Journal Identification = NRP Article Identification = 0252 Date: May 7, 2013 Time: 4:19 pm
doi: 10.1684/nrp.2013.0252
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NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
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Article de synthèse
Rev Neuropsychol
2013 ; 5 (1) : 45-55 Altérations mnésiques dans l’état
de stress post-traumatique : résultats
comportementaux et neuro-imagerie
Memory impairment in posttraumatic
stress disorder: behavioural and
neuroimaging findings
Fanny Dégeilh1,2,3,4, Armelle
Viard1,2,3,4, Jacques Dayan1,2,3,4,6,
Fabian Guénolé1,2,3,4,5, Pierre-Jean
Egler1,2,3,4,5, Jean-Marc
Baleyte1,2,3,4,5, Francis
Eustache1,2,3,4, Bérengère
Guillery-Girard1,2,3,4
1Inserm, U1077, 14000 Caen,
France
2Université de Caen - Basse-Normandie,
UMR-S1077, 14000 Caen,
France
3École pratique des hautes études,
UMR-S1077, 14000 Caen,
France
4CHU de Caen,
UMR-S1077, 14000 Caen,
France
5CHU de Caen,
service de psychiatrie de l’enfant et de
l’adolescent,
France
6CHGR Rennes-I,
service universitaire de psychiatrie de
l’enfant et de l’adolescent, 35000 Rennes,
France
Pour citer cet article : Dégeilh F, Viard
A, Dayan J, Guénolé F, Egler PJ, Baleyte
JM, Eustache F, Guillery-Girard B. Altéra-
tions mnésiques dans l’état de stress post-
traumatique : résultats comportementaux et
neuro-imagerie. Rev Neuropsychol 2013 ;
5 (1) : 45-55 doi:10.1684/nrp.2013.0252
Résumé Quand un événement est perc¸u comme menac¸ant la vie
ou l’intégrité physique de soi ou d’un autre et déclenche
un stress extrême, un état de stress post-traumatique (ESPT) peut se développer. Cet article
propose une revue des connaissances actuelles sur les dysfonctionnements mnésiques et
les altérations cérébrales au cœur de cette pathologie. De nombreuses études permettent
aujourd’hui de décrire un profil caractéristique du dysfonctionnement du souvenir de
l’événement traumatique, associant une hypermnésie des aspects émotionnels et la faible
mémorisation de l’information contextuelle. L’ESPT est également associé à des troubles
mnésiques des événements quotidiens avec, ici encore, un biais mnésique en faveur de
l’information négative et une moindre mémorisation de l’information neutre. Ces dysfonc-
tionnements mnésiques ont été corrélés à des altérations anatomiques et/ou fonctionnelles de
régions impliquées dans la mémoire épisodique (l’hippocampe), la mémoire émotionnelle
(l’amygdale) et la régulation émotionnelle (cortex préfrontal médian et cingulaire antérieur).
Nous développerons dans cet article les deux principales théories qui synthétisent l’ensemble
de ces connaissances chez l’adulte. Par ailleurs, chez l’enfant, bien que la symptomatologie
soit bien décrite, le manque d’investigations ne permet pas aujourd’hui l’identification pré-
cise d’un profil particulier de dysfonctionnements mnésiques et de leurs substrats cérébraux.
Nous présenterons tout de même les quelques travaux sur le sujet.
Mots clés : état de stress post-traumatique ·mémoire ·émotion ·cognition ·neuro-imagerie
Abstract When an event is perceived as life-threatening or poten-
tially causing serious bodily injury to self or others, an
intense feeling of fear, horror or helplessness can be elicited and memory process can
be disrupted leading to development of posttraumatic stress disorder (PTSD). This patho-
logy is characterised by three kinds of symptoms: (i) re-experiencing, this is probably the
principal PTSD symptom and refers to intrusive memories occurring in flashbacks or/and
nightmares so invasive that the PTSD sufferer feels as if he is reliving the sensory and
emotional aspects as occurring in the present; (ii) avoidance, the sufferer tries to avoid
everything that may remind him of the traumatic event (thoughts, places, people and
other reminders of the trauma) and (iii) hyper-arousal, this includes hyper-vigilance, exag-
gerated startle reaction, sleep disturbances and irritability. The purpose of this article is to
review the current state of knowledge on memory disturbances and cerebral abnormali-
ties that are central to the pathology’s importance. On one hand, PTSD in adults is well
documented, and a concise description of impairment of traumatic event memory has
been established, involving both enhanced memory for emotional aspects and decreased
memory for contextual information. As for traumatic events, memory for everyday events is
Correspondance :
B. Guillery-Girard
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Article de synthèse
also impaired in PTSD with hypermnesia for negative information and lower memorizing
of neutral information. Structural and functional abnormalities of brain areas implica-
ted in episodic memory (hippocampus), emotional memory (amygdala) and emotional
regulation (medial prefrontal and anterior cingulate cortices) seem involved in memory
disturbances observed in PTSD. We will describe the two main theories synthesizing cur-
rent understanding in adult PTSD. On the other hand, in children, whereas symptoms are
well described, the lack of investigations hinders the accurate identification of a particular
profile of memory dysfunctions and their cerebral substrates. However, we will review the
few findings in this field.
Key words: posttraumatic stress disorder ·memory ·emotion ·cognition ·neuroimaging
Introduction
La psychopathologie post-traumatique a tout d’abord été
décrite par la médecine militaire sous le nom de «névrose
traumatique ». Il faut attendre 1980 pour voir cette patho-
logie référencée pour la première fois dans le Manuel
diagnostique et statistique des troubles mentaux sous le
nom anglais de posttraumatic stress disorder (PTSD),tra-
duit en franc¸ais par état de stress post-traumatique (ESPT).
Depuis cette date, l’intérêt des scientifiques pour cette
pathologie n’a cessé d’augmenter dans le but de mieux
définir son étiologie et son évolution afin d’améliorer sa
prise en charge. L’étude de cette pathologie permet éga-
lement, d’un point de vue fondamental, une meilleure
compréhension de l’organisation cognitive et anatomo-
fonctionnelle de la mémoire, en apportant notamment
un éclairage sur les fonctionnements dynamiques entre
mémoire, émotion et processus attentionnels. L’ESPT, bien
que majoritairement décrit chez l’adulte, est également
observé chez l’enfant. En revanche, la sémiologie est en
partie différente et pourrait rendre compte de la dimension
développementale.
Aspects psychopathologiques
L’ESPT est la conséquence psychopathologique la plus
spécifique de l’exposition à un événement traumatique.
Ce trouble anxieux est consécutif à un événement ayant
été perc¸u par l’individu comme menac¸ant sa vie ou son
intégrité physique, tel que les violences des combats,
une catastrophe naturelle, un acte de terrorisme, un acci-
dent de la voie publique, une agression violente, et ayant
entraîné chez lui une sensation intense de peur, d’horreur
ou d’impuissance (critères A de l’ESPT selon le Manuel diag-
nostique et statistique des troubles mentaux [1]).
Trois grands syndromes accompagnent l’ESPT : le
syndrome de répétition (critère B du DSM IV-R), le syn-
drome d’évitement (critère C du DSM IV-R) et le syndrome
d’hyperactivité neurovégétative (critère D du DSM IV-R). Le
syndrome de répétition se manifeste par des reviviscences
répétées et involontaires de l’événement qui se traduisent
par des souvenirs intrusifs, souvent sous forme visuelle, se
produisant au travers de flashbacks et de rêves d’angoisse,
et faisant littéralement revivre à l’individu les aspects sen-
soriels et émotionnels de l’événement dans le présent.
Le syndrome d’évitement se traduit par des efforts impor-
tants du patient pour éviter tout ce qui peut lui rappeler
l’événement traumatique, comme les pensées, les conver-
sations, les lieux, les situations et les personnes en lien avec
celui-ci. Il peut s’accompagner ou plus souvent est suivi
d’un émoussement de la réactivité générale s’exprimant par
une réduction des affects et de l’élan vital, un détachement
et un pessimisme latents. Enfin, l’hyperactivité neurovégéta-
tive est caractérisée par une hypervigilance, une réaction de
sursaut exagérée, des troubles du sommeil, une irritabilité
et des difficultés de concentration.
En moyenne, 20 à 30 % des personnes confrontées à un
événement traumatique développent un ESPT, soit d’emblée
après l’exposition à l’événement traumatique, en prolonge-
ment d’un état de stress aigu ou après une longue période de
latence. La durée moyenne de l’ESPT est de trois à cinq ans
mais une symptomatologie résiduelle est retrouvée chez un
tiers environ des sujets, dix ans après l’événement déclen-
chant [2]. L’hyperactivité neurovégétative peut notamment
persister longtemps après l’atténuation ou la disparition
des autres signes cliniques. Plus particulièrement, il est
parfois observé un ESPT incomplet qui se traduit par
l’absence du syndrome d’évitement. Par ailleurs, l’ESPT est
rarement diagnostiqué seul et de fréquentes comorbidités
psychologiques comme la dépression, les comportements
d’addiction, l’anxiété, les crises de panique et les phobies
sont observées.
Dans le cas particulier d’une exposition à des événe-
ments traumatiques répétés ou prolongés sur plusieurs mois
ou années (guerre, violences physiques ou abus sexuels
répétés, torture...), il est fréquent qu’un type particulier
d’ESPT, nommé «ESPT complexe », se développe. Il se
caractérise par des troubles dissociatifs (troubles du rap-
port à soi et à autrui) importants dont l’intensité peut
varier de relativement peu intense (sentiment éphémère que
l’événement traumatique se reproduit dans le présent) à
sévère (la personne perd tout lien avec son identité actuelle
et son environnement présent pendant la reviviscence du
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47
Article de synthèse
souvenir). Ces troubles dissociatifs s’accompagnent d’une
altération de la régulation émotionnelle, de l’attention, de la
conscience et de la perception de soi, de la relation à autrui
et des croyances antérieures, ainsi que d’une somatisation
[3].
En neuropsychologique, l’ESPT est considéré comme
une pathologie de la mémoire, bien qu’il porte égale-
ment atteinte à d’autres dimensions de la cognition et du
comportement. En ce sens, les syndromes de reviviscence
et d’évitement sont envisagés comme l’expression de dys-
fonctionnements mnésiques sous-tendus par des altérations
cérébrales fonctionnelles et/ou structurales.
État de stress post-traumatique
et mémoire
L’ESPT est associé à un profil particulier de dysfonc-
tionnements mnésiques dont le principal s’exprime par
des difficultés à rappeler le souvenir de l’événement trau-
matique de fac¸on cohérente. De manière surprenante,
l’ESPT apparaît comme étant à la fois accompagné par
une augmentation (ou hypermnésie) et une diminution
de la mémorisation de différents aspects du souvenir
de l’événement traumatique. Plus précisément, la viva-
cité du souvenir traumatique, exprimée au travers des
flashbacks et des cauchemars, contraste avec la faible
capacité des patients souffrant d’ESPT à rappeler de fac¸on
volontaire et consciente les détails de l’événement trau-
matique. Par ailleurs, une plainte mnésique pour les
événements quotidiens non relatifs à l’événement trauma-
tique est fréquemment rapportée par les patients. Des études
comportementales ont confirmé l’ensemble des troubles
mnésiques, attentionnels et émotionnels [4, 5].
Mémoire de l’événement traumatique
Les dysfonctionnements mnésiques observés dans
l’ESPT s’expriment à la fois par une intensification de la
mémorisation des aspects centraux de l’événement trauma-
tique (émotionnels principalement) et par une diminution
de la mémoire des détails périphériques.
Le souvenir d’un événement fait appel à la mémoire
autobiographique qui regroupe un ensemble d’informations
et de souvenirs particuliers à un individu, accumulés
depuis son plus jeune âge, et qui lui permettent de cons-
truire un sentiment d’identité et de continuité. Elle offre à
l’individu la capacité de «voyager mentalement dans le
temps », de revivre mentalement les expériences passées
et de se projeter vers le futur [6]. Elle est constituée d’une
composante épisodique (encodant et stockant les événe-
ments personnellement vécus dans leur contexte spatial
et temporal d’acquisition) mais aussi d’une composante
sémantique autobiographique (ensemble de connaissances
générales sur soi et sur sa propre vie permettant la repré-
sentation de soi). La conscience autonoétique, associée
au rappel des souvenirs épisodiques, donne à l’individu
la possibilité de prendre conscience de sa propre identité
(sentiment d’identité) dans un temps subjectif et lui permet
la reviviscence consciente de l’événement et du contexte
d’encodage (lui permettant de dire «je me souviens ») [6].
Au contraire, l’état de conscience noétique accompagne
le rappel en mémoire sémantique et permet d’accéder à
l’ensemble des connaissances générales sans souvenir du
contexte dans lequel elles ont été encodées («je sais »).
L’interaction des deux composantes de la mémoire autobio-
graphique permet le maintien de la cohérence du sentiment
d’identité et de la représentation de soi au fil du temps
de telle fac¸on que les souvenirs restent en accord avec
les aspirations, buts, désirs, croyances actuels de l’individu
[7]. Conway propose également que les souvenirs auto-
biographiques puissent être rappelés selon deux types de
récupération :
la récupération générative du souvenir, via des proces-
sus top-down, est intentionnelle et contrôlée et met en jeu
l’administrateur central de la mémoire de travail ;
la récupération directe, automatique et involontaire des
détails sensoriels du souvenir, via des processus bottom-up,
est déclenchée par des indices très spécifiques.
La récupération générative permet, par des processus
essentiellement exécutifs tels que l’inhibition, la recons-
truction complète du souvenir autobiographique replacé
dans le temps et l’espace, en accord avec la représentation
de soi actuelle. Au contraire, la récupération automatique
ne permet pas toujours de retrouver le contexte du sou-
venir, il s’agit plutôt d’une sensation de souvenir (comme
la «madeleine de Proust »), une étape supplémentaire de
récupération générative est ensuite nécessaire pour recons-
truire le souvenir complet. Cette dernière étape pourrait être
affectée dans l’ESPT.
Une altération particulière de la mémoire autobio-
graphique concerne la fréquente incapacité des patients
souffrant d’ESPT à se distancer mentalement de l’épisode
traumatique, à l’intégrer dans une succession chrono-
logique, à lui faire perdre son caractère d’immédiateté
[2]. Cela se manifeste par la reviviscence involontaire de
l’événement avec le sentiment intense de danger immi-
nent (flashbacks) et peut être attribué à un phénomène
dissociatif laissant supposer des modifications du senti-
ment d’identité et de la représentation de soi [8, 9]. Cette
hypothèse est confirmée par une étude récente révélant,
qu’après l’exposition à un événement traumatique, les indi-
vidus ayant développé un ESPT présentent des perturbations
de la représentation de soi associées à une estime de soi plus
négative. Leur passé, avant l’événement, leur semble plus
sûr que leur présent et leur futur [10].
Les flashbacks, symptômes centraux de l’ESPT, sont
donc des souvenirs intrusifs déclenchés involontairement
par des états internes ou des indices externes relatifs à
l’événement traumatique et faisant fortement revivre les
aspects émotionnels de l’événement traumatique à travers
des images multisensorielles fragmentaires affranchies d’un
contexte spatiotemporel cohérent [8]. Il semble donc qu’en
cas d’ESPT, la remémoration consciente de l’événement
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48
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traumatique soit difficile, laissant supposer un défaut du
processus de récupération générative qui ne permettrait pas
la reconstruction complète du souvenir suite à la récupéra-
tion directe des aspects sensoriels.
Par ailleurs, le récit de l’événement traumatique est
pauvre en détail, largement fragmenté et désorganisé, et
manque de cohérence [4]. Parmi les hypothèses avancées
pour expliquer ce phénomène, il est proposé que durant
un événement traumatique, l’attention tend à se restreindre
et à se focaliser sur la source principale du danger, de telle
sorte que les éléments sensoriels (indices) de la scène soient
faiblement liés entre eux. Cela laisse supposer que l’ESPT
soit associé à un défaut de contextualisation, processus
permettant que les stimuli soient différemment interpré-
tés, représentés et utilisés pour guider les comportements
en fonction du contexte et de la situation. Ce défaut de
contextualisation mènerait à la sur-généralisation du souve-
nir et pourrait être à l’origine du syndrome de reviviscence.
Les différents aspects du souvenir n’étant pas liés à un
contexte spécifique, de nombreux indices non spécifiques
à l’événement traumatique pourraient raviver le souvenir
[8].
Mémoire et nouveaux apprentissages
L’ESPT n’est pas seulement associé à des dysfonction-
nements de la mémoire autobiographique de l’événement
traumatique. En effet, les études utilisant des tâches de labo-
ratoire permettant de contrôler les phases d’encodage et
de restitution en mémoire ont mis en évidence des déficits
mnésiques [11].
L’ESPT s’accompagne d’un défaut d’apprentissage et
de rappel d’informations neutres. De plus, le sentiment
de récollection qui accompagne habituellement la restitu-
tion des souvenirs épisodiques semble également moindre
[12]. Cela confirme l’hypothèse d’une altération de l’accès
à la conscience autonoétique lors du rappel du souve-
nir épisodique de l’événement traumatique mais aussi non
traumatique.
En parallèle, la vigilance accrue pour les stimuli néga-
tifs ou menac¸ants entraîne un biais mnésique ayant pour
conséquence le meilleur rappel des informations négatives
[9]. Cette hypervigilance génère également des difficultés
importantes à désengager l’attention de ces stimuli [13].
Ces difficultés peuvent donc être interprétées comme une
diminution des capacités d’inhibition, spécifique aux infor-
mations négatives.
La difficulté à rappeler le souvenir d’un événement spé-
cifique négatif ou positif est observée constamment dans
l’ESPT. Ce manque d’épisodicité des souvenirs est corrélé
avec la difficulté des patients ESPT à inhiber toute informa-
tion en lien avec l’événement traumatique, ainsi qu’avec
la sévérité des symptômes [14]. Il est intéressant de noter
qu’une perte d’épisodicité des souvenirs autobiographiques
mesurée rapidement après l’exposition à un événement
traumatique peut être un indice prédictif du développement
d’un ESPT six mois plus tard [15].
Corrélats neuro-anatomiques
et fonctionnels
Les études de neuro-imagerie menées chez des patients
ESPT ont permis de révéler des modifications cérébrales
anatomiques et/ou fonctionnelles de régions impliquées
dans les processus mnésiques, attentionnels et émotionnels,
notamment l’hippocampe, l’amygdale, le cortex préfrontal
et le cortex cingulaire antérieur, qui pourraient sous-tendre
la symptomatologie de l’ESPT.
L’hippocampe
L’hippocampe est une région cérébrale largement impli-
quée dans la mémoire épisodique et notamment dans
l’encodage et le rappel contextuel des souvenirs [5, 16].
Une diminution bilatérale du volume de cette structure
associée à l’ESPT est rapportée après différents traumatismes
(combat, abus sexuel durant l’enfance...) et pourrait sous-
tendre les troubles de mémoire épisodique (tableau 1) [5].
Il n’est pas encore clairement déterminé si la diminu-
tion du volume hippocampique est une conséquence de
l’exposition à l’événement traumatique ou s’il représente
un facteur de risque de développement d’un ESPT après
l’exposition à un événement traumatique. Dans l’optique
d’éclaircir ce point, des études s’intéressant à l’impact du
stress sur les systèmes neuronaux ont mis en évidence un
effet neurotoxique important des glucocorticoïdes (cortisol),
hormones sécrétées en réponse au stress, sur les neurones
hippocampiques entraînant une réduction de son volume
[17]. Dans ce sens, une méta-analyse récente [18] a mon-
tré une diminution du volume hippocampique à la fois chez
les patients souffrant d’un ESPT et chez les sujets exposés
à un événement traumatique mais n’ayant pas développé
d’ESPT, en comparaison à des sujets non exposés. Cela sug-
gère que l’exposition à un événement traumatique, même
en l’absence de développement d’un ESPT, peut entraîner
une atrophie hippocampique.
Néanmoins, toutes les études de neuro-imagerie ne sont
pas en accord avec cette interprétation. Des études ont
comparé des paires de jumeaux monozygotes dont un seul
a été exposé à un événement traumatique. Dans ces études,
deux groupes de jumeaux étaient comparés : le groupe
«ESPT »constitué de patients ESPT et de leurs frères non
exposés à l’événement traumatique, et le groupe «témoin »
incluant des individus exposés à l’événement traumatique
n’ayant pas développé d’ESPT et leurs frères non exposés.
De manière intéressante, la comparaison des deux groupes
a permis de mettre en évidence une atrophie hippocam-
pique dans le groupe «ESPT »chez les patients de la même
fac¸on que chez leurs frères non exposés. Aucune différence
du volume hippocampique n’a été retrouvée au sein du
groupe «témoin »[19]. Ce résultat suggère que la dimi-
nution du volume hippocampique représenterait plus un
facteur de vulnérabilité au développement d’un ESPT après
l’exposition à un événement traumatique qu’un effet unique
de l’exposition.
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NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
49
Article de synthèse
Tableau 1. Relations entre altérations cérébrales et troubles mnésiques dans l’état de stress post-traumatique (ESPT) chez
l’adulte.
Régions cérébrales Systèmes et processus cognitifs Troubles de mémoire dans l’ESPT
Hippocampe Mémoire épisodique
Encodage et rappel du contexte
Déficit de mémoire épisodique
Fragmentation du souvenir
Décontextualisation du souvenir
Sur-généralisation des souvenirs
Amygdale Mémoire émotionnelle
Détection de la menace
Réponse de peur
Hypermnésie des aspects émotionnels
négatifs
Biais attentionnel en faveur de la menace
Cortex préfrontal médian
Cortex cingulaire antérieur
Régulation attentionnelle
Régulation émotionnelle
Sentiment d’identité et de la
représentation de soi
Déficit de régulation de l’attention
Déficit de contrôle de la réponse
émotionnelle
Modification du sentiment d’identité et
perception de soi négative
L’amygdale
L’amygdale joue un rôle crucial dans la détection de
la menace, la réponse de peur et, particulièrement, dans
la mémoire émotionnelle ainsi que dans la régulation
attentionnelle [20]. Aucune modification anatomique de
l’amygdale n’a été retrouvée liée à l’ESPT. Cependant, les
études de neuro-imagerie fonctionnelle ont révélé une acti-
vation exacerbée de l’amygdale en réponse à des stimuli
négatifs relatifs ou non à l’événement traumatique [5] et
pendant l’acquisition de la peur conditionnée [21].
L’hyperactivation de l’amygdale promouvrait les symp-
tômes de reviviscence et d’hypervigilance. De plus, elle
pourrait jouer un rôle dans le biais attentionnel et mné-
sique en faveur de l’information négative relative ou non à
l’événement traumatique, ainsi que dans l’encodage exa-
géré des aspects émotionnels de l’événement traumatique
(tableau 1).
Le cortex préfrontal médian
et le cortex cingulaire antérieur
Les cortex préfrontal médian et cingulaire antérieur
jouent un rôle central dans la régulation émotionnelle et
la modulation attentionnelle en évaluant la valeur des sti-
muli grâce à des processus d’inhibition [22]. Ces régions
sont également impliquées dans les processus de référence
à soi impliqués dans le sentiment d’identité et de la repré-
sentation de soi [23].
Au niveau anatomique, l’ESPT est associé à une diminu-
tion du volume des cortex préfrontal médian et cingulaire
antérieur [5]. Une étude menée auprès de jumeaux mono-
zygotes a mis en évidence que les patients souffrant d’ESPT
ont une diminution du volume du cortex préfrontal médian
comparés à leurs frères jumeaux non exposés et au groupe
témoin exposé à l’événement traumatique mais sans ESPT
[24]. Il semble donc que l’atrophie du cortex cingulaire
antérieur soit une conséquence du stress chronique lié à
l’événement traumatique. Les études menées en neuro-
imagerie montrent que les patients souffrant d’un ESPT
présentent également une diminution de l’activation du
cortex préfrontal médian et du cortex cingulaire antérieur
durant une tâche impliquant des stimuli négatifs [25]. Ces
altérations sous-tendraient l’incapacité à contrôler effica-
cement l’attention et la réponse aux stimuli négatifs. De
plus, une étude récente confirme que la modification du
sentiment d’identité et de la représentation de soi observée
chez les patients ESPT est corrélée à une activation moins
importante du cortex préfrontal médian (tableau 1) [26].
Modèle neuro-anatomique de l’état de stress
post-traumatique
Le modèle actuel de l’ESPT suggère que l’hypoactivation
du cortex préfrontal médian est associée à l’augmentation
de l’activité de l’amygdale [5]. Plus précisément, un défaut
d’inhibition du cortex préfrontal médian vers l’amygdale
(effet top-down) serait à l’origine du biais attentionnel
pour la menace, de l’augmentation de la réponse de peur,
ainsi que du défaut de régulation émotionnelle. En accord
avec ce modèle, l’activation du cortex préfrontal médian
est inversement corrélée avec l’activation de l’amygdale,
laissant supposer une connectivité fonctionnelle réduite
entre ces deux régions (figure 1) [5]. Ce modèle propose
également que l’altération anatomique de l’hippocampe
sous-tende les déficits de mémoire épisodique, notamment
du matériel neutre et des aspects contextuels (périphé-
riques) des événements. Cependant, l’origine de l’atrophie
hippocampique reste débattue.
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