Les casuistes du travail social?
Projet de révision de la documentation en éthique et en déontologie
d’AvenirSocial, et mise en œuvre d’une casuistique
Dans le précédent numéro d’Actualité sociale, Beat Schmocker, membre du comité suisse
d’AvenirSocial et responsable du projet de révision des documents éthiques et de
déontolgoie de notre association professionnelle, en présentait les grandes lignes et les
bases théoriques. Depuis le début de l’année 2007, ce projet a été présenté à diverses
occasions et des propositions, témoignages, questionnements ont été recueillis.
Aujourd’hui, le groupe de projet prévoit une actualisation de notre code de déontologie. Comme
celui−ci est très bien perçu (nombreux retours positifs), il se peut que sa structure actuelle soit
maintenue. Seront ajoutés de nouveaux éléments significatifs et certains points pourront être
reformulés. A partir du matériel recueilli jusque−là, un groupe de travail restreint sera mis en place
en ce début d’année pour qu’un premier projet puisse être présenté à la fin du premier semestre
2008.
Parallèlement à ce travail, une casuistique sera mise en œuvre conformément à l’article 16.2. de
notre actuel code de déontologie qui dit: «La commission d’éthique professionnelle d’AvenirSocial
développe sur la base du présent code de déontologie une pratique collégiale d’autocontrôle et une
casuistique en matière d’éthique professionnelle.»
Qu’est−ce qu’une casuistique?
La casuistique s’enracine dans l’histoire de l’Eglise catholique. A partir du début du XIIIe siècle, la
casuistique, et par là les casuistes, offraient aux confesseurs de l’Eglise des manuels dans lesquels
ces derniers pouvaient juger des confessions qui leur étaient faites en fixant un cadre moral ainsi
que les pénitences en vue de l’absolution. La casuistique est définie par «l’application des règles
morales générales à des cas concrets. Elle consiste donc à articuler l’universalité d’une norme et la
particularité d’un agir. En ce sens, l’espace constitutif de la casuistique n’est libéré que si l’on tient
qu’un universel moral abstrait préexiste idéalement à ses applications concrètes.»1 En d’autres
termes, cela signifie que les casuistes fixaient à partir de cas de consience, sur ce qu’il convenait
de faire ou de ne pas faire, un cadre normatif déduit des Ecritures, de la Tradition ou des Pères de
l’Eglise. «A partir de la seconde moitié du XVIe s., tandis que la société multiplie les cas inédits, [les
théologiens] envisagent pour eux plusieurs modes de résolution, se divisant parfois profondément
sur les solutions à apporter.»2 Dès lors, on adopte la solution la plus probable. Ainsi, la probabilité
qui est à comprendre par ce qui peut se prouver est «déterminée par la possibilité de reprendre
l’argumentation rationnelle d’une autorité pour en faire un usage pratique»3. Le probabilisme sera,
entre autres objets, au cœur de la lutte entre jansénistes et jésuites au XVIIe siècle. Blaise Pascal
avait en 1656 pris la défense des jansénistes de Port−Royal et s’était attaqué avec «Les
Provinciales4» au dogmatisme jésuite, auquel il reprochait de s’appuyer sur des normes – via leur
casuistique – peu fondées.
De cette querelle du passé, on peut retenir la volonté d’un groupe (les jésuites) à maintenir leur
pouvoir en dictant à d’autres, d’après des procédures viciées (selon la critique de Blaise Pascal), ce
Qu’est−ce qu’une casuistique? 1