Comment l`ascétisme est devenu un objet philosophique. L`objet, le

Comment l'ascétisme est devenu un objet philosophique.
L'objet, le motif et la chronologie.
Etymologie de l'ascèse non religieuse = discipline accomplie pour obtenir une performance, puis
sens religieux = contraindre une nature humaine corrompue par le Salut.
KANT parle de gymnastique éthique (1797).
Histoire.
4e-5e : phénomène des Pères du désert = individus qui se sentent appelés par Dieu vers le désert et
deviennent des anachorètes.
Le terme d' « ascète » apparaît en 1580 en France. « Ascèse » au 19e.
Le problème ascétique apparaît au 19e pour devenir un objet philosophique et littéraire.
Ex : Une vie de Rancé de Chateaubriand ; La tentation de Saint-Antoine de Flaubert ; L'artiste de la
faim de Kafka.
NIETZSCHE.
Sa position paraît critique : l'ascétisme est la forme radicale de la dévalorisation du monde sensible
et Nietzsche la présenterait au contraire comme une philosophie de la jouissance immédiate.
Chronologie.
SCHOPENHAUER: « Mais aucune philosophie (…) n'a le droit de passer sous silence le sujet du
quiétisme et de l'ascétisme, car le thème est, en substance, identique à celui de toute métaphysique
et de toute morale. Aussi, est-ce là le point où j'attends toutes les philosophies, avec leur optimisme
et sur lequel je suis curieux de les voir se prononcer. »
Quiétisme = doctrine mystique chrétienne du 17e // Fénelon et Mme Guillet, qui valorise la
pratique religieuse de l'anéantissement de la volonté.
La question de l'ascétisme est une question essentielle pour la métaphysique et la morale. En
affirmant cela Schopenhauer opère une promotion originale de la question de l'ascétisme. Il en fait
même le critère de l'évaluation de toute philosophie.
Jusque là il n'a jamais été sérieusement abordé car la philosophie des Lumières était optimiste voire
eudémoniste où la morale = art de se rendre heureux par les plaisirs des sens.
DIDEROT, Les pensées philosophiques, représentatif du discours des Lumières contre l'Eglise :
l'ascète est le dévot = pénitent aberrant fanatique. Ce n'est pas un vrai problème philosophique.
Chez François de Sale, dévotion = aimer un objet plus que soi-même.
17 septembre 2014.
Sur l'ascétisme comme violence contre soi : LACARRIERE, Les hommes ivres de Dieu et
MACAIRE, Weyergans.
KANT.
Critique
Critique de la raison pure 1781-87
Critique de la raison pratique 1788
Critique de la faculté de juger 1790
Métaphysique
Fondement de la métaphysique des mœurs 1785
Métaphysique des mœurs
Doctrine du droit 1796
Doctrine de la vertu 1797
KANT refuse catégoriquement l'eudémonisme en morale.
Dans la première section des Fondement de la métaphysique des mœurs = si on est doté de
la raison, il est douteux que notre fin soit le bonheur : il aurait mieux valu n'avoir que
l'instinct, organe du bonheur.
Préface de la Doctrine de la vertu = le critère de moralité est le devoir pas le bonheur.
Pourtant il concède à la fin que nous ne renonçons pas au bonheur car on peut espérer à terme
rencontrer le souverain bien, l'association vertu / bonheur.
Accusé d'ascétisme par SCHILLER : « Il reste en lui quelque chose qui fait penser à un moine qui
aurait sans doute forcé les portes de son couvent mais incapable d'en effacer l'empreinte ». Réponse
p.162-164 de la Doctrine de la vertu en dédoublant ascétisme moral / ascétisme monacal.
Ascétisme moral = respect de la loi morale avec gaîté vers l'amélioration de soi / ascétisme monacal
= fanatisme sinistre vers l'autopunition issu de la superstition et du dégoût de soi-même.
Pour SCHOPENHAUER, l'ascétisme n'est pas le problème de KANT car il reste négatif. Il loue sa
morale purifiée de tout eudémonisme bien qu'il ait « sournoisement » réintroduit le bonheur dans le
souverain bien, mais KANT s'est surtout trompé en énonçant la morale comme une loi impérative
[= devoir envers soi ; envers les autres ; envers Dieu] car loi implique sanction et récompense.
« Kant est resté Juif ».
Pour NIETZSCHE, il est resté théologien. Aurore, §339 : « Exiger que le devoir soit toujours
quelque peu importun comme le fait Kant revient à exiger qu'il ne devienne jamais habitude et
coutume : dans cette exigence se cache un petit reste de cruauté ascétique ».
BENTHAM.
Fragments sur le gouvernement, 1776 : il constate deux discours insatisfaisants sur le droit : le droit
de la tradition et le droit naturel = issu de la nature humaine, une aberration dangereuse et
indéfiniment litigieuse car on y met ce qu'on veut. C'est l'utilité qui doit fonder le critère de justice =
le plus grand bonheur du plus grand nombre.
Introduction aux principes de la morale et de la législation, ch2 sur l'ascétisme = le principe
d'ascétisme est l'exact opposé de l'utilitarisme car il approuve les actions qui diminuent le bonheur
et condamne le plaisir pour lui-même.
24 septembre 2014.
La note de BENTHAM sur l'origine factuelle de l'ascétisme* témoigne de la rareté de ce terme à
l'époque. L'ascétisme est aberrant car si Dieu est bienveillant, pourquoi nous demande-t-il de
souffrir maintenant pour être heureux ensuite ? L'ascétisme a cependant gagné « la grande masse de
l'humanité » car :
1 Philosophes et religieux ne sont qu'adversaires en apparence : ils s'accordent à
condamner le plaisir.
Nom
Motif
Intensité
Public
Philosophes
espoir
modérée
élites
Religieux
crainte
radicale
vulgaire
2 L'ascétisme est inconséquent car il est restreint à la morale et jamais appliqué en
politique.
Objection de Sparte mis en // avec un monastère, De l'esprit des lois, MONTESQUIEU,
1748 : « reste donc cette passion pour la règle même qui les affligent ». Il y a une vertu
politique = l'amour de la République et des Lois → Sparte = république ascétique.
BENTHAM l'écarte en considérant cet ascétisme comme une mesure de sécurité, donc
d'utilité.
Objection des communautés religieuses, ex des Quakers américains. BENTHAM répond
que ce n'est pas une contrainte : les gens choisissent de s'y joindre alors qu'une politique
ascétique infligerait la recherche de la douleur au plus grand nombre. Pour lui, l'ascétisme
est pronominal → Je me fais souffrir.
Objection de l'ascèse collective des monastères de Chénouti d'Atripé dont le principe était le
refus de toute individualité pour une psyché collective, LACARRIERE, Les hommes ivres
de Dieu, p.151.
3 Le fondement rationnel de l'ascétisme = mauvaise application du principe d'utilité. Les
ascètes partiraient du sophisme de chercher la douleur afin d'éviter tous les plaisirs sous prétexte
que certains d'entre eux sont sources de souffrance.
CL : L'ascétisme n'a pas de consistance philosophique chez BENTHAM, il est évoqué pour être
évacué en tant que sophisme qui aboutit à des pratiques aberrantes.
I Ascétisme comme pierre de touche de la philosophie, SCHOPENHAUER.
Le monde comme volonté et comme représentation, ch48 des suppléments.*
La vraie morale est ascétique → inscription dans le 19e : discussion sur le pessimisme vs optimisme
du 18e.
1 Volontés / représentations.
KANT : chose en soi = on n'y a jamais accès / phénomène = choses telles qu'elles nous apparaissent
dans l'espace et dans le temps.
SCHOPENHAUER : volonté / représentation.
Volonté = puissance antérieure à toute représentation hors de l'espace et du temps ; cherche à se
connaître elle-même ; s'incarne de l'inorganique à l'homme dans la représentation çad dans le temps
et l'espace.
§54, p.359 : « Le monde comme représentation offre à la Volonté le miroir où elle prend
connaissance d'elle-même ».
Objection d'être un cercle logique, Préface de J. ROGER, Fondement de la morale,
SCHOPENHAUER, p.33-34.*
2 Phénomènes / apparences.
La Volonté existe hors du temps / espace donc hors de la causalité → elle est libre.
Le phénomène kantien se transforme en apparence : seule la Volonté est réelle. Monde comme
représentation = apparence de la Volonté.
Vs KANT, Prolégomènes, Ière partie, Remarque 3 [= version abrégée de la Critique de la raison
pure] = les phénomènes ne sont pas des apparences mais les manifestations des choses en soi à
notre esprit. Prise de position contre l'idéalisme rêveur [prend les phénomènes pour des choses en
soi] et l'idéalisme visionnaire [prendre les choses en soi pour simples phénomènes].
1er octobre 2014.
Rappel :
Volonté / représentation
Phénomène / Apparence
Négativité / Affirmation
Phénomène / Apparence = lecture platonicienne de KANT cf Apendice « Critique de la philosophie
kantienne », PUF, p.525.
La distinction phénomène / chose en soi → Le monde qui frappe nos sens ne possède pas vraiment
l'être, il n'est qu'un devenir incertain, le percevoir est moins une connaissance qu'une illusion.
Devenir / Être = Représentation / Volonté.
S'accompagne d'une dévaluation de l'activité physique vs philosophie en tant qu'art, donc, mode
d'appréhension plus vrai. Ex : n'importe qui peut apprendre la physique mais pas à apprécier
Raphaël.
SCHOPENHAUER, adversaire de la philosophie de l'histoire çad = tout advient historiquement, est
inscrit dans un processus universel et irréversible orienté téléologiquement. [BINOCHE, La raison
sans l'histoire]. Car :
le temps n'est qu'une forme a priori de la sensibilité (KANT)
l'histoire est un spectacle inintéressant et navrant de la répétition de la sottise.
Il leur préfère les récits arétologiques [arété = vertu] : ascète > conquérant. Ex dans la Vie de Rancé
où CHATEAUBRIAND renverse les canons du genre.
L'individu n'existe que dans le monde phénoménal : ce n'est qu'une apparence !; « tat twam azi » =
tu es identique à cela [en sanskrit?]
Négativité / Affirmation.
« Cette vie dont il s'agit de vouloir ou de ne pas vouloir » [cf Shakespeare]. La philo morale se doit
d'exprimer conceptuellement ce que disent les religions, surtout l'hindouisme et le christianisme.
§4 du Fondement de la morale : il est absurde d'imposer une loi à la volonté : il faudrait que ça soit
l'attribut d'un sujet alors que tout un chacun ne fait qu'exprimer La Volonté.
Contrairement à la morale kantienne, la morale a une fonction descriptive = amener à la raison
l'affirmation et la négation de la Volonté.
La vie est souffrance car elle est vouloir = un désir sans fin qui oscille entre frustration et ennui.
« On ne peut assigner d'autre but à notre existence qu'il aurait mieux valu ne pas vivre ». La sagesse
consiste à ne pas vouloir.
La Volonté s'affirme dans l'instinct de préservation et de propagation de l'espèce (et donc de la
souffrance).
SAINT-AUGUSTIN, La cité de Dieu, L43, §13 : on parle de « parties honteuses » car les organes
sexuels sont le centre de la Volonté. Après le Péché Originel, Adam et Eve ont honte de leur nudité,
ce qui peut s'expliquer ainsi : les hommes ont désobéi à Dieu, en retour leurs corps leur désobéit
aussi.
Cependant il existe aussi un vouloir-vivre conscient : si l'individu n'existe pas, il n'y a pas de mort à
craindre : je suis identique à l'autre et donc devenir bon = ne pas se différencier d'autrui, humain
comme animal → la compassion = fondement de la morale.
*Lire Schopenhauer.
08 octobre 2014.
(!) 5 novembre : intervention d'un collègue grec sur BERGSON, Les deux sources de la morale et
de la religion, CH3.
Rappels :
Vouloir c'est vivre, vivre c'est souffrir, il faut évacuer le bonheur de la morale.
Affirmation de la volonté par 1/ préservation et propagation de la vie ; 2/ volonté de vivre en
toute connaissance de cause car chacun est identique à autrui donc la bonté vient de la pitié,
source de toute action morale [vs KANT : ce qui découle de la pitié n'est pas moral car la
pitié n'est qu'une inclination].
Rq : SCHOPENHAUER retrouve ROUSSEAU : chez lui l'égoïsme est un affect lié à une illusion
où autrui n'est qu'instrumental (moyen/obstacle).
// idée de l'égoïsme bourgeois chez MARX dans La question juive = critique des droits de l'homme
où la liberté s'arrête où commence celle d'autrui.
§65 : méchanceté = de l'égoïsme à la cruauté. Nul n'est plus dans l'illusion que le bourreau qui
peut tout de même souffrir de la souffrance de l'autre. [cf : R. ANTECME, L'espèce humaine =
déshumanisation des Juifs dans les camps pour éviter la compassion des bourreaux]
§54, p.362 : ne pas vouloir vivre = se comporter en ascète.
Ascèse = cruauté exercée sur soi issue de la compréhension de la Volonté → abandon de la Volonté.
Passage de la vertu à la pitié car la pitié est insupportable car il y a trop de souffrance. Ex :
crucifixion.
Deux voies → la connaissance ou la souffrance, ex de Job.
Que signifie la Volonté sans sujet distinct ? Parfois le philosophe devrait se faire face au
mysticisme. Prêtre > philosophe pour comprendre la Volonté.
Connaissance et ascétisme calment la souffrance.
Ascétisme vs suicide : le suicide est une marque intense de l'affirmation de la Volonté : on reste
victime de l'illusion de l'individuation en croyant que détruire l'individu = détruire la souffrance.
II La réévaluation de l'ascétisme, NIETZSCHE.
NIETZSCHE
Humain trop humain, §136-144.
Aurore, §18, §39, §113, §440
= critique de SCHOPENHAUER et de l'ascète.
Biographie de Nietzsche :
Fils de pasteur luthérien dans une famille où tous sont pasteurs d'où les nombreuses allusions
bibliques dans ses ouvrages. Il étudie la théologie, la philosophie et la philologie = étude des textes
anciens [=études très prestigieuses et érudites].
Découverte philosophique de SCHOPENHAUER, Le monde comme volonté et comme
représentation : il se demande comment être à la fois philologue et schopenhauerien/philosophe ?
Solution : être généalogiste. Rencontre de WAGNER, un schopenhauerien qui voit en Nietzsche un
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