mais les grandes passions sont admirables, indispensables. C’est un leitmotiv de la philo des
Lumières. La religion, en tant qu’elle mortifie les passions, est contradictoire. Contradictoire avec les
impératifs de la vie sociale : clivage entre l’hô d’Eglise et le profane (une société vmt dévote se
détruirait elle-même). Contradictoire avec la théologie chrétienne elle-même : la thèse de la bonté
divine n’est pas conciliable avec la pratique de la mortification. Contradictoire avec elle-même : la
dévotion, cô christianisme ascétique, est instable.
Ce texte donne raison à Schopenhauer. L’ascétisme n’est, en effet, pas le pb de la philo des Lumières.
Il est l’un des visages de l’ennemi, qui n’est pas l’ascète, mais le dévôt. La philo des Lumières ne peut
pas prendre au sérieux l’ascétisme. Parce qu’elle est optimiste. La bonne morale nous dit que nous
devons viser le bonheur en ce monde-ci, pas en un autre. Si nous voulons vivre heureux, il ne faut pas
combattre la nature en nous, ce qui est le propre de l’ascétisme. L’hédonisme, le naturalisme, sont
des composantes de la philo des Lumières. Les Lumières peuvent critiquer l’ascète, mais pas le
prendre au sérieux. « C’est le comble de la folie que de se proposer la ruine des passions », écrit
Diderot. C’est une aberration. On combat ces pratiques, mais il n’y a pas encore lieu de les analyser,
elle ne constitue pas un objet philosophique.
Autre référence qu’il faut étudier pour être sûr qu’il a raison : Kant. L’un des principes de la
morale kantienne, c’est le refus de l’eudémonisme. Le bonheur n’est pas un critère (ni un objectif) ;
c’est une question étrangère à celle de la moralité [1ère section Fondements de la métaphysique des
mœurs]. Si la nature avait voulu que l’hô soit heureux, elle ne lui aurait donné que l’instinct ; elle lui a
donné la raison pour autre chose. Le critère moral, c’est le devoir, pas le bonheur. Devons-nous pour
autant renoncer au bonheur ? Non, car nous pouvons raisonnablement espérer qu’à terme je puisse
rencontrer le souverain Bien (association concevable de la vertu et du bonheur). Cette
disqualification préalable du bonheur expose Kant à une accusation d’ascétisme. Le 22 décembre
1798, Schiller, dans une lettre à Goethe, accuse Kant d’ascétisme : « il reste malgré tout en lui, au
fond, tout comme chez Luther, quelque chose qui fait songer à un moine, qui aurait sans doute forcé
les portes de son couvent, mais qui aurait été impuissant à en effacer totalement l’empreinte » (la
figure du moine est tjr péjorative chez les protestants). Kant resterait porteur de la tradition
ascétique. A la fin de la Doctrine de la vertu, Kant se défend. Il distingue deux ascétismes. Il ne s’agit
pas d’agir par seul respect pour la loi morale, mais il faut le faire avec gaieté, s’en réjouir. « c’est une
espèce de diététique […] ». Il distingue donc l’ascétisme moral de l’ascétisme monacal, fanatique.
« La discipline que l’hô exerce sur lui-même ne peut donc devenir méritoire et exemploire que grâce
à la joie qui l’accompagne ». Dans un cas, on rencontre gaieté, joie, dans l’autre, tristesse. Je combats
mes désire par l’ascétisme éthique, et en plus je dois aimer ça. L’ascétisme du moine est bcp plus
violent, et surtout il ne vise pas à l’amélioration de soi, mais à l’expiation fanatique, qui consiste à se
punir soi-même et à vouloir racheter ses fautes au lieu de les regretter. Il y a opposition de motifs :
l’un vise la vertu, l’autre le rachat, l’autopunition. Cet ascétisme monacal est causé par la
superstition, qui a ensuite un effet : il est dissuasif, rend la morale haïssable (on ne peut avoir envie
d’imiter le moine). Il est bien question ici d’ascétisme, sous la forme d’une accusation, dont il s’agit
de se défendre (on est bien à l’âge des Lumières). Bien qu’il parle d’ascétisme, cela n’est pas le pb de
Kant. L’ascétisme reste chargé d’une grande négativité, que Kant cherche à neutraliser. Le discours
kantien apporte donc une nouvelle confirmation de la prétention de Schopenhauer. Pour
Schopenhauer, la morale de Kant a le mérite d’être purifiée du bonheur, de toute préoccupation
eudémoniste. Mais Kant a réintroduit sournoisement le bonheur dans la morale. De quelle tradition
Kant est-il tributaire, qui le contraint à réintroduire le bonheur ? Son erreur, c’est d’avoir cru que le