référence aux motifs qui incitent la personne à agir (c.-à-d. ce que la personne cherche à accomplir) et aux moyens pris pour réaliser
cette action. La façon la plus simple de définir cette théorie serait d’envisager la maxime comme une description des « moyens » et
des « fins » d’une action précise.
Supposons qu’une oncologue discute avec l’un de ses patients de la possibilité de l’inscrire à un essai clinique, estimant que c’est
dans l’intérêt supérieur de ce patient. La maxime de cette oncologue pourrait être « Recommander au patient de participer à l’essai cli-
nique, car c’est sans doute dans son intérêt supérieur ». Dans cet exemple, la fin serait « faire ce qui est dans l’intérêt supérieur du pa-
tient » et le moyen serait « recommander de participer à l’essai ». Supposons maintenant qu’un deuxième oncologue recommande le
même essai clinique à un autre patient, mais cette fois-ci uniquement pour des motifs pécuniaires, en pensant à l’argent qu’il fera en
recrutant le patient. Sa maxime pourrait être « Recommander au patient de participer à l’essai clinique, car ceci permettra de maximis-
er mes revenus ». Dans les deux cas, les moyens sont les mêmes, mais les fins diffèrent. Supposons enfin que les deux patients sont de
bons candidats pour l’essai et que le jugement du deuxième oncologue n’a pas été altéré par ses motivations. Intuitivement, il semble
que la première oncologue a bien agi, mais que le deuxième a agi d’une manière pour le moins louche, sinon carrément immorale.
Pour Kant, la moralité d’une action se juge à sa maxime. Dans l’exemple précité, les actions de la première oncologue sont dictées par
une maxime moralement louable, mais la maxime du deuxième oncologue est moralement discutable. Et même si les deux actions au-
ront sans doute un effet presque identique, leur moralité diffère considérablement, car elles sont guidées par des motifs fort différents.
Kant est l’un des grands défenseurs du « respect de la personne », comme en témoigne son principe de l’humanité :
« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même
temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen »2, p. 40.
Mais qu’entend-on par une personne « simplement » traitée comme un moyen? L’histoire abonde d’exemples où des sujets de re-
cherche ont, sans le savoir, servi de cobayes à des expériences et en ont grandement souffert. Ces patients ont été traités comme de
simples moyens – sans égard à leur statut d’agents rationnels – et comme de simples instruments servant à l’avancement des con-
naissances médicales. Dans le domaine de la recherche, le consentement éclairé est le principal moyen de s’assurer que les sujets ne
sont pas utilisés « simplement » comme des moyens, mais qu’ils sont utilisés en respectant leur humanité. Voilà sans doute pourquoi
le Code de Nuremberg insiste autant sur le « consentement volontaire » des sujets de recherche. (Le Code de Nuremberg définit dix
principes de la recherche éthique; le consentement est le premier qui y figure et celui qui fait l’objet du plus long paragraphe3.)
Pour Kant, le mensonge n’est jamais justifié, même si mentir semble nécessaire pour éviter un préjudice grave. Examinons l’exemple
suivant : Une collègue frappe à votre porte et vous supplie de la cacher au sous-sol pour échapper à quelqu’un qui veut l’assassiner. Si
le présumé meurtrier frappe ensuite à votre porte et vous demande si vous avez vue la personne qu’il cherche, vous auriez l’obligation
morale, selon Kant, de ne pas mentir4. Bien que cet absolutisme puisse s’appliquer à certaines actions, l’absolutisme de Kant à l’égard
du mensonge fait en sorte que la plupart d’entre nous refuserions d’être des kantiens purs et convaincus.
Théorie de la vertu
Selon la théorie de la vertu, la bonne chose à faire dans une situation donnée correspond à ce qu’une personne bonne ou vertueuse
ferait dans les mêmes circonstances. Cette théorie paraît attrayante à première vue, car la plupart, sinon la totalité, d’entre nous
voulons être de bonnes personnes. Il semble en effet qu’agir comme le ferait une bonne personne traduirait les objectifs que nous
cherchons à atteindre lorsque nous devons prendre une décision morale.
La théorie de la vertu qui a sans doute le plus d’influence est celle qui a été définie par Aristote dans l’Éthique à Nicomaque5. Selon
Aristote, ce qui distingue l’être humain, c’est sa capacité de raisonner et d’agir conformément à la raison. Par conséquent, les bons
êtres humains vivent et agissent conformément à la raison, un état que l’on pourrait qualifier de conforme à l’eudémonisme.
Intuitivement, l’idéal de vivre conformément à la raison et la vertu semble bon, mais il y a aussi d’autres aspects qui rendent cette
théorie pertinente à la médecine. Aristote a ainsi déclaré ce qui suit :
« […] dans le cas d’un joueur de flûte, d’un statuaire ou d’un artiste quelconque, et en général pour tous ceux qui ont une fonction
ou une activité déterminée, c’est dans la fonction que réside… le bien, le « réussi »… »5, p.11.
La fonction première de la médecine est d’améliorer le bien-être des patients. Cependant, assurer le bien du patient exige un large
éventail de compétences ainsi qu’une préoccupation pour l’autonomie et le bien-être du patient. De bons médecins sont des médecins