GEORGES CHARLES CITE LES CLASSIQUES
mercredi 22 décembre 2010
Les bases classiques
Les principes essentiels
Les explications complémentaires sur le service des plats et la table
En conclusion
Les bases classiques
La diététique chinoise (Yinshi) suscite bien des questions et motive bien des hypothèses
puisqu’elle est parfois, à tort, confondue avec la macrobiotique de Georges Osawa
(Nyoiti Sakurasawa) ou ses adaptations plus modernes (Michio Kushi et divers
disciples). Ce faisant, cette diététique est parfois décriée, comme le fait Etiemble, dans sa
préface aux « Philosophes taoïstes » parus à La Pléiade (NRF Gallimard) :
« Dans l’hebdomadaire le plus lu, je le crains, de nos compatriotes du sexe féminin, dans
l’un des plus lus, en tous cas, une zozote enseignait naguère comment pour se maintenir
en forme, en formes je suppose agréablement féminines, elle yinisait et yanguisait son
alimentation. A quoi un médecin répliquait bientôt qu’à ce régime , régime censément,
insencément de « longue vie », elle était bonne, et ses éventuelles sectatrices, pour
retourner sans tarder à son cher Tao : pour mourir ».
Ce que l’on sait moins, et que Etiemble ignorait également et superbement, c’est que l’un
des plus grands classiques de la Chine antique, le LIJI (Li Ki ou Livre des Rites) attribué à
Confucius, traite justement de diététique à de nombreuses reprises, allant même jusqu’à
donner des recettes particulières. Maître Kong est-il donc un « Zozo » ? Lui arrivait-il
aussi, de « yiniser ou de yanguiser » son alimentation ce qui lui aurait cessairement
valu les foudres de notre facultatif de service ? Quelques extraits choisis vous
permettront certainement de vous faire une idée sur ce sujet.
Tous ces extraits sont issus de « LI KI - Mémoires sur les Bienséances et les
Cérémonies » par Séraphin Couvreur S.J. Annales du Musée Guimet CATHASIA Série
culturelle des Hautes Etudes de Tien Tsin.
En préambule :
« Quelle que savoureuse que soit une viande, celui qui n’en n’a pas mangé n’en connaît
pas la bonté. Quelle que parfaite que soit une doctrine celui qui ne la pratique pas n’en
connaît pas l’excellence » LIJI Tome II 1 Chapitre XVI « Mémoire sur les Ecoles ».
« Les émanations de la Terre montent et celles du Ciel descendent. Les deux principes
Yin/yang entrent en contact et le Ciel et la Terre exercent leur action réciproque. La
naissance des différents êtres est provoquée par le murmure et le fracas soudain de
l’éclair et du tonnerre et accéléré par le vent et la pluie. Ils croissent sous l’influence des
quatre saisons et reçoivent la chaleur du soleil et la lumière de la lune. Ainsi s’opèrent
toutes les transformations ». LIJI Tome II 1 Chapitre XVII « Mémoire sur les Ecoles ».
Les principes essentiels :
« Toutes les boissons développent le principe Yang et tous les aliments le principe Yin »
LIJI I 1 Chapitre IX article 1.
« Les cinq saveurs qui se combinent de six manières différentes pour former les douze
espèces de mets se succèdent sans interruption et chacune d’elles est à son tour la base
de l’alimentation » « Les cinq saveurs sont la saveur acide, la saveur amère, la saveur
âcre, la saveur du sel, la saveur douce. La première convient au printemps, la deuxième
en été, la quatrième en automne, la cinquième en hiver. La saveur douce convient
également en toutes les saisons » LIJI I 2 Chapitre VII article 3.
« Les règles prescrivent de se conformer aux saisons de l’année, d’offrir des produits du
pays d’où l’on est, de s’accommoder aux désirs des esprits, aux inclinaisons des hommes,
à la nature des choses. Ainsi chaque saison a ses productions particulières ; chaque
terrain a ses plantes favorites. Ce que la saison n’a pas produit, ce que le sol n’a pas
nourri, un homme sage ne l’offre pas. Si les habitants d’une montagne offraient du
poisson ou des tortues de mer, si les habitants du bord d’un lac offraient des cerfs ou des
sangliers, un sage dirait qu’ils ne connaissent pas les règles ». LIJI I 2 Chapitre VIII article
1
« Pour ce qui concerne ces règles il faut considérer en premier lieu le temps, en second
lieu l’ordre établi par la nature, en troisième lieu la qualité, en quatrième lieu ce qui
convient à la qualité des personnes et des circonstances, en cinquième lieu la
proportion » LIJI I 2 Chapitre VIII article 1
« A la cour impériale les légumes conservés dans le sel et servis dans des vases en bois
ordinaire étaient des plantes aquatiques qui avaient joui de l’influence harmonieuse des
quatre saisons. Les viandes hachées conservées dans le vinaigre qui étaient contenues
dans ces vases étaient des viandes d’animaux terrestres ayant été élevés avec
précaution. Les vases de bois contenaient également des produits de la terre, des
légumes provenant de terrains secs et sains. D’autres hachis au vinaigre se composaient
de produits aquatiques et de poissons. Les vases de bambou contenaient soit des
produits aquatiques soit des produits provenant de terrains secs. On ne se permettait
pas d’offrir des choses de qualité ordinaire ou de mauvaise qualité, ni d’attacher plus
d’importance au plus grand nombre au détriment de la qualité. On montrait ainsi qu’on
voulait entrer en communication avec les esprits glorieux et non seulement préparer un
festin ». LIJI I 2 Chapitre 9 article 2
« Dans les sacrifices et les repas officiels les vins et les liqueurs les plus exquis venaient
après l’eau pure ; ainsi on rendait honneur à l’eau qui est la base de tous les aliments.
Ainsi dans le bouillon, principal on n’ajoutait aucun condiment parce qu’on aimait qu’il
fut sans apprêt superflu ». LIJI I 2 Chapitre 9 article 2
« Les condiments de bouillies correspondant au printemps étaient tièdes ; ceux des
potages correspondant à l’été étaient chauds ; ceux des viandes hachées et en conserve
correspondant à l’automne étaient frais ; ceux des boissons correspondant à l’hiver
étaient froids. Dans tous ces mélanges, au printemps il entrait beaucoup d’acides ; en été
beaucoup d’amers ; en automne beaucoup de substances âcres ; en hiver beaucoup de
substances salées. On y ajoutait également en fin de chaque saison des substances
onctueuses ou sucrées ». LIJI 1 2 Chapitre 10 article 1
Les explications complémentaires sur le service des plats et la table :
« Le riz glutineux allait bien avec la viande de bœuf, le millet glutineux avec la viande de
mouton, le millet blanc avec la viande de porc, le blé avec la chair de l’oie, le riz avec la
volaille, le riz violet avec le poisson. Il convenait de manger au printemps l’agneau et le
cochon de lait, en été le faisan et le poisson séché, en automne le veau et le mouton, en
hiver le poisson frais et l’oie. On servait également des tranches de bœuf aromatisées au
gingembre et des tranches de port aromatisées au poivre et à la cannelle. Il y avait, en
outre, de petits oiseaux, des cailles, des champignons nés sur les arbres ou sur le sol, des
châtaignes d’eau, des pédoncules et des racines douces, des légumes verts et colorés, des
concombres, des pêches, plusieurs sortes des prunes, des poires et divers autres fruits
frais et séchés. Lorsqu’il y avait du hachis on ne servait pas de viande séchée. A partir de
soixante ans on avait droit à chaque repas à un plat particulier bien préparé. Au hachis
on mêlait des oignons au printemps et de la moutarde en automne. Au cochon de lait on
ajoutait des poireaux au printemps et des renouées (navets) en automne. La brème et la
perche étaient cuites à la vapeur, les poulets rôtis ou cuits à l’étouffée. A ces mets on
ajoutait, en fonction des saisons, des herbes odoriférantes et des épices. On retirait de la
viande les os et les tendons, on secouait les poissons pour vois si ils étaient frais. La
viande crue était mise en hachis ou en très fines tranches comme des feuilles. A partir de
soixante dix ans on préparait des buffets spécifiques permettant de régénérer l’énergie
sans fatiguer le corps. Les hommes de cinquante ans consommaient des grains de qualité
supérieure. Ceux de soixante ans des viandes de qualité supérieures. Ceux de soixante
dix ans recevaient des aliments délicats comme les ailerons de requin et les nids
d’hirondelles. A quatre vingt dix ans toujours des friandises. Les vieillards de plus de
quatre vingt dix ans avaient toujours dans leurs chambres des liqueurs et des friandises
légères. Lorsque les vieillards quittaient leurs foyers il convenait de leur envoyer des
aliment délicats et des liqueurs fines partout où ils allaient. Pour préparer la riche
nourriture destinée aux vieillards on faisait frire la viande qui avait été conservée dans
le sel, on la mettait sur un plat de bouillie de millet et on arrosait de bouillon. On leur
faisait également cuire des aliments enveloppés dans une carapace d’argile afin d’en
conserver tous les sucs et toute l’essence vitale ». LIJI 2 1 Chapitre 10 article 2
« Dans les festins à la cour des princes feudataires les grains qui faisaient partie des
aliments étaient le millet glutineux, le millet non glutineux, le gros millet blanc, le riz. Les
uns et les autres avaient été récoltés à maturité parfaite. Les mets composés de viande
étaient sur la première rangée le bouillon de bœuf, le bouillon de mouton, le bouillon de
porc, la viande hachée assaisonnée au vinaigre, la viande de bœuf rôtie. Sur la deuxième
rangée la viande conservée en saumure ou au vinaigre, la viande de bœuf coupée en
morceau, la viande de bœuf hachée. Sur la troisième rangée la viande de mouton rôtie, la
viande de mouton coupée en morceaux, la viande de porc rôtie. Sur la quatrième rangée
la viande de porc coupée en morceau, la moutarde en branche, le poisson et le poisson
haché. Sur la cinquième rangée les faisans, les lièvres, les cailles, les perdrix. Les
boissons étaient d’abord deux espèces de liqueurs douces, l’une claire l’autre trouble,
toutes deux extraites du riz et du millet glutineux. Parfois la liqueur douce était
remplacée par une bouillie très claire. Les autres boissons étaient de l’eau vinaigrée, de
l’eau chaude parfumée, du jus de prunes, le jus de divers fruits mêlés ensemble et deux
sortes de liqueur dont l’une était incolore et l’autre blanchâtre. Les friandises étaient des
galettes faites de farine de blé ou de millet grillé et des gâteaux de farine de blé ou de riz.
Comme mets délicats il y avait de la chair d’escargots hachée et conservée dans le
vinaigre, la bouillie de riz que l’on mêlait avec du bouillon de viande séchée et le bouillon
de poulet, la bouillie de riz glutineux grossièrement moulu que l’on mêlait avec le
bouillon. A toutes ces sortes de mets on pouvait ajouter un ragoût composé de viande et
de riz mais on n’y mêlait pas de renouée ou d’oseille. On faisait cuire des cochons de lait
farcis de renouées avec des laiterons, des poulets farcis avec de la viande hachée, des
poissons également farcis mais de légumes ou avec des œufs de poissons. On mangeait la
viande aromatisée et chée avec des œufs conservés dans le sel ou la cendre, le bouillon
de viande séchée avec de la viande de lièvre ou de la viande de cerf, le hachis de poisson
avec de la moutarde fraîche, de la chair crue marinée au vinaigre. » LIJI I 2 Chapitre 10
article 1
« Chaque fois que l’on sert un repas on doit, d’après l’usage, placer les viandes non
désossées sur la partie gauche de la natte, l es viandes coupées en petits morceaux sur la
partie droite, le riz à gauche des convives, les potages à leur droite, les viandes hachées
et rôties au delà, le vinaigre et la saumure en deçà, les oignons crus et cuits à l’extrémité
gauche, les boissons fermentées ou non à droite. En plaçant les tranches de viande
séchées, on tourne vers la gauche des convives la partie la plus sèche, donc la plus grosse
extrémité, et vers la droite l’autre extrémité. Après qu’on ait mangé trois sortes de mets,
du riz, de la viande séchée et du rôti, le maître de maison donnant l’exemple, on mange
alors de la viande coupée en morceaux puis toutes les viandes non désossées et enfin les
autres plats. En mangeant avec d’autres ne vous hâtez pas de vous rassasier. Lorsque
vous mangez avec d’autres le même plat, n’ayez pas les mains humides de sueur. Ne
roulez pas le riz en boulettes pour en saisir et en manger beaucoup à la fois. Ne mangez
pas immodérément. N’avalez pas gloutonnement un grande quantité de bouillon. Ne
mangez pas en faisant du bruit avec la langue ou les lèvres. Ne remettez pas dans un plat
commun les aliments que vous avez touchés ou goûtés. Ne jetez pas les os aux chiens. Ne
saisissez pas les morceaux comme une proie que vous ne vouliez pas lâcher. Ne lancez
pas le riz en l’air pour le faire refroidir. En mangeant le millet ou d’autres petites
céréales n’utilisez pas les baguettes mais la cuillère. Ne buvez pas le bouillon sans
mâcher les herbes et aliments qu’il contient. Si il y a des herbes ou des aliments dans le
bouillon on se sert de baguettes et de la cuillère. Si il n’y en a pas on ne se sert que de la
cuillère. N’ajoutez aucun assaisonnement, ce serait montrer que le plat est mal préparé.
Ne vous curez pas les dents. Ne buvez pas la saumure ou la sauce. Les viandes bouillies
se déchirent avec les dents et non avec les doigts. N’avalez pas de morceaux de rôti sans
les mâcher. Après les grandes pluies on n’offre ni poisson ni tortue parce qu’ils abondent
et se vendent à bas prix. Les restes de nourriture peuvent être emportés mais ne
peuvent être offerts aux défunts ». LIJI I 1 Article 3.
« Lorsque l’on sert un poisson bouilli, grillé ou frit on tourne la queue vers celui à qui il
est présenté. On met à sa droite le ventre en hiver et à sa gauche le dos en été. Le bec des
amphores et des cruches est également tourné vers l’invité de marque ou le principal
convive » LIJI II 1 Chapitre 15 article 43.
En conclusion :
« Confucius aimait que sa bouillie fut faite d’un riz très pur et son hachis composé de
viande hachée très fin. Il ne mangeait pas de bouillie qui était moisie ou gâtée ni de
poisson ou de viande qui commençaient à se corrompre. Il ne mangeait pas d’un met qui
avait perdu sa couleur ou son odeur habituelle. Il ne mangeait pas un plat qui n’avait pas
été cuit suivant les règles ou un fruit qui n’était pas assez mur. Il ne mangeait pas ce qui
avait été mal découpé ou de manière irrégulière, ni ce qui n’avait pas été assaisonné de
manière convenable. Il ne mangeait rien de ce qui pouvait nuire à sa santé. Lors même
que les viandes abondaient il ne prenait pas plus de viande que de nourriture végétale. Il
ne mangeait jamais avec excès. Les quantités de boissons fermentées dont il usait
n’allaient jamais jusqu’à lui troubler la raison et encore moins la démarche. Il ne voulait
ni de viande, ni de légumes, ni de poisson qui eussent été achetés chez un inconnu de
peur qu’ils soient corrompus ou malsains. En prenant ses repas il ne discutait aucune
question. Ce sage aux heures de repas s’occupait de manger ; aux heures de repos il se
reposait. Même lorsqu’il n’avait sur sa table qu’une nourriture grossière et du bouillon
aux herbes, il ne manquait jamais d’en remercier ses ancêtres et de faire une offrande
respectueuse aux âmes des défunts. Quand le prince lui envoyait une nourriture
préparée, il la goûtait. Quand le prince lui envoyait de la nourriture crue, il la faisait
cuire. Lorsque le prince lui envoyait un animal vivant il l’élevait et le nourrissait.
Lorsqu’il mangeait à coté du prince, Confucius goûtait les mets non pas comme si il était
un convive mais un chef cuisinier. Ainsi il pouvait le conseiller utilement ». LUNYU Les
Entretiens - Livre V Chapitre X.
« L’alimentation équilibrée permet à l’homme de se maintenir en bonne santé. Un
régime inadéquat nuit à sa santé. Une alimentation appropriée aide le malade à
recouvrer la santé. Dans le cas contraire elle aggrave la maladie » JING GUI YAO LUE
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