sociaux de risque, de gravité et de protection - Crips Ile-de

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Chapitre IV Les facteurs psycho-
sociaux de risque, de gravité
et de protection
Jacques Béraud,
Daniel Marcelli,
Jean-Luc Venisse,
Michel Reynaud
I Présentation
Facteurs de risque, indicateurs de gravité, facteurs
de protection : éléments diagnostiques et pronostiques
L’installation d’un usage nocif puis, le cas échéant, d’une
dépendance dépend, outre les facteurs propres liés au produit, des
facteurs de risques individuels et environnementaux. La bonne
connaissance de ces facteurs de risques individuels ou d’environnement
est absolument capitale. Elle permet des actions de prévention ciblées sur
ces individus ou ces contextes de vulnérabilité, grâce à la mise en place
d’un soutien psychosocial adapté et précoce.
Le repérage de ces éléments individuels ou environnementaux
constitue également un élément diagnostic et pronostic de toute
première importance. En effet, l’existence de ces facteurs, lorsqu’elle
est conjointe à la consommation de produits psychotropes, laisse
fortement présager l’installation d’un usage nocif puis d’une dépendance.
En effet, ces facteurs sont à la fois facteurs de risque d’usage nocif
mais également indicateurs de gravité lorsque la consommation
nocive est installée : les travaux cliniques et épidémiologiques retrouvent
aussi bien comme facteurs de risques de l’usage nocif et de la dépendance
que comme les indicateurs de gravité de ces conduites.
À l’inverse, il faut noter que les facteurs de protection que nous
allons être amenés à décrire sont également des facteurs de bon
pronostic lorsqu’on les retrouve chez un sujet consommateur de
Extrait de : 
Usage nocif de substances psychoactives : identification des usages à risque, 
outils de repérage, conduites à tenir (rapport au Directeur Général de la Santé)
Reynaud M. dir. - Paris : La Documentation française, 2002
USAGE NOCIF DE SUBSTANCES PSYCHOACTIVES PREMIÈRE PARTIE
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psychotropes, que celui-ci soit un usager simple ou présente un usage
nocif ou une dépendance.
La description des éléments de vulnérabilité individuels ou sociaux
qui va suivre peut sembler concerner préférentiellement les sujets jeunes.
Ceci correspond également à l’apparence clinique car chez l’adolescent,
ce sont les éléments de souffrance individuelle ou sociale qui prennent le
devant du tableau, pouvant même masquer pour l’observateur un peu
averti des modalités de consommations à risque participant à cette
souffrance. Chez l’adulte, à l’inverse, les modalités de consommations
pathologiques sont souvent évidentes et dominent le tableau (d’autant que
la dépendance est souvent déjà présente ou en cours d’installation) : ces
modalités de consommation et les dommages entraînés rendent parfois
moins perceptibles les signes de vulnérabilité que nous allons décrire.
Pourquoi insister sur les caractéristiques
de vulnérabilité des enfants et des adolescents
La consommation de substances psychoactives apparaît, à notre
époque, de plus en plus répandue chez les enfants, et surtout chez les
adolescents. Les différents acteurs sociaux, scolaires, professionnels et
sanitaires, ainsi que les payeurs, doivent faire face à des comportements
nouveaux et sont sollicités pour donner des réponses pour lesquelles ils
ne sont pas préparés.
À ce titre, les différents déterminants qui interviennent,
individuels, socioculturels et environnementaux, doivent être mieux
connus de tous, d’autant plus qu’à cet âge l’évolutivité de la
consommation de substances psychoactives doit être considérée par
rapport à la globalité dynamique de l’individu, et non pas par rapport à la
seule stigmatisation du produit.
Chez l’enfant, les conduites de consommation sont moins bien
connues et ont été moins bien étudiées qu’à l’adolescence. Pourtant, elles
ont l’intérêt majeur de signaler des jeunes enfants pré-pubères à grand
risque car la consommation chez l’enfant semble refléter des facteurs
environnementaux (familiaux, sociaux, …) très défavorables.
Les difficultés de repérage clinique, à l’aide de critères
diagnostiques validés à cet âge et d’outils d’évaluation fiables rendent les
appréciations qualitatives et quantitatives de chacun encore très
subjectives, d’autant plus que les modes de consommation changent.
Avec l’apparition de « poly-consommations » et un âge de premier
contact avec le produit qui diminue, mieux connaître les facteurs de
vulnérabilité et de protection en fonction de l’âge, devrait aider chaque
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acteur à mieux repérer cette population à risque et à mettre en pratique
des conduites à tenir mieux adaptées.
II Les indicateurs de risques individuels
A Les caractéristiques de personnalité
et les signes de rupture dans le développement
Début des troubles dans l’enfance et à l’adolescence
D’un point de vue global et à travers l’apparente multiplicité et
complexité des situations individuelles, on peut d’emblée distinguer deux
types de situations à risques :
– d’une part les enfants ou adolescents qui présentent des troubles
psychiques ou somatiques en lien avec des antécédents
psychopathologiques précoces de la petite enfance, tels que des troubles
persistants du sommeil, une discontinuité précoce dans les relations
affectives familiales, des carences affectives et socio-éducatives
importantes, ainsi que des absences et des ruptures relationnelles
répétées ;
– d’autre part, l’émergence de difficultés au moment de l’adolescence,
telles que des symptômes dépressifs, des troubles du comportement de
type troubles des conduites sociales (absentéisme scolaire, fugues du
domicile parental, vols, bagarres, caractère agressif, …), des troubles
somatiques (malaises, …), qui s’opposent au profil précédent par leur
constitution spécifiquement marquée par la problématique de la
dépendance et du manque lors de l’adolescence (Marcelli, 1999) ;
– enfin l’adolescence en tant que telle et la période pubertaire en
particulier pourraient représenter une période de sensibilité particulière au
maintien prolongé d’une dépendance à un produit. Ainsi, DeWit et coll.
(2000) montrent dans leur enquête prospective que le pourcentage de
sujets ayant une consommation abusive ou une dépendance à l’acool, 10
ans après le début de leur consommation, est d’autant plus élevé que le
sujet a débuté sa consommation autour 11/14 ans.
Il convient de distinguer quelques spécificités cliniques en fonction
du sexe :
chez les filles : troubles somatiques, troubles névrotiques post-
traumatiques, dysthymies et trouble dépressif majeur, activité sexuelle
précoce avec grossesse à risque ;
chez les garçons : comportements perturbateurs avec hyperactivité et
déficit de l’attention, trouble des conduites sociales, trouble dépressif
majeur ; (Choquet et al, 1994 ; Fergusson et al, 1994 ; Clark et al, 1997 ;
Whitemore et al, 1997).
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Dans cette perspective de vigilance par rapport au début des
troubles, la précocité du début de la consommation de substances
psychoactives est un des facteurs les plus prédictifs de la survenue d’un
usage nocif à la fin de l’adolescence, indépendamment d’un trouble
associé (Brook et al, 1998 ; Bailly et al, 1997 ; 1999 ; Ledoux et al,
2000).
Les traits de personnalité et le tempérament
D’autres auteurs (Bailly et al, 1999), insistent plus sur les traits de
personnalité (manière d’être au monde, originale et personnelle, d’un
sujet, résultant des interactions entre le sujet et son environnement) tels
que :
– la faible estime de soi ;
– l’auto-dépréciation ;
– la timidité ;
– les réactions émotionnelles excessives ;
– la difficulté à faire face aux événements et à établir des relations stables
et satisfaisantes ;
– les difficultés à résoudre les problèmes interpersonnels.
D’autre part, il semble qu’en relation avec les facteurs de
personnalité, le tempérament puisse intervenir comme un ensemble
d’attitudes, de conduites et de comportements stables dans le temps, dont
certains se sont révélés particulièrement prédictifs de la survenue d’un
trouble lié à l’utilisation d’alcool et de drogues à l’adolescence. Masse et
al, 1997 ; Bailly et al, 1999)
On peut retrouver :
– un niveau élevé de recherche de sensations ;
– un niveau élevé de recherche de nouveautés ;
– un faible évitement du danger ;
– un niveau élevé d’activités comportementales associées à de faibles
capacités attentionnelles ;
– un niveau élevé de réactivité émotionnelle ;
– un retour lent à l’équilibre après un stress ;
– un faible niveau de sociabilité.
Ces études chez l’enfant et l’adolescent doivent être modulées et
prises avec plus de distance que chez l’adulte car la personnalité comme
le caractère, à ces âges de la vie, sont loin d’être fixés et sont voués au
changement.
Selon les produits
: pour le tabac, la recherche de nouveautés
serait prédictive de l’initiation tabagique, notamment quand elle est
associée à un score bas à l’échelle « d’évitement de la douleur ». La
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« dépendance à la récompense » évoquée par Zuckerman n’interviendrait
pas. En ce qui concerne l’alcool, une recherche de nouveautés élevée et
un faible évitement de la douleur serait prédictif de la consommation et
des ivresses. Ces deux dimensions prédiraient aussi l’initiation aux
drogues illicites (Masse et al, 1997).
Les perturbations du comportement
Les études réalisées sur les fils de pères alcooliques, au plan de la
personnalité, du tempérament et surtout du comportement retrouvent des
individus plus sensibles au renforcement négatif lié à l’hyper réactivité du
système nerveux autonome, avec un fonctionnement cognitif perturbé ou
déficitaire. Ces perturbations entrainent des difficultés de régulations
comportementales et des tendances agressives ou turbulentes déjà
remarquées précocement chez ces enfants à risque de consommation de
psychotropes à l’adolescence.
Ces problèmes de comportements perturbateurs précoces dans
l’enfance et notamment le caractère agressif sont très sensiblement
associés à l’émergence d’usage et d’abus de substances à l’adolescence et
chez l’adulte jeune.
Ces difficultés sont souvent accompagnées :
– de lacunes au niveau des habiletés sociales avec incapacité d’anticiper
les conséquences d’une action ;
– de manque d’autocontrôle ;
– de difficultés à s’affirmer ;
– d’un retrait social.
Tous ces facteurs de tempérament et de comportement semblent
largement sous-tendre l’émergence de troubles des conduites à l’enfance
tardive ou à l’adolescence, avec une exacerbation liée à l’influence
négative des familles, ce qui entraîne en particulier un manque de
renforcement positif des conduites appropriées. L’individu va donc
rechercher les regroupements en bandes de pairs déviants avec « leurs
normes », regroupements qui ne feront qu’accentuer l’augmentation du
trouble des conduites et l’utilisation et l’usage nocif de substances
psychoactives renforcés intrinsèquement par les liens de la bande et par
l’augmentation des conflits avec les pairs « normaux » (Vitaro et al,
1994).
Les événements de vie
Les événements de vie et les expériences individuelles ont aussi
une grande importance dans ces facteurs de vulnérabilité, notamment :
– la perte et le deuil ;
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