C’est exactement le déroulement d’une séance de Nidrâ, la recherche consciente des petits morceaux
d’énergie éparpillés en soi. Dans le tantrisme ce qui se passe au niveau cosmique se passe aussi dans le
corps. L’individu étant à l’image de la totalité, il n’a d’autre choix que de se mettre en quête de son
énergie dispersée, car étant dispersés les hommes entretiennent la dispersion cosmique.
Lentement le mythe est devenu une pratique qui à l’origine se déroulait en deux temps.
Le premier consistait à symboliquement récupérer les morceaux épars, et pour cela à pénétrer
mentalement dans chacune des différentes parties de son propre corps pour d’abord les localiser, puis
les sentir et enfin les lâcher, c’est à dire offrir chacune d’elles selon leur ordre d’énumération.
Le deuxième temps consistait en un pèlerinage sur les lieux où étaient tombés les morceaux de la
déesse et sur lesquels ont été érigés des temples. Autrefois ce pèlerinage semblait bien faire partie
intégrante des enseignements du Nidrâ, mais de nos jours son itinéraire est devenu imprécis …
Aujourd’hui nous suivons donc essentiellement un déplacement dans le corps, mais le but reste le
même. Ce qui nous intéresse dans cette démarche du Nidrâ est la recherche d’un état. Un état très
proche de l’union Shiva-Shakti, un état de non-séparation nous redonnant accès à cette “saveur de
l’unité perdue”.
Pour se faire nous allons privilégier les passages, les ouvertures, les moments où nous glissons d’un
état à un autre, par exemple de l’état de veille à l’état de rêverie, de l’état de rêverie à l’état de
sommeil avec rêves, du sommeil avec rêves au sommeil profond, de l’état de sommeil au réveil. Saisir
ces instants de passage va nous demander une grande vigilance. Dans le but d’éduquer notre sensibilité
et notre écoute aux passages subtils entre ces différents états, nous allons développer notre capacité à
nous détendre et notre capacité à nous concentrer. La proposition étant d’atteindre une détente
maximale accompagnée simultanément d’une concentration maximale.
Pour seulement permettre à notre pensée d’accepter la possibilité d’une présence simultanée de la
détente et de la concentration ont été mises en place toute une panoplie de méthodes… Dans un
premier temps nous allons faire chaque exercice séparément, d’abord la détente, et ensuite la
concentration. Puis peu à peu, nous tenterons lentement de les entremêler jusqu’à déclencher cet état
paradoxal où l’ouverture peut se produire. Le constat est que nous sommes généralement plus crispés
que détendus, et donc généralement, on met d’abord l’accent sur la détente.
La relaxation profonde est le premier pilier sur lequel s’appuie notre édifice. Elle consiste à partir à la
recherche de nos crispations, l’objectif étant de les relâcher là où elles sont embusquées. D’abord au
niveau du corps physique c’est à dire musculaire, organique et osseux, puis par la suite au niveau de
structures moins denses, dans la structure mentale, dans la structure énergétique et dans deux autres
encore que la tradition énumère de façon détaillée. La structure mentale est liée aux projections, à la
mémoire, à tout ce qui a à voir avec la pensée. La structure énergétique est liée à une activité qui n’est
pas appréhensible ni par le corps physique, ni par la pensée. Aujourd’hui nous commençons tout juste
à la mettre en évidence avec du matériel de recherche très sophistiqué et si les anciennes civilisations
l’ont cartographiée, les “cartographes” ne sont pas tous tombés d’accord. En sanskrit le terme qui la
désigne est Prana, et il ne s’agit pas d’un mouvement à proprement parler, mais plutôt de ce qui donne
du mouvement au mouvement. Une dynamique qui se déploie à travers des réseaux appelés nadi, ou
rivières. Notre corps est parcouru de grandes et de petites rivières, de croisements, d’endroits où
l’énergie s’accumule et d’autres où elle se distribue. Selon le Nidrâ Yoga, ces processus d’échanges
énergétiques recèlent également des crispations, tout comme on en rencontre dans le fonctionnement
et l’organisation de la pensée et notamment dans la mémoire psychologique. Dans un dernier temps
nous tentons de détendre quelque chose de plus insaisissable encore qui est traduit dans les textes par
le « psychique » mais qui n’a en réalité rien à voir avec les notions que nous regroupons généralement
sous ce mot. On pourrait l’appeler le parapsychique, l’inconnu, le mystérieux… Lorsqu’on arrive au
bout de notre capacité de raisonnement, un outil plus subtil se présente : l’intuition. Le Nidrâ Yoga
considère que l’intuition elle aussi peut contenir des crispations dont il est possible de se libérer.
Enfin il reste une cinquième et ultime structure, qualifiée de joyeuse, ou parfois encore de béatifique
où les dernières légères traces de crispations seront elles aussi éliminées…
Le deuxième pilier s’appelle Dharana, la concentration. Ce terme de concentration ne me paraissant
pas suffisant pour exprimer pleinement la qualité de cette pratique, je le qualifie de concentration
« pénétrante sans tensions ». Il s’agit d’un processus qui va mobiliser d’abord la pensée, puis l’énergie