entretien en tant que tel se faisait
par la chercheuse, le reste étant sous la responsabilité du traducteur.
5.2.3 Echantillon d'étude
Onze élèves, des degrés scolaires trois à neuf, ont été interrogés. Leur âge varie entre 9 et 15 ans
(voir tableau 1). Il n'y avait pas d'élèves plus jeunes puisque, pour rappel, l'école finlandaise ne
désigne pas des élèves comme « élèves à besoins éducatifs particuliers » pendant les deux premières
années d'école primaire (à l'exception des élèves avec une déficience congénitale ou une maladie).
Ces 11 élèves ont été choisis parce qu'ils bénéficient d'un soutien en groupe restreint. Comme
l'indique le tableau ci-dessous, sept élèves ont le soutien dans le premier groupe restreint de l'école,
et quatre élèves dans le deuxième. Parmi les 11 élèves, il y a 2 filles et 9 garçons, révélant la
surreprésentation des garçons bénéficiant de mesures d'enseignement spécialisé dans toutes les
écoles et systèmes scolaires.
Tableau 1 : Caractéristiques de l'échantillon d'étude
Prénoms fictifs
Liisa
Lenni
Dinh
Roope
Jani
Jalo
Sami
Valtteri
Trai
Hamza
Virva
Genre
Ages
Degré scolaire
F
M
M
M
M
M
M
M
M
M
F
9 ans
9 ans
10 ans
10 ans
11 ans
12 ans
12 ans
14 ans
14 ans
15 ans
15 ans
3
3
4
4
5
6
6
7
8
9
9
Nombre d'années au
bénéfice de soutien
en groupe restreint
1
1
1
2
2
4
1
5
1
3
1
47
Finalement, 6 élèves bénéficient du soutien d'enseignement spécialisé en groupe restreint pour la
première année au moment de l'étude, alors que les 5 autres en bénéficient depuis 2 à 5 ans.
5.3
Démarche d'analyse des données
« Analyser le contenu c'est, par des méthodes sures, […] rechercher les informations qui s'y
trouvent, dégager le sens ou les sens de ce qui y est présenté, formuler et classer tout ce que «
contient» ce document ou cette communication » (Mucchielli, 2006, p. 24). L'analyse qualitative
donne de l'importance à des expressions sémantiques ou à des unités dont la fréquence d'apparition
n'est pas nécessairement élevée, mais qui semblent révéler des indices significatifs contribuant à
répondre aux questions de recherche, et qui corroborent ou réfutent les hypothèses de recherche
(Dépelteau, 2003).
Nous avons choisi d'analyser le corpus verbal obtenu à l'aide d'une méthode d'analyse horizontale,
celle-ci a pour but de décortiquer le contenu des entretiens par des dimensions directrices
(Dépelteau, 2003). L'analyse de contenu horizontale a quelques avantages, comme l'exhaustivité, la
comparaison entre les individus, l'examen de différentes facettes. Le but ici est de découvrir la
signification avec une méthode rigoureuse et objective qui requiert le respect de différents
principes. L'analyse doit en effet être méthodique et doit respecter certaines règles récurrentes pour
chacun des interviewés.
La méthode choisie pour mener l'analyse de notre corpus verbal consiste en quatre étapes :
1. la traduction de la totalité des transcriptions, du finnois en anglais
2. la traduction de ce corpus verbal en français
3. l'identification, dans chaque protocole, des extraits sémantiquement reliés à une des
questions spécifique de recherche, c'est à dire les dimensions conceptuelles (sentiment
d'appartenance, perception des relations entre pairs, perception de la fonction des
enseignants et autre professionnels, sentiment de compétence et identification de l'aide
reçue, connaissance de l'organisation de l'école et du système scolaire finlandais). Certains
extraits des protocoles d'entretiens ne sont donc pas retenus si leur teneur sémantique n'est
pas en relation avec les dimensions et thèmes de recherche tels que définis à priori, ou s'ils
ne relèvent pas de facettes contribuant à affiner les perceptions des élèves ou notre
compréhension
4. L'analyse et l'interprétation des extraits; la mise en relation des différentes dimensions dans
le but d'extraire des explications, des compréhensions, des résultats de par des mises en
relations avec d'autres dimensions telles que l'âge, le parcours ou les difficultés déclarées
des élèves.
Ainsi ces quatre étapes ont permis de passer des données verbales obtenues par le guide d'entretien
aux résultats qui sont dans présentés dans la partie suivante.
5.4 Perception d'élèves intégrés dans une école en Finlande : présentation et
discussion des résultats
Le corpus de données a été analysé dans le but de contribuer à répondre à la question générale de
recherche : Comment quelques élèves à besoins éducatifs particuliers intégrés dans des classes
ordinaires d'une école finlandaise se perçoivent-ils et perçoivent-ils leur environnement scolaire
inclusif ?
Pour présenter les résultats, nous considèrerons les questions de recherche une à une et vérifierons
certaines hypothèses formulées initialement.
5.4.1 Le sentiment d'appartenance des élèves
48
La première question de recherche s'intéresse au sentiment d'appartenance des élèves à besoins
éducatifs particuliers intégrés, voire inclus en classe ordinaire. Il est ici question du groupe ou de la
micro-communauté scolaire à laquelle ces élèves se sentent appartenir, étant donné qu'ils
bénéficient de périodes de soutien d'enseignement spécialisé en groupe restreint à l'extérieur de la
classe ordinaire. Les résultats figurent dans le tableau 2.
Tableau 2 : Sentiment d'appartenance et pourcentage du temps scolaire passé en groupe restreint
Pourcentage du temps
Nombre d'années au
Age et degré
scolaire hebdomadaire
Classe d'appartenance
bénéfice de soutien
scolaire
passé en groupe
déclarée par l'élève
en groupe restreint
restreint
Liisa
9 ans / 3ème
1
26.0 %
Classe ordinaire
Lenni
9 ans / 3ème
1
26.0 %
Classe ordinaire
Dinh
10 ans / 4ème
1
75.0 %
Petit groupe
Roope
10 ans / 4ème
2
62.5 %
Petit groupe
Jani
11 ans / 5ème
2
40.0 %
Petit groupe (?)
Jalo
12 ans / 6ème
4
60.0 %
Petit groupe
Sami
12 ans / 6ème
1
52.0 %
Petit groupe
Valterri
14 ans / 7ème
5
56.6 %
Petit groupe
Trai
14 ans / 8ème
1
63.0 %
Classe ordinaire
Hamza
15 ans / 9ème
3
76.0 %
Petit groupe
Virva
15 ans / 9ème
1
38.7 %
Petit groupe
Lorsque l'on demande aux élèves dans quelle classe ils sont, les résultats montrent que la totalité
d'entre eux répondent par le degré scolaire, comme par exemple, « je suis en quatrième ». Ces
réponses indiquent le degré administratif de l'organisation scolaire; tous les élèves recourent à cette
terminologie socialement convenue pour indiquer la « classe dans laquelle ils sont ».
Comme l'indique le tableau 2, au moment de cette recherche, les élèves sont dans les petits groupes
entre six et vingt-deux leçons par semaine, ce qui représente entre 26% et 75% de leur temps
hebdomadaire d'enseignement. En effet, 4 élèves passent moins de 50% de leur temps scolaire
hebdomadaire en groupe restreint. Les 7 autres élèves y passent plus de 50% de leur temps scolaire
hebdomadaire et, parmi eux, 2 élèves y sont jusqu'à 75% du temps hebdomadaire. Quand on
demande aux élèves « quelle est ta classe », 8 élèves sur 11, soit plus de 70%, se sentent appartenir
au « au petit groupe », c'est-à-dire au groupe constitué pour le soutien d'enseignement spécialisé.
Les 2 élèves qui se sentent clairement appartenir à leur classe ordinaire sont des élèves de troisième
primaire (ou 5P Harmos en Suisse) qui fréquentent le groupe restreint seulement six heures par
semaine sur vingt-trois, soit à raison de 26% du temps
Pour quelques élèves, le petit groupe est une situation temporaire en raison de leurs besoins
spécifiques momentanés. Pour d'autres élèves, il s'agit d'un soutien à long terme toujours adapté à
leurs besoins. Chaque élève est considéré selon une situation unique qui demande des adaptations
personnalisées. Ce qui est décidé au début de l'année scolaire peut être modifié en cours d'année en
fonction des besoins spécifiques de l’élève. Or, une école inclusive essaie de favoriser la
participation de tous les élèves, autant que possible, aux activités de la classe ordinaire. Si les élèves
répondent qu'ils appartiennent au « petit groupe », cela signifie qu'ils ne se perçoivent pas euxmêmes comme membre de la classe ordinaire.
Les résultats montrent que quand le ratio du temps scolaire hebdomadaire dévolu au soutien à
l'extérieur de la classe est supérieur à 30% du temps hebdomadaire, le groupe scolaire
d'appartenance devient le « petit groupe » d'enseignement spécialisé. Nous pouvons supposer qu'il
est relativement normal que les élèves s'identifient comme membre de ce groupe lorsqu'ils y passent
plus de 50% de leur temps. Néanmoins, deux élèves qui passent environ 40% de leur temps dans le
petit groupe, et donc par conséquent plus de 50% du temps dans leur classe ordinaire, s'identifient
aussi comme appartenant au « petit groupe ». Des analyses plus fines des propos des élèves
49
permettent de comprendre qu'il s'agit non seulement du temps, mais avant tout du contexte qui,
selon les élèves, est celui qui permet d'intégrer le rôle d'élève. En effet, Virva est dans le « petit
groupe » pour environ un tiers du temps, mais elle se définit comme appartenant au « petit groupe
» puisque c'est la classe où elle apprend le plus. Elle rapporte que c'est le contexte où elle se sent le
plus confortable et où elle reçoit le plus d'aide : « A mon avis, il [l'enseignant spécialisé] enseigne
mieux […] il explique de la bonne manière. D'une certaine façon, je comprends mieux ses manières
[…] C'est quelqu'un de détendu. Il est drôle et joyeux... Il est plus... Il est juste meilleur. Je
comprends mieux [ce qu'il explique] ». Concernant Jani, ses réponses sont plus confuses. Il est
difficile d'identifier à quelle classe il appartient. Il énonce les deux classes, expliquant qu'il apprend
le plus avec son enseignant ordinaire mais reçoit le plus d'aide de la part de l'assistant. Il fréquente
le groupe restreint 40% du temps hebdomadaire et pour trois disciplines scolairement importantes et
sélectives (finnois, anglais et mathématiques). Il est dès lors difficile pour lui de se sentir appartenir
à un seul groupe puisque son horaire et ses activités importantes d'apprenant sont est relativement
partagées entre les deux contextes.
En constatant que la plupart des élèves passent plus de la moitié du temps scolaire hebdomadaire en
groupe de soutien d'enseignement spécialisé auquel ils se sentent, par conséquent, appartenir, nous
nous demandons dans quelle mesure les expériences scolaires quotidiennes et les activités
correspondent à une approche scolaire inclusive.
Une pensée commune stipule que l'inclusion concerne d'abord l'éducation d'élèves déficients, ou
ceux identifiés comme ayant des besoins éducatifs particuliers dans une classe ordinaire (Ainscow,
Booth et Dyson, 2006, p.15). Mais l'inclusion ne se limite pas uniquement aux élèves identifiés. Ces
auteurs proposent six étapes conceptuelles pour définir les différents pans de l'inclusion :
- l'inclusion en tant que préoccupation pour les élèves déficients et les autres catégorisés comme
ayant des besoins éducatifs particuliers
- l'inclusion comme réponse à l'exclusion disciplinaire
- l'inclusion en réponse à tous les groupes vulnérables sujets à l'exclusion
- l'inclusion comme développement d'une école pour tous
- l'inclusion comme « éducation pour tous »
- l'inclusion comme une approche de principe pour l'éducation et la société.
Les résultats de cette recherche ne permettent pas de remettre en question le travail d'inclusion de
cette école en raison simplement du temps surprenant que la plupart des élèves à besoins éducatifs
particuliers passent en groupes restreints pour bénéficier de mesures d'enseignement spécialisé à
l'extérieur de la classe ordinaire dans laquelle ils seraient intégrés scolairement et socialement.
Cependant, un regard plus approfondi sur les disciplines que les élèves à besoins éducatifs
particuliers travaillent durant le soutien en groupe restreint montre qu'il s'agit, pour 9 élèves, de
disciplines sélectives : le finnois et les mathématiques. Seuls Liisa et Lenni n'y sont pas pour ces
disciplines-là. Ces 2 élèves sont d'ailleurs aussi les seuls à fréquenter le groupe de soutien à raison
de seulement 25% de leur temps hebdomadaire : ils déclarent clairement appartenir au groupe de
leurs classes ordinaires. Nous comprenons donc que la classe à laquelle les élèves se sentent
appartenir n'est pas celle ou ils passent la majorité de leur temps; c'est avant tout celle où ils
accomplissent les tâches scolaires socialement considérées et attendues comme les plus importantes
dans le rôle social d'élève.
Par ailleurs, les sentiments des 11 élèves ne concernent pas l'appartenance à l'école, mais plus au
groupe de pairs. Nous verrons plus loin que les élèves ne se sentent pas pour autant délaissés par
leurs enseignants. Leurs perceptions et leur sentiment d'être un membre de la classe ordinaire
semblent plus affectés. Sachant que les relations entre les membres de l'école sont un facteur
important du sentiment d'appartenance des élèves de l'enseignement ordinaire (Baumeister & Leary,
1995) et spécialisé (Pelgrims, 2013), nous pouvons supposer que les mesures de soutien en groupe
50
restreint d'enseignement spécialisé, avec leurs propres activités et interactions sociales, contribuent
à infléchir le sentiment d'appartenance des élèves dans le cas où ils y passent plus de 30% de leur
temps hebdomadaire d'enseignement.
Synthèse à propos du sentiment d'appartenance
Nous cherchions ici à savoir dans quelle mesure les élèves à besoins éducatifs particuliers dans une
école inclusive se sentent appartenir à la classe ordinaire. Nos résultats montrent que les élèves à
besoins éducatifs particuliers scolarisés dans une école ordinaire ont le sentiment d'appartenir à leur
classe ordinaire dans la mesure où ils ne passent pas plus de 30% de leur temps hebdomadaire
d'enseignement dans un groupe restreint d'enseignement spécialisé, à l'extérieur de la classe et,
surtout, qu'ils y accomplissent les tâches scolaires socialement attendues comme étant les plus
importantes. Quand les élèves y passent plus de temps et y travaillent les disciplines significatives,
alors le groupe restreint constitué à l'extérieur de la classe ordinaire pour prester des mesures de
soutient à l'intégration devient le groupe social d'appartenance des élèves à besoins éducatifs
particuliers .
Ainsi, bien que le système scolaire finlandais instaure une relative stabilité dans le groupe-classe
(par la promotion quasi-automatique), cela n'implique pas systématiquement un sentiment positif
d'appartenance à la classe ordinaire et à sa stabilité sociale. Ces résultats tendent à montrer que les
élèves à besoins éducatifs particuliers se perçoivent comme membres du groupe social où ils
réalisent des tâches significatives. Le sentiment d'appartenance relève donc plus de l'activité que de
l'organisation structurelle.
5.4.2 Perceptions des relations entre pairs
Les résultats présentés dans le tableau 3 nous permettent de comparer et de comprendre comment
les élèves perçoivent les relations avec leurs pairs dans le groupe restreint d'une part, et dans la
classe ordinaire, d'autre part.
Tableau 3 : Perceptions des relations entre pairs en classe ordinaire et en groupe restreint
groupe restreint de soutien
d'enseignement spécialisé
Liisa
Lenni
Dinh
Roope
Jani
Jalo
Sami
Valterri
Trai
Hamza
Virva
classe ordinaire
Bonnes relations (+).
Pas vraiment d'amis hors de sa classe.
Joue au football avec ses amis durant les
Pas d'amis dans le petit groupe (-) pauses. Pas vraiment d'amis hors de sa
classe (mitigé).
Relations difficiles avec les élèves de la
Plutôt sympa avec quelques
classe (-).
disputes parfois (mitigé).
Amis dans d'autres classes ordinaires.
Roope ne peut pas décrire les relations avec ses pairs, mais il se sent
maltraité par certains élèves.
Très bonnes relations (+).
Très bonnes relations (+).
Bonnes relations (+).
Bonnes relations (+).
Plus ou moins bonnes relations,
Plus ou moins bonnes relations (mitigé).
mais certains élèves l'agacent
Amis dans le petit groupe.
(mitigé).
Amis en 7ème.
Il a des amis dans le petit groupe.
Bonnes relations (+).
Amis dans la classe ordinaire (+).
Amis dans le petit groupe.
Pas beaucoup d'amis hors de la classe.
Bonnes relations aussi hors de sa classe
Bonnes relations (+).
ordinaire (+).
Bonnes relations aussi hors de sa classe
Bonnes relations (+).
ordinaire (+).
Certains le tape, pour rire.
Quelques amis (+).
Quelques amis avec qui elle est pendant
Bonnes relations (+).
51
les pauses.
Bonnes relations avec tout le monde (+).
Les résultats montrent tout d'abord que 7 élèves rapportent que les relations entre pairs sont bonnes,
positives durant le soutien en groupe restreint. Nous notons également que, pour les 4 élèves
restants, 1 élève se sent mal traité, 1 élève n'a pas d'amis et les 2 derniers sont mitigés.
La façon dont les élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent les relations avec leurs pairs
semble similaire en groupe restreint et en classe ordinaire. En effet, les 7 élèves qui rapportent de
bonnes relations avec les pairs du groupe de soutien rapportent tout autant des relations positives
avec leurs pairs de classe ordinaire.
Lorsque certains élèves, Dinh et Roope, rencontrent des difficultés dans les relations avec leurs
pairs, celles-ci peuvent être mineures et se dérouler de temps en temps, comme en récréation, par
exemple. Cependant, d'autres difficultés sont plus sérieuses et semblent avoir un impact sur la vie
quotidienne de certains élèves. Dinh rapporte notamment : « ce que je ressens, c'est parce que je
suis dans le petit groupe. Et je sens que quand je vais en classe, je ne suis plus habitué. Je déteste
cette classe ». Cet élève expliquera plus tard que les relations avec les autres élèves de la classe sont
difficiles et rapportera plusieurs situations d'agression. Ces situations de difficultés relationnelles
ont été particulièrement relevées par Dinh et Roope qui ont des difficultés d'apprentissage et des
problèmes de comportement. Comme nous l'avons vu auparavant, ces élèves passent un temps
considérable dans le petit groupe. Bien que ce contexte leur offre un environnement favorable aux
apprentissages, il devient également un lieu de stigmatisation. Puisque ces élèves ont de la difficulté
à se comporter de manière adéquate quand ils sont en classe ordinaire, certains pairs les insultent et
les agressent. Commence alors une sorte de spirale : lorsque certains élèves à besoins éducatifs
particuliers se sentent insultés par leurs pairs de l'ordinaire, leur comportement peut, en réaction,
devenir de plus en plus inadéquat en classe. L'augmentation de cette inadéquation pourrait se
traduire par une augmentation du temps passé dans le petit groupe, et donc relancer les phénomènes
d'insulte, d'agression et générer un sentiment d'exclusion.
Très souvent, quand les difficultés des élèves sont « marquées » par un trait visible (comportement
hors norme, retard mental, chaise roulante), le « petit groupe » est perçu comme un lieu de
stigmatisation par les élèves porteurs de ce trait, notamment en raison du fait que ces élèves y
passent beaucoup de temps. Ces élèves expriment alors leurs sentiments de différentes manières :
certains se disputent souvent et réagissent très fortement lorsqu'ils sont pris à parti, alors que l'élève
en chaise roulante va, lui, plutôt s'isoler lorsqu'il est en dehors du groupe.
Il est important de distinguer trois situations. Premièrement, il y a celle des élèves qui rapportent
avoir des relations positives avec la majorité de leurs pairs, tant dans le groupe classe ordinaire que
dans le groupe restreint d'enseignement spécialisé. Il s'agit, dans cette étude, de la majorité des
élèves interrogés. Deuxièmement il y a la situation des élèves à besoins éducatifs particuliers qui
disent avoir des problèmes de relations avec leurs pairs de classe ordinaire mais semblent tout de
même avoir de bonnes relations avec les autres élèves de l'école; il s'agit ici de Dinh et Roope.
Troisièmement, il y a la situation d'élèves en chaise roulante, ici Valterri, qui se perçoivent exclus
des relations avec les autres élèves. En effet, cet élève a besoin d'aide pour la plupart de ses
mouvements. Il a donc un assistant en permanence à ses côtés. Cet assistant va avec lui en classe
ordinaire, s'assied à côté de lui, lui amène son matériel, l'aide à écrire, le conduit aux toilettes, l'aide
à mettre ses habits pour sortir, etc. Sans contester le fait que cet élève ait besoin d'une personne qui
l'aide, nous pouvons tout de même nous poser la question de savoir si, par moment, l'assistant ne
devient pas un obstacle aux relations entre l'élève en chaise et ses pairs de classe ordinaire. Malgré
le temps passé en classe ordinaire (plus de 40% du temps scolaire hebdomadaire), cet élève ne se
sent pas appartenir socialement à cette classe. Se pose alors la question du rôle de l'assistant
personnel. Selon la recherche, un assistant d'enseignement ne devrait pas être un obstacle pour les
relations entre pairs, mais au contraire, un facilitateur à l'intégration. Son rôle se définit à travers
différentes tâches comme le soutien à l'élève et le soutien à l'enseignant (Takala, 2007). Toutefois,
52
peu d'informations existent sur les assistants personnels. Selon nos observations (Meuli, 2011),
nous pouvons toutefois dire que leurs tâches sont plus ou moins identiques à celles d'un assistant
d'enseignement, excepté le fait qu'ils agissent plus particulièrement avec un élève qu'auprès du
groupe-classe. Dans le cas d'élèves avec des difficultés de déplacement, l'assistant personnel est
requis pour un grand nombre de tâches, ce qui éloigne peut-être les camarades de classes. Un élève
du groupe restreint, Hamza, déclare passer beaucoup de temps avec l'élève en chaise roulante, à lui
raconter des blagues, se rendant compte qu'il n'avait pas d'amis. Le fait que ces deux élèves passent
beaucoup de temps ensemble lors du soutien en groupe restreint favorise sans doute des situations
d'interactions sociales plus régulières.
Synthèse sur les perceptions des relations entre pairs
Par cette question de recherche, nous voulions comprendre comment les élèves à besoins éducatifs
particuliers perçoivent les relations entre pairs. Les résultats montrent que les élèves à besoins
éducatifs particuliers perçoivent les relations avec leurs pairs comme positives, autant en classe
ordinaire qu'en groupe restreint. Ces perceptions peuvent être affectées si les élèves à besoins
éducatifs particuliers présentent des problèmes de comportement ou s'ils sont accompagnés à tout
moment par un assistant personnel.
5.4.3 Sentiment de compétence et perception de l'aide
Le tableau 4 présente les résultats concernant le sentiment de compétences scolaires des élèves à
besoins éducatifs particuliers ainsi que leur perception à propos des besoins et demandes.
Tableau 4 : Sentiment de compétences scolaires et perceptions des moyens pour recevoir de l'aide
Sentiment de compétences
Identification des
Comment recevoir de l'aide ?
scolaires
besoins
Positif pour les maths, les sciences et
Difficultés en anglais.
Lève la main. L'enseignant aide
Liisa
les arts visuels.
pour la lecture. Travaille avec son
N'a pas besoin d'aide quand c'est facile.
voisin en anglais.
Positif pour l'éducation physique, les
Dans le petit groupe
Demande à l'enseignant ou à
maths, les arts visuels.
pour le finnois,
l'assistant.
Lenni
l'anglais et les maths.
Positif pour l'éducation physique.
Maths et relations avec Ne peut pas expliquer.
les pairs. Reçoit de
Dinh
l'aide très souvent.
Positif pour l'éducation physique.
/
/
Roope
Positif pour la musique.
Anglais, finnois et
Ne sait pas. Il demande et peut
maths dans le petit
ensuite mieux comprendre la tâche.
Jani
groupe.
Positif pour l'éducation physique et les
Il demande à un élève de lui
maths.
expliquer la tâche ou de lui donner
/
Jalo
Peut travailler de manière
la réponse.
indépendante.
Positif pour les maths.
Demande à l'assistant comment
/
résoudre la tâche.
Sami
Tâches plus faciles.
Positif pour la biologie et l'histoire
A besoin d'aide pour
L'assistant aide à écrire.
Valterri
écrire.
Positif pour l'anglais, l'économie
Suédois. Il ne voit pas
Appelle l'enseignant qui le conseille.
Trai
familiale, l'informatique et l'éducation
l'utilité de l'apprendre.
physique.
Ne sait pas le sujet où il est le meilleur, Dans certains sujets,
L'enseignant aide pour la lecture et
mais il préfère le finnois, l'anglais,
les phrases sont
la compréhension écrite.
l'éducation physique et l'économie
difficiles à
familiale.
comprendre.
Hamza
Il aime le finnois bien que la
Les verbes en finnois.
conjugaison soit difficile pour lui, mais
c'est la langue qu'il utilise avec ses
53
Virva
amis.
Positif pour les arts visuels et le
suédois.
La compréhension en
lecture.
Anglais.
Demande au voisin en classe.
Demande à l'enseignant dans le petit
groupe.
En ce qui concerne le sentiment de compétences scolaires, les résultats montrent que la plupart des
élèves sont capables d'identifier une ou plusieurs disciplines où ils se sentent les plus performants.
La discipline qu'ils évoquent peut correspondre à celle qu'ils aiment le plus, ou à celle qui est
enseignée par le maître qu'ils apprécient le plus. Comme ils se sentent compétents, ils apprécient
l'enseignant qui leur permet d'apprendre et la discipline que ce dernier enseigne. Il est toutefois
important que l'élève pense qu'il joue personnellement un rôle important dans le processus
d'apprentissage et que l'apprentissage découle de ses efforts personnels certes captés et sollicités par
les pratiques professionnelles des enseignants. Il ressort aussi des propos des élèves à besoins
éducatifs particuliers que la majorité cite plusieurs disciplines. Parmi celles-ci, 4 élèves se sentent
surtout compétentes en math, 3 en éducation physique ou artistique, 2 en suédois et en anglais, 1 en
biologie et histoire. Finalement, 1 seul élève (Hamza) n'explicite pas la discipline où il se sent le
plus compétent.
En ce qui concerne l'aide, tous les élèves semblent percevoir qu'ils reçoivent de l'aide. Pour la
majorité d'entre eux, le soutien permet d'apprendre. Ils rapportent avoir besoin d'aide dans les
disciplines qui sont aussi les plus sélectives : mathématiques, finnois et anglais. Ils perçoivent par
ailleurs que cette aide peut être obtenue dès qu'ils en ressentent le besoin. Plus les élèves sont
grands, plus ils peuvent préciser et identifier le soutien d'enseignement spécialisé mis en place.
Certains élèves rapportent des différences entre l'aide qu'ils reçoivent en groupes restreints et celle
qu'ils reçoivent en classe ordinaire; c'est notamment le cas des trois élèves les plus âgés, Trai,
Hamza et Virva.
Ces élèves expliquent en effet de manière concrète comment leurs enseignants les aident et ils
donnent des exemples de situations où ils pourraient avoir besoin d'aide. Trai rapporte notamment :
« mon enseignant spécialisé vient près de moi pour m'aider… J'essaie de résoudre un problème et il
me supervise et… ensuite je vais m'en souvenir ». Leur recul sur leur vécu d'élève leur permet
d'avoir des méta-connaissances à propos de leur propre activité d'apprentissage, et de les convoquer
lors de l’entretien. Ils sont capables de verbaliser le processus et peuvent décrire l'organisation de
leur environnement pour leur permettre d'apprendre. Nous pouvons voir que les capacités
métacognitives sont déjà acquises pour certains élèves, mais pas encore pour tous. Il est important
de rappeler ici que ces compétences métacognitives sont des outils importants pour les
l'apprentissages (Broyon, 2001), et notamment pour les élèves avec des difficultés d'apprentissage
ou des difficultés de concentration (Bouffard & Bordeleau, 1997 ; Pelgrims & Cèbe, 2010 ).
Les élèves profitent généralement d'être en groupe restreint pour demander de l'aide, ce qui peut
expliquer le fait qu'ils y sont justement pour les disciplines pour lesquelles ces élèves ont besoin
d'aide. La composition du groupe restreint permet aux élèves d'avoir plus de ressources, notamment
en termes de professionnels à disposition. Les adultes y sont plus disposés à aider les élèves. Dans
la classe ordinaire, ces élèves, s'ils demandent de l'aide, vont plutôt solliciter celle de leur voisin de
table s'ils rencontrent un problème parce que, comme le rapporte Trai, « il n'y a pas un assistant par
classe. Il y a seulement un enseignant. Il ne peut nous aider que pendant un petit moment et peutêtre qu'on ne comprend pas tout de suite. Dans la classe ordinaire, quand quelqu'un ne comprend
pas, il demande toujours aux autres élèves s'ils ont compris parce qu'ils ont plus de temps pour
répondre ». En groupe de soutien, il semble que l'enseignant et les assistants remplacent les voisins
de table et sont donc la personne ressource principale pour les élèves. L'enseignant est le garant
d'une aide efficace qui permet aux élèves de réussir leurs tâches. Néanmoins, une aide si
individualisée pourrait apparaître comme inefficace en terme d'apprentissage et pourrait affecter
leurs compétences d'autorégulation (Pelgrims, 2006; Pelgrims & Cèbe, 2010).
54
Synthèse à propos du sentiment de compétences scolaires et des perceptions de l'aide
Les résultats montrent que les élèves à besoins éducatifs particuliers se sentent compétents dans les
disciplines scolaires où ils ont une relation étroite et privilégiée avec l'enseignant qui les aide à
apprendre. La plupart du temps, cela prédomine sur les savoirs de la discipline en elle-même. Il y a
donc un lien étroit entre la relation avec l'enseignant, le sentiment de compétence et l'intérêt que
l'élève à besoins éducatifs particuliers entretient pour la discipline.
Concernant les aides, les élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent avoir bénéficier d'aides
notamment dans les disciplines sélectives. Les élèves plus âgés discriminent d'avantage différentes
formes d'aides et traduisent ainsi plus de métaconnaissances.
5.4.4 Perception de la fonction des enseignants et des assistants et les relations avec eux
Cette partie présente comment les élèves perçoivent le travail des différents professionnels
(enseignants ordinaires, maîtres spécialistes, enseignants spécialisés, assistants), ainsi que la
perception qu'ils ont de leurs relations avec ces professionnels.
Tableau 5 : Fréquence de l'aide apportée par un enseignant spécialisé, un maître de classe, un maître spécialiste et un
assistant
Enseignant
Maître
Maître
Assistant
Autre
Commentaires
spécialisé
de classe spécialiste
LIISA
XX
XX
Différences entre les disciplines.
Travaille plus avec le maître de
LENNI
XX
XXX
X
XX
classe.
Déteste sa classe ordinaire.
DINH
XX
X
XX
XXX
Apprend le plus avec l'assistant.
Apprend le plus avec le maître
ROOPE
XXX
XXX
XX
spécialiste.
Assistants = enseignants.
JANI
XX
XXX
XX
Apprend le plus avec le maître
spécialiste.
Autres Différences entre le petit groupe
JALO
XXX
XXX
X
XX
élèves et la classe ordinaire.
SAMI
XXX
XXX
XX
/
Elève avec un assistant
VALTTERI
XXX
XX
XX
XXX
personnel
Différences entre le petit groupe
et la classe ordinaire.
TRAI
XXX
XX
Différences dans les pratiques
d'enseignement.
HAMZA
XXX
XX
X
/
Différences dans son
comportement dans la classe
VIRVA
XXX
XX
XX
ordinaire et dans le petit groupe.
Différences dans les pratiques
d'enseignement.
Légende : X = de temps en temps
XX = parfois
XXX = le plus souvent
Le tableau 5 présente les perceptions des élèves à propos des différentes aides qu'ils reçoivent des
différents adultes professionnels. Les résultats indiquent la fréquence relative de l'aide que chaque
professionnel, selon les élèves, octroie.
Ils révèlent tout d'abord que tous les élèves perçoivent le fait qu'ils travaillent avec plusieurs
adultes. Néanmoins, ils discriminent la personne avec qui ils travaillent le plus, celle avec qui ils
apprennent le plus et celle qui leur enseigne le plus. Pour la plupart des élèves, l'enseignant
spécialisé est la personne qui leur enseigne le plus, ce qui est relativement normal du fait qu'ils
passent un nombre conséquent de leçons en groupe de soutien où ils côtoient essentiellement
55
l’enseignant spécialisé. Parmi les 8 élèves qui expriment le fait que c'est l'enseignant spécialisé qui
est la personne qui enseigne le plus, une seule élève, Virva, passe la majorité de son temps en classe
ordinaire. Cependant, elle rapporte par ailleurs avoir une bonne relation avec son enseignant
spécialisé, ce qui peut être lié au fait qu'elle le perçoit aussi comme l'adulte qui lui enseigne le plus.
Pour la quasi totalité des élèves, on peut remarquer le rôle important que joue la relation puisqu'ils
apprennent le plus avec la personne qui leur permet de se sentir sûr et confiant; en retour, les élèves
se sentent en confiance avec la personne qui leur enseigne le plus. En conséquence, ils se sentent
plus compétents pour la discipline enseignée par l'enseignant avec lequel ils ont une bonne relation.
Pour 7 élèves sur 11, l'enseignant spécialisé est perçu comme la personne qui les aide le plus.
Néanmoins, si l'on se réfère au tableau, il est intéressant de remarquer que l'enseignant spécialisé est
rarement le seul à être perçu comme le plus aidant. Pour la plupart des élèves, la fréquence de l'aide
apportée par l'enseignant spécialisé est similaire à celle du maître spécialiste, ou de l'assistant, ou
encore du maître de classe. Ce constat peut être compris au regard du temps scolaire passé en
groupe de soutien. Parmi les sept élèves qui identifient l'enseignant spécialisé comme la personne,
ou une des personnes qui les aident le plus, six passent plus de 50% de leur temps scolaire
hebdomadaire en groupe restreint. Les perceptions des élèves révèlent donc qu'ils reçoivent
effectivement beaucoup de soutien et d'aide de la part des enseignants spécialisés, mais aussi des
professionnels intervenant dans la classe ordinaire.
Les trois élèves les plus âgés sont les seuls qui identifient uniquement leur enseignant spécialisé
comme étant la personne qui les aide le plus. Ce n'est pas surprenant puisque que ces trois élèves
sont aussi ceux qui sont le plus à même d'identifier les différences entre le travail des différents
enseignants ou celui des assistants. En outre, ces trois élèves sont au niveau de l'école secondaire,
contexte requiérant nettement plus d'autonomie de la part des élèves. Seuls les enseignants
spécialisés remplissent une fonction d'aide que ces élèves semblent bien discriminer. Leurs plus
longues expériences scolaires, les ont également conduits à vivre et à identifier clairement les
différences entre enseignants.
Ces résultats à propos de la perception de l'aide montrent aussi la nécessité de la collaboration entre
les différents professionnels. En plus de l'enseignant spécialisé, les autres protagonistes sont
significatifs pour les élèves. Ils identifient tous ces adultes comme des ressources quand certaines
difficultés apparaissent. Ces difficultés peuvent survenir en situation didactique, mais également
durant d'autres situations scolaires comme les récréations ou les repas. Un des élèves, Dinh,
exprime expressément cette idée en affirmant que c’est l'assistant qui l'aide le plus pour résoudre
des conflits pendant les récréations.
Par ailleurs, certains maîtres spécialistes sont identifiés comme personne ressource pour certains
élèves bien qu'ils n'interviennent que pour quelques heures. Ceci pourrait s'expliquer par l'intérêt
positif que les élèves accordent à ces disciplines. En effet, certains élèves se réfèrent fréquemment à
l'enseignant de musique ou d'éducation physique. Ces deux disciplines-là, qui diffèrent
passablement des leçons traditionnelles, offrent probablement à certains élèves l'opportunité de
s'exprimer d'une autre manière, avec moins de pression à réussir. C'est peut-être pourquoi ils
perçoivent si positivement les maîtres spécialistes comme personne ressource.
Perceptions de différences entre les enseignants spécialisés et les enseignants ordinaires
Tableau 6 : Différences entre enseignants spécialisés et enseignants ordinaires; différences entre le groupe restreint et la
classe ordinaire
Différences entre les enseignants spécialisés et les enseignants ordinaires.
Différences entre le groupe restreint d'enseignement spécialisé et la classe
ordinaire.
Pas de différences dans les pratiques.
LIISA
Différences entre les disciplines enseignées.
Ne peut pas nommer de différences dans les pratiques, mais il résout des tâches
LENNI
plus difficiles avec l'enseignant spécialisé.
56
DINH
ROOPE
JANI
JALO
SAMI
VALTTERI
TRAI
HAMZA
VIRVA
Travaille plus avec l'enseignant spécialisé.
Quelques différences dans les pratiques d'enseignement.
Pas de différence dans le travail effectué.
Différences entre les disciplines enseignées.
Différences entre les disciplines enseignées.
Différence dans l'environnement d'apprentissage. Plus bruyant en classe ordinaire.
Ne peut pas expliquer les petites différences qu'il a remarquées dans les pratiques
d'enseignement.
Pas de différence significative dans le travail effectué.
Différences entre les disciplines enseignées.
Différence dans l'environnement d'apprentissage. Plus détendu dans le « petit
groupe ».
Différences dans les pratiques d'enseignement.
Moins de devoirs dans le « petit groupe ».
Se sent bien dans le « petit groupe ».
Même travail effectué dans les deux contextes.
Différences dans les relations élèves-enseignants.
Différences dans son comportement selon le contexte.
Les élèves perçoivent plusieurs différences entre les divers contextes dans lesquels ils déploient leur
activité. Toutefois, leurs perceptions varient selon leur âge. Les élèves les plus jeunes relèvent
plutôt des caractéristiques en relation avec les disciplines que les enseignants enseignent, c'est-àdire qu'ils différencient en fonction la discipline scolaire. Ils ne relèvent par contre pas de
différences dans les pratiques d'enseignement, ce qui commence à apparaître chez les élèves en fin
de scolarité. Les trois élèves les plus âgés expriment des différences dans les méthodes
d'enseignement et dans le comportement des enseignants. Une des élèves, Virva, l'exprime très bien
quand on lui demande la différence entre le travail qu'elle fait avec l'enseignant spécialisé et le
travail qu'elle fait avec d'autres enseignants. Elle explique donc que l'enseignant spécialisé est tout
le temps avec eux et, qu'en cas de difficulté, l'enseignant spécialisé vient et explique, alors que dans
la grande classe, les enseignants sont face à la classe et répondent à distance. Les élèves les plus
âgés perçoivent également une différence dans l'attitude d'élève qui est requise, celle-ci étant plus
détendue dans le petit groupe, alors que dans la classe ordinaire, il est attendu d'eux qu'ils soient
calmes et qu'ils écoutent. Trois élèves relèvent des différences dans l'environnement scolaire. Dans
la classe ordinaire, il y a plus de bruit et les enseignants restent devant la classe. Ils ne se déplacent
pas forcément quand les élèves ont une question. A l'opposé, l'atmosphère en groupe restreint est
plus décontractée, les élèves s'y sentent bien et leur comportement est différent. Certaines pratiques
d'enseignement frontal que les élèves retrouvent dans la classe ordinaire sont également décrites
comme ennuyantes et difficiles à supporter par certains élèves à besoins éducatifs particuliers.
Nous remarquons donc que l'âge des élèves est un facteur à considérer dans la perception des
attentes des enseignants et des buts de l'école. Les jeunes élèves n'arrivent probablement pas encore
à conceptualiser les différences entre les pratiques d'enseignement. La perception de leurs
compétences peut aussi être difficile pour les jeunes élèves, de même que celle du rôle que
l'enseignant, comme leur propre rôle, peut jouer dans leurs apprentissages.
Après avoir examiné les perceptions que les élèves ont de l'utilité de tous les adultes présents autour
d'eux, quatre élèves pensent qu'il serait difficile de faire sans ces adultes. Leurs réponses semblent
fortement générées par leurs besoins spécifiques du moment, comme pour l'élève qui fait appel à
l'assistant pour l'aider à résoudre des conflits à la récréation. Pour cet élève-là, il semble peu
envisageable de pouvoir faire face à cette situation difficile sans la présence de l'assistant.
Quelques élèves expriment clairement qu'ils peuvent apprendre par eux-mêmes, et qu'ils n'ont pas
toujours besoin d'un adulte qui les aide. Il s'agit d'un point important puisqu'il indique la
responsabilité des élèves dans leurs apprentissages; de telles pensées encouragent leurs efforts
d'engagement personnels et leurs capacités d'autorégulation. Elles disent sans doute aussi la
perception que les élèves ont à propos de leurs propres compétences et aspirations, ou l'opinion
57
qu'ils ont concernant la représentation que les élèves ordinaires pourraient avoir d'eux, en tant
qu'élèves à besoins éducatifs particuliers. Ils se sentent alors capables de résoudre seuls les tâches
avec le sentiment que le succès leur appartient, ce qui indique que les élèves se sentent capables de
contrôler leurs apprentissages.
Comme le rapportent la plupart des élèves interrogés, l'enseignant a un rôle important à jouer, mais
d'autres aspects de l'environnement d'apprentissage sont également à prendre en considération. En
effet, le climat de la classe, la dynamique relationnelle entre pairs sont en lien avec les relations
entre élèves et enseignants, et contribue également aux apprentissages des élèves en classe ordinaire
(Bowen et al., 2004; Galand & Philippot, 2002) et spécialisée (Pelgrims, 2013)
Relations entre les élèves à besoins éducatifs particuliers et les enseignants
LIISA
LENNI
Tableau 7 : Perception de relations entre élèves et enseignants
Enseignants ordinaires
Enseignant spécialisé
Ils sont vraiment gentils.
Ils sont plus que gentils.
DINH
Apprécie l'enseignant d'éducation physique.
ROOPE
JANI
JALO
SAMI
VALTTERI
TRAI
HAMZA
VIRVA
Bonnes relations
Les enseignants sont gentils.
Les enseignants sont gentils.
Les enseignants sont drôles, gentils.
Ils sont plus que gentils.
Bonnes relations avec la plupart d'entre eux.
Bonnes relations.
Ils sont sympas, Ils parlent avec moi.
Apprécie l'enseignant spécialisé.
Les résultats montrent clairement que tous les élèves rapportent avoir de bonnes relations avec leurs
enseignants. Ainsi, même si les relations avec les pairs peuvent être conflictuelles en classe
ordinaire, les élèves ont de bonnes relations avec les enseignants ordinaires.
L'unanimité positive envers leurs enseignants n'est pas vraiment surprenante dans un système
éducatif où les relations entre enseignants et élèves sont un concept clé reconnu comme composante
importante de pratiques pédagogiques positives. La relation pédagogique entre les enseignants et les
élèves est chaleureuse, et les compétences professionnelles sont faites de considération et de respect
pour les élèves.
Comme Felouzis (1997) le décrit dans son ouvrage, les enseignants efficaces partagent plusieurs
caractéristiques. La première se traduit par des attentes positives à l'égard des élèves. Les
enseignants efficaces apprécient leurs élèves indépendamment de leurs résultats scolaires. Ils
estiment les potentialités des élèves et leurs capacités d'apprentissage. Les enseignants traduisent
ces attentent positives dans leurs pratiques pédagogiques, ainsi que dans leurs relations quotidiennes
avec les élèves. Maintenir les attentes et les exigences est un moyen de montrer aux élèves que leurs
enseignants parient sur leurs progrès et leurs capacités d'apprentissage.
De plus, les enseignants efficaces enseignent les savoirs à apprendre et valorisent leurs élèves. Ces
principes éducatifs encouragent le développement de l'intérêt pour la discipline et les savoirs
enseignés à travers des stratégies pédagogiques. Les recherches menées avec des élèves à besoins
éducatifs particuliers (voir Pelgrims, 2010; 2013) confirment que les relations avec les enseignants
positivement perçues sont associées à l'intérêt pour la discipline, et que l'intérêt dépend également
de la perception des pratiques d'enseignement : objectifs clairement définis, enseignement explicite
des savoirs requis, soutien de l'activité socio-affective et cognitive durant l'apprentissage des élèves
à besoins éducatifs particuliers. L'enseignement explicite comprend des adaptations aux
compétences des élèves et répond aux besoins de la majorité des élèves en difficulté (Pelgrims &
Cèbe, 2010). Ces pratiques révèlent une attention particulière portée sur leurs connaissances et leurs
niveaux de compréhension. Ainsi les enseignants se considèrent eux-mêmes comme responsables
58
de l'enseignement de tous les savoirs requis pour l'accomplissement des tâches scolaires, et de tous
les savoirs que les élèves doivent apprendre. Il en est ainsi pour les compétences métacognitives
ainsi que les stratégies de compréhension en lecture, comme souligné par Goigoux & Cèbe (2006).
Synthèse des perceptions sur la fonction et les relations des enseignants et des autres
professionnels
Les résultats montrent que les élèves à besoins éducatifs particuliers identifient et discriminent les
professionnels qui les aident, tout en notant une différence dans la fréquence de l'aide apportée.
Néanmoins, il est plus difficile de saisir concrètement ce qui les aide en termes d'apprentissage
effectif.
Cependant, les élèves les plus âgés ont une perception plus approfondie des différences entre le
travail d’enseignants ordinaires et celui des enseignants spécialisés, surtout sous l'angle des
pratiques d'enseignement et au regard de l'autonomie que les enseignants ordinaires attendent d'eux
en contexte de scolarité secondaire.
La plupart des élèves à besoins éducatifs particuliers perçoivent positivement leurs relations avec
les différents professionnels qui évoluent autour d'eux.
5.4.5 Perception du système finlandais et de l'organisation de l'école
Il s'agit ici de voir si les élèves ont connaissance des pratiques en cours dans leur école dans le but
d'examiner s'ils perçoivent les particularités du système éducatif. Cette dernière partie donne aussi
des indications sur la place qu'ils s'octroient dans l'école. La structure de groupes d'enseignement
spécialisé semble être présente dans plusieurs écoles finlandaises, bien que le fonctionnement soit
propre à chaque école. Les élèves interrogés ont donc dû parler d'abord à propos du fonctionnement
de leur école puis ensuite de façon plus distanciée sur le système scolaire en général.
Les résultats (Annexe 1) montrent premièrement que les élèves à besoins éducatifs particuliers
définissent le soutien en groupe restreint à l'aide de deux caractéristiques principales : d’une part, un
groupe restreint, et d’autre part un groupe destiné aux élèves avec des différences (TDAH,
handicap, trouble de la concentration, difficultés d'apprentissages, chaise roulante, …). Les
définitions données pour le « petit groupe » sont directement liées aux sentiments que les élèves
expriment. Plus ils se sentent négativement discriminés dans l'école, plus leur description du groupe
restreint présente une connotation négative. Pour ces élèves, le « petit groupe » est un lieu
stigmatisant. Une fois encore, les perceptions des élèves évoluent avec l'âge et l'expérience. Pour
quelques élèves, le « petit groupe » a une forte réputation négative. Parfois, les élèves qui le
fréquentent sont perçus comme des élèves avec un handicap ou comme des élèves TDAH. Ces
élèves qui expriment une perception négative du « petit groupe » sont généralement des élèves avec
des troubles du comportement. Il semble que ces perceptions négatives que les élèves rapportent
traduisent ce qu'ils ont entendu en classe, à la récréation, au réfectoire, ... Dihn l'exprime en disant
que : « certains [élèves] disent que [ceux] dans le petit groupe sont TDAH. Mais moi je les ignore
parce qu'ils ne sont jamais venus voir dans le petit groupe ». Les élèves présentant des troubles du
comportement peuvent être blessés et exacerbés dans leurs comportements par les préjugés
véhiculés dans l'école à l'égard des élèves fréquentant le groupe restreint, ce qui pourrait expliquer
le sentiment de stigmatisation. Pour les autres élèves, le « petit groupe » peut simplement être un
groupe avec moins d'élèves.
Il est intéressant de relever que les élèves allophones (Dinh, Trai et Hamza) semblent avoir des
représentations plus précises à propos du système finlandais d'éducation du moins à propos de
l'organisation de l'école. Trai donne notamment une définition assez précise du groupe restreint de
soutien : « c'est un groupe avec peu d'élèves. Ils peuvent avoir des difficultés d'apprentissage ou,
par exemple, une chaise roulante, ou encore apprendre lentement… Ils sont mis là [dans les petits
groupes] et ils sont aidés. Par exemple, s'ils sont en classe ordinaire et qu'ils ont des difficultés,
59
disons en maths, ils vont être mis ici et l'enseignant [spécialisé] va prendre du temps avec eux pour
qu'ils puissent apprendre et rattraper ».
Nous pouvons faire l'hypothèse que ces élèves venant d'un autre système sont non seulement
décentrés, mais doivent aussi faire le lien entre l'école et leurs parents, ce qui explique leur bonne
maîtrise et verbalisation de la structure scolaire.
Définition de l'enseignement spécialisé
Il a également été demandé aux élèves de définir ce qu'est un enseignant spécialisé (en comparaison
à un enseignant ordinaire). Les perceptions des élèves (Annexe 1) varient en fonction de leurs âges
et de leurs expériences avec les enseignants spécialisés. Les élèves qui sont moins souvent dans le
groupe restreint ont plus de difficultés à décrire l'enseignant spécialisé. Les élèves les plus âgés ont
l'idée la plus complète, ou du moins l'idée qui correspond le plus au travail que les enseignants
spécialisés font dans cette école.
Il est aussi intéressent de relever que certains élèves avec des troubles du comportement (Dihn,
Roope, Jani, Jalo et Sami) insistent sur le fait que l'enseignant spécialisé travaille avec des élèves
ordinaires, comme le dit Dinh : « [un enseignant spécialisé enseigne pour] les élèves ordinaires. On
est tous des élèves ordinaires, sauf certains ». Ils remarquent que l'enseignant spécialisé travaille
avec tous les élèves, et non pas uniquement avec eux. Il s'agit probablement d'un autre moyen de
réagir et de protester contre la stigmatisation qu'ils ressentent.
En combinant les propos des élèves, nous pouvons concevoir une définition plutôt précise de
l'enseignant spécialisé : il aide les élèves qui ont besoin de plus d'exercice et il propose des tâches
plus faciles. Son aide peut être apportée à tous les élèves, dans la classe ordinaire et dans le groupe
restreint en dehors de la classe. Un enseignant spécialisé travaille dans une classe ordinaire et dans
une classe d'enseignement spécialisé, et il aide les enseignants ordinaires quand il y a beaucoup
d'élèves dans la classe. L'enseignant spécialisé a une spécialisation dans toute sorte de problèmes
(retards intellectuels ou développementaux, difficulté en lecture, difficulté de motricité, difficulté de
concentration) qui peuvent apparaître chez les élèves des petits groupes. L'enseignant spécialisé
aide ses collègues en aidant les élèves. Certains élèves relèvent encore que l'enseignant spécialisé
est plus patient que ces collègues de l'enseignement ordinaire et qu'il enseigne en tenant compte des
besoins spécifiques de chaque élève.
Définir l'enseignement spécialisé est une tâche plus difficile pour les élèves. Ceci peut s'expliquer
par le fait qu'il s'agit, à leurs yeux, d'une notion plus abstraite. En effet, cela implique chez les
élèves une méta-représentation de l'enseignement qu'ils reçoivent dans le petit groupe, mais aussi à
propos des autres services d'enseignement spécialisé. Pour certains élèves, l'enseignement spécialisé
est quasiment synonyme du « petit groupe ». Très souvent, l'enseignement spécialisé est relié à
l'enseignant spécialisé ou aux besoins personnels de chacun. Tous les élèves semblent relier
directement l'enseignement spécialisé à une mesure octroyée lorsque l'on a besoin d'aide. Certains
élèves relèvent un lien entre enseignant spécialisé, enseignement spécialisé et tâches plus faciles.
Pour certains d'entre eux, être au bénéfice de mesures d'enseignement spécialisé signifie effectuer
des tâches plus faciles. Cette perception a été rapportée par plusieurs études sur les perceptions des
élèves (Moulin, 2002; Pelgrims, 2001). Reste à savoir si les tâches sont réellement plus simples ou
si c'est l'environnement adapté qui permet de les réussir plus facilement. En accord avec de
nombreuses études (Pelgrims 2001, 2009), ces tâches plus centrées sur des connaissances et
capacités spécifiques sont fréquemment achevées avec de nombreuses aides et sous le contrôle
direct de l'enseignant. Quel est alors le lien entre soutien, réussite et apprentissage ? Est-ce que les
tâches sont plus aisées parce que les élèves les réussissent ? Est-ce qu'elles semblent plus faciles
parce que, dans le petit groupe, l'enseignement est actuellement régi de sorte que les élèves puissent
réfléchir et faire la tâche ? Ou est-ce que les conditions se concentrent plus sur la réalisation de
tâches que sur l'apprentissage réel, la compréhension et le progrès ? Cela pourrait-il est une
explication au fait que certains élèves se sentent mieux dans le « petit groupe » ?
60
Organisation de l'école
Les élèves ont été interrogés à propos de leur école afin de savoir qu'elles étaient leurs perceptions
de l'organisation de l'établissement concernant les mesures d'aide et les groupes restreints
d'enseignement spécialisé. Dans cette école, il y a quatre groupes d'enseignement spécialisé: deux
groupes restreint de soutien et deux d'intégration. Pour les deux classes intégrées d'enseignement
spécialisé, les élèves ne fréquentent pas de classe ordinaire. Pour les deux autres, ceux impliqués
dans la recherche, les élèves alternent entre la classe ordinaire et le groupe restreint. Vu de
l'extérieur, cette organisation semble plutôt simple, mais cela ne semble pas si évident pour les
élèves, même pour ceux qui fréquentent cette école depuis plusieurs années. En effet, les résultats
(Annexe 1) montrent qu'un seul élève (Hamza) mentionne l'existence de la classe intégrée pour les
élèves qui n'appartiennent pas à l'enseignement ordinaire. Toutefois, en raison de sa déficience, cet
élève se rend quelques fois dans cette classe intégrée pour certaines leçons spécifiques, ce qui
pourrait expliquer qu'il soit le seul à en avoir connaissance.
La plupart des autres élèves semblent connaître le fonctionnement de leur propre groupe restreint.
Ils savent que les élèves du « petit groupe » fréquentent tous une classe ordinaire et sont donc dans
le « petit groupe » en fonction de leurs besoins. Trois élèves disent ne pas connaître le
fonctionnement du « petit groupe ». Il n'est pas surprenant que les élèves n'aient pas plus de
connaissances sur l'organisation plus générale de l'enseignement spécialisé. Néanmoins, le fait qu'ils
ne connaissent pas plus précisément les mesures en « petit groupe » pourrait indiquer qu'ils ne sont
pas conscients que chaque élève de l'école pourrait être sujet à des mesures d'enseignement
spécialisé en groupe restreint. Aussi, ils ne semblent pas être conscients de quels genres d'élèves
fréquentent l'école. Que penser alors de ces perceptions partielles ? Elles questionnent l'inclusion
parce que l'on pourrait s'attendre, dans un système scolaire inclusif, à ce que les élèves soient plus
avertis, de par les expériences effectives, que tout élève de l'enseignement ordinaire peut à un
moment donné avoir besoin d'un soutient en groupe restreint. Ce soutien relèverait de formes de
différentiation pédagogique pour les élèves sans déficiences déclarées de naissance.
Synthèse à propos des perceptions du système finlandais d'écducation et du système de l'école
Les résultats montrent que les perceptions des élèves et leurs connaissances sont limitées aux
mesures de soutien qu'ils ont eux-mêmes expérimentés. Plus la notion est abstraite, moins les élèves
à besoins éducatifs particuliers peuvent en décrire le fonctionnement.
5.5
Conclusion de la recherche menée en Finlande
L'étude menée en Finlande a permis de saisir comment des élèves à besoins éducatifs particuliers
d'une école déclarée a priori comme inclusive perçoivent leur contexte scolaire.
Il ressort tout d'abord que les élèves sont intégrés en classe ordinaire tout en étant pour la plupart
plus de 30% du temps scolaire hebdomadaire en groupe restreint pour bénéficier de soutien
d'enseignement spécialisé. Or, paradoxalement, ces pratiques qui visent l'inclusion génèrent dans les
faits deux contextes scolaires dissociés et les élèves déclarent alors se sentir appartenir non pas à la
classe ordinaire, mais bien au groupe scolaire constitué pour les mesures de soutien d'enseignement
spécialisé.
En outre, les perceptions des élèves révèlent qu'ils se sentent appartenir au groupe avec lequel ils
sont amenés à accomplir le plus de tâches scolairement et culturellement attendues comme les plus
61
importantes dans le rôle d'élève : tâches de finnois, de maths, d'anglais, de suédois qu'ils réalisent
essentiellement durant le soutien en groupe restreint.
Bien que le lien d'appartenance soit le groupe restreint pour la majorité des élèves interrogés, ces
derniers déclarent entretenir de bonnes relations tant avec les pairs de la classe ordinaire qu'avec
ceux du groupe restreint. Sous cet angle, le contexte est quelque peu moins perçu comme inclusif
pour deux raisons. Tout d'abord, les relations avec les pairs en classe ordinaire semblent affectées
lorsque les besoins particuliers sollicitent la présence d'un assistant. Sa façon d'être présent en
classe et à côté de l'élève peut instituer un statut « d'élève différent » et faire obstacle aux
possibilités d'interactions avec les pairs. L'intégration de l'élève à besoins éducatifs particuliers est
dès lors plus fonctionnelle, voire physique, que sociale, au sens d'apprendre parmi et avec les
autres. La deuxième raison relève du type de difficultés, en particulier les difficultés de
comportement. En effet, comme nous l'avons expliqué, ces élèves n'apprécient guère les moments
en classe ordinaire où ils se sentent agressés et stigmatisés, sentiment qui s'amplifie sous l'effet «
boule de neige » : le sentiment d'être agressé verbalement suscite comme réponse un comportement
souvent hors norme, ce qui, en retour, augmente les réactions de rejet et le sentiment de
stigmatisation.
Les élèves perçoivent pour la plupart les enseignants spécialisés comme étant ceux qui leur
enseignent le plus et les aident le plus. Le groupe restreint est perçu comme un lieu de protection où
l'enseignant les aide davantage et où les élèves à besoins éducatifs particuliers peuvent apprendre
sereinement, tout en ayant l'aide nécessaire à disposition. Si les aides sont importantes, elles
risquent aussi d'habituer l'élève à moins se mobiliser et à moins mobiliser d'autorégulation,
dimension importante dans la persévérance et les résultats scolaires (Pelgrims, 2006, 2013).
Finalement, que nous révèlent les élèves à besoins éducatifs particuliers sur les pratiques
d'intégration et d'inclusion ? Premièrement, comme nous pouvons le comprendre à travers les
propos des élèves, les pratiques d'enseignement et ce que vivent les élèves ne relèvent pas
clairement et systématiquement de l'inclusion. L'inclusion scolaire est complexe et traverse
plusieurs étapes de mise en œuvre. Cette école de Finlande est inclusive puisqu'elle tend à
développer une école pour tous, une éducation pour tous, menant à moins de ségrégation dans des
écoles d'enseignement spécialisé. L'inclusion semble être le but final de l'enseignement. Pour
l'atteindre, l'école doit passer par d'autres organisations pédagogiques, comme l'intégration : « sans
être incompatible avec la notion d'intégration, l' « inclusion » institue l'intégration de façon plus
radicale et plus systématique, et met l'accent sur les applications pratiques de l'intégration » (Doré et
al., 1996, p. 37). Le sentiment d'appartenance des élèves à besoins éducatifs particuliers en relation
avec l'organisation des mesures d'enseignement spécialisé nous fait penser que cette école se trouve
à mi-chemin entre l'intégration et l'inclusion. L'intégration est encore présente dans cette école
puisque les élèves à besoins éducatifs particuliers, et seulement eux, sont parfois sortis de la classe
ordinaire pour des activités reliées à des disciplines importantes. D'un autre côté, cette école est
inclusive dans le sens où chaque élève, peu importe ses besoins et ses spécificités, est inclu dans la
même école, celle de son quartier, et est considéré, par les enseignants, comme membre de la vie
sociale et éducative de cette école. En outre, les mesures de soutien sont fournies au sein de l'école.
Mais l'articulation de l'activité pédagogique et didactique de la classe ordinaire avec les mesures de
soutien d'enseignement spécialisé semble peu garantie.
L'inclusion stipule encore que les élèves ne se contentent pas uniquement de fréquenter la même
école, mais que de réels échanges aient lieu durant les moments formels ou informels. Si l'on
considère l'inclusion comme principe pour l'éducation et la société, alors la connaissance des
individus présents dans l'environnement est requise. Cette école est encore en réflexion pour être
plus inclusive. Les enseignants sont conscients que les interactions entre certains élèves à besoins
éducatifs particuliers et leurs pairs de l'ordinaire sont parfois rares et conflictuelles. Même si
62
certains élèves suivent toute leur scolarité dans le groupe restreint de soutien en raison de leurs
besoins spécifiques, les relations avec les autres élèves de l'école devraient être plus régulières.
En examinant les perceptions de certains élèves à propos de leur « inclusion » dans la classe
ordinaire, on est en droit de se demander dans quelle mesure ces moments sont bénéfiques pour ces
élèves à besoins éducatifs particuliers, certains paraissant n'en retirer aucun bénéfice. Si, pour
certains d'entre eux, « le petit groupe » est la seule communauté où ils se sentent dans des
conditions favorables aux apprentissages, faut-il continuer à les garder en classe ordinaire ? Cette
question est volontairement polémique mais elle vise à amener un regard critique sur les politiques
actuellement débattues qui oublient parfois de prendre en compte les élèves de manière plus
individuelle, et qui, en voulant réunir tous les enfant dans une « même école » en arrivent à oublier
d'écouter les besoins éducatifs, pédagogiques et didactiques spécifiques non seulement des élèves
institutionnellement déclarés à besoins éducatifs particuliers, mais aussi que tout élève peut avoir
par rapport à des objectifs scolaires à atteindre. C'est notamment la question posée par l'étude
réalisée à Genève.
63
Annexe 1 : perception du système finlandais d'éducation et de l'organisation de l'école
LIISA
LENNI
DINH
ROOPE
JANI
JALO
SAMI
Perceptions du système finlandais d'éducation
Qu'est-ce que « l'enseignement
Qu'est-ce qu'un enseignant spécialisé ?
spécialisé ? »
Avec quels élèves est-ce qu'il travaille ?
C'est comme l'enseignante Henna.
Ils aident si quelqu'un a besoin de plus de
pratique.
Ils aident un peu.
Peu d'élèves.
Organisation de l'école
Comment fonctionnent les « petits
groupes » dans ton école ?
Certains élèves sont plus souvent dans le «
petit groupe » mais aucun ne passe tout son
temps dans le petit groupe.
Il ne sait pas.
L'enseignant spécialisé enseigne aux élèves
ordinaires. « Nous sommes tous des élèves
ordinaires, sauf certains d'entre nous ».
Un enseignant pour les élèves dans le « petit
groupe »
Ils proposent des tâches plus faciles.
Certains élèves pensent que les élèves
avec TDAH sont dans le « petit groupe »
Tous les élèves vont dans la classe ordinaire
pour quelques leçons.
Certains élèves de classes
ordinaires peuvent recevoir du
soutien de l'enseignant spécialisé
pour certaines disciplines.
Si un élève a des difficultés,
quelqu'un peu l'aider en classe
ordinaire.
Ils proposent des tâches plus difficiles.
L'enseignant spécialisé travaille dans un «
petit groupe » ou dans une classe ordinaire.
Un groupe plus petit que la classe
ordinaire.
Ils aident les enseignants ordinaires s'il y a
beaucoup d'élèves. Ils aident les enseignants
en aidant les élèves.
Comme si on te donne de l'aide.
Il enseignant aux élèves qui ont des
difficultés d'apprentissage.
Une sorte de classe normale, pas une
classe pour les élèves handicapés. C'est
une classe normale, mais tu y vas si tu as
des problèmes de concentration.
Moins d'élèves.
Quelqu'un peut rester après l'école
pour enseigner certains sujets.
Ils enseignants aux élèves qui sont dans le «
petit groupe ». Ils sont plus patients.
Quelqu'un peut apprendre dans le «
petit groupe ». Si quelqu'un quitte
l'école, il va aller dans le « petit
groupe »
Les enseignants spécialisés enseignent aux
élèves qui ont des difficultés d'apprentissage
ou à ceux qui ne peuvent pas se concentrer
sur leur travail. Ils peuvent aussi enseigner
en classe ordinaire.
Ils sont spécialisés dans différents types de
difficultés qu'on peut rencontrer dans le petit
groupe. Il enseigne aux élèves avec un retard
de développement. Ou si ils ont des
difficultés à lire.
Tu fais des tâches plus faciles et tu
reçois de l'aide.
Si quelqu'un ne parle pas bien
finnois, ou s'il n'a pas de bons
résultats dans les autres domaines.
/
Il ne sait pas.
VALTTERI
TRAI
HAMZA
VIRVA
Si tu as des difficultés en
mathématiques, par exemple, tu
peux demander à recevoir un
meilleur enseignement. C'est
comme un soutien à l'enseignement.
Qu'est-ce qu'un « petit groupe » ?
De la 1ère à la 2ème primaire.
Un groupe pour les élèves handicapés
(dit de manière injurieuse)
Une petite classe.
C'est un groupe avec peu d'élèves. Ils
peuvent avoir des difficultés
d'apprentissage, une chaise roulante ou
ils apprennent plus lentement.
Chacun a des problèmes à l'école
primaire et c'est pourquoi ils vont dans le
petit groupe.
C'est un groupe plus petit que la classe
ordinaire. Il y a moins d'élèves.
/
Certains élèves restent tout le temps dans le
petit groupe (Jani ne peut pas expliquer de
quels élèves il parle).
Il ne sait pas.
Il n'y a pas d'élèves qui restent tout le temps
dans le « petit groupe ».
Chaque élève va dans la classe ordinaire pour
quelques leçons. Les élèves qui sont dans la
classe intégrée ne vont jamais en classe
ordinaire.
Chaque élève va en classe ordinaire pour
quelques leçons.
Il ne sait pas comment fonctionnement le
groupe de la classe intégrée.
Les élèves ne restent pas tout le temps dans
le « petit groupe ». Il y a 4 petits groupes.
Certains élèves restent toujours dans le «
petit groupe ». Ils ne peuvent pas aller
ailleurs. Ils ont besoin de plus d'aide.
64
6 SENTIMENT D'INTEGRATION DES ELEVES PRESENTANT UNE
DEFICIENCE AUDITIVE EN SITUATIONS DIDACTIQUES EN CLASSE
ORDINAIRE
Cette partie a pour objectif de présenter l’étude menée à Genève concernant l’intégration des
élèves présentant une déficience auditive en classe ordinaire. Il conviendra donc, après avoir
défini la problématique et les questions de cette recherche, de présenter la démarche
méthodologique qui nous a permis de récolter des données pour évaluer le sentiment
d’intégration des élèves malentendants intégrés partiellement en classe ordinaire. Nous
présenterons dans une troisième partie les résultats de cette recherche. Ces derniers seront
discutés en regard de la problématique de recherche.
6.1
Problématique et questions de recherche
6.1.1 Problématique
La problématique que nous avons décidée d’éclairer dans cette recherche concerne le sentiment
d’intégration au groupe-classe des élèves malentendants intégrés en classe ordinaire. En effet,
suite à la revue de la littérature, nous pouvons constater combien l’intégration des élèves, selon
leur point de vue et en situation d’action, est peu étudiée. Or c’est bien au moment même où se
déploie l’activité d’apprentissage que se pose la question de l’intégration, non au sens structural
(spécialisé versus ordinaire) mais en tant qu’activité cohérente avec les tâches et le rôle social
attendus (Pelgrims, 2011).
Les personnes atteintes de surdité se trouvent dans certains cas en situation de handicap, c’est
notamment le cas des élèves malentendants intégrés en classe ordinaire. Effectivement, ces
derniers éprouvent quelques difficultés à communiquer avec leurs pairs entendants. La
communication est délicate puisque les élèves malentendants utilisent très peu la langue
française orale et favorisent une communication en langue des signes, alors que leurs
camarades entendants emploient uniquement un français oralisé. Par ailleurs, on sait que la
classe constitue un milieu social spécifique où l’interaction entre les différents partenaires se
réalise dans une situation de communication essentiellement orale. On peut alors largement
penser que les élèves intégrés soient exclus du groupe entendant en ne pouvant interagir
directement avec ce dernier dans la langue normée de l’école. D’ailleurs, Goasmat qui s’est
intéressé à l’intégration sociale du sujet déficient auditif relate que « scolariser un enfant
handicapé dans un groupe d’enfants exempts du handicap dont il est affecté accentue sa
solitude en tant qu’il se retrouve seul de son espèce, support de toutes les projections
fantasmatiques des autres, adultes et enfants concernant l’anormalité » (Goasmat, 2008, p.
150). Ces propos renforcent donc l’idée d’un certain rejet des élèves malentendants dans leur
contexte d’intégration scolaire en raison de l’écart entre les élèves intégrés et leurs pairs de
classe d’intégration.
La surdité n’est pas nécessairement considérée par les élèves entendants comme un signe
d’infériorité. Toutefois, la langue des signes peut-être perçue de manière néfaste au niveau des
relations. Effectivement, « le soupçon d’une langue de moindre valeur ou de moindre statut est
le pendant d’un statut d’infériorité sous l’argument d’une différence radicale » (Le Capitaine,
2004, p. 87). La langue des signes interpelle souvent les élèves entendants qui se demandent
comment cette langue visuo-gestuelle peut être aussi efficace et aussi complète que la langue
orale qu’ils emploient. De cet à priori naît souvent un jugement fréquent de la part des
65
personnes entendantes, sur l’infériorité (intellectuelle, psychique…) des sourds et des
malentendants dû à la langue. Ce jugement est néanmoins non fondé puisque la langue des
signes est une langue à part entière qui permet d’exprimer autant de choses que les langues
orales. Notons toutefois que ce jugement hâtif évolue très souvent au cours des échanges entre
les différents protagonistes.
On peut alors se demander dans quelle mesure les élèves malentendants intégrés en classe
ordinaire sont acceptés par leurs camarades malgré leurs différences, et comment les sujets
intégrés perçoivent leur appartenance et leur intégration au groupe classe. En effet, Le
Capitaine (2004) met très clairement en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les
personnes en situation de handicap dans les relations intersubjectives, ainsi que le degré
d’acceptabilité par les pairs des sujets déficients auditifs lorsqu’il affirme :
Dans le domaine de la déficience auditive, la langue fait écueil à l’accueil de l’autre. Ce qui
constitue la base de la relation pédagogique, la communication, et en particulier à travers ses
aspects linguistiques, fait obstacle pour considérer l’autre, sourd ou malentendant, comme ayant
sa place parmi les autres. (Le Capitaine, 2004, p. 104)
De nombreuses recherches ont été et sont menées pour mesurer l’efficacité de l’intégration des
élèves présentant des besoins éducatifs particuliers et identifient les pratiques qui semblent
favorables à l’intégration. En revanche, les dimensions socio-affectives sont relativement peu
étudiées et se limitent, pour beaucoup, à l’étude de l’acception sociale de ces élèves de manière
générale, en dehors d’une situation d’activité scolaire effective.
Toutefois, nous pensons qu’un élève malentendant peut se sentir bien accueilli, respecté et jugé
comme les autres et se sentir appartenir au groupe avec lequel il doit réaliser une tâche dasn
certaines situations d’enseignement-apprentissage, mais que dans d’autres situations au
contraire, l’élève pourrait se sentir exclu à cause de sa différence. Nous nous demandons alors
dans quelle mesure les dynamiques interactionnelles et socio-affectives se modifient en
fonction des situations. Cette recherche aura donc pour objectif de se centrer sur le caractère
situationnel de l’intégration en contexte scolaire ordinaire. En ce sens, cette recherche s’inscrit
dans une approche située des dimensions socio-affectives et motivationnelles de l’apprentissage
(Pelgrims, 2006).
Par conséquent, il est important de définir à l’avance quels genres de situations seront
observées. Nous ne pouvons en effet considérer toutes les situations de l’intégration scolaire.
Nous examinerons l’activité socio-affective dans deux situations dont les enjeux scolaires et les
modalités d’interactions sont très contrastés, afin de voir si les relations entre élèves,
l’acceptation par les pairs et le sentiment d’appartenance au groupe des élèves changent en
fonction de celles-ci.
Comme il a été montré dans le cadre théorique, les élèves appréhendent les disciplines de
manière singulière. Dans leur parcours scolaire, leur sentiment de compétences et les valeurs
telles que l’intérêt et l’utilité, varient en fonction de chaque discipline et sous l’effet des
situations et des expériences sociales qu’ils vivent en classe. C’est pourquoi, nous souhaitons
étudier les perceptions des élèves autour des deux disciplines contrastées que sont les
mathématiques et l’éducation physique. Effectivement, ces disciplines ont des statuts scolaires
et sociaux très différents puisque la première fait partie des disciplines majeures et sélectives,
alors que la seconde est une matière dite mineure, dont les résultats et les compétences des
élèves ne sont pas pris en compte dans les décisions de promotion ou d’orientation vers
l’enseignement spécialisé. Certains élèves admettent donc l’importance des mathématiques
dans leur cursus scolaire sans pour autant avoir de l’intérêt pour celles-ci. Au contraire,
l’éducation physique plait à certains élèves, mais occupe une moindre place dans leur esprit.
66
Différents travaux montrent combien les perceptions et les valeurs varient en fonction de ces
disciplines (p. ex, Russo, 2007), corroborant qu’elles présentent des enjeux scolaires différents.
D’autre part, puisque les statuts scolaires de ces deux disciplines sont différents, on peut faire
l’hypothèse que les dimensions liées à l’acceptation sociale des élèves intégrés soient
également variables. Effectivement, on peut supposer que les élèves de classe ordinaire
préfèrent travailler en mathématiques avec leurs pairs dits ordinaires en raison des préjugés sur
les compétences des élèves intégrés qu’ils pourraient avoir. Au contraire, on peut émettre
l’hypothèse que les élèves de classe ordinaire n’accordent pas d’importance à la surdité en
situation d’éducation physique puisque cette discipline est secondaire. Il s’agit de suppositions
qui renforcent le choix des disciplines à étudier ; il faudra donc, aux vues des résultats
d’analyse, les valider ou les invalider.
Après avoir déterminé les disciplines scolaires, il est essentiel de définir dans quel contexte
social se dérouleront les activités de recherche. La littérature nous indique que le sentiment
d’appartenance au groupe classe se construit à travers et grâce au groupe. Ainsi, nous pensons
que l’étude de situations où les élèves travailleraient individuellement ne serait pas un
indicateur optimal de la dimension traitée dans cette recherche. Nous choisissons donc d’axer
cette étude sur des situations didactiques impliquant des interactions entre pairs.
Les tâches proposées par les moyens de mathématiques en vigueur en Suisse romande relèvent
d’une approche socioconstructiviste et favorisent des activités permettant aux élèves de
travailler et d'apprendre en collaborant. Aussi, en éducation physique, les enseignants proposent
essentiellement des jeux de balle où l’équipe est indispensable pour pouvoir jouer. Ces deux
situations permettent donc des relations entre les élèves. Ces derniers sont, à priori, placés dans
une situation pédagogique égalitaire. En somme, la surdité de l’élève intégré serait, a priori, le
seul élément qui pourrait conférer un statut scolaire différent et affecter l’activité sociale et
affective de l’élève malentendant. De fait, le choix de ces situations semble pertinent afin
d’évaluer le sentiment d’appartenance au groupe des élèves malentendants intégrés. Cette
recherche s’intéressera donc à un dispositif d’interactions où un groupe hétérogène d’élèves
collaborent pour atteindre un but collectif, et où les élèves s’aident mutuellement pour que
chacun acquière la notion en jeu dans la tâche proposée, ceci tant en mathématiques qu'en
éducation physique.
Enfin, la revue de la littérature nous montre les liens entre les composantes du concept de soi et
d’autres dimensions socio-affectives. La perception des compétences sociales est liée,
notamment, au sentiment d’appartenance au groupe, à la perception de sa propre acceptation
sociale et au degré d’acceptabilité par les pairs. Ces trois dimensions évoluent conjointement.
Ainsi, dans le cadre de cette étude, c’est directement en situation didactique que nous nous
intéresserons à la perception des compétences sociales et à la perception des compétences
scolaires pour réaliser une tâche commune.
6.1.2 Questions de recherche
Nous examinerons les liens entre le sentiment de compétences, la perception des compétences
des pairs, la perception d’être accepté par les pairs, l’acceptabilité par les pairs, le sentiment
d’appartenance au groupe, la perception du climat relationnel entre élèves, l’intérêt pour le
groupe et la perception de la dynamique du groupe, en fonction de deux situations relevant
chacune d’une discipline scolaire différente. Ces dimensions sont considérées comme des
indicateurs de l’intégration des élèves malentendants en classe. Comme l'indique Pelgrims
(2006 ; 2011), les perceptions qu’ont les élèves de leur contexte de classe et des situations
didactiques, ainsi que les dimensions socio-affectives de l’apprentissage, renseignent sur le
degré de participation des élèves aux activités d’apprentissage. Nous adoptons ce postulat pour
67
étudier le degré d’intégration d’un élève malentendant en comparaison avec les autres élèves de
la classe ordinaire dans deux situations didactiques.
Ainsi, cette recherche est guidée par la question générale suivante :
Dans quelle mesure l’élève déficient auditif et scolarisé en classe ordinaire se sent-il
intégré lors de situations en mathématiques et en éducation physique?
Pour répondre à cette question générale, cette dernière est guidée par des questions spécifiques.
Cela permettra dès lors d’appréhender chaque dimension en situation de mathématiques et en
situation d’éducation physique.
Les questions spécifiques sont les suivantes :
Question 1
Dans quelle mesure l’élève se perçoit-il en général intégré et accepté par les autres élèves de sa
classe ? Dans quelle mesure se perçoit-il différemment des autres élèves ?
a. Comment se positionne l’élève intégré selon les dimensions étudiées par rapport à ses
camarades de classe ordinaire ?
b. Dans quelle mesure le sentiment de compétence varie-t-il en fonction des disciplines ?
c. Dans quelle mesure les élèves intégrés sont-ils choisis en premier ou en dernier dans les
activités de groupe en éducation physique et en mathématiques ? (Etude du
sociogramme)
Le rapport de recherche initial (Zuccone, 2011) comprend les résultats des perceptions qu’ont
les élèves de leur intégration de manière globale, dans la classe, au travers des dimensions
socio-affectives précitées mais sans référence à une situation d’action effective. Pour cet
ouvrage, nous avons choisi de nous limiter à l’étude situationnelle de ces dimensions en
extrayant les résultats les plus significatifs. Ainsi, dans la suite de ce travail seront uniquement
présentés les résultats liés à la seconde question de travail. Nous résumerons toutefois les
résultats obtenus concernant la première question de travail qui orientait notre regard sur les
perceptions de l’élève de manière plus générale.
Question 2
En situation de travail de groupe, en éducation physique et en mathématiques, dans quelle
mesure l’élève malentendant se sent-il et se perçoit-il intégré par rapport aux autres élèves de sa
classe ?
a. Dans quelle mesure les dimensions socio-affectives de l’activité de l’élève
malentendant varient-elles en fonction des deux situations de travail de groupe en
éducation physique et en mathématiques ?
b. Dans quelle mesure les dimensions de l’activité de l’élève malentendant étudiées
(sentiment de compétence spécifique à la tâche, la perception des compétences des
pairs, et l’intérêt pour le groupe) diffèrent-elles des autres élèves de la classe ordinaire ?
68
6.2
Démarche méthodologique
Cette partie présente la démarche méthodologique adoptée dans cette recherche. Elle concerne
tout d’abord le contexte de la recherche et l’échantillonnage, puis sur les instruments de recueil
de données, à savoir des questionnaires, et la procédure de recueil de données ainsi que
quelques difficultés rencontrées lors de la passation des échelles. Et enfin, les différentes étapes
de la démarche d’analyse des données seront présentées.
6.2.1 Échantillon d’étude
L'échantillon d’étude comprend des élèves de classes ordinaires d’une part, et des élèves
malentendants intégrés partiellement en classe ordinaire d’autre part. Il s’agira effectivement
d’interroger avec les mêmes outils les élèves de classes ordinaires et leurs camarades
malentendants de l’enseignement spécialisé.
Puisque nos données sont recueillies à l’aide de questionnaires qui demandent aux élèves de
réfléchir sur leur propre activité et d’entrer dans une posture analytique, il est important qu’ils
soient suffisamment âgés. Apprécier ses sentiments et les perceptions qu'il fait de soi-même
n’est pas une tâche évidente pour de jeunes enfants. C’est pourquoi, il est important que les
élèves choisis disposent des compétences de compréhension requises pour accéder au sens des
énoncés. De plus, les élèves doivent être lecteurs afin de pouvoir compléter les questionnaires
de manière individuelle. Ainsi, nous avons choisi d’interroger des élèves de 6e, 7e et 8e primaire
Harmos.
Au moment de l’étude, seuls quatre élèves malentendants correspondent aux exigences d’âge et
sont dans la modalité de scolarisation et d’intégration visée par cette recherche. Ces quatre
élèves sont intégrés dans trois classes différentes : une classe de 6e primaire, une de 7e primaire
et une 8e primaire, toutes situées dans le même établissement scolaire.
Les enseignants de ces trois classes ont accepté de participer à la recherche. Le nombre
d’élèves par classe varie entre 18 à 24. L’échantillonnage total comprend 66 élèves dont 4
élèves malentendants.
Caractéristiques pédagogiques des classes impliquées dans l’étude
Afin de mieux comprendre dans quels contextes évoluent les élèves de l’étude, il convient
maintenant de décrire l’environnement pédagogique des trois classes étudiées. Étant
malentendants, les enfants intégrés ne peuvent pas suivre les leçons sans un interprète françaislangue des signes. En règle générale, ce sont les enseignants des classes spécialisées qui
incarnent le rôle d’interprète. Toutefois, en fonction des horaires d’intégration de chacun, il
n’est pas toujours possible de faire intervenir le même enseignant-interprète à chaque
intégration, dès lors des enseignants de l’une ou l’autre des classes ressources ou des interprètes
professionnels interviennent ponctuellement dans les classes ordinaires. Bien que cette
modalité soit similaire dans chacune des classes, plusieurs caractéristiques pédagogiques les
différencient.
Pour faciliter le discours cohérent et les comparaisons, nous nommons la classe de 6e primaire
« classe 1 », la classe de 7e primaire « classe 2 » et la classe de 8e primaire « classe 3 ».
Les caractéristiques des divers contextes d’intégration des quatre élèves malentendants sont
recensées dans le tableau 8.
69
Tableau 8 Récapitulatif synoptique de l’échantillonnage
Classes
Degré
Nombre d’élèves
Nombre de filles
Nombre de garçons
Âge des élèves (en mois)
1
6P
2
7P
24
10
14
109 à 129
18
11
7
123 à 155
3
8P
24
14
10
137 à 151
2 (Camille et
1 (Alain)
1 (David)
Nombre d’élèves intégrés
Richard)
117 mois
155 mois
140 mois/ 11 ans
Âge de(s) élève(s)
9 ans
12 ans
151 mois/ 12 ans
intégré(s)
Mathématiques
Mathématiques
Mathématiques
Education physique
Géographie
Disciplines d’intégration Education physique Education physique
Travaux manuels
Travaux manuels
Allemand
Sciences
25%
25%
50%
Taux d’intégration
La classe 1 est tenue par une jeune enseignante qui intègre des élèves malentendants depuis
quatre ans, et qui s’occupe plus particulièrement d’Alain depuis deux ans. La classe est
composée de 24 élèves, dont 10 filles et 14 garçons. L’enseignante favorise les travaux de
groupes et la coopération dans sa classe, et a ainsi opté pour les regroupements de pupitres par
quatre ou cinq. De fait, les échanges entre pairs sont facilités, laissant alors la possibilité aux
élèves d’effectuer de nombreuses activités de recherche en groupe. La classe dispose également
d’un coin lecture et les murs nous apparaissent recouverts de supports didactiques tels que des
panneaux d’affichage créés par les élèves.
Alain, l’élève malentendant accueilli dans cette classe, est spatialement intégré dans un groupe,
puisqu’un pupitre lui est réservé dans un groupe durant les périodes où il est présent. De plus,
son pupitre reste toujours dans le groupe de façon à ce que l’élève ait réellement une place
physique permanente dans la classe, même quand il rejoint sa classe intégrée d’enseignement
spécialisé.
L’enseignante titulaire de la classe et les enseignants interprètes collaborent aisément. Pour
traduire ce que la titulaire dit, l’interprète se place à proximité de cette dernière et s’assoit près
d’Alain dès que l’activité commence pour traduire à nouveau les éventuelles consignes
incomprises, les questions de l’élève ou les échanges avec ses camarades.
La classe 2 est tenue par une enseignante qui accueille des élèves à besoins éducatifs
particuliers depuis huit ans. Elle intègre David depuis deux ans. La classe est composée de 18
élèves, dont 11 filles et 7 garçons. Cette classe est également organisée par groupe de pupitres
de façon à favoriser la communication entre élèves et les moments collectifs de recherche.
David occupe une place bien définie dans la classe, et comme pour la classe 1, son pupitre fait
partie d’un groupe. Il n’est donc pas exclu ou en marge, du moins physiquement. L’enseignante
interprète se place très fréquemment en face de l’élève pour lui traduire ce que l’enseignante dit
ou ce que ses camarades lui transmettent. Elle se déplace à côté de l’enseignante titulaire
uniquement quand son temps de parole se prolonge. La collaboration entre les deux enseignants
se réalise par des échanges fréquents pendant les leçons, mais principalement au terme de
celles-ci pour évoquer les éventuelles remédiations à apporter à l’élève malentendant en classe
spécialisée par exemple.
70
La classe 3 est tenue par un jeune enseignant qui intègre des élèves à besoins éducatifs
particuliers depuis seulement deux ans. Dans sa classe, deux élèves sont intégrés : Richard et
Camille. L’effectif de cette classe est très élevé puisqu’il atteint 24 élèves, dont 14 filles et 10
garçons. Cet important effectif a des répercussions sur la disposition spatiale de la classe.
Effectivement, les pupitres de 8e primaire sont larges et la répartition en groupe de ces derniers
n’est pas évidente. L’enseignant a donc choisi d’aligner les pupitres en 5 rangées, les unes
derrières les autres. Cet aménagement induit un enseignement plutôt frontal où les élèves
interviennent ponctuellement en collectif, et où les travaux de groupe ne sont pas facilités.
De façon à rendre possible le travail de l’enseignant interprète, les deux élèves intégrés sont
assis l’un à côté de l’autre, et l’enseignante dispose d’une chaise en face d’eux. Cette
disposition ne favorise guère l’intégration sociale des élèves au groupe classe, puisqu’ils sont à
l’écart des rangées d’élèves de la classe ordinaire. Malgré cela, les pupitres sont réservés aux
deux élèves malentendants et n’ont aucune autre fonction lors des moments où ils sont dans la
classe intégrée d’enseignement spécialisé.
Les deux enseignants travaillent en étroite collaboration pour préparer les évaluations à deux
voix, et échanger à propos du travail accompli par les élèves intégrés, tant au niveau de leurs
réussites que de leurs difficultés.
Finalement, on voit combien les contextes d’intégration peuvent être différents d’une classe à
l’autre dans un même établissement, et combien ces divers environnements pourront
éventuellement avoir des impacts différents sur le sentiment d’être intégré et les perceptions
des élèves.
Portraits des quatre élèves malentendants intégrés en classe ordinaire
Étant donné la faible population d’élèves malentendants visée par notre recherche, il est
« impossible » d’apparier plusieurs élèves malentendants suivant le même parcours scolaire, le
même niveau scolaire en mathématiques et en éducation physique, et le même degré de surdité.
Par contre, cette étude vise un public malentendant n’ayant pas bénéficié d’un implant
cochléaire dès leur plus jeune âge. Tous les élèves sont donc malentendants et ne peuvent
suivre une leçon orale sans appui en langue des signes malgré leurs prothèses auditives.
Alain et David sont intégrés de manière individuelle chacun dans une classe, alors que Camille
et Richard sont intégrés ensemble dans une même classe ordinaire. Ainsi, le fait de se rendre à
deux en classe leur permet de continuer à échanger entre eux en langue des signes. Cette
modalité d’intégration peut donc avoir des répercussions sur les résultats, puisque ces deux
élèves ne sont pas intégrés dans les mêmes conditions qu’Alain et David.
Portrait d’Alain
Alain est un élève âgé de 9 ans et est malentendant depuis sa naissance. Alain communique
grâce à la langue des signes ; il émet des sons plus ou moins compréhensibles lorsqu’il souhaite
interagir avec des personnes entendantes. Il a conscience des mots en français oralisé, ce qui lui
permet de communiquer oralement. Alain peut comprendre le français oralisé lorsque les
conditions lui sont favorables, à savoir une articulation accentuée et un niveau sonore élevé. De
fait, Alain peut communiquer, de manière très sommaire, avec ses camarades et enseignants
entendants. Toutefois, dès que le contexte le permet, il utilise la langue des signes et ne fait plus
appel à la communication orale si elle n’est pas sollicitée.
Alain est intégré en classe de 6e primaire où il poursuit ainsi qu’en classe spécialisée le
programme de ce degré. Lors de notre passage en classe, Alain était intégré à 25% du temps
scolaire hebdomadaire, à raison deux périodes en éducation physique, deux périodes en
éducation artistique et cinq périodes en mathématiques. Un enseignant spécialisé l’accompagne
71
toujours en classe afin de traduire et de réexpliciter en langue des signes le contenu des divers
échanges verbaux de la classe.
Alain est un élève qui aime communiquer avec la communauté sourde, mais sait aussi s’adapter
à ses interlocuteurs entendants.
Portrait de David
David est un élève âgé de 12 ans et est malentendant depuis sa naissance. Il communique grâce
à la langue des signes, mais est également capable de parler en français oralisé. Son élocution
n’est pas toujours très compréhensible, mais grâce au soutien logopédique qu’il reçoit, ses
compétences langagières se développent de plus en plus. Il s’appuie néanmoins très
fréquemment sur la langue des signes pour renforcer ce qu’il dit en français oralisé.
David est intégré en classe de 7e primaire où il poursuit ainsi qu’en classe spécialisée le
programme de ce degré. Ses compétences en français, en tant que discipline, sont malgré tout
plus faibles que celles attendues pour un élève de son âge, c’est pourquoi il suit en classe
spécialisée un enseignement du français relevant du niveau 4P-5P selon les domaines de
savoirs. Lors de notre passage en classe, Alain était intégré à 25%, à raison de deux périodes en
éducation physique, deux périodes en éducation artistique et cinq périodes en mathématiques.
David ne peut pas suivre seul les leçons en classe ordinaire et est donc le plus souvent
accompagné par un enseignant spécialisé qui se charge de traduire les divers échanges verbaux
de la classe. Toutefois, en raison d’un horaire très complexe dans l’école, il est obligé de se
rendre seul aux cours d’éducation artistique.
David est un élève très enthousiaste, qui revendique sa surdité mais qui aime aussi
communiquer avec des personnes entendantes. Il est très ouvert et aime raconter des blagues à
ses camarades. Ainsi, sa facilité de communication et sa joie de vivre lui ont permis d’avoir un
cercle d’amis à la fois dans sa classe intégrée et à la fois dans sa classe ordinaire.
Portrait de Camille
Camille est une élève âgée de 11 ans et malentendante depuis sa naissance. Elle communique
grâce à la langue des signes lorsque ses interlocuteurs maîtrisent la langue des signes, mais elle
entend suffisamment, grâce à son appareillage, pour avoir une communication orale. Toutefois,
son élocution n’est pas toujours compréhensible et un soutien en langue des signes est
nécessaire. Grâce au soutien logopédique qu’elle reçoit, ses compétences langagières se
développent de plus en plus.
Grâce au léger degré de sa surdité, Camille est intégrée en classe de 8e primaire à 50% et
poursuit le programme de ce degré dans les deux contextes. Ses compétences en français sont
plus faibles que celles attendues pour les élèves de la classe d’enseignement spécialisé, c’est
pourquoi elle suit essentiellement les cours de français dans sa classe ressource. Lors de notre
passage en classe, Camille était intégrée à raison de deux périodes en éducation physique, deux
périodes en éducation artistique, deux périodes en allemand, une période en géographie et six
périodes en mathématiques. Camille est toujours accompagnée d’un enseignant spécialisé ou
d’un interprète malgré son aisance en français oralisé, puisqu’il est nécessaire qu’elle puisse
comprendre chacun des mots énoncés par l’enseignant de classe ordinaire ou par ses
camarades.
Camille est une élève très réservée qui prend peu la parole de manière spontanée. Elle a en effet
tendance à rester en retrait que ce soit en classe intégrée ou en classe ordinaire. Il faut préciser
que Camille est la seule fille de la classe spécialisée du groupe des grands. Elle n’a de fait que
des amis garçons qui utilisent la langue des signes. La communication n’étant pas toujours
évidente avec ses paires entendantes, elle a très peu d’amies dans sa classe ordinaire.
72
Portrait de Richard
Richard est un élève âgé de 12 ans et malentendant depuis sa naissance. Il communique
uniquement par le biais de la langue des signes bien qu’il soit appareillé. Effectivement,
Richard entend grâce à ses appareils, mais ne comprend pas les sons et les mots qu’il perçoit.
Sa communication orale est donc restreinte avec des personnes ne pratiquant pas la langue des
signes. Son discours oral se résume à quelques mots usuels tels que oui, non, bonjour. Il
emploie et développe très difficilement sa communication orale puisqu’il cherche toujours à se
raccrocher à la langue des signes ou à des personnes pouvant traduire dès qu’il est en présence
de personne entendantes.
Richard est tout de même intégré en classe de 8e primaire à raison de 50% puisqu’il peut tout à
fait suivre le programme de ce degré avec l’appui d’un enseignant spécialisé ou d’un interprète.
Lors de notre passage en classe, Richard était intégré pour les mêmes disciplines que sa
camarade Camille (éducation physique, éducation artistique, géographie et mathématiques).
Cependant, il ne peut suivre les cours d’allemand puisqu’il ne met pas de sens sur les mots qu’il
entend ou lit. Lui enseigner une seconde langue ne lui permettrait donc pas d’acquérir sa langue
première, ce qui est déjà une tâche difficile pour lui. Richard est complètement dépendant de
l’enseignant spécialisé ou de l’interprète qui l’accompagne en classe d’intégration puisqu’il ne
comprend pas le langage oralisé et ne sait pas encore lire.
Bien que Richard éprouve de grandes difficultés à communiquer, il s’est fait beaucoup d’amis
dans la population entendante de l’école, et les côtoie fréquemment dans la cour de récréation.
Malgré cette aisance, Richard a tendance à rester avec ses amis malentendants avec qui il
communique plus facilement.
6.2.2 Instruments de recueil de données
Cette recherche s’inscrit dans le domaine thématique de la motivation à apprendre en contexte
d’enseignement spécialisé et étudie différentes dimensions socio-affectives d’élèves intégrés en
classe ordinaire. Ces dimensions socio-affectives n’étant pas directement observables en
situation, il est fréquent d’avoir recours à des questionnaires composés de différentes échelles
et de sociogrammes.
Afin d’obtenir des données sur les dimensions socio-affectives des élèves malentendants et
leurs pairs en classe ordinaire et en situation didactique, nous proposons aux élèves deux
versions d’un même questionnaire : la première est liée à une activité de mathématique et la
seconde à une activité d’éducation physique. Ces deux versions sont intitulées, « Exercice
d’éducation physique » et « Exercice de mathématiques ». Le questionnaire reprend la
structure, le format et certaines échelles du Questionnaire d’orientation motivationnelle en
situation d’apprentissage (QOMSA) élaboré par Pelgrims (1999/2006). Il vise à évaluer les
dimensions socio-affectives de l’activité des élèves avant et après des situations de travail en
groupe en éducation physique et en mathématiques.
Les items font référence aux perceptions des élèves au lancement et durant la tâche à
accomplir. Comme l’indique la table de spécification (tableaux), le questionnaire mis au point
pour cette recherche est construit en deux parties : la première questionne trois dimensions
avant la tâche, et la seconde se focalise sur sept dimensions après la tâche.
73
Tableau 9 : Table de spécification des échelles du questionnaire « Exercice de mathématiques » avant la tâche.
Dimensions socio-affectives
avant la tâche
1. Sentiment de compétence spécifique à la
tâche
2. Perception des compétences des pairs pour
la tâche
items (n= 18)
7 items : 2 ; 4 ; 5 ; 6 ; 10 ; 17 ; 18
6 items : 7 ; 8 ; 9 ; 12 ; 14 ; 15
5 items : 1 ; 3 ; 11 ; 13 ; 16
3. Intérêt pour le groupe de travail
après la tâche
4. Sentiment de compétence spécifique à la
tâche – autoévaluation du résultat produit
5. Perception des compétences des pairs pour
la tâche
6. Intérêt pour le groupe de travail
7. Sentiment d’appartenance au groupe de
travail
8. Sentiment d’être accepté
items (n= 41)
5 items : 19 ; 20 ; 23 ; 24 ; 26
9. Acceptation des pairs
7 items : 46 ; 52 ; 53 ; 55 ; 57 ; 58 ; 59
10. Perception de la dynamique du groupe
4 items : 29 ; 30 ; 32 ; 33
5 items : 21 ; 22 ; 27 ; 28 ; 35
5 items : 25 ; 31 ; 36 ; 38 ; 40
7 items : 34 ; 37 ; 43 ; 44 ; 45 ; 47 ; 49
8 items : 39 ; 41 ; 42 ; 48 ; 50 ; 51 ; 54 ; 56
Les échelles du sentiment de compétence spécifique à la tâche, de l’intérêt pour le groupe de
travail et l’autoévaluation du résultat produit sont issues du QOMSA (Pelgrims, 1999/2006).
Les échelles de perception des compétences des pairs pour la tâche avant et après la tâche sont
reprises de Hoffmann & Knüsli (2003). Certaines de ces échelles sont complétées de nouveaux
items : il s’agit des items 7, 8, 11, 13, 14, 16, 18, 21, 25, 26 et 27. En outre, ne trouvant pas
dans la littérature de questionnaire centré en situation effective d’apprentissage sur le sentiment
d’appartenance au groupe, sur le sentiment d’être accepté, sur l’acceptation par les pairs et sur
la perception de la dynamique de groupe ou de l’équipe, nous avons composé ces quatre
échelles en nous inspirant d’énoncés de niveau général sans référence à une situation d’activité.
Les échelles du questionnaire sont des échelles de Likert. Chaque item comprend une échelle
d’évaluation à quatre niveaux de réponse allant d’une valence positive à une valence négative,
et inversement comme l’illustre l’exemple suivant :
Tableau 10 : Item tiré de l’échelle sur l’acceptation des pairs
59. Est-ce que tu as bien respecté tous les élèves de ton groupe ?
 très bien
 assez bien
 un peu bien
 pas bien
6.2.3 Procédure de recueil des données et difficultés rencontrées
Le questionnaire est complété par l’ensemble des élèves dans chacune des trois classes lors de
deux séances distinctes : une première séance liée à l’éducation physique, puis lors d’une
séance de recherche en mathématiques.
74
Cet ordre a été respecté dans chacune des trois classes. Le choix des tâches a été négocié avec
les enseignants en référence au programme officiel des degrés considérés par la recherche, des
objectifs visés par les enseignants au moment de l’intervention et aux types de tâches que les
élèves ont l’habitude de mener en classe. Nous ne souhaitions pas imposer de tâches afin
d’éviter le bouleversement des contrats didactiques instaurés dans chaque classe en
mathématiques et en éducation physique. Nous avons néanmoins demandé aux enseignants de
convenir de tâches requiérant la collaboration entre pairs pour résoudre le problème en
mathématiques et pour remporter la manche en éducation physique.
Pour les mathématiques, les trois enseignants ont sélectionné des tâches issues des moyens
Corome. Les élèves ont été regroupés par les enseignants par deux ou trois dans la classe 1, par
trois ou quatre dans la classe 2 et par deux, trois ou quatre dans la classe 3. Ces groupes de
travail ont été construits en fonction des différents types de tâches proposées dans les moyens
Corome et en fonction de la disposition de la classe. En ce qui concerne l’éducation physique,
la chercheuse a demandé aux enseignants de mener une activité d’équipe qu’ils avaient
l’habitude de proposer à leurs élèves, afin que ceux-ci ne soient pas confrontés à de nouvelles
règles de jeu. Les trois enseignants ont finalement sélectionné le même jeu de balle, à savoir
« la balle au prisonnier ».
Comme présenté dans la partie Instruments de recueil de données, le questionnaire comporte
deux parties : avant la tâche et après la tâche. La première partie devrait effectivement être
complétée avant sa résolution, et après le lancement de la tâche une fois l’activité terminée,
selon les consignes de passation de Pelgrims (1999/2006). Toutefois, il n’est pas envisageable
de procéder de la sorte dans cette étude. En effet, en salle d’éducation physique, les conditions
ne sont pas optimales pour que les élèves prêts à jouer après avoir reçu les consignes et
constitué les équipes, concentrent leur attention sur un questionnaire, à lire et à compléter ; en
outre la disposition spatiale et le matériel à leur disposition n’est pas adéquat : absence de
pupitre et salle exiguë. Ainsi, en anticipant comment ces conditions allaient biaiser et affecter
les réponses des élèves nous avons choisi, en éducation physique et en mathématiques, de faire
remplir les deux parties du questionnaire à la suite des activités, en demandant bien aux élèves
de se rappeler comment ils se sentaient avant de faire l’activité et après.
Il est important de spécifier ici que les élèves malentendants intégrés ne sont pas lecteurs, ou
pour ceux qui le sont, comprennent insuffisamment les mots qu’ils lisent. Il est donc nécessaire
de prévoir un dispositif permettant aux élèves intégrés d’avoir accès aux items. Puisque ces
élèves sont accompagnés d’un enseignant spécialisé pratiquant la langue des signes, ce dernier
sera chargé de traduire les questions en langue des signes, et indiquera si nécessaire à l’élève où
il doit mettre la croix en fonction de sa réponse en langue des signes. Bien entendu, cet
enseignant traduira également les consignes de passation afin que les élèves intégrés soient
inclus dans le dispositif au même titre que leurs camarades entendants.
La chercheuse s’est donc rendue à plusieurs reprises dans chacune des trois classes pour
recueillir les données. Lors de la première rencontre, après s’être présentée, elle a longuement
insisté sur son rôle d’« étudiante-chercheuse » en mentionnant qu’elle n’était pas enseignante,
et qu’elle n’attendait pas de réponses « correctes », que ce qu’ils lui dévoileraient à travers les
questionnaires resterait confidentiel. Pour ne pas influencer les élèves lors de la présentation de
la recherche et des questions qu’elle se posait, les consignes des questionnaires de Pelgrims
(2006) ont été reprises et adaptées au projet et au public d’élèves de cette étude. Afin
d’instaurer un climat de confiance réciproque avec les élèves, elle leur a rappelé que ce que
pensent et ressentent les élèves n’est pas identique pour chacun d’entre eux, puisque tous vivent
différemment les mêmes situations. Elle a ajouté qu’il ne pouvait y avoir de réponses fausses
75
ou justes car il s’agissait de dire ce que l’on pense vraiment chacun pour soi. Pour appuyer ces
propos et leur expliquer le fonctionnement des questionnaires, chaque passation était précédée
d’un exemple figurant à la première page du questionnaire. Les consignes de passation furent
identiques dans les trois classes.
Le recueil de données s’est échelonné sur une période d’un mois. Les élèves ont requis environ
30 minutes pour compléter le questionnaire. Nous avons assisté aux activités de mathématiques
et d’éducation physique qui précédaient les questionnaires, afin de mieux noter d’éventuels
faits significatifs et comprendre dans quel contexte étaient placés les élèves avant de répondre
aux items.
Difficultés rencontrées
La passation des questionnaires s’est globalement bien déroulée malgré quelques obstacles que
les élèves et la chercheuse ont rencontrés.
La chercheuse s'était au préalable renseignée auprès des trois enseignants pour savoir si tous
leurs élèves étaient suffisamment bons lecteurs pour lire les questionnaires individuellement et
à leur rythme. Les réponses étant positives, aucun dispositif n'avait été prévu pour d’éventuels
élèves entendants dont les compétences en lecture seraient insuffisantes. Il s’est pourtant avéré
qu’une élève de la classe 2 lisait beaucoup trop lentement par rapport à ses camarades. Alors
que les autres élèves avaient quasiment terminé de remplir le questionnaire, cette élève n’avait
pas encore réalisé un quart des items. La chercheuse a donc décidé de les lui lire de manière
neutre afin de ne pas l’influencer dans ses choix. Cette option est aussi prévue dans la passation
de QOMSA, les résultats d’une étude indiquant qu’elle ne semble pas produire de différence
entre les réponses des élèves complétant le questionnaire par eux-mêmes et celles de leurs pairs
bénéficiant d’une lecture (Pelgrims, 2006).
Nous avons également pu remarquer que dans les questionnaires, certains items ont
systématiquement posé des problèmes aux élèves. Bien que la tournure des questions ait été
longuement réfléchie afin d’employer des termes simples, certains élèves n’ont pas compris
deux mots, dans les items 16 « Est-ce que tu étais content de la répartition du groupe ? » et 29
« Est-ce que tu as l’impression que votre groupe de travail était uni ? », à cause des termes
« répartition » et « uni ». Puisque les questions au sujet de ces deux termes se succédaient, nous
avons expliqué au groupe classe ce qu’ils signifiaient dans le but d’éviter toute confusion.
Enfin, le problème majeur rencontré dans la passation des questionnaires fut lié à la traduction
en langue des signes des items. Effectivement, les enseignants des classes spécialisées
maîtrisent la langue des signes de façon à pouvoir enseigner et traduire des contenus
essentiellement scolaires. Toutefois, certains items dont la formulation est très proche et dont
les nuances sont faibles, sont difficilement transposables en langue des signes. Lors de la
passation, les enseignants spécialisés m’ont à plusieurs reprises interpellée pour me faire part
de leurs inquiétudes quant à la justesse de leur traduction des énoncés. Puisque les réponses des
élèves intégrés sont primordiales, nous avons décidé de demander de l’aide à un enseignant
sourd de l’Office médico-pédagogique dont la langue maternelle est la langue des signes.
Celui-ci a tout de suite compris les enjeux de la situation et a volontiers accepté de nous aider
dans la traduction des items. À cet effet, il a rassemblé les élèves intégrés à la suite de leurs
activités de mathématiques et d’éducation physique, puis leur a demandé de se rappeler ce
qu’ils avaient vécu durant ces activités. Il a ensuite interprété les items, et les élèves
malentendants ont pu répondre par eux-mêmes aux questions. Finalement, ces derniers ont
76
répondu aux questionnaires avec un léger décalage par rapport à l’activité, mais, après
vérification leurs réponses étaient quasi identiques à ce qu’ils avaient répondu de suite après les
activités. Cette difficulté aurait facilement pu être anticipée grâce à l’engagement d’un
interprète professionnel.
6.2.4 Démarche d'analyse des données
Les données sont traitées à l’aide d’une méthode quantitative. Chaque item comporte une
échelle d’évaluation à quatre niveaux de réponse possible. Une fois l’ensemble des réponses de
chaque élève codées numériquement, il s’agit de les traiter statistiquement à l’aide notamment,
du logiciel SPSS.
En ce qui concerne la cotation des réponses, 4 points indique une valence très positive, 3 une
valence plutôt positive, 2 une valence plutôt négative et 1 une valence très négative. Puisque
chaque item d’une même échelle est considéré comme une facette de la dimension théorique
concernée par l’échelle, l’addition des scores de chaque item fournit un score total pour
l’échelle. Cette étape requiert tout d’abord d’analyser le degré d’homogénéité de chaque
échelle, ou entre autre, d’évaluer dans quelle mesure les résultats (Zuccone, 2011) indiquent un
degré d’homogénéité suffisant pour chaque échelle : les coefficients Alpha de Cronbach varient
en effet entre .71 et .94. Seule l’échelle Autoévaluation du résultat produit en éducation
physique est quelque peu faible (.67). La version de cette échelle en mathématiques est par
contre clairement homogène ( = .88).
Il s’agit ensuite de positionner les élèves intégrés par rapport à leurs camarades de classe
ordinaire. À cet effet, pour chaque classe et chaque situation didactique, la distribution des
scores relatifs à chaque dimension sera présentée sous forme de graphique tout en pointant le
score de l’élève intégré. Puisque les contextes d’intégration des quatre élèves intégrés sont
différents, il s’agira dans un premier temps d’explorer les données par classe, puis dans une
seconde phase d’analyse, de comparer les résultats et constats établis en créant des liens entre
les trois classes. Nous jugerons ainsi la récurrence des phénomènes dans les trois classes de
l’échantillon d’étude. Finalement, les données quantitatives permettront de décrire
qualitativement les dynamiques situationnelles de l’intégration à travers les questions de
recherche spécifiques établies pour guider cette étude.
Pour cet ouvrage, nous choisissons de présenter de manière approfondie les résultats de la
classe 3 où deux élèves sont intégrés. Les résultats des deux autres classes seront présentés sous
forme d’un tableau plus synthétique qui relatera pour chaque dimension étudiée, le score de
l’élève intégré, la moyenne des scores de la classe, ainsi que le nombre d’élèves ayant obtenu
un score inférieur ou supérieur à celui de l’élève intégré. Cela nous permettra dès lors de
positionner les perceptions de l’élève intégré par rapport à celles de ses camarades.
6.3
Présentation et discussions des résultats
Comme nous l’avons mentionné dans la partie concernant les questions de recherche, la partie
du travail initial (Zuccone, 2011), relatif aux dimensions socio-affectives des élèves en général
(sous référence à une situation effective) a été écartée afin que nous nous concentrions sur
l’aspect situationnel de l’intégration sous l’angle de l’activité socio-affective en situation
d’activité didactique par les élèves. Toutefois, nous résumons brièvement les résultats obtenus
en lien avec le sentiment des élèves d’être intégré en général. Les résultats relatifs aux
sentiments en éducation physique et de mathématiques seront ensuite présentés.
77
6.3.1 Sentiment d’être intégré en général : résumé des résultats (Zuccone, 2011)
Cette partie de la recherche concerne les perceptions générales des élèves intégrés par rapport à
celles de leurs camarades de classe ordinaire. Pour cela, un questionnaire et un sociogramme
ont été remplis par l’ensemble des élèves, élèves intégrés et élèves de classe ordinaire. Nous
cherchions à répondre à la question de recherche suivante : Dans quelle mesure l’élève se
perçoit-il en général intégré et accepté par les autres élèves de sa classe ? Dans quelle mesure
se perçoit-il différemment des autres élèves ?
Les réponses des élèves malentendants coïncident avec celles de leurs pairs. Elles ne traduisent
aucun écart ou statut particulier systématique entre l’élève dit malentendant et dit intégré et les
autres élèves de la classe qui l’accueille. De manière générale, et pour l’ensemble des 66 élèves
de l’étude, il ressort des analyses corrélationnelles qu’il existe des relations fortes entre le
sentiment d’appartenance à la classe, la perception du climat relationnel entre les élèves et le
sentiment d’être accepté par les pairs (r = .80 à .83 ; voir Zuccone, 2011). Ces résultats avaient
permis de confirmer ce qui a été avancé dans la revue de la littérature, à savoir que les
différentes dimensions relatives aux relations sociales et au concept du soi social sont
intrinsèquement liées.
L’analyse de données sociométriques a quant à elle mis en évidence que les élèves de la classe
ordinaire semblent accepter leurs camarades malentendants intégrés dans les situations de
groupe en éducation physique et en mathématiques. En effet, les élèves intégrés n’étaient pas
moins ou plus choisis pour composer des groupes de travail ou des équipes de jeu que les autres
élèves d’une classe ordinaire. Leur statut sociométrique est moyen, et n’indique donc aucun
rejet explicite de la part des pairs de classes ordinaires. D’ailleurs ces résultats indiquent aussi
que les élèves malentendants se sentent appartenir au groupe-classe et acceptés par leurs
camarades. Seul Alain se sent peu intégré de façon générale dans la classe ordinaire.
6.3.2 Sentiment d’être intégré en situations didactiques
Dans cette partie seront présentés les résultats relatifs aux situations d’éducation physique et de
mathématiques. Les résultats seront exposés par classe et par dimension. Toutefois, seuls les
résultats de la classe 3 seront présentés et décrits dans le détail. Les résultats des classes 1 et 2
seront regroupés dans des tableaux récapitulatifs. Pour comparer le sentiment d’être intégré
entre les deux disciplines, les résultats pour chaque dimension seront illustrés par deux
graphiques : celui de gauche dévoile la distribution des scores obtenus par les élèves en
éducation physique, et celui de droite celle de mathématiques. Dans la partie discussion des
résultats, nous mettrons en relation les différents constats des trois classes, afin d’examiner la
régularité de certains phénomènes.
Résultats relatifs à la classe 1
Le tableau 11 présente de manière synthétique les résultats relatifs à la classe 1. Il comprend
pour chaque dimension: le score que l’élève intégré a obtenu, le nombre d’élèves de la classe
ayant obtenu un score inférieur à celui de l’élève intégré, le nombre d’élèves ayant obtenu un
score supérieur ou égal à celui de l’élève intégré, et enfin la moyenne des scores obtenus par
l’ensemble des élèves de la classe. Ce récapitulatif des résultats nous permettra ainsi de
positionner le sentiment d’être intégré de l’élève malentendant, Alain, par rapport au sentiment
de ses camarades de classe ordinaire de 6e primaire.
78
Tableau 11 : Récapitulatif des résultats relatif pour la classe 1 (n = 24)
Composantes
Score de l’élève
intégré - Alain
Nb d’élèves
ayant un score
inférieur
Nb d’élèves
ayant un score
supérieur ou
égal
Moyenne
des scores
Avant la tâche
Sentiment de
compétence
spécifique à la
tâche
Perception des
compétences des
pairs pour la
tâche (item 8)
Perception des
compétences des
pairs pour la
tâche (item 12)
Intérêt pour le
groupe de travail
Éducation
physique
2.71
2
21
3.46
Maths
2.71
9
14
3.14
Éducation
physique
4.00
8
15
3.54
Maths
3.00
5
18
3.17
Éducation
physique
4.00
11
12
3.17
Maths
4.00
8
15
3.21
Éducation
physique
3.60
12
11
3.2
Maths
4.00
12
11
3.33
Après la tâche
Sentiment d’avoir
été compétent
Perception des
compétences des
pairs pour la
tâche
Intérêt pour le
groupe de travail
Perception de la
dynamique du
groupe
Sentiment d’être
accepté par les
pairs
Degré
d’acceptation des
pairs
Sentiment
d’appartenance
au groupe de
travail
Éducation
physique
3.4
6
17
3.55
Maths
2.4
4
19
3.09
Éducation
physique
2.75
6
17
3.07
Maths
3.25
17
6
2.78
Éducation
physique
3.60
10
13
3.33
Maths
4.00
14
9
3.21
Éducation
physique
3.50
10
13
3.14
Maths
3.50
9
14
3.16
Éducation
physique
3.00
12
11
2.87
Maths
3.38
8
15
3.16
Éducation
physique
3.14
9
14
3.07
Maths
2.86
7
16
3.05
Éducation
physique
2.86
8
15
2.82
Maths
3.14
8
15
3.04
Ce récapitulatif nous permet tout d’abord de mettre en évidence que les dimensions socioaffectives sont pour l’élève malentendant, Alain, plutôt positivement orientées (scores compris
79
entre 2.4 et 4). Ses perceptions et ses sentiments liés à lui et aux pairs sont positives autant
durant l’activité de ballon prisonnier que durant la recherche en mathématiques.
En comparaison avec les moyennes de classe, il est intéressant de noter que la position d’Alain
est uniquement à sept reprises inférieure à la moyenne. Ses scores s’écartent peu de la moyenne
et montrent donc que les perceptions d’Alain ne sont pas en marge. Certains élèves se sentent et
se perçoivent de manière plus négative ou d’autres de manière plus positive. Aussi, ce tableau
met en évidence que certains élèves de la classe ordinaire perçoivent et se sentent moins
intégrés que l’élève malentendant sous l’angle des dimensions socio-affectives étudiées puisque
nous observons que le nombre d’élèves se positionnant avec un score inférieur à celui d’Alain
est toujours positif.
Durant la situation de recherche en mathématiques en groupe, Alain se sent plutôt compétent
pour résoudre la tâche (score = 2.7) et plus compétent que 9 élèves de la classe. Tout en
percevant ses pairs comme plus compétents que lui et en rapportant avoir de l’intérêt et du
plaisir à travailler avec eux (score = 4). Après avoir terminé la recherche en mathématiques,
Alain pense avoir été plus ou moins compétent (score = 2.4), perçoit ses co-équipiers comme
plus compétents (score = 3.25), tout en maintenant son intérêt élevé pour travailler avec eux
(score = 4), et il perçoit la dynamique relationnelle comme étant positive (score = 3.5). Il a
d’ailleurs le sentiment d’être accepté par ses pairs (score =3.38) et de les accepter (score = 2.9),
se sent bien appartenir à ce groupe de travail (score = 3.14). Certes, c’est le sentiment de
compétences de l’élève malentendant pour résoudre la tâche de mathématiques avant de la
commencer et après l’avoir terminé qui est le plus « négativement » orienté. Mais bien d’autres
élèves de la classe, non désignés comme élèves intégrés, se sentent encore moins compétents.
Les perceptions et les sentiments d’Alain par rapport à ses compétences, et par rapport à ses
pairs, sont similairement orientés durant le jeu de ballon prisonnier en éducation physique.
Certes certaines dimensions particulières présentent des différences dans un sens ou dans
l’autre entre les deux situations didactiques.
Prenons l’exemple du sentiment d’être accepté par les pairs. En éducation physique, le score
moyen de la classe (m = 2.9) est plus faible qu’en mathématiques (m = 3.2). L’acceptation
sociale par les pairs semble varier légèrement selon les situations scolaires et les disciplines.
Cette variabilité se ressent également sur la position d’Alain, son sentiment d’être accepté par
ses co-équipiers du ballon prisonnier étant inférieur (score = 3) à son sentiment d’être accepté
par les élèves de son sous-groupe de recherche en mathématiques (score = 3.38). Au vue de ces
résultats, on peut conclure qu’Alain se perçoit accepté au terme de la situation d’éducation
physique et de mathématiques comme ses camarades de classe ordinaire.
En résumé, les résultats révèlent qu’un élève malentendant peut se sentir intégré durant des
activités de groupe. Il n’y a pas de relation systématique entre la surdité et une position, un
statut marginal en situation de travail et de jeu en groupe. Effectivement, ses scores sont
proches de ceux des autres élèves et ne sont nécessairement dans les extrêmes. Toutefois, bien
qu’Alain présente des besoins pédagogiques particuliers, nous nous rendons compte ici que
d’autres élèves n’ayant pas de difficultés déclarées se sentent peu compétents, accordent peu
d’intérêt au groupe, se sentent peu acceptés, et de manière plus négative qu’Alain. Sous cet
angle, d’autres élèves semblent avoir des besoins pédagogiques pour intégrer pleinement leur
rôle social d’élève (Pelgrims, 2011).
80
Résultats relatifs à la classe 2
Le tableau 12 a pour but de présenter de manière synthétique les résultats obtenus pour la classe
2 et l’élève malentendant, David. Il met en évidence des résultats similaires à ceux de la classe
1.
Tableau 12 : Récapitulatif des résultats obtenus pour la classe 2 (n = 18)
Composantes
Score de l’élève
intégré David
Nb d’élèves
ayant un score
inférieur
Nb d’élèves
ayant un score
supérieur ou
égal
Moyenne
des scores
Avant la tâche
Sentiment de
compétence
spécifiques à la
tâche
Perception des
compétences des
pairs pour la
tâche (item 8)
Perception des
compétences des
pairs pour la
tâche (item 12)
Intérêt pour le
groupe de travail
Éducation
physique
2.71
2
15
3.68
Maths
2.71
3
14
3.23
Éducation
physique
3.00
1
16
3.33
Maths
3.00
5
12
2.94
Éducation
physique
4.00
5
12
3.61
Maths
3.00
3
14
3.28
Éducation
physique
3.60
5
12
3.18
Maths
4.00
16
1
2.78
Après la tâche
Sentiment d’avoir
été compétent
Perception des
compétences des
pairs pour la
tâche
Intérêt pour le
groupe de travail
Perception de la
dynamique du
groupe
Sentiment d’être
accepté par les
pairs
Degré
d’acceptation par
les pairs
Sentiment
d’appartenance
au groupe de
travail
Éducation
physique
2.80
2
15
3.34
Maths
2.60
3
14
3.10
Éducation
physique
2.50
0
17
3.23
Maths
3.25
8
9
3.16
Éducation
physique
4.00
13
4
3.49
Maths
4.00
14
3
3.08
Éducation
physique
2.75
3
14
3.02
Maths
3.00
7
10
2.98
Éducation
physique
3.13
8
9
2.84
Maths
3.13
10
7
2.97
Éducation
physique
3.43
8
9
3.27
Maths
3.00
6
11
3.19
Éducation
physique
3.86
16
1
3.12
Maths
2.43
1
16
3.09
81
Ce récapitulatif des résultats de la classe 2, nous permet tout d’abord de mettre en évidence que
les scores pour l’élève intégré, David, sont compris entre 2.5 et 4. Les différentes dimensions
socio-affectives sont donc positivement orientées, autant dans la situation d’éducation physique
que dans celle de mathématiques.
La position de David est à douze reprises supérieure aux moyennes de la classe. Lorsque sa
position est inférieure aux moyennes, nous notons que l’écart n’est pas important, sauf
concernant le sentiment d’être compétent en mathématiques et en éducation physique (écart de
0.5 à 1 point avec les moyennes de classe). Toutefois, 2 à 3 élèves se sentent moins compétents
dans ces situations que David. Sur l’ensemble des dimensions, David, comme Alain dans la
classe 1, ne se situe pas dans les extrêmes, ne parait pas du tout en marge des autres élèves de la
classe qu’il intègre. Ses sentiments et ses perceptions se trouvent dans les extrêmes, mais ses
perceptions sont cependant proches de la moyenne de classe. D’autres élèves ont des positions
bien plus faibles que celles de David sur plusieurs dimensions. Ainsi, comme nous l’avons
mentionné pour l’étude des résultats de la classe 1, le fait d’être malentendant en classe
ordinaire n’implique pas nécessairement des perceptions de soi et des relations avec autrui
négatives. Au contraire, David manifeste de l’intérêt pour son groupe de travail et de jeu dans
chaque situation ; il perçoit la dynamique relationnelle plutôt positivement, se sent clairement
accepté par ses pairs de recherche et de jeu qu’il déclare aussi accepter et respecter ; il se sent
fortement appartenir à son équipe au ballon prisonnier, mais de façon plus mitigée à son groupe
de recherche en mathématiques.
Il est intéressant de noter que les scores de David surtout plus faibles concernant la perception
de ses compétences en mathématiques (2.71 avant la tâche et 2.6 après la tâche) et en éducation
physique (2.71 avant la tâche et 2.8 après la tâche). Cette observation ne nous permet pas pour
autant de conclure que le statut d’ « élève intégré » implique un faible sentiment de
compétences. Effectivement, d’autres élèves de la classe perçoivent leurs compétences de
manière similaire à celles de David alors qu’ils n’ont aucune difficulté déclarée
institutionnellement.
Comme pour les résultats de la classe 1, le statut d’élève malentendant dit intégré en classe
ordinaire n’influence pas de manière négative les perceptions des élèves. Sous l’angle des
dimensions socio-affectives considérées, David se sent plutôt intégré dans sa classe.
82
Résultats relatifs à la classe 3
Ce volet a pour objectif de présenter en détails les résultats issus de l’analyse des données
recueillies dans la classe 3 pour chaque dimension socio-affective étudiée. Dans les graphiques
de résultats, les lettres R et C, inscrites sous les scores, indiquent respectivement la position de
Richard et de Camille, élèves malentendants dits intégrés dans la classe.
Sentiment de compétence avant chaque tâche
Figure 2 : Distribution des scores relatifs au sentiment de compétences avant la tâche, classe 3 (n = 24)
m = 3.58
médian = 3.78
m = 3.16
médian = 3.14
Le sentiment de compétences en situation d’éducation physique et mathématiques semble
plutôt positif pour cette classe car les scores moyens s’élèvent à 3.58 pour la gym, et à 3.16
pour les mathématiques. Ainsi, face à la tâche, les élèves n’ont pas un sentiment de
compétences trop faible. En éducation physique, le sentiment de compétences moyen des
élèves est légèrement plus élevé que celui en mathématiques. Cela est aussi vrai pour Richard
qui juge ses compétences peu élevées pour les mathématiques (score = 2.14), et très positives
en éducation physique (score = 3.57). À l’inverse, Camille semble plus à l’aise en
mathématiques qu’à la gym. Ainsi, les résultats de Richard vont dans le même sens que les
moyennes de la classe, alors qu’on observe le contraire pour Camille. Contrairement aux
résultats relatifs aux classes 1 et 2, on constate ici que dans chaque situation didactique c’est un
des deux élèves malentendants qui se situe à l’extrême gauche de la distribution.
Intérêt pour le groupe de travail avant chaque tâche
Figure 3 : Distribution des scores relatifs à l’intérêt pour le groupe avant la tâche, classe 3 (n = 24)
m = 3.19
médian = 3.40
m = 3.57
médian = 3.80
83
L’intérêt que portent les élèves à leur groupe de travail ou à leur équipe de jeu est globalement
très bon puisque les scores moyens sont élevés (m = 3.19 et 3.57), et que la moitié des élèves
ont un score supérieur à 3.40 en gym, à 3.80 en mathématiques. Toutefois, certains élèves ne
semblent pas satisfaits du tout de la répartition des élèves dans les groupes de mathématiques :
plusieurs scores sont en effet inférieurs à 1.50. Camille porte un intérêt moyen à jouer avec son
équipe de gym (score = 2.6), alors que son intérêt pour son groupe de maths est très important
(score = 3.8). Quant à lui, Richard accorde bien du plaisir et de l’intérêt au groupe avec lequel
il doit travailler en maths (score = 3.2), avec lequel il doit jouer en éducation physique (score =
3.4).
Sentiment de compétence après chaque tâche
Figure 4 : Distribution des scores relatifs au sentiment de compétence après la tâche, classe 3 (n = 24)
m = 3.51
m = 3.13
médian = 3.60
médian = 3.20
Au terme des tâches, le sentiment de compétences moyens est en moyenne similaire dans les
deux situations (m = 3.5 et 3.1). Camille a une meilleure perception de ses compétences pour la
tâche en mathématiques (score = 3.0) que pour celle en éducation physique (score = 2.8). Pour
Richard c’est à nouveau le contraire. Toutefois, les scores de Camille sont quasiment similaires
pour les deux situations, alors que Richard perçoit ses compétences d’une extrême à l’autre. En
effet, il évalue ses compétences en éducation physique au terme du jeu comme étant très
bonnes (score = 3.6), tandis que son appréciation après avoir accompli la tâche de
mathématiques est franchement faible (score = 1.8). Il se sent d’ailleurs le moins compétent de
la classe au terme de cette recherche en mathématiques.
84
Perception des compétences des pairs après chaque tâche
Figure 5 : Distribution des scores relatifs à la perception des compétences des pairs après la tâche, classe
3
(n = 24)
m = 3.47
médian = 3.50
m = 3.06
médian = 3.00
Globalement, au terme des situations didactiques, les élèves perçoivent les compétences de
leurs pairs positivement puisque les moyennes sont supérieures à 3.00. Toutefois, suite à la
recherche en mathématiques, certains élèves estiment les compétences de leurs camarades
plutôt moyennes ou inadaptées. En ce qui concerne les élèves malentendants, on remarque que
la perception qu’ils ont des compétences de leurs pairs est plus élevée (d’un point quasiment)
en éducation physique qu’en mathématiques. Camille et Richard rapportent des scores plutôt
proches des moyennes de la classe. Après avoir travaillé en groupe ou joué au ballon
prisonnier, ils ne pensent pas que leurs camarades soient très ou plus compétents qu’euxmêmes.
Intérêt pour le groupe de travail après chaque tâche
Figure 6 : Distribution des scores relatifs à l’intérêt pour le groupe après la tâche, classe 3 (n = 24)
m = 3.49
médian = 3.60
m = 3.63
médian = 3.90
Après la situation de travail, une majorité d’élèves perçoit son groupe de manière extrêmement
positive, les scores médians étant proches de 4 points. Un seul score (1.6 en mathématiques)
indique un intérêt plutôt faible.
Bien que l’ensemble des scores soit plutôt élevé en éducation physique, Camille a le score le
plus faible (score = 2.4) ; elle semble en marge du point de vue de son manque d’intérêt pour
son équipe, alors que Richard accorde un vif fort intérêt à jouer avec son équipe (score = 4.0).
85
Les constats sont opposés en mathématiques : Camille octroie un intérêt important à son groupe
de recherche (score = 3.8), alors que Richard rapporte moins d’intérêt à son groupe de
mathématiques qu’à son équipe en éducation physique.
Nous constatons donc que pour une même situation, Camille et Richard, tous deux élèves
malentendants, ont des positions complètement divergentes. Sous cet angle de l’intérêt à
travailler en groupe, on peut noter que le sentiment d’être intégré n’est pas similaire d’un élève
à l’autre, même d’une situation d’apprentissage à l’autre. Il ne coïncide pas non plus avec le
statut « d’élève malentendant intégré ». D’ailleurs, d’autres élèves de la classe apprécient leur
groupe souvent de manière similaire, parfois de façon plus négative ou plus positive.
Perception de la dynamique du groupe après chaque tâche
Figure 7 : Distribution des scores relatifs à la perception de la dynamique du groupe après la tâche,
classe 3 (n = 24)
m = 3.15
médian = 3.25
m = 3.64
médian = 3.75
Les résultats montrent que la dynamique du groupe de travail en mathématiques est
globalement perçue plus positivement (m = 3.64) que celle de l’équipe de jeu en éducation
physique (m = 3.15). Les expériences en classe nous laisseraient penser le contraire en raison
des dynamiques souvent réjouies dans les équipes de jeu à la gymnastique. Or si les perceptions
des 24 élèves de cette dynamique relationnelle sont toutes positives pour les mathématiques,
quatre élèves rapportent des perceptions négatives en éducation physique.
Camille et Richard se positionnent autour de la moyenne : ils ne sont pas en marge des
positions de leurs pairs de classe ordinaire. Par ailleurs, ils perçoivent la dynamique
relationnelle de façon différente dans chaque situation. Camille semble plus apprécier la
dynamique de son groupe en mathématiques (score = 3.75) qu’à la gym (score = 3.0), alors
qu’on observe l’inverse pour son camarade Richard. Ces observations sont similaires à celles
pour la dimension « intérêt pour le groupe de travail ».
86
Sentiment d’être accepté par les pairs après la tâche
Figure 8 : Distribution des scores relatifs à la perception de sa propre acceptation sociale après la tâche,
classe 3 (n = 24)
m = 3.01
médian = 3.18
m = 3.32
médian = 3.43
Le sentiment des élèves d’être accepté par les pairs en éducation physique est en moyenne plus
faible (m = 3.01) et plus hétérogène qu’en mathématiques (m = 3.32). Effectivement, en
éducation physique les scores s’étendent de 1.50 à 4.0, alors qu’en mathématiques l’étendue est
moindre et se déploie entre les scores 2.13 et 4.0. Malgré ces différences, les scores moyens et
médians indiquent que les élèves se perçoivent comme étant bien acceptés socialement durant
les situations de collaboration. En revanche, en éducation physique, certains élèves tels que
Camille (score = 1.88), ont une perception plutôt fragile et incertaine de leur propre acceptation
sociale. Cependant, il ressort qu’un faible sentiment d’être accepté dans une situation ne
conditionne pas nécessairement l’acceptation sociale dans une seconde situation. C’est le cas de
Camille et Richard qui se perçoivent différemment acceptés par les pairs d’une situation à
l’autre. En effet, Richard a tendance à se sentir très accepté durant le jeu d’équipe en éducation
physique (score = 3.88), alors qu’en mathématiques, il rapporte se sentir clairement moins bien
accepté (score = 2.88).
Acceptation des pairs après chaque tâche
Figure 9 : Distribution des scores relatifs à l’acceptabilité par les pairs après la tâche, classe 3 (n = 24)
m = 3.27
médian = 3.35
m = 3.47
médian = 3.57
Les résultats révèlent des scores moyens et médians pratiquement similaires pour les
mathématiques et l’éducation physique. Le regard que portent les élèves sur leurs camarades de
classe semble plutôt positif pour les deux disciplines puisque les scores sont tous supérieurs à
87
2.40. En ce qui concerne Camille et Richard, leurs scores sont égaux en mathématiques (score
= 3.29), d’ailleurs proche du score moyen. Dès lors, durant la situation de mathématiques, les
perceptions des élèves malentendants ne sont pas en marge de celles de leurs pairs dits
ordinaires. En revanche, en éducation physique, les scores de Camille et de Richard sont
opposés. Effectivement, Camille semble peu accepter ses camarades puisqu’elle a la position la
plus basse de la classe (score = 2.43) qui reste plutôt positive. À l’inverse, Richard accepte
grandement ses camarades (score = 3.86). En somme, le fait d’accepter les pairs avec lesquels
ces deux élèves doivent travailler ou jouer varient plus en fonction des situations et des tâches à
accomplir que du fait d’être un « élève intégré ».
Sentiment d’appartenance au groupe après chaque tâche
Figure 10 : Distribution des scores relatifs au sentiment d’appartenance au groupe après la tâche, classe
3
(n = 24)
m = 3.14
médian = 3.21
m = 3.41
médian = 3.42
L’appréciation moyenne du sentiment d’appartenance est plus élevée en mathématiques (m =
3.41) qu’en éducation physique (m = 3.14) bien qu’ils soient positifs dans les deux situations.
On remarque également que la répartition des scores pour les deux disciplines est moins élevée
pour les dimensions présentées précédemment puisque très peu d’élèves évaluent leur
appartenance au groupe comme optimale.
En ce qui concerne les élèves malentendants, on constate à nouveau de grandes divergences
similaires aux résultats précédents. Camille évalue très négativement son sentiment
d’appartenance à l’équipe en éducation physique (score = 1.57 : le plus bas de la classe), alors
qu’en mathématiques elle estime plus appartenir au groupe (score = 3.14). Pour Richard, on
observe le contraire comme dans les dimensions précédentes.
6.3.3 Sentiment d’être intégré en situation didactique : discussion des résultats
Cette partie consiste à répondre à la deuxième question de recherche énoncée dans la partie
problématique : En situation de travail de groupe, en éducation physique et en mathématiques,
dans quelle mesure l’élève malentendant intégré se sent-il et se perçoit-il par rapport aux
autres élèves de sa classe ? Pour y répondre, nous nous attarderons d’abord sur chacune des
questions spécifiques qui ont orienté le travail d’analyse. Enfin, dans un paragraphe conclusif,
nous apporterons des réponses à la question générale de recherche. Il conviendra donc ici de
prendre en compte l’ensemble des résultats pour les trois classes.
88
a. Dans quelle mesure les dimensions socio-affectives de l’activité de l’élève
malentendant varient-elles en fonction des deux situations de travail de groupe en
éducation physique et en mathématiques ?
b. Dans quelle mesure ces dimensions diffèrent-elles des autres élèves de la classe
ordinaire ?
Les résultats statistiques montrent globalement que les élèves malentendants intégrés en classe
ordinaire ont des perceptions et des sentiments liés à soi en relation aux pairs similaires à ceux
de leurs camarades dits ordinaires. Effectivement, les positions des élèves intégrés sont
majoritairement proches des scores moyens de la classe qui les intègre.
Dans cette partie, il s’agit d’examiner si les perceptions des élèves malentendants varient entre
les situations. Les résultats en éducation physique et en mathématiques sont proches, mais ne
sont pas pour autant identiques. Les élèves malentendants qui se sentent bien appartenir à leur
équipe en éducation physique, ne se sentent pas systématiquement bien appartenir au groupe de
recherche en mathématiques. Il est par conséquent possible d’affirmer que l’appréciation des
compétences scolaires et sociales, ainsi que le sentiment d’appartenance à un groupe de travail
en classe est bien situationnelle, et qu’il est nécessaire de considérer les disciplines et les
situations de manière spécifique. Ces résultats sont cohérents avec ceux mis en évidence dans
des recherches ultérieures, notamment ceux de Pelgrims (2006, 2013) avec des élèves de
classes spécialisées, qui considèrent que les dimensions socio-affectives se construisent en
fonction des expériences et interactions didactiques vécues par chaque élève en interaction avec
les caractéristiques des situations et pour chaque discipline.
Positionner chaque élève malentendant par rapport aux autres élèves de sa classe et sur chaque
dimension nous a permis d’examiner la variabilité de leurs appréciations. Camille et Alain se
sentiraient globalement mieux intégrés en mathématique, tandis que David et Richard se
sentiraient mieux intégrés en éducation physique.
Alain, élève malentendant dans la classe 1, se sent globalement bien intégré durant le jeu de
ballon prisonnier en éducation physique et durant la recherche en mathématiques. Il se sent
toutefois un peu moins accepté par ses camarades et moins appartenir à son équipe de jeu en
éducation physique qu’à son groupe de recherche en mathématiques. Il se perçoit mieux
accepté socialement par les pairs et se sent plus appartenir au groupe en mathématiques. Nous
pouvons supposer qu’Alain se sent mieux intégré en mathématiques puisque les perceptions
qu’il a de son groupe de maths (dynamique, climat relationnel et intérêt) sont plus élevées en
mathématiques qu’en éducation physique. Or, les élèves malentendants retirent leur
appareillage auditif lors des activités d’éducation physique, afin d’éviter tout accident. Puisque
l’expression orale d’Alain est alors limitée, nous présumons que lorsqu’il enlève sa prothèse
auditive, la communication avec ses pairs est affaiblie. L’enseignant spécialisé qui traduit les
échanges oraux, ne peut pas être à proximité de l’élève en situation d’éducation physique
puisqu’il risquerait de gêner le jeu. Ainsi, ne pouvant interagir convenablement et dans le
même système communicationnel avec ses pairs, nous pouvons alors comprendre que Alain se
sente en situation de handicap et moyennement intégré dans l’équipe. En mathématiques, il
porte toujours ses appareils et peut donc accéder à la communication par lui-même, et dispose
de son enseignant-interprète à proximité si nécessaire.
Les résultats de Camille (classe 3) sont plus nets, et permettent d’affirmer qu’elle se sent mieux
intégrée dans la situation observée de mathématiques que dans celle d’éducation physique.
Durant le jeu de ballon prisonnier, elle se situe en effet souvent à l’extrême gauche, en marge
89
des autres. On pourrait avancer les mêmes hypothèses explicatives que celles énoncées pour
Alain. Cependant, Camille a une élocution beaucoup plus élaborée que celle d’Alain, et peut
donc communiquer plus aisément avec ses camarades sans avoir systématiquement besoin d’un
enseignant spécialisé.
Il est possible de convoquer le genre comme hypothèse pour comprendre pourquoi Camille se
sent si différemment intégrée en éducation physique qu’en éducation physique.
Différentes études (p. ex, Harter, 1998 ; Pierrehumbert, Plancherel et Jankech-Caretta, 1987,
cité par Russo, 2007) montrent que les filles se perçoivent plus négativement que les garçons
dans les domaines dont l’apparence et les compétences physiques sont en jeu. Effectivement,
les garçons auraient une meilleure estime de leurs compétences athlétiques (sportives) que les
filles, surtout en phase de préadolescence. Il ne serait pas exclu que ce constat se traduise en
situation d’enseignement-apprentissage effective. En outre, Camille est aussi la seule fille de la
classe spécialisée pour élèves malentendants, entravant peut-être la possibilité de réguler avec
une camarade de même « culture » des perceptions de soi négatives. Sa position marginale, en
retrait, durant le jeu de ballon traduit des besoins particuliers. Cette position n’est pas partagée
par Richard qui est dans la même classe que Camille. Pour lui, les résultats indiquent qu’il se
sent clairement bien intégré dans son équipe de jeu. Pourtant, il se sent un peu moins intégré
dans le groupe de recherche en mathématiques. Toutefois, d’autres élèves de cette classe, sans
difficulté déclarée, semblent se sentir moins acceptés, intégrés et moins appartenir au groupe
que Richard.
6.4
Éléments de réponse à la question générale de recherche
Après avoir répondu en détail aux diverses questions qui ont orienté cette recherche, il est
temps maintenant de confronter les résultats issus des analyses pour apporter des réponses à la
question générale de recherche : Dans quelle mesure l’élève déficient auditif et scolarisé en
classe ordinaire se sent-il intégré lors de situations en mathématiques et en éducation
physique?
Lorsqu’on interroge les élèves malentendants intégrés en classe ordinaire sur les dimensions
socio-affectives, qui selon nous, permettent d’apprécier la manière dont ils se sentent intégrés à
leur classe d’intégration, plusieurs constats sont mis en évidence. Les résultats de l’étude
situationnelle révèlent que ces dimensions socio-affectives de l’activité des élèves sont
différemment orientées d’une situation scolaire à une autre. Il en ressort dès lors que les quatre
élèves malentendants de cette étude se sentent bien intégrés dans leur classe d’intégration : la
valence est majoritairement positive en situation effective d’actions et d’interactions sociales
pour accomplir une tâche. Camille semble se sentir plus intégrée dans son groupe de
mathématiques, alors que ses pairs semblent tout autant ou mieux intégrés en éducation
physique.
Le sens commun conduirait à penser que la position des élèves malentendants serait dans les
extrêmes, et notamment dans le pôle le plus négatif des appréciations de soi en regard des
autres. En somme, selon le sens commun, les élèves intégrés se percevraient très mal acceptés
socialement, et que leur rapport au groupe et aux travaux en équipe serait conditionné par leur
déficience et statut d’élève malentendant « différent ». Les résultats infirment cette hypothèse
de sens commun, puisqu’il a largement été montré que les élèves intégrés rapportent des
perceptions socio-affectives similaires à celles de leurs camarades sans difficulté déclarée de
classe ordinaire. Aucun clivage n’est donc envisageable entre élèves ordinaires et élèves
intégrés. D’ailleurs, il est important de relever que pour la plupart des dimensions, certains
élèves scolarisés en classe ordinaire, parfois la majorité, ont des perceptions plus faibles que
90
celles de leurs pairs malentendants intégrés. Cela confirme donc le fait que les élèves
malentendant semblent bien intégrés à la classe ordinaire puisqu’ils se sentent acceptés par
leurs pairs en situation d’activité, qu’ils se sentent appartenir au groupe, qu’ils perçoivent
positivement la dynamique relationnelle.
D’autre part, cette étude a permis de montrer que les élèves malentendants intégrés en classe
ordinaire ne percevaient pas leur intégration de la même manière en situation d’éducation
physique et en situation de mathématiques. Il semblerait effectivement que les trois élèves
garçons auraient une tendance à se sentir plus intégrés lors des activités d’éducation physique
que dans des situations de travail de groupe en mathématiques. Aussi, plusieurs hypothèses ont
été mises en avant pour tenter d’expliquer les différences entre ces appréciations, notamment
grâce aux facteurs individuels de l’élève et au contexte matériel de la situation. Les effets des
compétences langagières et de l’appareillage auditif des élèves sembleraient provoquer une
situation de handicap qui se traduit dans l’activité socio-affective des élèves.
Pour conclure, les résultats de la recherche nous permettent d’avancer que l’appréciation du
degré d’intégration des élèves malentendants partiellement accueillis en classe ordinaire n’est
pas unifactoriel. Effectivement, nous avons constaté que les caractéristiques individuelles de
l’élève et les caractéristiques de la situation d’enseignement-apprentissage ont des influences
multiples sur les perceptions des élèves. De plus, les analyses corrélationnelles, effectuées pour
répondre à la première question de recherche (Zuccone, 2011) ont montré les liens existants
entre les différentes dimensions étudiées, ce qui nous pousse à ajouter que la prise en compte et
l’examen de facteurs multiples est essentiel pour mesurer et juger la manière dont les élèves se
sentent intégrés. Il conviendrait, en plus, d’inclure des dimensions cognitives, ainsi que les
interactions sociales effectives pour pleinement saisir ce sentiment d’être intégré en tant
qu’élève à part entière dans le groupe-classe. Ainsi, les acteurs pédagogiques qui s’occupent
d’intégration ne doivent pas uniquement se focaliser sur certaines représentations et dires des
élèves, mais doivent prendre en compte un réseau complexe d’informations et de
considérations qui s’articulent autour de l’activité scolaire et sociale du rôle de l’élève.
6.5
Conclusion de la recherche menée à Genève
Les résultats présentés dans ce mémoire nous permettent de dire que les élèves intégrés
devraient théoriquement s’engager dans les tâches d’apprentissage de mathématiques et
d’éducation physique, et plus particulièrement dans les situations de travail de groupe.
Effectivement, la revue de la littérature montre que les perceptions des compétences pour la
tâche, l’intérêt, le sentiment d’appartenance, la perception de la dynamique relationnelle
contribuent à l’intention d’apprendre, l’engagement dans la tâche et la persévérance des élèves
(Pelgrims, 2006, 2013). Les élèves considérés pour cette étude semblent avoir des perceptions
plutôt positives dans les deux situations étudiées. Cependant, rappelons que toutes ces
dynamiques ne sont pas les seuls facteurs motivationnels de l’apprentissage. Par conséquent, il
semble plus pertinent d’affirmer que les perceptions positives des compétences scolaires et
sociales des élèves intégrés, vont conditionner leur motivation à apprendre en tant que
processus complexe. Les facteurs de la motivation sont effectivement multiples (Bourgeois,
2006 ; Bouffard, Mariné & Chouinard, 2004).
Au terme de cette étude, nous pouvons donc prétendre que l’intégration du point de vue social
et sous l’angle des expressions socio-affectives considérées, de ces quatre élèves déficients
auditifs est globalement réussie. Effectivement, s’intéresser à deux situations relevant de deux
disciplines aux statuts fort différents et constater que les résultats sont similaires, atteste que
91
l’intégration sociale ne dépend que bien peu du pouvoir ou de la volonté des élèves à s’intégrer
dans le groupe. Elle dépend avant tout des dispositifs et des conditions mises en place comme
situations didactiques et pédagogiques répondant aux besoins particuliers de tout élève.
N’oublions pas que la réussite de cette intégration doit aussi être évaluée en prenant en compte
les perceptions des élèves eux-mêmes qui sont au cœur des dynamiques socio-affectives.
Au fur et à mesure de l’avancée de cette étude, nous nous sommes rendues compte des limites
de cette recherche. La première limite que nous avons constatée réside dans la focalisation sur
les quatre sujets malentendants. Effectivement, nous prenons conscience du fait que peu de
généralisations sont possibles en raison du faible effectif des sujets interrogés. Un échantillon
plus large de situations et de classes permettrait d’étendre les résultats et la récurrence des faits
observés. Cependant, les effectifs d’élèves accueillis au centre pour enfants sourds et
malentendants sont très faibles. Il n’a donc pas été évident de trouver un échantillon plus large
correspondant à la population étudiée. De plus, il aurait été intéressant de pouvoir comparer
l’ensemble des dimensions avant et après la tâche de manière plus optimale. Effectivement,
cette comparaison aurait pu mettre en évidence des changements de perceptions et ainsi
montrer l’importance du contexte sur l’intégration des élèves au groupe-classe.
La réalisation de cette étude concernant l’intégration des élèves à besoins éducatifs particuliers
en classe ordinaire nous a également fait prendre conscience du fait que certains élèves de
classe ordinaire, sans statut de déficience ou difficulté, ne se sentent pas ou très peu intégrés
dans leur groupe-classe. Ainsi, nous pensons qu’il est indispensable de ne pas mettre de côté
d’autres élèves qui constituent la classe lorsqu’on accueille un élève de l’enseignement
spécialisé. Effectivement, tous les élèves peuvent présenter des besoins pédagogiques ou
didactiques particuliers à un moment de leur scolarité. Bien que certains besoins soient plus
saillants que d’autres, il est nécessaire de s’interroger sur les besoins de tous les élèves.
Accorder plus de temps à ceux qui en ont le plus besoins certes, mais attention à ne pas oublier
ceux qui ne sont pas désignés institutionnellement pour autant !
92
7 CONCLUSION COMMUNE
En guise de conclusion, nous allons dans un premier temps revenir sur les résultats importants
qui peuvent être mis en liens entre nos deux travaux, ceci tant au niveau des relations entre
pairs que de l'importance du climat de classe. Nous allons ensuite revenir sur la notion
d'élèves à besoins éducatifs particuliers, plus spécifiquement au regard de l'évolution de ce
champ dans l'actualité du contexte genevois, en dégageant à la fois des apports utiles issus du
contexte finlandais sur cette terminologie. Nous énoncerons brièvement les limites de cette
recherche puis, pour conclure, nous présenterons quelques pistes d'action et de réflexion pour
les lecteurs.
Dans cet ouvrage, nous avons défini l’inclusion scolaire comme les conditions permettant à
tous les enfants et à tous les adolescents d’assumer des tâches scolaires et leur rôle d’élève
dans un contexte scolaire ordinaire. En somme, il s’agit de permettre à tous les élèves
d’assumer leur rôle social attendu dans le système scolaire. En référence à la Classification
Internationale du Fonctionnement des handicaps et de la santé (OMS, 2001), l’inclusion
scolaire dépasse l’approche catégorielle du handicap en ne ségrégant plus, ou moins, les
contextes d’enseignement pour les élèves présentant des besoins éducatifs particuliers. Les
élèves dits ordinaires et les élèves dits à besoins éducatifs particuliers sont scolarisés dans un
même lieu en bénéficiant de mesures d’aides et de soutien à des moments spécifiques, en
fonction de leurs besoins. Il s’agit donc pour tous les élèves, quelles que soient leurs
difficultés, d’apprendre avec et parmi les autres. Cette définition de l’inclusion nous amène
alors à étudier les perceptions qu’ont les élèves de ce système inclusif au-delà des dimensions
cognitives, soit en s’interrogeant sur les dimensions socio-affectives de l’apprentissage
inhérentes à l’inclusion scolaire. Les deux études présentées dans cet ouvrage ont donc porté
sur les sentiments et les perceptions des élèves, d’une part en Finlande dans un contexte qui se
veut inclusif, et d’autre part, à Genève dans une école intégrative.
Concernant le sentiment d'appartenance, la recherche menée en Finlande a permis d'identifier
un seuil au-delà duquel la classe d'appartenance devient le groupe restreint d'enseignement
spécialisé. En effet, il apparaît, pour cet échantillon d'étude, que lorsque les élèves à besoins
éducatifs particuliers passent plus de 30% de leur temps scolaire hebdomadaire dans le groupe
restreint, celui-ci devient l'entité d'appartenance, au détriment de la classe ordinaire. Il s'agit
ici d'un élément important puisque l'on se trouve dans un contexte déclaré comme inclusif, ce
qui devrait donc impliquer moins de ségrégation entre le contexte ordinaire et le contexte
spécialisé. Or, nous avons pu démontrer que, sur ce point, les mesures de soutien
d'enseignement spécialisé, si elles permettent certes de répondre aux besoins pédagogiques et
didactiques, entravent le sentiment d'appartenance de certains élèves à leur classe ordinaire en
rendant saillant leur retrait régulier de la classe.
Dans le contexte genevois, les élèves malentendants ne se sentent pas, pour la plupart, exclus
de leur groupe de travail en mathématiques ou de leur équipe en éducation physique. Ils se
sentent au contraire appartenir au groupe de manière non différenciée par rapport aux pairs de
la classe ordinaire, ce qui est ici le signe d'une intégration scolaire réussie, au sens où nous
l'avons définie dans le chapitre 2. Sans avoir cependant demandé aux élèves genevois de
comparer leur sentiment d'appartenance en classe spécialisée et en classe ordinaire, nous
pouvons supposer, au regard de nos résultats, que le sentiment d'appartenance est fortement
corrélé au lieu où les apprentissages significatifs sont effectués, qu'il s'agisse de la classe
ordinaire, de la classe spécialisée ou encore du groupe restreint d'enseignement spécialisé. En
effet, comme nous l'avons expliqué plus haut, les apprentissages socialement reconnus et
93
valorisés jouent un rôle important dans la définition du rôle social d'élève. Il ressort de nos
résultats que le lieu où les élèves à besoins éducatifs particuliers ont le sentiment d'apprendre
et donc d'assumer ce rôle-là est souvent celui où ils effectuent ces apprentissages significatifs.
Ce lieu devient donc le lieu d'appartenance au regard de l'accomplissement du rôle d'élève
socialement reconnu.
Ces deux études nous permettent de montrer l’importance des relations entre pairs et du
climat de classe dans les points de vue des élèves concernant leur intégration. Effectivement,
les élèves à besoins éducatifs particuliers interrogés dans le système inclusif finlandais
semblent témoigner de l’importance d’être scolarisés dans un milieu sécurisant, où les
relations entre pairs permettent de ne pas se sentir menacé ou stigmatisé, et où les relations
avec l'enseignant permettent de répondre de manière adéquate et individualisée aux demandes
d'aide de l'élève. Les perceptions de l’environnement immédiat des relations entre pairs
contribuent à l'activité d’apprentissage, ceci tant dans le groupe restreint d'enseignement
spécialisé que dans la classe ordinaire. Aussi, ces mêmes élèves relèvent le fait que le climat
de classe, et plus particulièrement le contrat d’aide instauré par les enseignants et les
assistants, est un facteur important dans leur sentiment d'être intégré dans l'école.
Dans le contexte genevois, les élèves malentendants se sentent relativement bien intégrés dans
leur groupe de travail en mathématiques et dans leur équipe durant les leçons d’éducation
physique. Aussi, les résultats statistiques de cette recherche témoignent fortement des
relations qui existent entre le sentiment d’appartenance à la classe, les perceptions du climat
relationnel entre élèves et l’acceptabilité par les pairs de manière générale. Lorsque l’on se
focalise sur des situations didactiques, l’intérêt pour le groupe, ainsi que les perceptions de la
dynamique du groupe corrèlent avec les perceptions des compétences sociales des élèves. Ces
résultats indiquent de fait que le climat de classe et les relations entre pairs influencent
grandement les perceptions que les élèves peuvent avoir de leur sentiment d’être intégrés au
groupe-classe qu’ils fréquentent.
Dans le cadre de l’intégration des élèves malentendants dans cette école genevoise, il est
important de relever l’historique de ce type d’intégration. Effectivement, les élèves
malentendants sont regroupés dans cette école depuis de nombreuses années; cette culture et
les habitudes contribuent certainement aux perceptions positives qu’ont les élèves de leur
intégration. Les enseignants ordinaires et les élèves ordinaires entendants sont fréquemment
confrontés aux situations d’intégration et aux particularités du monde malentendant.
L’acceptation sociale des élèves malentendants par les élèves entendants peut donc être
fortement corrélée à l’historique de ce regroupement spécialisé au sein de cette école.
Bien que les relations entre pairs soient présentées ici comme étant positives dans ces deux
contextes, celles-ci peuvent rapidement être modifiées pour plusieurs raisons. Effectivement,
plusieurs situations font généralement obstacle aux perceptions qu’ont les élèves du climat de
leur classe, notamment si les élèves à besoins éducatifs particuliers sont accompagnés à tout
moment par un adulte dans leur classe ordinaire. L’exemple de la Finlande montre que les
élèves accompagnés en permanence par un assistant personnel se sentent limités dans les
interactions et les échanges qu’ils peuvent avoir avec autrui. Cela n’a pas été vérifié dans le
contexte genevois, mais nous pouvons supposer que les interactions avec les pairs entendants
des élèves malentendants, systématiquement accompagnés par un interprète qui traduit tous
les échanges oraux, ou par un enseignant spécialisé qui traduit les échanges oraux et qui
fournit de l’aide aux élèves malentendants, soient diminuées en situation d’intégration.
L’étude menée en Finlande montre également que ces perceptions peuvent être modifiées en
fonction de la nature du trouble ou des difficultés déclarés des élèves, notamment pour les
élèves présentant des « troubles du comportement ». Les portraits des élèves malentendants
rejoignent cette idée, puisque nous notons que le degré de surdité des élèves joue un rôle
94
fondamental dans la communication que ces derniers entretiennent avec leurs pairs
entendants, et de fait, avec la perception qu’ils ont du climat de leur classe d’intégration. En
somme, certains aménagements pédagogiques et didactiques, ainsi que certains facteurs
personnels des élèves à besoins éducatifs particuliers peuvent entraver les perceptions que les
élèves à besoins éducatifs particuliers ont des relations entre pairs et du climat de leur classe.
L’étude menée en Finlande montre que l’inclusion scolaire implique de mettre en place un
système d’aides permettant de répondre aux besoins pédagogiques et didactiques particuliers
des élèves déclarés institutionnellement. Effectivement, les résultats témoignent des bénéfices
positifs de ces aides aux yeux des élèves. Toutefois, cette étude s’est focalisée sur ces élèves
et n’a pas interrogé des élèves non identifiés institutionnellement sur la perception qu’ils
auraient des moyens mis en œuvre pour répondre à leurs besoins.
L’étude menée dans le contexte genevois d’intégration met en évidence que les élèves
malentendants intégrés en classe ordinaire ne se perçoivent ni plus ni moins intégrés que leurs
pairs de classe ordinaire sans difficulté déclarée. Effectivement, leurs perceptions ne sont pas
nécessairement négatives et nous ne pouvons attribuer leurs perceptions au simple fait d’être
malentendant et dit « intégré » en classe ordinaire. D’autres facteurs sont donc à prendre en
compte pour comprendre ce qui induit ces perceptions. Cette étude montre également que
certains élèves ordinaires semblent présenter des besoins pédagogiques et didactiques
particuliers puisque leurs perceptions sont faibles. Pourtant, ces élèves ordinaires qui semblent
présenter des besoins spécifiques pour se sentir totalement intégrés à leur classe, ne
bénéficient d’aucun soutien spécifique.
Ainsi, en comparant ces deux systèmes, l’un dit inclusif, l’autre dit intégratif, il nous semble
important de relever que le but principal de l’école est de permettre à tous les élèves de
bénéficier des conditions les plus optimales pour effectuer des apprentissages. Nous
observons néanmoins que les systèmes scolaires ne fournissent en réalité pas nécessairement
ce type de conditions pour tous. Mettre en œuvre des dispositifs d’aide, de soutien, pour les
élèves qui présentent le plus de difficultés nous semble une évidence, mais il nous apparait
également important de considérer que d’autres élèves puissent, à un moment de leur
scolarité, présenter des besoins pédagogiques et didactiques spécifiques auxquels les
enseignants et les intervenants scolaires devraient répondre. Pelgrims et Zuccone (2011)
témoignent de cela en affirmant que « le diagnostic de déficience est trop saillant et risque
encore et toujours d’influencer le regard du professionnel et d’occulter les besoins
pédagogiques et didactiques de tout élève d’une classe ordinaire » (p. 40). En somme, il s'agit
pour les enseignants d’essayer de dépasser la déficience puisqu'un élève peut à tout moment
de sa scolarité présenter des besoins ponctuels qui nécessitent des mesures d'enseignement
spécialisé. Pelgrims et Zuccone (2011) préconisent « des approches et des pratiques
résolument inclusives, centrées sur les facteurs scolaires et les besoins pédagogiques et
didactiques particuliers des élèves […][pour] aider les enseignants dans l'intégration scolaire
de tous les élèves » (p.40). Il convient donc ici de porter un regard sur tous les élèves de la
classe en termes de besoins éducatifs particuliers, de façon à y répondre pédagogiquement
et/ou didactiquement en prenant en compte leurs spécificités individuelles. Il s’agit de pouvoir
répondre collectivement à des demandes individuelles en articulant donc des moments de
collectif où tous semblent apprendre ensemble, à des mesures d’enseignement plus
individualisées. Dans cette perspective, les pratiques de co-enseignement s'avèrent
prometteuses comme le déclarent aussi les enseignants de l'école impliquée en Finlande
(Meuli & Pelgrims, 2010).
95
À Genève, la Loi sur l’intégration des jeunes à besoins éducatifs particuliers (LIJBEP)
cherche à répondre de manière individualisée aux jeunes à besoins éducatifs particuliers et
handicapés. Il est à comprendre que tout élève handicapé est considéré comme ayant des
besoins éducatifs particuliers, alors qu’un élève à besoins éducatifs particuliers n’est pas
nécessairement handicapé. Paradoxalement, cette loi ne va pas prendre en compte des élèves à
besoins éducatifs particuliers étant au bénéfice de mesures spéciales mises en place par le
département de l’instruction publique (DIP). Il s’agit notamment ici des élèves au bénéfice de
mesures « dys ». Cette loi favorise des réponses aux besoins spécifiques de tous, mais nous
relevons toutefois que dans sa mise en pratique elle exclut une certaine population.
Comme nous l'avons plusieurs fois annoncé, cette publication est la reprise de certaines
parties de deux recherches réalisées pour nos deux mémoires de Licence respectifs. La
combinaison de ces deux premiers écrits sous une problématique commune nous a
confrontées à certaines difficultés que nous présentons ici comme étant les limites de notre
travail. Premièrement, bien que nous partagions certes un cadre théorique initial proche, les
dimensions que nous avions chacune étudiées ne se retrouvaient pas nécessairement dans nos
deux travaux initiaux et nos publics différaient également. À cela s'ajoute le fait que nous
avions utilisé des méthodes de recherche différentes, à savoir une démarche qualitative pour
l'une, mettant l'accent sur la finesse des perceptions des seuls élèves à besoins éducatifs
particuliers et, pour l'autre, une démarche quantitative cherchant à comparer les perceptions
des élèves ordinaires et des élèves à besoins éducatifs particuliers intégrés. Ces aspects n'ont
pas rendu le travail de mise en commun et d'articulation évident puisqu'il s'agissait alors pour
nous de continuer à garder du sens et de l'objectivité sans extrapoler nos résultats pour faire
correspondre les deux contextes.
Néanmoins, malgré des angles d'attaque différents, ceux-ci se complètent et permettent de
nourrir nos réflexions et nos résultats, sans toutefois faire de comparaisons entre les contextes
genevois et finlandais, ce qui n'aurait pas lieu d'être au regard des éléments exposés ci-dessus.
Nous retiendrons surtout que ce travail de publication a été pour nous l'occasion de repenser
nos deux recherches dans un contexte plus général au regard des réflexions actuelles dans le
domaine de l'intégration scolaire et de l'inclusion. Ainsi, nous avons pu relever certains
aspects de mise en pratique que nous allons présenter ci-dessous en guise de conclusion de
notre travail.
Nos deux études ont montré que les intégrations sont généralement associées à des périodes
de soutien à l’intérieur ou à l’extérieur de la classe. Il a aussi été mis en évidence qu’une
articulation étroite entre l’enseignement ordinaire et l’enseignement spécialisé est nécessaire
afin que le groupe restreint, d’appui, d’aide ou de soutien ne devienne pas le lieu
d’appartenance scolaire des élèves à besoins éducatifs particuliers. Il s’agit en effet de faire en
sorte que la classe ordinaire soit bien le lieu d’appartenance sociale et scolaire de tous les
élèves dans le cadre d’intégrations scolaires ou dans une perspective inclusive.
Nous retenons de ces observations que la collaboration entre les enseignants (ordinaires et
spécialisés) doit être étroite. S'ils ne tentent pas de trouver le sens, le but des intégrations en
classe ordinaire, celles-ci deviennent rapidement un non sens puisque l'élève ne sait pas
réellement quel rôle et quelles tâches sont attendus de lui en classe ordinaire. Mais, quand les
enseignants sont capables de penser ensemble et de prendre en compte ce que l'élève
mobilise, réalise et réussit dans l'autre classe, alors cela devient intéressant puisque les
enseignants peuvent encourager l'élève à créer des liens entre les classes et entre les activités
qui lui sont proposées dans ces deux contextes de scolarisation. Les élèves intégrés n'ont ainsi
pas l'impression de vivre dans deux contextes scolaires parallèles sans lien, rendant leur
environnement instable. Il convient donc de permettre aux élèves, par divers moyens formels
96
ou informels, de créer des liens entre les différents contextes. Il s’agit ici de la responsabilité
des enseignants qui doivent penser, prévoir et organiser ces intégrations de façon proactive et
rétroactive pour permettre aux élèves d’effectuer un maximum d’apprentissages dans les
meilleures conditions possibles.
Les écoles spécialisées sont nécessaires pour répondre au mieux aux besoins de certains
élèves, elles devraient être connectées autant que possible avec les contextes d'enseignement
ordinaire. Elles devraient encourager les élèves à sortir de l'environnement ségrégué dans
lequel ils sont scolarisés afin d'effectuer des activités scolaires et sociales avec des élèves
ordinaires dans des contextes ordinaires. Ainsi, même si des raisons matérielles ou
organisationnelles incitent les parents, les enseignants et les différents professionnels et
partenaires de l’éducation à choisir une institution spécialisée pour scolariser un élève à
besoins éducatifs particuliers, il est crucial de planifier et de penser la scolarisation des élèves
à besoins éducatifs particuliers en lien avec celles des élèves dits ordinaires. Le sentiment
d'appartenance est un point central quand on parle d'inclusion, il est donc nécessaire de faire
en sorte que tous les élèves puissent se sentir appartenir au monde social auxquels ils
appartiennent.
Ces réflexions nous amènent à nous interroger sur les conditions qui permettent aux
enseignants ordinaires et spécialisés d’articuler leurs réponses didactiques et pédagogiques
aux besoins spécifiques des élèves et l’activité collective d’apprentissage inhérente au
contexte d’une classe. Effectivement, dans une perspective intégrative, des élèves différents,
aux compétences et savoirs hétérogènes sont amenés à apprendre ensemble. Comment
l’enseignant peut-il alors répondre aux besoins de tous dans ce collectif si différent ? Nous
pensons qu’une étude à la fois compréhensive et des pratiques enseignantes pourrait faire
suite à cet ouvrage, dans une optique plus prescriptive, permettant ainsi aux professionnels de
l’éducation de pouvoir anticiper et réguler les contraintes liées à l’inclusion, notamment au
niveau des contextes d’intégration, de l’appartenance au groupe des élèves et au niveau des
dimensions qui permettent aux élèves d’entrer dans leur métier d’élève.
97
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